Turquie: Le plan d’action pour les droits de l’homme «ignore les atteintes aux libertés»

Le président Erdogan a annoncé mardi une série de réformes visant à améliorer les droits de l'homme dans le pays, mais des critiques ont remis en question leur efficacité dans l'amélioration des normes. (AP)
Le président Erdogan a annoncé mardi une série de réformes visant à améliorer les droits de l'homme dans le pays, mais des critiques ont remis en question leur efficacité dans l'amélioration des normes. (AP)
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Publié le Jeudi 04 mars 2021

Turquie: Le plan d’action pour les droits de l’homme «ignore les atteintes aux libertés»

  • Le plan vise à renforcer la liberté d'expression, les normes internationales relatives aux droits de l'homme et le système judiciaire, mais ne permet pas de détailler les mesures spécifiques concernant les détentions arbitraires
  • La Turquie est toujours un des pays qui emprisonne le plus de journalistes dans le monde

ANKARA: Le plan d'action pour les droits de l'homme tant attendu du président turc, Recep Tayyip Erdogan, ne reconnaît pas la détérioration significative des libertés individuelles au cours de la dernière décennie, affirment les critiques.

Le plan, qui a bénéficié d’un financement européen à hauteur de 1,3 million de livres turques (177 000 dollars: 1 dollar = 0,82 euro), a été dévoilé mardi par le dirigeant turc.

Erdogan a déclaré que le but du plan d'action «est de créer une nouvelle Constitution civile». Ce plan vise à renforcer la liberté d'expression, les normes internationales relatives aux droits de l'homme et le système judiciaire, mais ne permet pas de détailler les mesures spécifiques concernant les détentions arbitraires, les emprisonnements de longue durée ou les restrictions des manifestations.

Les juristes et les citoyens n’attendent cependant pas plus de paroles, mais des actes des dirigeants du pays au regard du faible bilan de la Turquie en matière de droits de l’homme, avec l’emprisonnement de milliers de journalistes, de politiciens et de militants des droits de l’homme pour des accusations liées au terrorisme.

Parmi eux figurent le philanthrope Osman Kavala et le politicien kurde et ancien chef du troisième plus grand parti parlementaire, le Parti démocratique du peuple (HDP), Selahattin Demirtas. Ces deux cas très médiatisés constitueront un test décisif de la volonté du gouvernement de respecter ses promesses de renforcement des droits et libertés.

Le 10 février, le département d'État américain a exhorté Ankara à libérer immédiatement Osman Kavala, qui est détenu depuis plus de trois ans sans condamnation.

Le fait que la Turquie ne libère pas Osman Kavala – ignorant les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) – devrait déclencher une procédure d’infraction du Conseil de l’Europe contre Ankara. Washington et Bruxelles ont exhorté la Turquie à se conformer aux décisions de la CEDH concernant la libération d’Osman Kavala et de Selahattin Demirtas.

Bien que le président turc ait déclaré mardi que personne ne peut être privé de liberté à cause de ses pensées, la détention d’Osman Kavala a été prolongée à plusieurs reprises par les tribunaux locaux, la Cour constitutionnelle turque ayant bafoué la décision de la CEDH sur son droit à la liberté.

«Nous n'arroserons pas toutes les fleurs que nous verrons. Alors qu'arroser une fleur avec la tête penchée signifie justice, arroser une épine signifie cruauté», a déclaré Recep Tayyip Erdogan mardi, laissant entendre que les réformes seront mises en œuvre de manière sélective.

La Turquie publiera également un rapport annuel sur les droits de l'homme et un comité spécifique sera chargé de surveiller le respect des droits de l'homme dans les prisons.

«Sans action, les promesses de la Turquie en matière d'État de droit ne font que souligner les actes répréhensibles de ses dirigeants, tels que la qualification systématique de la dissidence et des protestations de «terrorisme», les détentions arbitraires, les verdicts prononcés contre les opposants politiques, ignorant la Cour européenne des droits de l'homme», a tweeté l’ancien ambassadeur de l'Union européenne (UE) en Turquie et analyste chez Carnegie Europe.

Sezgin Tanrikulu, un député du principal parti d'opposition (Parti républicain du peuple – CHP), a critiqué le plan, affirmant qu'il montre que le gouvernement a violé les droits de l'homme et tente maintenant de justifier les violations commises dans le passé.

La Turquie est toujours un des pays qui emprisonne le plus de journalistes dans le monde.

«Dans une communication de janvier au Comité des ministres sur l'arrêt Kavala, le gouvernement a fait explicitement référence aux travaux en cours concernant le plan d'action pour les droits de l'homme, afin de convaincre le comité de sa volonté d'améliorer la situation des droits de l'homme dans le pays», a déclaré à Arab News Ayse Bingol Demir, avocate spécialisée dans les droits de l'homme et codirectrice du projet d'appui aux litiges en matière de droits de l'homme en Turquie.

Ayse Bingol Demir souligne que le lancement par le gouvernement du plan d’action pour les droits de l’homme intervient quelques jours avant la réunion du Comité des ministres du 9 au 11 mars au cours de laquelle le respect par la Turquie des arrêts Kavala et Demirtas de la Cour européenne sera examiné.

«Cette réunion est particulièrement importante car la commission examinera également s’il convient de déclencher une procédure d'infraction contre la Turquie en relation avec l'affaire Kavala, en raison de la détention de ce dernier malgré les deux décisions précédentes de la commission et une résolution intérimaire appelant, entre autres, à sa libération immédiate», explique-t-elle.

Mme. Demir attend de la Turquie qu'elle poursuive ses efforts pour empêcher ou retarder «cette étape exceptionnelle».

«Inutile de dire que la perspective présentée au monde extérieur dans le plan d’action ne correspond pas du tout à la terrible réalité sur le terrain et à la crise que connaît l’État de droit dans le pays, résultant des politiques et des pratiques de la même personne qui l'a présenté», ajoute-t-elle.

Bien que cette dernière décision du gouvernement puisse recevoir quelques «félicitations diplomatiques»  du Conseil européen, Ayse Bingol Demir précise: «Tant qu’Osman Kavala et Selahattin Demirtas resteront en détention, je ne m'attends à aucun changement en faveur de la Turquie au niveau du comité.»

Le jour même où le plan d'action a été dévoilé, la Cour de cassation a ouvert une enquête sur le HDP en relation avec une récente inculpation contre des membres du parti.

Cette décision, soutenue par le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir et son allié nationaliste MHP, est considérée comme une nouvelle étape vers la fin du parti. Des accusations liées au terrorisme se sont intensifiées contre ce dernier après qu'Ankara a affirmé que des otages turcs avaient été tués par le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un parti considéré comme illégal dans le nord de l'Irak depuis le mois dernier.

«Si Dieu le veut, nous fermerons le HDP», a déclaré mardi Cahit Ozkan, vice-président du groupe parlementaire de l'AKP, après le discours du président Erdogan, suscitant à nouveau des inquiétudes quant à la sincérité des réformes promises.

Des milliers de responsables et de membres du HDP ont déjà été arrêtés, tandis que des dizaines de ses maires élus ont été démis de leurs fonctions.

La Turquie s'est classée 107e sur 128 pays dans le dernier indice de l'État de droit du World Justice Project, qui se concentre sur la corruption, les droits fondamentaux, l'application de la réglementation et la justice civile.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
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  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.


Pour Aoun, le Liban «n'a pas d'autre choix que de négocier avec Israël»

Israël a bombardé le Liban à plusieurs reprises malgré le cessez-le-feu de novembre 2024 qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, multipliant les attaques ces derniers jours. (Reuters)
Israël a bombardé le Liban à plusieurs reprises malgré le cessez-le-feu de novembre 2024 qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, multipliant les attaques ces derniers jours. (Reuters)
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  • Joseph Aoun réaffirme l'engagement de Beyrouth en faveur d'un dialogue sans guerre, tout en admettant qu'Israël reste un "ennemi"
  • Les frappes aériennes israéliennes tuent deux personnes, dont un commandant du Hezbollah précédemment blessé dans l'explosion d'un téléavertisseur

BEYROUTH : Le président libanais Joseph Aoun a réaffirmé lundi son engagement à négocier avec Israël, affirmant que son pays n'avait "aucune option" en la matière.

Toutefois, il a ajouté : "La négociation n'est pas menée avec Israël : "La négociation ne se fait pas avec un ami ou un allié, mais avec un ennemi.

"Le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre, dont nous avons vu ce qu'elle nous a fait subir.

Selon le bureau des médias du palais présidentiel, M. Aoun a réaffirmé son attachement au "langage diplomatique adopté par nous tous, du président du Parlement Nabih Berri au Premier ministre Nawaf Salam".

Le Liban reste attaché au cadre de négociation "à travers le Comité du mécanisme", qui est limité aux représentants militaires, avec la possibilité d'inclure des civils conformément à une proposition américaine présentée la semaine dernière par Morgan Ortagus aux responsables libanais.

Les remarques de M. Aoun font suite à l'intensification des attaques israéliennes sur le Sud-Liban visant à accroître la pression sur le Hezbollah pour qu'il désarme.

Une frappe aérienne israélienne a visé une moto à Aita Al-Shaab, tuant son conducteur. Il s'agit de la deuxième frappe en l'espace de quelques heures.

Des médias proches du Hezbollah ont rapporté que l'homme tué était Youssef Naameh, le frère de deux autres personnes tuées précédemment dans des frappes israéliennes.

Lors d'une frappe précédente, les forces de défense israéliennes ont visé la ville de Doueir dans le district de Nabatieh, tuant une personne et en blessant sept autres, selon un communiqué du ministère libanais de la santé.

Plusieurs médias libanais ont rapporté que l'homme tué était le commandant du Hezbollah Mohammed Ali Hadid, qui avait déjà été blessé lors de l'explosion d'un téléavertisseur par le Mossad en septembre 2024 - une opération dont Israël n'a jamais officiellement revendiqué la responsabilité.

Selon certaines informations, M. Hadid avait survécu à une première frappe israélienne dimanche dans la ville de Zefta, dans le sud du pays, au cours de laquelle des drones israéliens avaient lancé au moins trois missiles sur une cible. Ces frappes n'ont toutefois pas atteint l'objectif visé.

Des images diffusées en ligne montrent la voiture visée en proie à de violentes flammes, tandis que les équipes de pompiers luttent contre les effets de la frappe, qui a également provoqué l'incendie de plusieurs voitures en stationnement.

Un complexe commercial contenant des magasins et des restaurants a également été endommagé.

La chaîne israélienne Channel 12 a rapporté que les récentes attaques israéliennes faisaient suite aux commentaires d'une "source de sécurité israélienne" dimanche.

Cette source a déclaré que "l'État libanais ne pénètre pas dans certaines zones où le Hezbollah opère et, si l'on nous demande d'agir, nous savons comment augmenter le rythme des attaques au Liban si nécessaire".

L'escalade des frappes israéliennes a porté à 16 le nombre de morts en moins d'une semaine, la plupart étant des membres du Hezbollah.

Samedi, une frappe aérienne meurtrière sur la ville de Kfar Roummane à Nabatieh a tué quatre membres du Hezbollah et blessé trois passants.

Une source de sécurité s'attend à une escalade des attaques israéliennes au cours des derniers mois de l'année, qui est la date limite fixée par l'armée libanaise pour achever le plan de désarmement au sud de la ligne Litani.

Le ministre israélien de la défense, Israël Katz, a accusé dimanche le Hezbollah de "jouer avec le feu". Il a déclaré qu'il tenait le gouvernement et le président libanais "responsables des atermoiements dans le respect de leurs engagements concernant le désarmement du parti et son retrait du sud".

Il a également affirmé qu'"Israël continuera à appliquer une politique de riposte maximale dans ses opérations militaires et n'autorisera aucune menace visant les résidents du nord", appelant les autorités libanaises à "assumer pleinement leurs responsabilités pour assurer la stabilité et empêcher l'escalade".


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.