L'engagement US est nécessaire pour garder l'Iran sous contrôle

Un soldat iranien monte la garde à l’intérieur de l’installation d’enrichissement d’uranium de Natanz, à 322 km au sud de la capitale iranienne, Téhéran, le 9 mars 2006. (Reuters)
Un soldat iranien monte la garde à l’intérieur de l’installation d’enrichissement d’uranium de Natanz, à 322 km au sud de la capitale iranienne, Téhéran, le 9 mars 2006. (Reuters)
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Publié le Mercredi 10 mars 2021

L'engagement US est nécessaire pour garder l'Iran sous contrôle

L'engagement US est nécessaire pour garder l'Iran sous contrôle
  • La semaine dernière, les États-Unis ont mené une frappe sur Al-Boukamal, en Syrie, au cours de laquelle dix-sept membres de milices soutenues par l'Iran ont été tués
  • Cela aurait pu constituer un coup tactique, mais cela pourrait aussi être l’aboutissement d'une stratégie globale

La semaine dernière, les États-Unis ont mené une frappe sur Al-Boukamal, en Syrie, au cours de laquelle dix-sept membres de milices soutenues par l'Iran ont été tués. Cela aurait pu constituer un coup tactique, mais cela pourrait aussi être l’aboutissement d'une stratégie globale.

Jusqu'à présent, la politique américaine envers l'Iran n’est pas claire. Les responsables – qu'il s'agisse du secrétaire d'État, Antony Blinken, du conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, de la secrétaire d'État adjointe, Wendy Sherman, ou de l'envoyé iranien du président Joe Biden, Robert Malley – sont favorables à un engagement avec l'Iran. Les analystes évaluent les indications et essaient de comprendre la politique globale qui se joue derrière les actions de l’administration Biden. Une politique iranienne saine serait une politique qui ferait que ce pays soit de nouveau en conformité avec l'accord sur le nucléaire, tout en disciplinant son activisme et celui des autres acteurs régionaux afin d’apporter la stabilité et de désamorcer les tensions.

On pourrait penser que le meilleur moyen consisterait à utiliser les sanctions comme levier et à relier la levée des sanctions au fait que l’Iran gère ses différends avec ses voisins. Cependant, la chose est difficile car l'Iran est très ferme dans la compartimentation de ses relations et ne mélange pas le dossier nucléaire avec les autres dossiers. L'Iran cherche à se conformer aux normes, arguant que d'autres questions peuvent être discutées à un stade ultérieur.

À cet égard, les États-Unis devraient emprunter une voie alternative. Le rapport d'International Crisis Group a évoqué une porte de sortie pour éviter une impasse sur la conformité. Il a suggéré qu'une tierce partie, l'Agence internationale de l'énergie atomique ou le comité du Plan d'action global conjoint (JCPOA), établisse un calendrier pour que les parties reviennent simultanément à l'accord. C'est une bonne idée. Cependant, cela ne suffit pas. Cela ne représente pas une politique globale.

S'il doit y avoir un chemin vers le retour à l'accord acceptable pour les deux parties, un plan est également nécessaire pour atténuer le comportement de l'Iran dans la région. Ce dernier dit que la question des mandataires sera discutée à un stade ultérieur, mais une politique ferme sur les mandataires préparera le terrain lorsque viendra le temps de discuter des milices pro-iraniennes. Ici, les États-Unis devraient montrer leur volonté d'utiliser le hard power (ou «manière forte»). Al-Boukamal devrait faire partie d'une stratégie cohérente et non d'une tactique pour répondre à l'attaque contre l'ambassade de Bagdad.

Aujourd'hui, les États-Unis peuvent se permettre de faire ce qu'ils ne pouvaient pas faire avant 2015. À l'époque, ils ne pouvaient être trop durs envers l'Iran, de peur de perturber le flux des négociations. Les États-Unis n'ont pas agi en Syrie en 2013 malgré le fait que le dictateur Bachar al-Assad ait franchi la ligne rouge, car ils ne voulaient pas jouer les trouble-fêtes avec les Iraniens. De même, en 2014, les États-Unis n'ont pas extradé un membre du Hezbollah arrêté en République tchèque et impliqué dans le trafic de drogue vers les États-Unis parce que l'administration Barack Obama tenait à sceller l'accord, dont l’objectif le plus important était d'empêcher l'Iran d’opter pour le nucléaire.

Toutefois, la situation est aujourd'hui différente. L’accord est scellé, et l'Iran ne veut pas le lier à d'autres problèmes. Si les États-Unis s’y conforment, l'Iran doit s'y conformer. L'Iran ne peut pas refuser cette conformité si l'une de ses milices est bombardée ou si l'un de ses alliés est visé par des sanctions plus paralysantes. Par conséquent, la levée des sanctions devrait s'accompagner d'une politique belliciste envers ses mandataires dans la région. Certains ont recommandé qu’un mécanisme surveille la façon dont les fonds débloqués sont dépensés pour s'assurer qu'ils ne sont pas acheminés vers les mandataires régionaux de l’Iran.

L'attitude nonchalante d'Obama, qui a réduit la politique du Moyen-Orient au JCPOA, a abouti au chaos.

Dr. Dania Koleilat Khati

Mais cela représente une tâche presque impossible. Même John Kerry, après la signature du JCPOA, a admis qu'une partie des fonds débloqués irait à des groupes terroristes liés à l'Iran et que les États-Unis n'avaient aucun contrôle sur la question. Par conséquent, une politique solide et globale qui vise les mandataires de l’Iran doit aller de pair avec la levée des sanctions. Cela permettrait d’envoyer à l'Iran le message suivant: la levée des sanctions liées au dossier nucléaire ne revient pas à donner à Téhéran un laissez-passer gratuit dans la région.

Cependant, une telle approche doit être menée de manière stratégique pour ne pas être contre-productive. La première étape consiste à faire pression sur les facilitateurs des mandataires de l’Iran dans la région, tels que Bachar al-Assad. Les États-Unis devraient également assurer la liaison avec leurs alliés afin de s'assurer que les politiques sont coordonnées et n'entraînent pas des ravages encore plus graves. Tout en assurant cette liaison avec les alliés, cela permettrait de les garder sous contrôle. Une politique sévère à l’égard des mandataires de l’Iran ne doit pas être interprétée comme un feu vert pour que Benjamin Netanyahou, par exemple, mène un coup préélectoral au Liban ou à Gaza. Cette attitude ferme et équilibrée peut faire naître un catalyseur pour les négociations entre les États arabes du Golfe et l'Iran. L'attitude nonchalante d'Obama, qui a réduit la politique du Moyen-Orient au JCPOA, a entraîné le chaos.

En un mot, une politique saine, globale et durable envers l'Iran nécessite un mélange de diplomatie, de diplomatie et de hard power. Il est possible que cela exige un degré élevé d'engagement de la part des États-Unis, mais c'est le seul moyen de stabiliser la région.

 

Le Dr Dania Koleilat Khatib est une spécialiste des relations américano-arabes, et en particulier du lobbying. Elle est cofondatrice du Centre de recherche pour la coopération et la consolidation de la paix, une ONG libanaise axée sur la voie II. Elle est également chercheure affiliée à l’Institut Issam Fares pour les politiques publiques et les affaires internationales de l’université américaine de Beyrouth.

L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com