PARIS: Moisi pour ses détracteurs, persillé pour ses défenseurs, le roquefort n’a jamais fait dans la demi-mesure.
Soit on l’adore pour sa pâte crémeuse et ses veines bleutées, soit on le fuit en pinçant le nez.
Pourtant, ce jeudi 3 juillet, le roquefort surnommé roi des fromages fêtait ses cent ans d’appellation d’origine, en recevant ni plus ni moins que le président de la République.
Emmanuel Macron en personne s’est déplacé dans l’Aveyron, pour honorer ce monument national.
La petite ville de Roquefort-sur-Soulzon avait mis les petits plats dans les grands, pour accueillir le chef de l’État, drapeaux, sourires, et poignées de mains chaleureuses.
Macron a passé 45 minutes dans les caves de Roquefort Société, humant avec application les effluves puissantes des pains de fromage.
Après la visite, le président s’est adressé aux représentants de la filière, dans un discours qui répond point par point, à leurs préoccupations.
Sur le savoir-faire agricole, il a déclaré « On fête les 100 ans d’une appellation et il s’agit aussi de défendre un savoir-faire, des qualités, des prix ».
Sur l’export, il s’est montré très « Premier VRP », Comme l’Italie, a-t-il affirmé, « il faut qu’on soit groupé », annonçant la création d’un « comité présidentiel de l’export » d’ici la fin de l’été.
Il s’est voulu rassurant sur la guerre commerciale avec Washington, affirmant: « On subit la loi du plus fort… mais on va trouver un accord avant le 9 juillet ».
Mais derrière la visite présidentielle et les selfies dans les caves, la filière du roquefort ne cache pas ses soucis.
Premier fromage français à avoir obtenu une appellation d’origine, le 26 juillet 1925, le roquefort fête cette année un siècle de protection légale.
La vénérable institution souffre, le traditionnel plateau de fromages a disparu ou presque de la fin des repas, et les nouveaux modes d’alimentation plus sains et plus équilibrés, relèguent le roquefort au rang d’ennemi diététique.
Entre 2013 et 2023, les ventes ont plongé de 15 %, et depuis la pandémie du Covid, la consommation recule de 3 à 4 % par an.
Les 2 500 éleveurs et 1 360 fermes qui fournissent le lait de brebis, surtout dans l’Aveyron, peinent à joindre les deux bouts, et ce sont près de 5 000 emplois directs qui sont en jeu.
Jérôme Faramond, président de l’association des producteurs de lait de brebis, le rappelle : « C’est un enjeu économique énorme ».
Autre problème, le rêve paysan a du mal à résister face à la production ultra-concentrée, qui accapare 70 % du marché, alors que seules deux laiteries artisanales et indépendantes, subsistent encore dans la filière.
Alors la filière veut profiter de ce centenaire pour se refaire une image, et dire aux jeunes que « Ce n’est pas parce qu’il a cent ans qu’il est trop vieux ».
La stratégie arrêtée consiste à montrer que le roquefort n’est pas réservé au plateau ringard du dimanche midi chez les grands parents, et qu’il peut faire partie de plusieurs recettes, des pâtes au fameux burger, adulés par la jeunesse.
Toute l’année, des fiches recettes, des vidéos, des partenariats tenteront donc de séduire une génération plus branchée, selon une stratégie de communication bien ficelée.
Le chef de l’État a promis de rester « aux côtés » des producteurs, par l’investissement dans la recherche et l’innovation.
Pour conserver son titre royal, le roquefort va devoir relever un sacré pari, qui nécessite de se réinventer sans se renier, car même si les ventes s’essoufflent, ce fromage reste un monument national.
Alors, il ne reste plus qu'à souhaiter bonne fête au roquefort.