Le pluralisme politique en Turquie érodé par le rejet du HDP pro-kurde

Omer Faruk Gergerlioglu (au centre), défenseur des droits de l'homme et législateur du Parti démocratique du peuple (HDP) et ses collègues posent après que le Parlement l’a privé de son siège parlementaire, à Ankara, le 17 mars 2021 (AFP)
Omer Faruk Gergerlioglu (au centre), défenseur des droits de l'homme et législateur du Parti démocratique du peuple (HDP) et ses collègues posent après que le Parlement l’a privé de son siège parlementaire, à Ankara, le 17 mars 2021 (AFP)
Le député du Parti démocratique du peuple (HDP), Omer Faruk Gergerlioglu, qui a été détenu à l'intérieur du Parlement puis relâché, empêché par la police d'assister aux célébrations de Norouz à Ankara, le 21 mars 2021 (AFP)
Le député du Parti démocratique du peuple (HDP), Omer Faruk Gergerlioglu, qui a été détenu à l'intérieur du Parlement puis relâché, empêché par la police d'assister aux célébrations de Norouz à Ankara, le 21 mars 2021 (AFP)
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Publié le Vendredi 26 mars 2021

Le pluralisme politique en Turquie érodé par le rejet du HDP pro-kurde

  • Erdogan devra assumer pendant des années la responsabilité de ses tentatives pour réduire la population kurde de Turquie au silence
  • Le moment choisi pour les accusations du HDP suggère que la Turquie est de plus en plus répressive envers les Kurdes, et encore plus nationaliste

MISSOURI, États-Unis: Au mois de mars, Kurdes, Perses, Azéris, Tadjiks notamment célèbrent Norouz, le festival de l'équinoxe du printemps de la nouvelle année. Dans l’interprétation kurde de Norouz, les légendes qui entourent le festival mettent l’accent sur un forgeron mythique de l'antiquité appelé «Kawa» («Kaveh», en français). Ce personnage a délivré la population d'un terrible tyran. La version kurde de Norouz est donc remplie de connotations qui font écho à l’émancipation de la tyrannie, de l'oppression et de l'injustice.

Si l’on se réfère à la situation actuelle en Turquie, il est clair que quelques manifestations célébrant Norouz ne suffiront pas à contrer tous les efforts du gouvernement Erdogan pour faire taire la population kurde du pays. Ces dernières années, en effet, Erdogan a fait de la justice turque sa garde prétorienne. Les procureurs publics et des juges flagorneurs sont désormais chargés de réprimer tout mouvement de dissidence en Turquie.

Le dernier incident concerne la Cour d’appel du pays: cette dernière a confirmé une peine de deux ans et demi de prison contre le parlementaire Omer Faruk Gergerlioglu, membre du Parti de la démocratie populaire pro-kurde (HDP), qui a été reconnu coupable de «propagande terroriste» pour avoir relayé sur Twitter en 2016 un reportage du site d’information T24 sur le conflit kurde et l'effondrement du processus de paix.

 

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Sa condamnation confirmée, la Grande Assemblée nationale turque – contrôlée par le parti d'Erdogan et son allié d'extrême droite, le Parti d'action nationaliste (MHP) – a rapidement privé Gergerlioglu de son immunité parlementaire. L’homme politique récemment condamné n'était même pas député en 2016: il a été élu en 2018 et le récit qu'il a relayé n'a jamais été censuré par l'État, pas plus qu’il n’a été question de sanctionner T24 pour son reportage.

Le récit en question fait le portrait d’un dirigeant du Parti des travailleurs du Kurdistan qui a appelé à la reprise des pourparlers de paix avec Ankara et le ministre turc de l’Intérieur de l’époque; ce dernier a rejeté ces appels. Pour la plupart des observateurs, il semble vraiment étrange d'accuser – et à plus forte raison de condamner – une personne pour «propagande terroriste » parce qu’elle a relayé un Tweet.

Ni l’auteur de l'article ni le site d’information n'ont été accusés.

La Turquie d’aujourd’hui fonctionne toutefois selon des règles différentes. En réalité, ce qui vaut à Gergerlioglu d’être accusé de crime, ce sont les critiques récurrentes qu’il a exprimées vis-à-vis du gouvernement d’Erdogan et de son bilan en matière de droits de l’homme. Ancien pneumologue, licencié dans le cadre d'une vaste répression du décret d'urgence après la tentative de coup d'État de 2016 en Turquie, Gergerlioglu a également travaillé à la tête d'une association islamique de défense des droits humains.

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Le 5 mars 2017, à Bakirkoy, district d’Istanbul, des femmes scandent des slogans et arborent des photos de Figen Yüksekdag, la coprésidente du Parti démocratique des peuples (HDP), pro-kurde. Elle est actuellement détenue, dans l’attente de son procès pour terrorisme. (AFP/Archives)

 

Dans le cadre de son travail de défense des droits de l’homme, Gergerlioglu a attiré l’attention sur les nombreuses exactions commises dans la Turquie d’Erdogan. Ses rapports et ses déclarations sur les fréquentes fouilles à nu des femmes détenues par la police semblent avoir particulièrement irrité Erdogan et son gouvernement.

Sans surprise, les observateurs étrangers ont réagi négativement à la persécution de Gergerlioglu. Entre autres, le rapporteur spécial de l'Union européenne (UE) pour la Turquie a déclaré que «le priver de son immunité parlementaire était un acte illégal, immoral et lâche».

Dans un communiqué, Amnesty International indique que «la levée de l'immunité du député de l'opposition Gergerlioglu en raison de sa condamnation injuste est une honte».

 

Le chiffre

97,1% des Turcs ne croient pas en l’indépendance du pouvoir judiciaire.

En outre, la semaine dernière, le gouvernement a arrêté Ozturk Turkdogan, chef de l'Association des droits de l'homme d’Ankara. Gergerlioglu et Turkdogan ne sont que deux parmi des centaines de membres pacifiques de l’opposition en Turquie maintenant confrontés au système juridique prétorien d’Erdogan.

La plupart – mais non la totalité – des personnes emprisonnées sur des accusations forgées de toutes pièces sont issus du HDP. Parmi elles figurent la plupart des dirigeants du HDP comme Selahattin Demirtas, qui est emprisonné depuis 2016. Plus récemment, le Parti de la justice et du développement (AKP) d'Erdogan et le MHP ont fait part de leur volonté d'interdire le parti d'opposition HDP.

Le HDP, après les deux dernières élections, est devenu le troisième plus grand parti de Turquie, avec près de 12% des voix nationales et l’obtention de 55 sièges dans la Grande Assemblée nationale de Turquie. Le porte-parole du département d'État américain a qualifié la volonté de dissoudre le HDP de «décision qui corrompt le jugement des électeurs turcs, sape davantage la démocratie en Turquie et refuse à des millions de citoyens turcs de choisir leur représentation».


 

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Lors d'une manifestation à Diyarbakir, le 22 décembre 2015, des manifestants jettent des pierres sur un canon à eau pour dénoncer les opérations de sécurité contre les rebelles kurdes dans le sud-est de la Turquie. (AFP/fichier Photo)

 

De même, Ignacio Sanchez Amor, le rapporteur spécial de l’Union européenne pour la Turquie, a dénoncé l’hypothèse d’une dissolution du HDP: «Inexcusable; la fin du pluralisme. Quelle réaction la Turquie attend-elle maintenant de l'UE? Un programme positif?» s’est-il insurgé.

Le gouvernement d'Erdogan a réagi aux critiques en rejetant «l’ingérence étrangère» dans les préoccupations politiques intérieures de la Turquie. Le ministère turc des Affaires étrangères a ainsi fait savoir: «Tout le monde doit attendre la décision que rendra la Cour constitutionnelle. Commenter un processus judiciaire en cours, c’est intervenir dans le système judiciaire.»

Son communiqué ajoute: « Nous appelons ceux qui agissent de manière incohérente et tentent de s'ingérer dans nos affaires internes à respecter les processus juridiques conduits par le pouvoir judiciaire indépendant.»

De nos jours, évidemment, il ne vient à l’idée de pratiquement personne, y compris parmi la population locale, que le système judiciaire turc puisse être réellement indépendant. Un sondage d'opinion réalisé en 2016 par l’Eurasia Public Opinion Poll Center, réalisé avant la pire des mesures prises par le gouvernement Erdogan pour prendre le contrôle du pouvoir judiciaire, montre que «97,1% des habitants de la Turquie ne croient pas que leur pouvoir judiciaire soit indépendant et [qu’]ils n’ont n’a aucune confiance dans leur système judiciaire».

 

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Les partisans du Parti démocratique du peuple pro-kurde (HDP) jubilent autour d’un feu lors d'un rassemblement pour célébrer Norouz, le nouvel an persan, à Diyarbakir, le 21 mars 2021. (AFP)

 

L’ironie du sort, c’est que, à l’époque de la Turquie laïque d’avant 2002, les tribunaux avaient interdit les partis politiques islamistes auxquels appartenait Erdogan et ils l'avaient même emprisonné pendant quelques mois en 1998, alors qu'il était maire d'Istanbul, pour avoir lu un poème, lors d’un rassemblement, jugé trop islamiste.

À cette époque, les islamistes et les Kurdes subissaient la répression de l’État. Un grand nombre de partis politiques islamistes et pro-kurdes étaient confrontés à de multiples dissolutions depuis les années 1970, jusqu'à ce que le nouveau parti d'Erdogan, AKP, arrive sur la scène politique, promettant de mettre fin à une telle répression. Après une vingtaine d'années au pouvoir, il apparaît que cette promesse a été oubliée depuis longtemps.

Au contraire, le système est devenu encore plus répressif, alors que seuls les noms de ceux qui le dirigent ont changé. Le classement de la Turquie pour les libertés civiles et politiques a brutalement chuté au cours des dernières années. Freedom House n’accorde à la Turquie que 16 points sur 40 pour les «droits politiques» et 16 sur 60 pour les «droits civils».

Selon Freedom House, «après avoir adopté, dans un premier temps, des réformes de libéralisation, le gouvernement AKP a affiché un mépris croissant pour les droits politiques et les libertés civiles, et sa nature autoritaire a été pleinement consolidée après la tentative de coup d'État de 2016, qui a déclenché une répression dramatique contre les opposants présumés du leadership. Les changements constitutionnels adoptés en 2017 ont concentré le pouvoir entre les mains du président».

En tant que système, la démocratie vise à promouvoir la stabilité sociale en donnant aux gens des moyens pacifiques pour choisir leurs camps politiques. Avec les incarcérations massives de dissidents politiques et la fermeture imminente des principaux partis politiques d’opposition, la Turquie d’aujourd’hui semble renoncer à un tel arrangement. Le président actuel et ses alliés politiques ne peuvent plus imaginer perdre le pouvoir, et le prix de cette réticence à donner à l'opposition une chance équitable de prendre le relais devra être payé pendant des années par la Turquie.

 

* David Romano est professeur Thomas G. Strong de politique du Moyen-Orient à la Missouri State University (université d’État du Missouri).

 


Israël rejette une enquête de l'ONU l'accusant de «génocide» à Gaza

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien. (AFP)
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  • "Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué
  • Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens

JERUSALEM: Israël a "rejeté catégoriquement" mardi le rapport d'une commission d'enquête internationale indépendante des Nations unies qui l'accuse de commettre un "génocide" dans la bande de Gaza depuis octobre 2023.

"Israël rejette catégoriquement ce rapport biaisé et mensonger et appelle à la dissolution immédiate de cette commission d'enquête", a indiqué le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué.

Une commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU a accusé mardi Israël de commettre un "génocide" à Gaza depuis octobre 2023 avec l'intention de "détruire" les Palestiniens, mettant en cause le Premier ministre Benjamin Netanyahu et d'autres responsables israéliens.

En riposte à une attaque sans précédent du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, Israël a lancé une offensive dans la bande de Gaza qui a fait des dizaines de milliers de morts et détruit une grande partie du territoire palestinien, où le mouvement islamiste palestinien a pris le pouvoir en 2007.

La commission, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU et est vivement critiquée par Israël, est arrivée "à la conclusion qu'un génocide se produit à Gaza et continue de (s'y) produire", a déclaré à l'AFP sa présidente, Navi Pillay.

Elle a conclu que les autorités et les forces de sécurité israéliennes avaient commis "quatre des cinq actes génocidaires" définis par la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime du génocide.

A savoir: "meurtre de membres du groupe; atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe; soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle; et mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe".

Cette commission a conclu que le président israélien, Isaac Herzog, Benjamin Netanyahu et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, avaient "incité à commettre un génocide et que les autorités israéliennes (n'avaient) pas pris de mesures" pour les en empêcher.

Le ministère des Affaires étrangères israélien a accusé les auteurs du rapport de "servir de relais au Hamas", affirmant qu'ils étaient "connus pour leurs positions ouvertement antisémites — et dont les déclarations horribles à l'égard des Juifs ont été condamnées dans le monde entier."

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort de 1.219 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles.

Les représailles israéliennes ont fait au moins 64.905 morts dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du territoire palestinien.

L'ONU y a déclaré la famine, ce qu'Israël dément.


«Gaza brûle», déclare le ministre israélien de la Défense après des frappes intenses

Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza. (AFP)
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  • "Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas"
  • "Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée"

JERUSALEM: Le ministre israélien de la Défense Israël Katz a affirmé la détermination d'Israël à poursuivre son offensive dans la bande de Gaza après des frappes nocturnes intenses de l'armée israélienne aux abords et dans la ville de Gaza.

"Gaza brûle. Tsahal frappe d'une main de fer les infrastructures terroristes, et les soldats de Tsahal se battent vaillamment pour créer les conditions nécessaires à la libération des otages et à la défaite du Hamas", a déclaré M. Katz sur X.

"Nous ne céderons pas et ne reculerons pas jusqu'à ce que la mission soit achevée", a-t-il ajouté.

 


Le Qatar est le seul pays capable d'être un médiateur concernant Gaza, souligne Rubio

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  • Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza
  • "Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar"

TEL-AVIV: Le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio a estimé mardi que le Qatar était le seul pays capable de jouer le rôle de médiateur pour Gaza, malgré une frappe israélienne ciblant des dirigeants du Hamas dans l'émirat.

"Evidemment, ils doivent décider s'ils veulent le faire après la semaine dernière ou non, mais nous voulons qu'ils sachent que, s'il existe un pays dans le monde qui pourrait aider à mettre fin à cela par une négociation, c'est le Qatar," a déclaré M. Rubio aux journalistes alors qu'il se rendait à Doha depuis Israël.