La France, grand pays nucléaire à la croisée des chemins

Une photo montre des réacteurs lors d'un exercice de la Force d'Action Rapide du Nucléaire (FARN) à la centrale nucléaire de Paluel le 20 janvier 2021. La création de la FARN a été décidée en avril 2011, quelques semaines seulement après la catastrophe au Japon, qui a poussé l'Allemagne à abandonner le nucléaire et contraint les opérateurs à renforcer leur sécurité. Sameer Al-DOUMY / AFP
Une photo montre des réacteurs lors d'un exercice de la Force d'Action Rapide du Nucléaire (FARN) à la centrale nucléaire de Paluel le 20 janvier 2021. La création de la FARN a été décidée en avril 2011, quelques semaines seulement après la catastrophe au Japon, qui a poussé l'Allemagne à abandonner le nucléaire et contraint les opérateurs à renforcer leur sécurité. Sameer Al-DOUMY / AFP
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Publié le Vendredi 05 mars 2021

La France, grand pays nucléaire à la croisée des chemins

  • La France, championne du nucléaire civil, veut diversifier ses sources de production d'électricité et hésite aujourd'hui à renouveler son parc vieillissant
  • Le pays produit quelque 70% de son électricité grâce à ses centrales, dont la durée de vie a été rallongée jusqu'à 50 ans. L'objectif est de ramener ce chiffre à 50% en 2035 afin notamment de permettre l'essor des renouvelables

PARIS : Dix ans après Fukushima, la France, championne du nucléaire civil, veut diversifier ses sources de production d'électricité et hésite aujourd'hui à renouveler son parc vieillissant.

Le pays produit quelque 70% de son électricité grâce à ses centrales, dont la durée de vie a été rallongée jusqu'à 50 ans. L'objectif est de ramener ce chiffre à 50% en 2035 afin notamment de permettre l'essor des renouvelables. 

Une première étape symbolique a d'ailleurs été franchie l'an dernier avec l'arrêt des deux réacteurs de la centrale de Fessenheim (est).  Mais alors que le parc - construit majoritairement dans les années 1980- commence à vieillir, le pays n'a pas encore décidé de son avenir.

La France envisage de construire 6 réacteurs de nouvelle génération EPR, et EDF doit présenter un dossier complet au gouvernement à la mi-2021. Mais la décision ne sera prise que lors du prochain quinquennat. L'exécutif veut en effet attendre le démarrage de l'EPR de Flamanville (ouest), attendu fin 2022, après de nombreux retards et péripéties: il aura au moins dix ans de retard et ses coûts ont été multipliés par plus de trois. En attendant, le secteur doit se contenter de déclarations de soutien du président Emmanuel Macron. "Notre avenir énergétique et écologique passe par le nucléaire", a-t-il plaidé en décembre lors d'une visite à l'industriel Framatome.

La ministre de la Transition écologique - en charge de l'énergie - Barbara Pompili est toutefois une opposante de longue date à l'atome. Elle a salué comme un "moment copernicien" la publication d'un rapport montrant que la France pourrait tirer l'essentiel de son électricité des énergies renouvelables à l'horizon 2050, à condition de remplir une série de conditions techniques.

"Quel est le choix que nous faisons après 2035 concernant notre production d'électricité: est-ce que nous relançons le nucléaire en relançant de nouvelles centrales ou est-ce que nous décidons de laisser le parc nucléaire actuel finir sa vie et nous le remplaçons par des énergies renouvelables?", s'interroge la ministre dans un entretien à l'AFP. "Le choix ne sera pas fait par moi, il ne sera pas fait par certains qui ont l'impression que donner le choix aux citoyens n'est pas utile, il sera fait par les citoyens, en tout cas c'est ce que je souhaite", prône-t-elle.

"Atout climatique"

"Le fait que Barbara Pompili ait ce discours, c'est plutôt une bonne chose. Après, dans la réalité, on est assez inquiets et méfiants", réagit Nicolas Nace, chargé de campagne chez Greenpeace, ONG opposée au nucléaire. "Ce qu'on constate depuis plus de 50 ans, c'est que ces questions énergétiques ont totalement été écartées du débat public et qu'en fait c'est plutôt EDF (Electricité de France, ndlr), les industriels du nucléaire et l'Etat qui décident de la politique énergétique en France", juge-t-il.

Le débat pour l'avenir comporte de nombreux paramètres: faisabilité, coût, sûreté, déchets, conséquences sociales pour un secteur nucléaire qui revendique plus de 220.000 salariés... Et, de plus en plus, l'urgence climatique. Une question devenue centrale que pro-nucléaires et anti-nucléaires utilisent avec des conclusions différentes.

Pourquoi construire de nouveaux réacteurs? "Aujourd'hui, la première raison, qui malheureusement n'est pas suffisamment connue du grand public, c'est le fait que c'est une filière qui est très très décarbonée", déclare Cécile Arbouille, déléguée générale du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (GIFEN). 

Le PDG d'EDF vante ainsi l'"atout climatique" de son parc nucléaire: "La France est de tous les grands pays développés celui où les émissions de carbone du système électrique sont les plus faibles", souligne Jean-Bernard Lévy. "Renoncer au nucléaire, totalement ou trop rapidement, ce serait ouvrir, comme d'autres pays l'ont fait, des centrales à charbon ou à gaz ou importer de l'énergie carbonée", a aussi fait valoir Emmanuel Macron.

Certains écologistes mettent pour leur part en avant des scénarios qui permettraient de tendre vers 100% d'énergie renouvelable. Et ainsi d'avoir les avantages d'une électricité peu émettrice de CO2 sans les inconvénients de l'atome. "La question est de savoir ce qui est faisable et déployable pour lutter contre le changement climatique", avance Nicolas Nace. Et "on a de gros doutes sur la capacité des industriels et notamment d'EDF à construire de nouveaux EPR en quantité significative" après le "fiasco" de l'EPR de Flamanville.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".