Confinement: la presse ne cache pas sa lassitude après l'allocution de Macron

Des personnes écoutent le président français Emmanuel Macron prononcer un discours télévisé depuis le palais de l'Elysée à Paris, à Marseille, le 31 mars 2021, lors d'une allocution télévisée sur les nouvelles restrictions Covid-19. (Nicolas TUCAT / AFP)
Des personnes écoutent le président français Emmanuel Macron prononcer un discours télévisé depuis le palais de l'Elysée à Paris, à Marseille, le 31 mars 2021, lors d'une allocution télévisée sur les nouvelles restrictions Covid-19. (Nicolas TUCAT / AFP)
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Publié le Jeudi 01 avril 2021

Confinement: la presse ne cache pas sa lassitude après l'allocution de Macron

  • "Cet effort national du mois d’avril sera-t-il le dernier ? On voudrait y croire, mais la confiance s’est étiolée" tacle Benoît Gaudibert dans l'Est Républicain
  • Les autorités de Nouvelle-Calédonie ont annoncé jeudi la fin des mesures de confinement en place depuis le 9 mars

PARIS : La presse française est partagée entre attente du "bout du tunnel" et lassitude face à un "confinement" "ter repetita", au lendemain de l'annonce mercredi soir d'un nouveau tour de vis en France pour faire face à l'épidémie de coronavirus. 

"On rentre à la maison", titre le quotidien gratuit 20 minutes. "Régime sec pour tous", lâche le Télégramme. "Le bout du tunnel en mai?", s'interroge en Une le quotidien Ouest France. "En avril sur un fil, en mai..." reprend Libération, sur une photographie crispée du président lors de son allocution radio-télévisée.

"Cet effort national du mois d’avril sera-t-il le dernier ? On voudrait y croire, mais la confiance s’est étiolée" tacle Benoît Gaudibert dans l'Est Républicain. "Les atermoiements, le manque d’anticipation de l’exécutif depuis un an font peser le doute sur ses promesses de vaccination de masse d’ici l’été."

Pour lui l'allocution résonne "comme un aveu d’impuissance, alors qu’on approche la barre des 100.000 morts".

Même si le mot n'a pas été prononcé, "force est de constater que les +efforts+ demandés hier ont toutes les apparences - ter repetita - d’un nouveau confinement", estime, dans un édito amer, le directeur des rédactions du Figaro Alexis Brézet, qui voit dans la décision de fermer les écoles "un cruel renoncement".

"Retour à la case maison", se résigne Pascal Coquis dans les Dernières Nouvelles d'Alsace. "Tenir donc, tenir encore, tenir toujours. Tenir jusqu’à ce que les vaccins soient enfin là en nombre suffisant"... "il n’y a désormais plus d’autre stratégie, ni même d’alternative", conclut-il.

"La solution, on la connaît. C'est la vaccination à grande échelle", tranche Patrice Chabanet dans le Journal de la Haute Marne. "Aller plus loin alors ? Restrictions plus rudes ? Sanctions plus sévères ? La limite est bien là. En l'occurrence, le mur n'est plus celui du virus, mais de l'acceptabilité de la population."

"L’exécutif fait le choix de s’en remettre au civisme et au sens des responsabilités de chacun, estime Jérôme Chapuis dans son édito pour La Croix. Les fêtes de Pâques habituellement propices aux rassemblements familiaux nous diront dans quelques jours s’il a été entendu".

Covid-19: fin du confinement en Nouvelle-Calédonie

NOUMÉA : Les autorités de Nouvelle-Calédonie ont annoncé jeudi la fin des mesures de confinement en place depuis le 9 mars, compte tenu du risque "désormais très faible" de circulation du virus du Covid-19.     

"Au moment où je vous parle, le risque que le virus circule au sein de la population calédonienne est désormais très faible", a déclaré Thierry Santa, président du gouvernement lors d'une conférence de presse.

"Nous avons décidé de la reprise la plus large possible des activités (...). Dès demain, vous pourrez librement profiter de la vie en extérieur, toutes les activités pourront reprendre, à la seule condition de respecter les gestes barrière et les recommandations" des autorités sanitaires, a-t-il également annoncé.      

Un confinement strict avec fermeture des écoles avait été décrété le 9 mars pour deux semaines puis prolongé à deux reprises après la détection de cas hors quatorzaine pour la première fois depuis un an.      

Le virus a été introduit via la bulle sanitaire en place avec l'archipel voisin de Wallis et Futuna. En tout depuis le 7 mars, 14 cas importés de Wallis et Futuna, 11 cas secondaires et un cas autochtone le 25 mars ont été décelés.     

Seuls les rassemblements de plus de 50 personnes restent interdits et les discothèques fermées jusqu'au dimanche 11 avril. De même, le port du masque continue d'être obligatoire dans les locaux de travail, les lieux recevant du public et lors de déplacements à plusieurs.      

Quant aux bars et restaurants, ils peuvent rouvrir mais doivent fermer à minuit, se cantonner à un service à table et mettre en place des cahiers de rappel, permettant de tracer et d'identifier leurs clients.

Les scolaires et les étudiants sont en vacances de Pâques jusqu'au 12 avril.

Le transport intérieur, terrestre et aérien, va reprendre mais à l'international, le trafic aérien est drastiquement réduit jusqu'au 31 octobre et tout arrivant demeure soumis à un isolement de 14 jours dans des hôtels réquisitionnés.         

"Nous avons de nouveau l’opportunité d’être un exemple de territoire capable de maîtriser la circulation du virus et redevenir Covid-free", a de son côté déclaré le haut-commissaire de République, Laurent Prévost, rendant hommage au "civisme de la population". 

Une campagne de vaccination est parallèlement en cours sur le Caillou (270.000 hab.) où 32.183 personnes ont reçu au moins une injection.

Serrer sans étrangler

Dans L'Alsace, Laurent Bodin veut pour sa part croire aux "engagements solennels" du président concernant le "calendrier vaccinal et la réouverture des lieux de vie, restaurants et établissements culturels, à partir de la mi-mai". "Face à cette troisième vague épidémique, Emmanuel Macron a décidé de jouer son va-tout : il a fait des promesses qui l’engagent vis-à-vis des Français", écrit-il.

"Cette fois au moins, les choix sont clairs", salue quant à lui Jérôme Chapuis dans La Croix, jugeant que cette prise de parole était "indispensable", "pour dissiper cette impression que l’exécutif tâtonne sans cap ni boussole". 

Une allocution "habile" estime-t-il, pour le chef de l'Etat qui "annonce des restrictions nouvelles sans paraître renier la stratégie de ces derniers mois", concède ses erreurs et ouvre sur le bout du tunnel.

Une question de "dosage", résume Michel Klekowicki dans le Républicain Lorrain, qui consiste pour le chef de l'Etat à "serrer sans étrangler", fidèle à "la doctrine médiane qui lui est chère".

Que l'on apprécie ou non le volte-face du gouvernement, estime quant à lui Nicolas Beytout dans l'Opinion, "Tous s'accroderont sur un point : le président de la République est désormais le seul décisionnaire". 

"Pari raté ou changement opportun de stratégie, c'est avant l'été que son bilan pourra être fait."


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.