Mort de George Floyd: le «procès de l'Amérique» entre dans le dur

Deux filles non identifiées tiennent une pancarte lors d'une procession funéraire symbolique, le 8 juin 2020 à Los Angeles, Californie (Photo, AFP)
Deux filles non identifiées tiennent une pancarte lors d'une procession funéraire symbolique, le 8 juin 2020 à Los Angeles, Californie (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 29 mars 2021

Mort de George Floyd: le «procès de l'Amérique» entre dans le dur

  • «Aujourd'hui commence un procès historique qui sera un référendum sur le chemin parcouru par l'Amérique dans sa quête d'égalité et de justice pour tous», a déclaré Ben Crump
  • Les autorités ont lancé un appel au calme et aux «manifestations pacifiques» pendant la durée du procès

MINNEAPOLIS: Les débats de fond débutent lundi au procès du policier blanc accusé du meurtre de George Floyd, qui est aussi un « référendum » sur la justice en Amérique après les manifestations géantes contre le racisme, suscitées par la mort du quadragénaire noir. 

Après trois semaines consacrées à la sélection des jurés, l'accusation doit présenter son dossier contre Derek Chauvin, 45 ans dont 19 au service de la police de Minneapolis, jugé pour meurtre et homicide involontaire.  

« Aujourd'hui commence un procès historique qui sera un référendum sur le chemin parcouru par l'Amérique dans sa quête d'égalité et de justice pour tous », a déclaré Ben Crump, l'avocat de la famille Floyd juste avant l'audience. 

« Le monde entier nous regarde », a-t-il souligné avant de s'agenouiller avec des proches de la victime pendant 8 minutes et 46 secondes, le temps pendant lequel Derek Chauvin est resté agenouillé sur le cou de George Floyd, le 25 mai à Minneapolis. 

Son calvaire a été filmé et mis en ligne par une passante. Les images ont fait le tour du monde et fait descendre des foules dans les rues de New York, Seattle, Paris ou Sydney pour dénoncer le racisme et les violences policières envers les minorités. 

« Chauvin est sur le banc des accusés, mais c'est l'Amérique qui est en procès », a jugé le révérend Al Sharpton, un militant des droits civiques venu exprès à Minneapolis pour cette audience « historique ». 

« Salir sa mémoire » 

C'est un célèbre avocat afro-américain Jerry Blackwell, qui doit s'exprimer pour l'accusation à partir de 09H30 (14H00 GMT), dans un bâtiment public transformé en camp retranché pour ce procès exceptionnel qui doit durer trois ou quatre semaines. 

Les autorités ont lancé un appel au calme et aux « manifestations pacifiques » pendant la durée du procès, alors que des manifestants doivent se retrouver devant le tribunal lundi matin. 

Les procureurs vont tenter de démontrer que Derek Chauvin, qui comparaît libre, a manifesté du mépris pour la vie de George Floyd, en maintenant sa pression bien que celui-ci ait dit à vingt reprises « je ne peux pas respirer », qu'il se soit évanoui, et que son pouls ait finalement disparu. 

Me Eric Nelson, l'avocat de Derek Chauvin qui plaide non coupable, va au contraire assurer que le policier s'est contenté de suivre des procédures autorisées pour maîtriser un suspect récalcitrant et qu'il n'est pas responsable de la mort de George Floyd. 

Le quadragénaire, qui souffrait de problèmes de santé, aurait selon Me Nelson succombé à une overdose au fentanyl, un puissant opiacé dont des traces ont été retrouvées à l'autopsie. 

Il « va essayer de salir » la mémoire de George Floyd mais « les faits sont simples. Ce qui l'a tué était « une overdose de force excessive », a rétorqué Ben Crump, accusant l'ex-policier d'avoir « torturé » M. Floyd. 

« Vide dans le coeur » 

Épidémie oblige, le procès se déroule sans public mais les audiences sont retransmises en direct et de nombreux Américains devraient les suivre. 

Le verdict est attendu fin avril ou début mai. Les douze jurés devront se prononcer à l'unanimité, sinon le procès sera considéré comme nul. Ce scénario, ou un acquittement, pourraient déclencher de nouvelles émeutes à Minneapolis qui s'est déjà embrasée fin mai. 

Les poursuites contre des policiers pour des violences commises dans l'exercice de leurs fonctions sont en effet très rares et les condamnations encore plus. 

La mairie de Minneapolis, qui a décidé de réformer les services de police en profondeur, a accepté mi-mars de verser 27 millions de dollars de dédommagements à la famille de George Floyd pour mettre un terme à sa plainte au civil. 

« J'ai un immense vide dans le coeur, il ne peut pas être rempli, aucune somme d'argent ne le pourra. Nous voulons une condamnation », a affirmé dimanche soir le frère de George Floyd, Philonise. 

L'avocat de Derek Chauvin a critiqué cet accord, qui pourrait selon lui influencer les jurés. 

Toujours à cause de la Covid, les trois autres policiers impliqués dans le drame, Alexander Kueng, Thomas Lane, et Tou Thao, seront jugés en août pour « complicité de meurtre ». 


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.