Pour Al-Eryani, les Houthis doivent se distancer de l'Iran

Dans une interview exclusive, le ministre de l'Information déclare que les Yéménites sont «déçus» par la décision américaine de radier les Houthis de la liste des organisations terroristes (capture d'écran)
Dans une interview exclusive, le ministre de l'Information déclare que les Yéménites sont «déçus» par la décision américaine de radier les Houthis de la liste des organisations terroristes (capture d'écran)
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Publié le Jeudi 01 avril 2021

Pour Al-Eryani, les Houthis doivent se distancer de l'Iran

  • Dans une interview exclusive, le ministre de l'Information déclare que les Yéménites sont «déçus» par la décision américaine de radier les Houthis de la liste des organisations terroristes
  • M. Al-Eryani déplore le silence des groupes de défense des droits internationaux sur les crimes des Houthis, notamment l’incendie meurtrier du camp des migrants de Sanaa

RIYAD: Les membres de la communauté internationale qui dialoguent avec la milice houthie du Yémen doivent utiliser leur influence pour l’encourager à rompre ses liens avec l’Iran et à s’engager dans l’initiative de paix de l’Arabie saoudite, souligne un ministre yéménite.

Moammar al-Eryani, ministre de l'Information, de la Culture et du Tourisme du Yémen, lance cet appel dans une interview exclusive avec Arab News. Il souligne qu'il ne se fait aucune illusion sur le rôle du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien, en particulier sa force extraterritoriale Al-Qods, dans l'offensive militaire actuelle des Houthis à Marib et ses attaques contre les installations civiles et la navigation commerciale.

«Bien que conscients que la milice houthie ne soit qu'un sale outil pour mener à bien le programme iranien visant à cibler l'Arabie saoudite, à semer le chaos et le terrorisme dans la région et à menacer les navires commerciaux et les voies de navigation internationales, nous appelons les pays qui communiquent avec les Houthis à jouer un rôle constructif», déclare M. Al-Eryani.

Il ajoute que ces pays devraient faire pression sur la milice pour qu'elle «abandonne la tutelle iranienne sur ses décisions politiques et militaires», «arrête immédiatement son escalade militaire à Marib» et «réponde immédiatement et sans condition à l'initiative prise par nos frères en Arabie saoudite».

«Ces pays doivent faire pression sur les Houthis pour qu'ils cessent leurs crimes quotidiens contre les civils dans leurs zones de contrôle, ces agressions étant considérées comme des crimes contre l'humanité», souligne-t-il.

Téhéran a nommé l'officier de la Force Qods Hassan Irloo comme ambassadeur dans la capitale yéménite, Sanaa, en octobre 2020, faisant de l'Iran le seul pays à reconnaître et instituer une représentation officielle des Houthis. Hassan Irloo, un vétéran de la Force Qods, a été sanctionné par le Trésor américain pour son rôle dans la fourniture d’armement avancé aux Houthis.

La milice, qui contrôle la majeure partie du nord du Yémen, a combattu les forces fidèles au gouvernement internationalement reconnu du président Abd-Rabbo Mansour Hadi avec des fonds et des armes fournis par l’Iran dans le cadre de sa guerre d’influence par procuration à travers le Moyen-Orient.

 

Le soutien militaire et financier apporté par l'Iran aux Houthis est depuis longtemps un secret de polichinelle et ce bien avant la prise de Sanaa par la milice en 2015. Le consensus général des analystes de la sécurité est que l'influence pernicieuse de Téhéran a attisé les flammes de la guerre, sapé de nombreuses tentatives de paix et contribué à la pire crise humanitaire au monde.

Le département d'État américain a classé les Houthis comme organisation terroriste étrangère (FTO) le 19 janvier dans l'un des derniers actes de l'administration Trump dans sa campagne de «pression maximale» contre l'Iran et ses mandataires au Moyen-Orient.

Cependant, l'administration Biden, avec l’objectif annoncé de soulager la situation humanitaire dans le pays, annule la mention FTO le 15 février. En conséquence, les Houthis ont intensifié leurs attaques contre les forces gouvernementales yéménites et visé les populations saoudiennes et les infrastructures civiles avec des missiles et des drones.

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Des combattants houthis nouvellement recrutés participent à un rassemblement dans la capitale Sanaa pour mobiliser davantage de combattants sur les fronts de bataille dans plusieurs villes yéménites. (Archive AFP)

 

«La décision de l'administration américaine de retirer les Houthis de la liste des organisations terroristes a déçu les Yéménites, qui y ont vu un encouragement pour la milice à commettre davantage de crimes et de violations contre les civils», déclare M. Al-Eryani.

«Ils considèrent également que cela donne aux Houthis les coudées franches pour lancer une offensive militaire dans la province de Marib, augmenter la fréquence des attaques terroristes contre des civils et des installations vitales en Arabie saoudite, et menacer la sécurité et la stabilité de l'approvisionnement énergétique mondial, ainsi que les voies de navigation internationales dans la mer Rouge et à Bab al-Mandab.»

M. Al-Eryani précise que la décision de radiation de la liste des organisations terroristes occulte la vérité sur l'association des Houthis avec le CGRI, ainsi que «leurs opinions extrémistes, leurs slogans hostiles et leurs pratiques criminelles contre les civils dans leurs zones de contrôle, pratiques qui ne diffèrent nullement de celles des autres factions terroristes.»

Le mépris des Houthis pour la vie des civils a été de nouveau démontré le 7 mars, lorsque des dizaines de migrants éthiopiens détenus dans un camp à Sanaa ont été brûlés vifs après que des cartouches de gaz lacrymogène et des grenades aveuglantes tirés par des gardes ont provoqué un incendie.

Pour M. Al-Eryani, la seule chose pire que l'atrocité elle-même, est le silence des groupes de défense des droits et de la communauté internationale.

«Malheureusement, ce crime horrible revendiqué par la milice terroriste houthie, faisant des dizaines de victimes parmi les migrants africains dans un incendie délibéré dans l'un des camps de détention, n'a pas reçu beaucoup d'attention de la communauté internationale ou des organisations internationales de défense des droits humains, à l'exception de quelques déclarations timides», s’indigne M.Al-Eryani.

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Moammar al-Eryani (à droite) interviewé par Mohammed al-Sulami d'Arab News.

 

«Ce silence international honteux et injustifié concernant les crimes et les violations de la milice houthie ne se limite pas à cet événement. N’oubliez pas les milliers de crimes et de violations commis par la milice contre des femmes innocentes, des enfants et des personnes âgées, notamment la tentative de viser le gouvernement à l'aéroport international d'Aden.»

Selon des diplomates, une enquête menée par une équipe d'experts de l'Organisation des nations unies (ONU) a conclu que les Houthis étaient responsables de cette attaque du 30 décembre, qui a tué au moins 22 personnes et en a blessé des dizaines d'autres. Des missiles ont explosé au moment où des responsables du gouvernement yéménite sont arrivés à l'aéroport pour rejoindre les membres du Conseil de transition du Sud (STC) dans le cadre d'un effort de réconciliation mené par l'Arabie saoudite. Parmi les morts figuraient des fonctionnaires du gouvernement et trois membres du personnel du Comité international de la Croix-Rouge (CICR).

Selon M. Al-Eryani, depuis leur émergence dans le gouvernorat de Saada au début des années 2000, les Houthis ont perpétré toutes sortes de crimes contre des civils sans défense. Notamment: «Des meurtres et des enlèvements; des disparitions forcées; des tortures psychologiques et physiques; des agressions contre des femmes dans des centres de détention secrets; des pillages de propriétés publiques et privées; des bombardements de maisons de l'opposition et de mosquées; des recrutements d'enfants soldats; des enrôlements obligatoires de civils et de réfugiés; des poses de mines terrestres et maritimes et des attaques contre des navires commerciaux et des pétroliers dans les couloirs maritimes internationaux.»

L'Arabie saoudite a tenté à plusieurs reprises de parvenir à une résolution globale du conflit entre les Houthis et le gouvernement yéménite. La dernière tentative date du 22 mars, lorsque le Royaume a annoncé une initiative de grande envergure appelant à un cessez-le-feu national supervisé par l'ONU, à la réouverture de l'aéroport de Sanaa et à de nouvelles discussions pour mettre fin au conflit.

M. Al-Eryani pense que c’est l’influence de l’Iran sur les Houthis qui a freiné les progrès du plan.

«L'initiative saoudienne est intervenue à un moment important et crucial pour révéler clairement le rôle joué par Téhéran pour torpiller les efforts de paix au Yémen, et le rôle de Hassan Irloo en tant que dirigeant de facto à Sanaa. Hassan Irloo contrôle les décisions politiques et militaires de la milice houthie», rapporte M. Al-Eryani.

Les négociations étant nécessairement à double sens, M. Al-Eryani affirme que le gouvernement yéménite a déjà montré qu'il était prêt à faire des concessions. «Au cours des séries de consultations avec les Houthis sous les auspices de l'ONU, le gouvernement a fait de nombreuses concessions pour arrêter l'effusion de sang et mettre fin aux souffrances des Yéménites», précise M. Al-Eryani. «Mais les Houthis ont dédaigné ces concessions. Ils les ont exploitées pour se regrouper et compenser leurs pertes humaines, ainsi que pour amasser des armes passées en contrebande d'Iran telles que des missiles balistiques et des drones pour la reprise des combats dans une tentative d'imposer leur coup d'État.»

FSO safer
Le FSO Safer est utilisé par les Houthis comme une bombe à retardement et un moyen de faire chanter la communauté internationale. (Archive)

 

Outre la guerre et la crise humanitaire au Yémen, la communauté internationale a des intérêts évidents dans l’affaire du FSO Safer – un pétrolier abandonné amarré au large de la côte Ouest du Yémen. À moins que les Houthis ne permettent des réparations urgentes, la charge utile du navire  48 millions de gallons de pétrole  pourrait se déverser dans la mer Rouge, dévastant l’environnement et les communautés de pêcheurs côtiers.

Tout en annonçant la dernière initiative de paix du Royaume à Riyad, le prince Faisal ben Farhan al-Saoud, le ministre saoudien des Affaires étrangères, a qualifié le navire délabré de «bombe à retardement» au vu de son impact écologique potentiellement destructeur.

«La description du ministre saoudien des Affaires étrangères est très précise», souligne M. Al-Eryani. «Les Houthis utilisent le FSO Safer comme une bombe à retardement et un moyen de faire chanter et de faire pression sur la communauté internationale en vue d’avantages politiques et matériels. Malheureusement, les Houthis ne sont pas intéressés par la catastrophe environnementale, économique et humanitaire imminente.»

Exprimant les inquiétudes du gouvernement yéménite sur la question de la sécurité du FSO Safer, M. Al-Eryani ajoute: «Nous appelons la communauté internationale, principalement les États membres du Conseil de sécurité de l'ONU à faire pression sur les Houthis pour qu'ils mettent immédiatement et sans condition en œuvre les accords avec l'ONU. Ils doivent permettre à l’équipe technique d’évaluer l’état du Safer afin d’éviter une catastrophe qui aura de graves conséquences pour tous les pays de la mer Rouge et affectera la région et le monde.»


Liban: quatre morts dans un raid israélien, riposte du Hezbollah et des factions alliées

Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
Cette photo prise depuis le kibboutz de Malkia, au nord d'Israël, le long de la frontière avec le sud du Liban, montre de la fumée s'échappant du village libanais de Mays al-Jabal lors des bombardements israéliens le 5 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région
  • En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban

BEYROUTH: «Quatre personnes d'une même famille» ont été tuées dans un «raid de l'armée israélienne» sur le village de Mays al-Jabal, a déclaré l'agence officielle d'information libanaise (ANI), actualisant un précédent bilan faisant état de trois victimes.

Il s'agit d'un homme, d'une femme et de leurs enfants âgés de 12 et 21 ans, d'après l'ANI, qui a précisé que deux autres personnes ont été blessées.

Depuis le début de la guerre à Gaza, le Hezbollah libanais, un allié du Hamas palestinien, échange quasi-quotidiennement avec l'armée israélienne des tirs à la frontière libano-israélienne. Des factions palestiniennes et autres groupes alliés ont aussi revendiqué des attaques depuis le Liban contre Israël.

Blessés transportés 

Selon ANI, des habitants du village inspectaient leurs maisons et magasins endommagés dans de précédents bombardements au moment du raid.

Les blessés ont été transportés vers des hôpitaux de la région.

Samedi soir, le Hezbollah a revendiqué des tirs sur des positions militaires dans le nord d'Israël.

Le Hezbollah a déclaré dans un communiqué avoir tiré « des dizaines de roquettes de types Katioucha et Falaq » sur Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, «en réponse au crime horrible que l'ennemi israélien a commis à Mays al-Jabal », qui, selon lui, a tué et blessé des civils.

En près de sept mois de violences transfrontalières, au moins 389 personnes parmi lesquelles 255 combattants du Hezbollah et plus de 70 civils ont été tuées au Liban, selon un décompte de l'AFP. Au moins 11 combattants du Hamas ont été tués selon ce même décompte.

Côté israélien, 11 soldats et neuf civils ont été tués, selon un bilan officiel.


Le forum de Riyad examine le rôle de la traduction dans la promotion de l'identité saoudienne

L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
L'Université Princesse Noura bent Abdelrahman accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ». (SPA)
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  • La conférence vise à contribuer à un objectif clé de la Vision 2030 du Royaume, à savoir la promotion des valeurs islamiques et de l'identité nationale, en encourageant les Saoudiens à traduire ces concepts dans d'autres langues et cultures
  • Le rôle de la traduction dans la promotion d'une image positive du Royaume sera également discuté, ainsi que la promotion de la reconnaissance internationale et la mise en évidence de l'impact culturel du Royaume

RIYAD : Le Collège des langues de l'Université Princesse Noura bent Abdelrahman de Riyad accueillera le 15 mai une conférence intitulée « Traduire l'identité saoudienne à travers d'autres langues et cultures ».

L'événement, dont le slogan est « Nous traduisons notre identité », aura lieu au département des conférences et des séminaires et est parrainé par le ministre saoudien de l'Éducation, Yousef Al-Benyan.

Il se concentrera sur le partage du patrimoine culturel, historique, littéraire et intellectuel du Royaume avec un public mondial, a rapporté l'agence de presse saoudienne.


L'interminable attente des proches de jeunes migrants tunisiens perdus en mer

El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
El Hencha fait actuellement face à un exode de jeunes en quête de mieux comme en Europe. (X : @ClimateActionG1)
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  • Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants
  • Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans

EL HENCHA: La plupart avaient gardé le secret: une quarantaine de migrants tunisiens, très jeunes, ont embarqué clandestinement en janvier en quête du "paradis européen" et depuis plus de quatre mois, leurs proches désespèrent de recevoir des nouvelles des disparus.

Ils sont partis vraisemblablement de Sfax (centre), épicentre en Tunisie de l'émigration irrégulière vers l'Italie, la nuit du 10 au 11 janvier sur une mer démontée, selon les familles.

Les occupants du bateau étaient surtout des jeunes de 17 à 30 ans, originaires d'El Hencha, bourgade agricole de 6.000 habitants à 40 kilomètres au nord de Sfax. Une mère et son bébé de quatre mois étaient aussi du voyage.

Inès Lafi n'avait aucune idée des intentions de son frère Mohamed, presque 30 ans, qui gagnait sa vie en conduisant la camionnette familiale de "louage" (taxi collectif).

"Il est sorti vers 22H00 avec son téléphone, sans rien dire à mes parents, sans vêtements de rechange ni sac, comme s'il allait retrouver ses amis", raconte à l'AFP cette ouvrière de 42 ans, qui souffre d'insomnies depuis.

Yousri, 22 ans, est aussi parti en cachette. "La majorité des jeunes n'ont pas informé leur famille, ils se sont débrouillés pour avoir un peu d'argent", confirme M. Henchi, son oncle instituteur.

Meftah Jalloul, poissonnier de 62 ans, savait lui "depuis un certain temps" que son fils Mohamed, 17 ans, "voulait migrer en Europe" et le lui avait déconseillé "mais c'est devenu une idée fixe".

La nuit fatidique, il a tenté d'empêcher son unique garçon de sortir, l'implorant d'attendre une meilleure météo, mais "il m'a embrassé sur la tête et il est parti", relate M. Jalloul.

«Désespérance»

Le commerçant culpabilise: "chaque jour, il créait des problèmes à la maison, il voulait de l'argent pour migrer. C'est moi qui lui ai donné l'argent, donc je suis responsable".

Les Tunisiens ont représenté la deuxième nationalité des migrants illégaux arrivés en Italie (17.304) en 2023, après les Guinéens, selon des statistiques officielles.

"Cette immigration irrégulière ne s'explique pas seulement par des motifs économiques et sociaux", analyse Romdhane Ben Amor, porte-parole de l'ONG FTDES. Il y a aussi "le facteur politique (le coup de force du président Kais Saied à l'été 2021, NDLR) et le sentiment de désespérance des Tunisiens qui ne croient pas dans l'avenir du pays".

Les disparus d'El Hencha, issus de la classe moyenne, pas particulièrement pauvres, partageaient cette "sensation d'horizon bouché".

Le frère d'Inès avait un travail mais "avec 20 dinars par jour (trois euros environ), une fois payé ses cigarettes, il disait qu'il ne pouvait pas faire de projets, ni construire une maison, ni se marier".

Mohamed l'instituteur pointe du doigt "les jeunes déjà en Italie qui publient sur les réseaux sociaux (...) leur quotidien". Les autres "voient ça et veulent changer leur avenir. Ils imaginent l'Europe comme un paradis", souligne-t-il. C'était, pense-t-il, le cas de Yousri qui travaillait dans un café internet pour 10/15 dinars par jour après avoir quitté le lycée avant le bac.

Meftah Jalloul était lui d'accord pour que son fils, également décrocheur scolaire, émigre, mais légalement et seulement après avoir fait une formation. "Il pouvait apprendre un métier: plombier, menuisier, mécanicien", souligne le père de famille.

Aujourd'hui, M. Jalloul lutte pour garder espoir.

«Temps très mauvais»

"Quatre mois se sont écoulés et je pleure mon fils. Ma famille et moi, nous sommes épuisés", dit-il en fondant en larmes.

Lui et d'autres familles se raccrochent à l'idée que l'embarcation aurait pu dériver vers la Libye voisine. Des contacts ont été pris, des recherches menées, en vain.

Inès Lafi et Mohamed Henchi redoutent le pire. Plus de 1.300 migrants sont morts ou ont disparu dans des naufrages l'an passé près des côtes tunisiennes, selon le FTDES.

"Le temps était très mauvais. Même les pêcheurs qui connaissent la mer sont rentrés, lui est sorti", explique Inès, furieuse contre le passeur, connu de tous pour son activité clandestine, qui n'est pas non plus revenu de cette dernière traversée.

Aux autorités, les familles demandent la poursuite des recherches et davantage d'opportunités à El Hencha.

"Il faut enrichir la zone industrielle avec d'autres unités de production, fournir des emplois aux jeunes", estime M. Henchi.

Il faudrait aussi, dit l'instituteur, "construire un état d'esprit différent" avec des programmes éducatifs pour donner envie de bâtir son avenir en Tunisie. Sinon les jeunes "se contentent d'un tour au café, d'un peu de ping-pong ou volley-ball".