La Commune de 1871, objet politique toujours clivant

L’insurrection de la Commune, boulevard de Ménilmontant à Paris, 1871 (Photo, AFP).
L’insurrection de la Commune, boulevard de Ménilmontant à Paris, 1871 (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 16 mars 2021

La Commune de 1871, objet politique toujours clivant

  • La Commune, dont les commémorations débutent jeudi à Paris, est encore un objet de tensions entre la majorité de gauche et l'opposition de droite
  • La mairie de Paris a maintenu un programme conséquent pour commémorer «ces 72 jours exceptionnels, épisode marquant de l'histoire de la ville»

PARIS: Accusations de « récupération politique » d'un côté, « radicalisation » de l'autre : 150 ans après, la Commune de 1871, dont les commémorations débutent jeudi à Paris, est encore un objet de tensions entre la majorité de gauche et l'opposition de droite.

Expositions, représentations théâtrales en plein air, inauguration de plaques, conférences : malgré la crise sanitaire, la mairie de Paris a maintenu un programme conséquent pour commémorer « ces 72 jours exceptionnels, épisode marquant de l'histoire de la ville », dit l'adjointe PCF à la mémoire Laurence Patrice.

La révolte contre le gouvernement des quartiers populaires du nord et de l'est de la capitale, excédés et affamés par le siège prussien, a été écrasée au cours d'une « semaine sanglante » dont le nombre de morts - les estimations sérieuses varient, pour l'historien Eric Fournier, entre 7 000 et 20 000 - fait encore débat. Mais « au cœur de cela, c'est une expérience unique, où émerge la volonté du peuple de se fédérer et de prendre en main son destin », souligne Patrice.

Héritage politique

Et l'élue communiste d'énumérer les thèmes « au cœur des préoccupations » de l'alliance de gauche au pouvoir à l'Hôtel de Ville qui avaient émergé lors de cette tentative de « République démocratique et sociale : la laïcité, l'égalité femmes-hommes, la question d'une forme de démocratie participative, l'accueil des étrangers, les conditions de travail... »

Non conviée pour le premier acte jeudi à Montmartre, l'opposition de droite répète : « Commémorer oui, célébrer non. » « Cette expérience, qui a duré moins de dix semaines, est surtout une expérience meurtrière, sanguinaire et destructrice pour la ville de Paris », estime l'élu LR du XVIIIe arrondissement Rudolph Granier.

« Personne ne va nier qu'il y a eu de la violence de part et d'autre, que ce soit sur des gens ou des bâtiments », lui répond Patrice en soulignant le lourd tribut final payé par les communards, tués ou déportés, à l'image de Louise Michel en Nouvelle-Calédonie.

La Commune de Paris: de l'espoir au bain de sang

Dernière révolution du XIXe siècle et symbole d'une histoire populaire tragique, la brève aventure de la Commune de Paris, 72 jours du 18 mars au 28 mai 1871, s'est achevée dans un bain de sang.

L'insurrection des Parisiens intervient il y a 150 ans, après la défaite française face à la Prusse à qui Napoléon III a imprudemment déclaré la guerre en 1870 avant d'être fait prisonnier et de céder l'Alsace et la Lorraine.

Soumis à 135 jours de siège, les Parisiens, au vote majoritairement Républicain, ne digèrent pas la capitulation annoncée. Ils sont 1,7 million enfermés dans la capitale qui a essuyé des bombardements, sans travail et affamés pour certains d'entre eux. 

Le Conseil municipal, d’où naîtra la Commune, élu avec 40% des électeurs parisiens inscrits sera aux affaires une cinquantaine de jours, en pleine guerre civile. 

Elle remet en marche les administrations comme la Poste et soulage de trois termes les ouvriers qui ne peuvent payer leur loyer, elle restitue partiellement les objets déposés au Mont de piété, subventionne des boucheries municipales, interdit le travail de nuit des boulangers.

Elle proclame la séparation de l'Eglise et de l'Etat, abolit la conscription militaire, proclame la gratuité de l'enseignement laïc et obligatoire en primaire et des bourses d'Etat pour le secondaire, ouvre des écoles professionnelles aux filles. 

Le 8 mai, Thiers, pressé de mater Paris, adresse un ultimatum aux Parisiens et bientôt les forts d'Issy et de Vanves, au sud de la capitale, tombent.

Le 21 mai, les troupes versaillaises entrent dans Paris, c'est le début de la « Semaine sanglante », ses combats de rue déséquilibrés et ses exécutions sommaires. Des femmes et enfants gisent aussi au sol. « Même des personnes opposées à la Commune ont été horrifiées par la répression », selon l'historienne Laure Godineau.

L'Hôtel de Ville et les Tuileries notamment sont incendiés en retour : « la démence féroce du désespoir », écrira Jules Vallès.

Le fort de Vincennes capitule le 29, c'est fini. Voici venu le temps des exécutions ou déportations des prisonniers communards. 

Alors qu' « on sentait depuis un certain temps une sorte d'apaisement de cette mémoire », selon l'historien Eric Fournier qui s'appuie sur l'hommage à la Commune du président de droite du Sénat Christian Poncelet en 2003, un nouvel élément est venu susciter la « levée de boucliers d'une droite très conservatrice, catholique, qui n'a jamais oublié la Commune » : le report à 2022 du classement aux monuments historiques du Sacré-Coeur, décidé par l'adjointe PS au patrimoine Karen Taïeb pour ne pas interférer avec les commémorations.

Droite « radicalisée »

Construite après la Commune à l'endroit même où celle-ci a débuté, la basilique a toujours été vue comme un symbole conservateur en réaction à la révolte populaire. Et même « s'il n'y avait pas de lien historique direct, il y avait en tout cas un lien mémoriel qui ne pouvait pas s'effacer », explique Taïeb, assumant « une décision tout à fait politique ».

Pour Granier, ce report est une décision « opportuniste » d'Anne Hidalgo « pour éviter que sa majorité, qu'elle tient déjà à bout de bras, n'éclate ».

En agissant ainsi, la candidate potentielle à l'élection présidentielle « n'est pas la maire de Paris », assène-t-il.

Plus modérée, Nelly Garnier, autre élue LR, souhaite que la Ville « fasse connaître aux petits Parisiens l'histoire de la Commune » mais refuse qu'Anne Hidalgo « l'instrumentalise pour combler ses failles politiques ». Pour cette proche de Rachida Dati, la maire socialiste « est en difficulté pour répondre aux classes populaires françaises et va rechercher dans un imaginaire instrumentalisé une légitimité de gauche qu'elle n'a pas au XXIe siècle ».

Patrice s'interroge sur ces réactions, qui tendent à « reconstituer les barricades de l'époque », et souligne que les hommages à la Commune du premier mandat d'Anne Hidalgo (2014-2020), à l'image de la plaque apposée en plein cœur de l'Hôtel de Ville, avaient été votés « sans aucune réaction violente de la droite de l'époque ».

Pour l'élue communiste, des déclarations « d'une telle violence » traduisent « une radicalisation de la droite qui, peut-être parce qu'elle a du mal à vivre entre Macron et l'extrême droite, prend des positions extrêmes sur cet héritage politique ». Et permettent par ricochet de faire renaître un clivage droite-gauche, ce qui « ne fait pas de peine » à l'adjointe communiste.


Grève nationale : les syndicats unis contre le budget du futur gouvernement

Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
Des policiers attendent l'arrivée du ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau à la Porte d'Orléans à Paris, le 18 septembre 2025, avant une journée de grèves et de protestations à l'échelle nationale à l'appel des syndicats sur le budget national de la France. (AFP)
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  • Journée de grève nationale ce jeudi à l’appel des 8 principaux syndicats français, unis contre les mesures budgétaires jugées « brutales »
  • Les autorités redoutent des débordements à Paris, avec jusqu’à 100 000 manifestants attendus et la présence annoncée de casseurs. 900 000 personnes pourraient se mobiliser dans toute la France

Les syndicats français ont promis une "journée noire" de manifestations et de grèves jeudi pour peser sur les choix budgétaires du prochain gouvernement, en pleine crise politique dans la deuxième économie de l'UE.

A Paris, le préfet de police s'est dit "très inquiet" de la présence de nombreux casseurs venant pour "en découdre" dans la manifestation prévue dans la capitale, qui pourrait selon lui rassembler 50.000 à 100.000 personnes.

Les autorités s'attendent à une mobilisation massive, avec plus de 250 cortèges annoncés qui pourraient réunir jusqu'à 900.000 personnes à travers le pays, soit cinq fois plus que lors du mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre lancé sur les réseaux sociaux, hors de tout cadre syndical.

Cette mobilisation lancée par les huit syndicats français, unis pour la première fois depuis le 6 juin 2023, vise les mesures budgétaires "brutales" préconisées cet été par le Premier ministre François Bayrou pour réduire le déficit de la France (coupes dans le service public, réforme de l'assurance chômage, gel des prestations sociales notamment).

Son gouvernement alliant le centre droit et la droite, minoritaire à l'Assemblée nationale, a été renversé par les députés le 8 septembre.

Nommé le lendemain, son successeur Sébastien Lecornu - troisième Premier ministre d'Emmanuel Macron depuis juin 2024, le cinquième depuis sa réélection en 2022 - s'est lui aussi engagé à réduire le déficit qui plombe les comptes de la nation (114% du PIB), tout en promettant des "ruptures sur le fond" en matière budgétaire.

Ce fidèle du président a entamé une série de consultations avec les partis politiques avant de composer un gouvernement et présenter son programme, en vue de boucler dès que possible un projet de budget pour 2026.

Il a également reçu quasiment tous les syndicats, qui n'en ont pas moins maintenu leur mot d'ordre, espérant une mobilisation similaire à celles de 2023 contre la réforme des retraites qui avaient régulièrement réuni un million de manifestants, dont un pic à 1,4 million.

- "Démonstration de force" -

"Aucune des mesures catastrophiques du musée des horreurs de M. Bayrou n'est enterrée !", s'est indignée lundi la leader de la CGT, Sophie Binet, après avoir rencontré le nouveau Premier ministre.

L'abandon par Sébastien Lecornu de la très controversée suppression de deux jours fériés voulue par François Bayrou est "une première victoire", qui "confirme que nous sommes en position de force", a-t-elle estimé.

Même la CFDT, syndicat réputé plus apte au compromis, est "plus que jamais motivée pour aller dans la rue", a fait savoir sa responsable Marylise Léon qui attend "des faits et des preuves" du nouveau chef de gouvernement, et notamment un "besoin d’efforts partagés".

Elle a apprécié à cet égard que le successeur de François Bayrou se dise selon elle conscient de la nécessité de "faire quelque chose" au sujet de la taxation des hauts patrimoines, revenue au cœur du débat.

"Le budget va se décider dans la rue", estime Mme Binet, qui évoque une "démonstration de force" et laisse entrevoir une mobilisation dans la durée.

Côté transports, le trafic sera "perturbé" voire "très perturbé" dans la capitale, ainsi que pour les trains interurbains.

Ce sera moins le cas pour les trains régionaux et les TGV. Un service proche de la normale est attendu dans les aéroports, le principal syndicat de contrôleurs aériens ayant reporté sa grève.

A l'école, un tiers des enseignants du premier degré (écoles maternelles et élémentaires) seront grévistes. L'ampleur du mouvement dans la fonction publique en générale reste encore à préciser.


Le PDG de CMA CGM assure «ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale» des médias qu'il possède

Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC. (AFP)
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  • "Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media
  • Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique"

PARIS: Auditionné à l'Assemblée nationale mercredi, Rodolphe Saadé, PDG du groupe CMA CGM, a assuré "ne pas s'immiscer dans la ligne éditoriale" des médias qu'il possède, quelques jours après l'acquisition du média vidéo Brut, qui suit celle de BFMTV ou RMC.

"Les journaux ou chaînes de télévision qu'on a rachetés ont une indépendance, ce sont des journaux qui sont nuancés, qui offrent le pluralisme. Je ne m'immisce pas dans la ligne éditoriale de ces journaux", a-t-il déclaré lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée.

Il répondait au député France insoumise René Pilato qui suggérait une "grande loi de séparation des entreprises et des médias".

"Si des investisseurs comme le groupe CMA CGM ne viennent pas, ces médias malheureusement tombent", a ajouté M. Saadé, rappelant que le secteur des médias est "très sinistré".

"Tout ce qu'on fait c'est leur donner cette bouffée d'oxygène (...) On ne leur demande pas de dire blanc ou de dire noir, ça c'est eux qui gèrent", a poursuivi le milliardaire, président de l'armateur CMA CGM, dont la branche médias est CMA Media.

Selon lui, les médias ne "représentent qu'une part modeste" des investissements de son groupe, "moins de 5%", mais "répondent à un enjeu majeur, la vitalité démocratique".

"Dans un monde traversé par les +fake news+, je crois que les industriels ont un rôle à jouer pour défendre le pluralisme, l'indépendance et la qualité de l'information. Si nous voulons continuer à produire de l'information en France et résister à la domination des grandes plateformes, nous devons garantir des groupes de médias solides capables de créer des contenus de qualité et de les diffuser sur tous les supports", a-t-il défendu.

Outre BFMTV, RMC, et désormais Brut, CMA Media possède les journaux La Tribune et La Tribune Dimanche, La Provence et Corse Matin. Le groupe vient également de racheter la chaîne télé Chérie 25 (NRJ Group).

Vendredi, les Sociétés des journalistes (SDJ) de BFMTV, RMC et La Tribune avaient déploré qu'"une prise de position de Rodolphe Saadé sur l'actualité politique et sociale du pays (ait) été diffusée à l'antenne de BFMTV" jeudi.

Il s'agissait d'extraits écrits tirés d'une tribune publiée dans La Provence après le mouvement "Bloquons tout" du 10 septembre. "Les entreprises ne sont pas des adversaires, elles sont des partenaires de la Nation", y écrivait notamment M. Saadé.

 


Faure «sur sa faim» après son entretien avec Lecornu, resté «très flou» sur ses intentions

Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions". (AFP)
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  • Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu
  • Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland

PARIS: Le patron du Parti socialiste, Olivier Faure, est ressorti "sur sa faim" de son entretien mercredi avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, resté selon lui "très flou sur ses intentions".

"Pour l'instant, nous sommes restés sur notre faim et nous verrons bien ce qu'il a à nous dire dans les prochains jours", a déclaré le premier secrétaire du PS, à l'issue de sa première rencontre à Matignon, qui a duré près de deux heures.

Si M. Lecornu était "là pour refaire François Bayrou, les mêmes causes produiraient les mêmes effets et nous censurerions dès la (déclaration) de politique générale", que prononce chaque nouveau Premier ministre, a-t-il prévenu à la veille d'une importante journée de mobilisation syndicale.

Il était accompagné par le chef de file des députés socialistes Boris Vallaud, celui des sénateurs Patrick Kanner, et la maire de Nantes Johanna Rolland.

A propos de la journée d'actions de jeudi, il a expliqué que ces manifestations seraient "aussi un élément du rapport de force que nous devons installer avec un exécutif qui, jusqu'ici, n'a pas fait la démonstration de sa capacité à comprendre la colère et même l'exaspération des Français".

Olivier Faure a également dit qu'il ne souhaitait pas "voir revenir sur la table une loi immigration", estimant que le Premier ministre macroniste était "tiraillé par une droite qui lorgne de plus en plus vers l'extrême droite" et avait  "beaucoup de problèmes dans son propre socle commun".

"Nous ne cherchons pas la censure, nous ne cherchons pas la dissolution, nous ne cherchons pas la destitution. Nous cherchons à ce que les Français soient entendus", a-t-il plaidé, en citant un sondage Ifop commandé par le parti montrant que les Français, quelles que soient leurs sensibilités, plébiscitent les mesures poussées par le PS.

"Il y a des mesures qui sont très majoritaires dans le pays, pour la taxe Zucman" sur les hauts patrimoines, "pour en finir" avec la réforme des retraites, pour "rendre du pouvoir d'achat", notamment à travers "un taux différentiel de CSG", a-t-il détaillé.