Des épouses de jihadistes en Syrie témoignent dans un documentaire

On risque de ne jamais connaître exactement ce que savaient ces femmes des viols, tortures, et massacres, commis par l'EI (Photo, AFP).
On risque de ne jamais connaître exactement ce que savaient ces femmes des viols, tortures, et massacres, commis par l'EI (Photo, AFP).
Short Url
Publié le Mercredi 17 mars 2021

Des épouses de jihadistes en Syrie témoignent dans un documentaire

  • Parties en Syrie pour rejoindre les territoires contrôlés à l'époque par l'organisation Etat islamique (EI), leur sort suscite désormais controverse et malaise dans leurs pays d'origine
  • Une réalisatrice a obtenu un accès privilégié à plusieurs Occidentales détenues depuis 2019 dans le camp de Roj, contrôlé par la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS)

LOS ANGELES: « Je m'appelle Shamima. Je viens du Royaume-Uni. J'ai 19 ans », lance-t-elle avec un petit rire nerveux, au milieu d'une pièce remplie d'autres jeunes femmes et de bébés agités.

On pourrait croire à un banal groupe de soutien à des jeunes mères isolées, mais Shamima fait partie des « épouses de jihadistes » parties en Syrie pour rejoindre les territoires contrôlés à l'époque par l'organisation Etat islamique (EI) et dont le sort suscite désormais controverse et malaise dans leurs pays d'origine.

Partie de Grande-Bretagne alors qu'elle n'avait que 15 ans, Shamima Begum a été déchue de sa nationalité et la justice britannique refuse son retour dans le pays.

Elle témoigne, avec d'autres épouses de jihadistes, dans le documentaire « The Return : Life After Isis » (« Le retour : la vie après l'EI ») présenté mercredi au festival South by Southwest d'Austin, au Texas.

La réalisatrice espagnole Alba Sotorra a obtenu un accès privilégié à Shamima et à d'autres Occidentales détenues depuis 2019 dans le camp de Roj, contrôlé par la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS).

« Je voudrais dire aux gens au Royaume-Uni : donnez-moi une seconde chance parce que j'étais encore jeune quand je suis partie », dit la jeune femme dans le film. « Je veux juste qu'ils mettent de côté tout ce qu'ils ont pu entendre sur moi dans les médias », ajoute-t-elle.

Shamima Begum avait quitté en 2015 avec deux amies le Royaume-Uni, où elle est née et a grandi, pour la Syrie. Sur place, elle a épousé un jihadiste de l'EI d'origine néerlandaise, de huit ans son aîné. Après avoir fui les combats, elle s'est retrouvée dans un camp où elle a accouché d'un bébé, décédé quelques semaines après sa naissance. Ses deux premiers enfants, nés en Syrie, sont morts eux aussi.

Propagande

Elle avait été découverte en février 2019 dans le camp par des journalistes britanniques alors qu'elle était enceinte et n'avait alors exprimé aucun remords sur sa vie avec l'EI, ce qui avait choqué l'opinion publique.

Shamima Begum et ses camarades donnent une image bien différente dans le documentaire d'Alba Sotorra, qui suit des « ateliers » durant lesquels les jeunes femmes écrivent une lettre à celles, souvent naïves, qu'elles étaient lors de leur départ vers la Syrie.

« On savait que la Syrie était une zone de guerre et je m'y suis quand même rendue avec mes enfants ; quand j'y pense je ne comprends même pas comment j'ai pu faire ça », affirme une Occidentale.

Shamima Begum explique de son côté qu'elle se sentait comme une « étrangère » à Londres et qu'elle voulait « aider les Syriens ». Elle assure qu'à son arrivée sur place, elle s'est vite rendu compte que l'EI « piégeait les gens » pour gonfler ses rangs, et amplifier sa propagande.

C'est en gagnant la confiance de combattants kurdes lors d'un précédent film qu'Alba Sotorra a pu se faire ouvrir les portes du camp de Roj, où elle a fait la rencontre des détenues.

« Je n'arriverai jamais à comprendre comment une femme occidentale peut prendre la décision de tout laisser tomber pour rejoindre une organisation qui perpétrait des atrocités telles que celles de l'EI », dit la réalisatrice.

« Mais maintenant je comprends comment on peut commettre une erreur », poursuit-elle.

« Je vivais dans la peur »

Lorsqu'elle était arrivée en mars 2019, les jeunes femmes venaient de sortir des zones de combat et étaient « bloquées... elles ne pensaient pas, ne ressentaient rien ».

« Shamima était un bloc de glace lorsque je l'ai rencontrée. Elle a perdu un enfant quand j'étais là... il lui a fallu du temps pour pouvoir pleurer », se souvient la réalisatrice, qui met cela sur le compte d'un réflexe de « survie ».

Alba Sotorra cite aussi la présence dans le camp d'un noyau, « petit mais très puissant », de « femmes plus radicalisées » qui restent dévouées à l'Etat islamique et exercent des pressions sur les autres détenues.

Dans le film, Shamima Begum affirme qu'elle « n'a pas eu d'autre choix que de dire certaines choses » aux journalistes qui l'avaient trouvée, « car je vivais dans la peur que ces femmes viennent sous ma tente pour me tuer moi et mon bébé. »

On risque de ne jamais connaître exactement ce que savaient ces femmes des viols, tortures, et massacres, commis par l'EI. Shamima Begum jure avoir tout ignoré de ces crimes et dément y avoir pris une quelconque part.

« Je n'ai même jamais eu d'amende de stationnement... Je n'ai jamais fait de mal à qui que ce soit, je n'ai jamais tué personne, je n'ai rien fait », proteste une autre détenue, Kimberly Polman, quadragénaire canadienne.

« Peut-être que ton mari a tué mon cousin », rétorque, sceptique, une femme kurde.

Pour Alba Sotorra, autoriser le retour de ces femmes dans leur pays pourrait être utile pour éviter aux générations futures de commettre les mêmes erreurs.

« Il leur a fallu du temps pour se rendre compte qu'elles avaient une part de responsabilité dans leur choix. Elles ne peuvent pas juste penser OK, je regrette, je rentre, comme si rien ne s'était passé (...) Il faut accepter les conséquences », estime la réalisatrice.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

Short Url
  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
Short Url
  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Short Url
  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.