L'hydrogène décarboné, une course qui passe par tous les continents

L'hydrogène pourrait contribuer à bouleverser la carte mondiale de l'énergie (Photo, AFP).
L'hydrogène pourrait contribuer à bouleverser la carte mondiale de l'énergie (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 30 mars 2021

L'hydrogène décarboné, une course qui passe par tous les continents

  • Vu comme le chaînon manquant pour réussir la transition écologique, ce gaz, encore produit à base de combustibles fossiles, contribuerait à décarboner l'industrie et les transports lourds
  • Encore coûteuse, cette perspective fait rêver notamment en Europe, qui a manqué le train des composants solaires et des batteries, quasi-monopolisé par la Chine

PARIS: Rivalisant dans les annonces de plans et d'investissements, États et industriels des quatre coins du monde, notamment européens, se lancent dans la course à l'hydrogène vert, les yeux tournés une fois encore vers la Chine.

Vu comme le chaînon manquant pour réussir la transition écologique, ce gaz, encore produit à base de combustibles fossiles, contribuerait à décarboner l'industrie et les transports lourds et fournirait un moyen de stockage pour l'électricité renouvelable. A condition d'être « verdi ».

Encore coûteuse, cette perspective fait rêver notamment en Europe, qui a manqué le train des composants solaires et des batteries, quasi-monopolisé par la Chine.

Objectif : maîtriser toute la chaîne ou au moins une partie. L'hydrogène « vert », obtenu par électrolyse de l'eau avec de l'électricité renouvelable, nécessite de développer aussi bien la demande que les applications ou les infrastructures de transport.

Plusieurs plans nationaux ont été annoncés à la faveur de la relance, mêlant coopération et stratégies parfois bien différentes, de l'hydrogène 100% vert à celui adossé au nucléaire voire au gaz.

Les États-Unis ont sorti une nouvelle feuille de route. L'Allemagne compte d'ici 2030 investir 9 milliards d'euros, la France 7, le Portugal autant, le Royaume-Uni 12 milliards de livres, et le Japon et la Chine respectivement 3 et 16 milliards de dollars pour verdir leur production, selon le cabinet Accenture.

Au total, « 76 gigawatts de capacités de production sont en projet, dont 40 annoncées l'an dernier », et l'Australie concentre « la moitié des principaux projets (de la taille du mégawatt) », selon Gero Farruggio, du cabinet Rystad Energy.

Domination asiatique ?

L'Asie du Nord est positionnée : le Japon qui a de grands besoins et travaille à concevoir des bateaux pour convoyer l'hydrogène, la Corée du sud, et surtout la Chine.

« Vu ses besoins, elle fait flèche de tout bois, dont l'hydrogène, notamment sur la mobilité », dit Nicolas Mazzucchi, de la Fondation pour la recherche stratégique.

La Chine développe un mode de production adossé à des réacteurs nucléaires, même si sa production actuelle vient du charbon. Il attire les acteurs du monde entier : fabricants de piles à combustibles pour véhicules (le canadien Ballard, le français Symbio), de stations de remplissage (Air Liquide).

« Avec sa volonté de décarboner (son économie) et sa capacité à tirer les coûts vers le bas, la Chine peut-elle dominer l'approvisionnement en électrolyseurs, comme avec les modules solaires ? Cela semble probable », juge Gero Farruggio.

En face, l'Europe fourbit ses armes.

« Trois pays sortent du lot », relève Charlotte de Lorgeril, du cabinet Sia Partners, citant l'Allemagne, « en avance sur les transports », la France, « plus avancée sur la production », et les Pays-Bas, déjà forts d'infrastructures gazières.

L'UE vise 12 à 14% d'hydrogène dans son bouquet énergétique en 2050 (contre 2% aujourd'hui) et encourage la coopération.

Ce qui n'empêche pas le ministre allemand de l'Économie Peter Altmaier de viser la place de « premier fournisseur et producteur » mondial pour son pays.

Nicolas Mazzucchi craint ainsi que l'UE paie son « manque de stratégie énergétique globale », au risque de faire de l'hydrogène « la marotte » du moment.

Du côté des industriels, les énergéticiens tentent de s'imposer, à coup d'acquisitions, notamment de start-ups, ou de consortiums. Comme Total et Engie, alliés pour développer le plus grand site en France de production d'hydrogène vert.

« Ils sont dans une stratégie de concurrence avec les acteurs historiques de l'hydrogène, qui eux cherchent à devenir énergéticiens », note Mikaa Mered, enseignant à l'Institut libre des relations internationales et HEC.

Nouvelles routes de l'énergie

Si cette euphorie se concrétise, l'hydrogène pourrait contribuer à bouleverser la carte mondiale de l'énergie.

Déjà de nouvelles ententes et interdépendances se font jour.

L'Allemagne s'est rapprochée du Maroc pour développer la production d'hydrogène issu du solaire. Les projets Green Spider et Green Flamingo, prévoient des autoroutes maritimes de l'hydrogène et des gazoducs pour relier l'Espagne et le Portugal au nord de l'Europe.

« C'est aussi la création de nouvelles chaînes logistiques, ce qui permettrait d'importer du désert chilien ou du Sahara, là où on aura beaucoup de solaire », selon Charlotte de Lorgeril.

« Est-ce que cela va permettre une décentralisation des acteurs de l'énergie, qui remettrait en question les équilibres existants, ou aboutir à une nouvelle centralisation, avec des pays exportateurs d'hydrogène et des pays importateurs », comme pour le pétrole et le gaz aujourd'hui ? C'est « l'enjeu de la décennie », avance prudemment Mikaa Mered. 


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.