Condamnation de Nicolas Sarkozy: défense et parquet poursuivent leur affrontement

Un croquis de la salle d'audience réalisé le 1er mars 2021 montre l'ancien président français Nicolas Sarkozy (à gauche) et ses deux coaccusés, son avocat Thierry Herzog (au centre) et l'ancien magistrat principal Gilbert Azibert (à droite) lors de l'audience finale d'un procès pour corruption, le 1 mars 2021 (Photo, AFP)
Un croquis de la salle d'audience réalisé le 1er mars 2021 montre l'ancien président français Nicolas Sarkozy (à gauche) et ses deux coaccusés, son avocat Thierry Herzog (au centre) et l'ancien magistrat principal Gilbert Azibert (à droite) lors de l'audience finale d'un procès pour corruption, le 1 mars 2021 (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mardi 02 mars 2021

Condamnation de Nicolas Sarkozy: défense et parquet poursuivent leur affrontement

  • Les trois hommes, qui contestent les accusations, ont fait appel. Un deuxième procès devrait avoir lieu courant 2022
  • «Le jugement est nécessairement un mauvais jugement dans la mesure où on valide une procédure qui est mauvaise, irrégulière, pétrie de mensonges éhontés», a estimé Me Dominique Allegrini, l'avocat de Gilbert Azibert

PARIS: Les avocats de la défense et le parquet national financier (PNF) ont commencé mardi à affûter leurs arguments en vue du procès en appel de Nicolas Sarkozy, condamné la veille à un an de prison ferme pour « corruption » et  « trafic d'influence » dans l'affaire dite « des écoutes ». 

« Jugement extrêmement sévère » et « peines totalement injustifiées »: la défense a vivement critiqué le lourd jugement rendu par le tribunal correctionnel de Paris contre l'ancien président, ainsi qu'à son avocat historique Thierry Herzog et à l'ex-magistrat Gilbert Azibert. 

Les trois hommes, qui contestent les accusations, ont fait appel. Un deuxième procès devrait avoir lieu courant 2022.  

« Il n'aurait pas dû y avoir de condamnation du tout », a estimé sur BFMTV Me Hervé Temime. Si le conseil de Me Herzog réfute l'idée d' « une décision politique », la présence au côté de son client de Nicolas Sarkozy a « joué ». « Je ne suis pas certain qu'ils aient eu le droit à une justice impartiale », a-t-il estimé.    

Les relations des magistrats avec Nicolas Sarkozy quand il était président ont souvent été tendues, parfois exécrables, notamment lorsqu'il les avait qualifiés de « petits pois ». A droite, des soutiens de l'ancien chef de l’Etat ont dénoncé dès lundi « un acharnement judiciaire » et une volonté de « vengeance ».  

« Beaucoup de choses ont dysfonctionné. Le PNF a été très habile dans sa communication en instrumentalisant un combat qui est un combat purement juridique », a jugé sur France Inter l'avocate de M. Sarkozy, Jacqueline Laffont. 

« Pas de politique » 

Le procureur national financier Jean-François Bohnert a balayé sur RTL ces commentaires: « la justice politique renvoie à d'autres pays, d'autres sphères géographiques ». 

« Le PNF ne fait pas de politique, le PNF ne connaît pas d'infractions politiques, le PNF connaît des infractions économiques et financières qui ont parfois » une coloration politique »par la qualité politique des personnalités » mises en cause, a-t-il ajouté, en soulignant que sur 605 procédures suivies par sa juridiction, seules »quelques dizaines concernent des personnalités politiques ». 

M. Sarkozy a été jugé comme n'importe quel autre citoyen français, a insisté Jean-François Bohnert. 

« Si les infractions sont constituées - c'était la thèse du parquet, c'est aujourd'hui la thèse du tribunal- nous ne pouvions pas faire autrement que de poursuivre et de requérir la condamnation », a-t-il fait valoir. 

Sur le fond, la défense a continué à pilonner un dossier « vide ». 

« Le jugement n'a pas été en mesure de trouver des preuves, il a fallu qu'il fasse recours à des faisceaux d'indices », a estimé Me Laffont. 

« Quand on a des preuves contraires, le faisceau d'indices doit s'effacer », s'est insurgé Dominique Allegrini, l'avocat de Gilbert Azibert. 

M. Bohnert s'est au contraire félicité que « le tribunal (prenne) soin de décortiquer sur 254 pages les éléments de preuves qui apparaissent dans le dossier ». 

« Dérives » 

Les conseils de la défense ont à nouveau dénoncé les écoutes de conversations entre Nicolas Sarkozy et son avocat, qualifiées de déloyales mais validées par la Cour de cassation, et l'épluchage des relevés téléphoniques de pénalistes (les « fadettes ») dans une enquête préliminaire incidente pour débusquer une éventuelle taupe ayant prévenu les mis en cause qu'ils étaient sur écoute. 

Cette enquête a été classée près de six ans après son ouverture et « cachée » à la défense, selon eux. 

« Des dérives absolument monumentales », a commenté Me Temime. 

« Le jugement est nécessairement un mauvais jugement dans la mesure où on valide une procédure qui est mauvaise, irrégulière, pétrie de mensonges éhontés », a estimé Me Allegrini. 

Trois magistrats du PNF, dont son ancienne cheffe Eliane Houlette, sont visés par une enquête administrative dont les conclusions sont attendues prochainement.  

Le patron du PNF a jugé « injustes » les critiques formulées régulièrement contre son parquet, provenant notamment de celui qui est désormais garde des Sceaux, l'ancien avocat Eric Dupond-Moretti.  

Depuis sa création fin 2013, le PNF « a ramené aux caisse de l'Etat la rondelette somme de 10 milliards d'euros par le biais de confiscations et d'amendes », a rappelé M. Bohnert. 

« Nos institutions fonctionnent. La justice, indépendante, vient de condamner un ancien président de la République, un avocat à la carrière brillante, un magistrat admiré », s'est réjouie dans Libération l'ancienne juge et députée européenne Eva Joly. « Il n'y a pas de gouvernement des juges », a renchéri l'ancienne magistrate Laurence Vichnievsky. 


Légion d'honneur, Sarkozy « prend acte », rappelant que la CEDH doit encore examiner son recours

La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
La Cour d'appel a confirmé l'année dernière la condamnation de l'ancien président français Nicolas Sarkozy pour avoir tenté illégalement d'obtenir des faveurs d'un juge et lui a ordonné de porter un bracelet électronique à la cheville au lieu de purger une peine d'un an de prison. (Photo d'archive AFP)
Short Url
  • L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 
  • Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain.

PARIS : L'ancien président Nicolas Sarkozy a « pris acte » dimanche de son exclusion de la Légion d'honneur et rappelle que la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) doit encore se prononcer sur son recours dans l'affaire des écoutes, a indiqué son avocat Patrice Spinosi dans une déclaration transmise à l'AFP.

« Nicolas Sarkozy prend acte de la décision prise par le grand chancelier. Il n’a jamais fait de cette question une affaire personnelle », a affirmé Patrice Spinosi, soulignant que si l'ancien chef de l'État « a fait valoir des arguments juridiques, c’était au nom de la fonction même de président de la République ».

L'ex-président (2007-2012) a rappelé que son recours devant la CEDH « est toujours pendant ». Il l'avait déposé après sa condamnation devenue définitive en décembre, à un an de prison ferme pour corruption dans l'affaire des écoutes. 

« La condamnation de la France (par la CEDH) impliquera la révision de la condamnation pénale prononcée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, en même temps que l’exclusion de l’ordre de la Légion d’Honneur ; l’une n’étant que la conséquence de l’autre », a assuré Patrice Spinosi.

Nicolas Sarkozy, déjà exclu de l'ordre national du Mérite, est ainsi devenu le deuxième chef de l'État français privé de cette distinction, après le maréchal Pétain, à qui la Légion d'honneur avait été retirée en 1945 pour haute trahison et intelligence avec l'ennemi.

« Ce lien avec le maréchal Pétain est indigne », a déclaré la porte-parole du gouvernement Sophie Primas (LR), prenant « acte » elle aussi de cette décision « automatique qui fait partie du code de la Légion d’Honneur ».

« Le président Sarkozy a été là pour la France à des moments extrêmement compliqués », a-t-elle déclaré, se disant « un peu réservée non pas sur la règle, mais sur ce qu’elle entraîne comme comparaison ».

« C'est une règle, mais c'est aussi une honte », a déploré sur franceinfo Othman Nasrou, le nouveau secrétaire général de LR et proche de Bruno Retailleau, apportant son « soutien et son respect » à l'ex-président.

À gauche, le député écologiste Benjamin Lucas s'est félicité de la décision, appelant sur X à ce que « la République prive de ses privilèges et de son influence institutionnelle celui qui a déshonoré sa fonction et trahi le serment sacré qui lie le peuple à ses élus, celui de la probité ».


Echanges de frappes entre Israël et l'Iran : la France renforce la vigilance sur son territoire

 Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau  (Photo AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau (Photo AFP)
Short Url
  • « Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme
  • Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

PARIS : Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau a appelé les préfets à renforcer la vigilance sur le territoire national. Il a notamment demandé de cibler les lieux de culte, les rassemblements festifs et les intérêts israéliens et américains. Cette demande a été transmise par télégramme. Elle a été envoyée vendredi. Cela fait suite à l'attaque israélienne en Iran.

« Il convient de porter une vigilance particulière à l'ensemble des sites qui pourraient être ciblés par des actes de terrorisme ou de malveillance de la part d'une puissance étrangère », a-t-il indiqué dans un télégramme consulté par l'AFP, alors qu'Israël et l'Iran poursuivaient leurs échanges de frappes meurtrières.

Les hostilités ont été déclenchées par une attaque israélienne massive contre des sites militaires et nucléaires iraniens, à laquelle Téhéran riposte avec des missiles balistiques. 

Dans ce contexte, M. Retailleau demande aux préfets de porter « une attention particulière » à la sécurité des lieux de culte, des établissements scolaires, des établissements publics et institutionnels, ainsi que des sites à forte affluence, notamment au moment des entrées et des sorties, et ce, incluant les « rassemblements festifs, culturels ou cultuels ».

Ces mesures de protection renforcée s'appliquent également aux « intérêts israéliens et américains ainsi qu'aux établissements de la communauté juive ».

Le ministre a appelé à la mobilisation des services de renseignements, des forces de sécurité intérieure, des polices municipales et des élus locaux, ainsi que du dispositif Sentinelle.

Vendredi soir, le président Emmanuel Macron a annoncé un « renforcement » du dispositif Sentinelle, qui déploie des militaires en France, « pour faire face à toutes les potentielles menaces sur le territoire national ».


Selon ManPowerGroup, l'IA pourrait réduire l'importance des « compétences » dans le recrutement

Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Des visiteurs font le tour des stands du salon VivaTech dédié aux start-ups technologiques et à l'innovation, à Paris Expo Porte de Versailles, à Paris, le 12 juin 2025. (Photo de Thomas SAMSON / AFP)
Short Url
  • L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences ».
  • « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

PARIS : L'irruption de l'intelligence artificielle (IA) bouleverse le marché du travail ainsi que les modes de recrutement et pourrait amener les employeurs à privilégier le « potentiel » des candidats plutôt que leurs « compétences », selon un dirigeant de ManPowerGroup.

En effet, « les compétences pourraient s'avérer obsolètes dans six mois », explique Tomas Chamorro-Premuzic, directeur de l'innovation du géant américain du travail temporaire, rencontré par l'AFP au salon Vivatech, à Paris, qui ferme ses portes samedi.  Selon lui, « il vaut mieux savoir que vous travaillez dur, que vous êtes curieux, que vous avez de bonnes aptitudes relationnelles et ça, l'IA peut vous aider à l'évaluer ».

Selon l'Organisation internationale du travail (OIT), « un travailleur sur quatre dans le monde exerce une profession plus ou moins exposée à l'IA générative, mais la plupart des emplois seront transformés au lieu d'être supprimés, car une intervention humaine reste indispensable ».

Cependant, les tâches informatiques (utilisation d'Internet, messagerie, etc.) pouvant être accomplies de manière autonome par des agents d'IA connaissent une « rapide expansion ». 

Dans ce contexte, les employeurs pourraient rechercher de plus en plus de salariés dotés de compétences hors de portée de l'IA, telles que le jugement éthique, le service client, le management ou la stratégie, comme l'indique une enquête de ManpowerGroup menée auprès de plus de 40 000 employeurs dans 42 pays et publiée cette semaine.

M. Chamorro-Premuzic déplore toutefois que ces compétences ne soient pas encore davantage mises en avant dans la formation. « Pour chaque dollar que vous investissez dans la technologie, vous devez investir huit ou neuf dollars dans les ressources humaines, la transformation culturelle, la gestion du changement », dit-il.

Les craintes d'un chômage de masse provoqué par l'IA restent par ailleurs exagérées à ce stade, estime le dirigeant, malgré certaines prédictions alarmistes.

D'après Dario Amodei, patron de la société d'intelligence artificielle Anthropic, cette technologie pourrait faire disparaître la moitié des emplois de bureau les moins qualifiés d'ici cinq ans. 

« Si l'histoire nous enseigne une chose, c'est que la plupart des prévisions sont fausses », répond M. Chamorro-Premuzic.

Concernant le recrutement, activité principale de ManPowerGroup, le dirigeant ajoute que « les agents d'intelligence artificielle ne deviendront certainement pas le cœur de notre métier dans un futur proche ». Il constate également que l'IA est utilisée par les demandeurs d'emploi.

« Des candidats sont capables d'envoyer 500 candidatures parfaites en une journée, de passer des entretiens avec leurs bots et de déjouer certains éléments des évaluations », énumère-t-il.