Le secteur médiatique libanais post-4 août : état des lieux et perspectives

Ayman Mhanna, directeur de la Fondation Samir Kassir, a répondu aux questions d"Arab News.
Ayman Mhanna, directeur de la Fondation Samir Kassir, a répondu aux questions d"Arab News.
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Publié le Mercredi 19 août 2020

Le secteur médiatique libanais post-4 août : état des lieux et perspectives

  • « Toute tentative de museler la liberté d’expression sera vue par nous et par toute la communauté locale et internationale comme une tentative de cacher la vérité et de protéger les responsables du crime qui a eu lieu le 4 août »
  • « Nous comptons nous appuyer sur le drame du 4 août pour créer les conditions d’un réveil de la presse libanaise à l’égard de ses propres responsabilités »

BEYROUTH : Ayman Mhanna, directeur de la Fondation Samir Kassir, répond aux questions d’Arab News.

La fondation Samir Kassir a cartographié les dégâts humains et matériels du secteur médiatique provoqués par la catastrophe de Beyrouth. Quel est le bilan provisoire ?

Aucun journaliste n'a perdu la vie. Mais il y a eu 44 journalistes blessés, plus ou moins grièvement. Plus précisément, 20 personnes étaient présentes dans les bureaux de différents organes de presse, 16 personnes étaient à leur domicile et 8 journalistes étaient sur le terrain pour couvrir soit l'incendie au port, soit les manifestations contre la cherté de la vie au Liban.

Concernant les dégâts matériels, beaucoup de bureaux ont été affectés. Il y a eu une destruction quasi totale des bureaux du journal An Nahar, du journal Al-Araby Al-Jadeed, des studios de Télé Lumière, des locaux de Megaphone, ou encore ceux du journal Nida al Watan et ceux du site Al Mulhaq. On a aussi constaté des destructions importantes de locaux d'autres médias du centre-ville, près de la place Riad el Solh, du côté de Sodeco, ou même au début de la rue Hamra. Même les médias présents de l'autre côté de la ville, à Raouché et à Tallet al Khayat, ont été atteints, avec des vitres brisées.

Face à l’ampleur de cette catastrophe, comment l'État libanais a-t-il réagi ?

Les institutions se sont distinguées par leur absence. Or, le Liban a signé en 2015 avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) une stratégie nationale pour la gestion des risques et des catastrophes, qui définit de manière très claire et très détaillée le rôle de chaque institution, celui de chaque administration publique dans la gestion de différents types de catastrophe et de crise. Ce programme a également abouti à la création d'une unité spécialisée dans la gestion des crises et des catastrophes, financée par le Pnud, et qui est présente au Grand Sérail, siège du Premier ministre. Le plan n'a pas pu être mis en œuvre. L'unité a été mise à l'écart dès le lendemain de la catastrophe du 4 août.

Les journalistes sur place sont exposés à des risques importants de traumatisme psychologique. Pouvez-vous nous en dire plus sur le guide publié par la Fondation Samir Kassir à cet égard ?

Ce guide a été préparé par le Dart Center for Journalism and Trauma, un centre qui fait partie de l'université Colombia à New York et qui est spécialisé dans les questions de traumatisme et de journalisme. L'idée était de traduire en langue arabe un guide lié à la santé mentale de ceux qui ont couvert un événement extrêmement traumatique. Des journalistes se trouvaient sur le terrain, quelques minutes avant l'explosion, pour couvrir des manifestations à Corniche Al Nahr, en face du ministère de l'Énergie, ils ont couru vers le lieu de l'explosion et ont sans doute vu des scènes effroyables et un terrible niveau de destruction.

Je pense que chaque personne présente au Liban le 4 août garde un souvenir plus ou moins traumatique. Le traumatisme est encore plus fort pour les journalistes qui doivent aller sur le terrain, constater les dégâts, voir potentiellement des personnes blessées ou mortes, faire des interviews avec des gens qui ont tout perdu, aussi bien leurs proches que leur propriété. On sait par expérience que ce sont des événements traumatisants qui nécessitent de prendre en compte la santé mentale du journaliste et de ses collègues. Il faut que les journalistes prennent conscience du risque d'aggravation du traumatisme que courent les survivants et les victimes. C'est la raison pour laquelle nous avons publié un deuxième guide, consacré à la relation entre journalistes et victimes.

Les Libanais demandent de connaître la vérité. Quel doit être le rôle des journalistes dans ce processus de responsabilisation ?

Il faut qu'il y ait une réflexion sur un plus long terme. Si les médias conservent l’attitude qu’ils ont adoptée avant le 4 août, le plus souvent une attitude de complaisance à l'égard du pouvoir, de complaisance entre les journalistes vedettes et les hommes politiques puissants, de négligence à l'égard des faits, caractérisée par un manque de vérifications et par une culture superficielle de questions-réponses, alors la question sera : quand aura lieu le prochain drame au Liban ?

Nous sommes convaincus qu'un journalisme de qualité sauve des vies. Au Liban, si la presse était réellement libre et indépendante, capable d'enquêter en profondeur à travers un journalisme d'investigation poussé, elle aurait pu empêcher tous les actes de corruption qui ont façonné la vie politique libanaise depuis l'indépendance. Si ce travail avait été fait au port ou aux douanes, on aurait peut-être pu sauver des vies et de propriétés au Liban.

Nous allons être extrêmement investis dans le plan qui va bientôt être annoncé. Ce programme a pour but de refonder et de relancer le secteur médiatique libanais sur des bases bien plus saines, tout en donnant aux journalistes et aux médias les moyens de travailler de manière responsable, libre, protégée, et d'aller au fond des choses quand il s'agit d'enquêter. C'est une question de responsabilité morale et éthique de la presse. Il faut qu'il y ait une culture de la vérification. Même la culture basique liée à la responsabilité de la presse au niveau du partage de l'information a des lacunes très préjudiciables au Liban. Nous comptons nous appuyer sur le drame du 4 août pour créer les conditions d'un réveil de la presse libanaise à l'égard de ses propres responsabilités.

En ce sens, quel peut être le rôle des universités ?

Les programmes de journalisme dans les universités libanaises sont assez faibles. Il y a tout d'abord, dans de nombreuses universités privées, une sorte de confusion entre les programmes de presse et de communication. Or, nous considérons que les métiers de journaliste et de communicant sont importants mais ne sont pas interchangeables. Deuxièmement, le programme plus formel de journalisme se trouve à l'Université libanaise. Malgré de très bonnes volontés, il souffre d'un manque de moyens et aussi d'une absence totale de prise de conscience des nouveautés technologiques. Le journaliste, de nos jours, a besoin d'être polyvalent : il doit maîtriser le fonctionnement des technologies, des algorithmes, et savoir manipuler les nouveaux outils. Il faut que les enseignants connaissent le terrain. Malheureusement, les professeurs de l'Université libanaise ne peuvent pas exercer un métier en parallèle. Ils n'ont pas le droit, en réalité, d'être journalistes, ce qui est une aberration. Il faut aussi un investissement de la part des médias eux-mêmes pour proposer des formations en continu pour leurs équipes.

Craignez-vous que l'état d'urgence décrété à Beyrouth après la catastrophe puisse conduire à des abus supplémentaires et à une limitation de la liberté de la presse ?

Nous sommes en train d'alerter contre une lecture liberticide de l'état d'urgence. Aujourd'hui, ce qui peut sauver des vies, ce qui peut questionner les responsables, ce qui peut contribuer à la vérité, c'est une presse libre. Toute tentative de museler la liberté d'expression sera vue par nous et par toute la communauté locale et internationale engagée dans la défense de cette liberté comme une tentative de cacher la vérité et de protéger les responsables du crime qui a eu lieu 4 août.

Nous ne voulons pas atteindre un point où on accuserait les services de sécurité en général et l'armée en particulier de connivence avec les criminels. Pour échapper à ces accusions, il faut que l'armée utilise l'état d'urgence d'une façon extrêmement raisonnée, dans un sens très strict, qui lui permette de mieux coordonner les activités des différents services de sécurité et même d'empêcher les luttes qui, souvent, existent entre ces services. Il faut que l'armée permette à la population de s'organiser et de se rassembler, car les gens ont besoin de se retrouver afin de garder espoir et d'avoir l'énergie nécessaire pour reconstruire. Si l'état d'urgence s'étend en dehors des limites administratives de Beyrouth, ce sera un acte de tyrannie pur et simple. On sait très bien que l'armée libanaise n'est pas l’armée d'un État tyrannique comme celles des pays voisins. Nous attendons que l'armée confirme ce fait.

Les bailleurs de fond, notamment les États-Unis, peuvent-ils avoir une influence positive sur les agissements de l'armée libanaise dans les jours qui viennent ?

Les bailleurs de fond et les sponsors américains, britanniques, français ont investi pour soutenir l'armée libanaise. Il est de leur responsabilité de s'assurer que les équipements, les financements, les formations prodiguées à l'armée soient utilisés en respectant les règles d'un État de droit. Sinon, il incombera aux binationaux et aux amis du Liban aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni de soumettre des demandes d'accès à l'information. Les constitutions et les lois de ces pays garantissent ce droit aux citoyens, afin que la lumière soit faite au sujet du soutien international aux services de sécurité du Liban et pour vérifier que sont respectés l’État de droit et les droits de l’homme. Il faudra également entretenir un dialogue avec les députés de ces pays et que des questions soient posées au gouvernement.

Il faudra enfin que toute la lumière soit faite au sujet des plans de soutien du gouvernement libanais aux services de sécurité afin de nous assurer que ces programmes d’aide ne soient pas entachés de corruption et qu’ils respectent bel et bien les règles de l’État de droit et les droits de l’homme.


Le chef de l'ONU, António Guterres, qualifie la situation à Gaza de «moralement, politiquement et juridiquement intolérable»

Des Palestiniens marchent dans la poussière quelques instants après une frappe militaire israélienne qui a détruit un bâtiment dans la ville de Gaza. (AP)
Des Palestiniens marchent dans la poussière quelques instants après une frappe militaire israélienne qui a détruit un bâtiment dans la ville de Gaza. (AP)
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  • Le rapport d'une commission de l'ONU a conclu qu'Israël a commis quatre actes génocidaires à Gaza en vertu de la Convention sur le génocide de 1948
  • Israël a rejeté le rapport en le qualifiant de "déformé et faux", tandis que les Palestiniens l'ont salué comme une preuve de destruction systématique et d'intention génocidaire

NEW YORK/LONDRES : Le secrétaire général de l'ONU a condamné mardi la "destruction systématique" de la ville de Gaza, mais a insisté sur le fait qu'il appartenait aux tribunaux internationaux de déterminer si Israël commettait un génocide.

Répondant à des questions au siège de l'ONU, Antonio Guterres a déclaré qu'il n'était pas de son ressort de faire une détermination juridique de génocide après qu'une équipe d'experts mandatés par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU ait conclu qu'Israël le faisait précisément à Gaza.

Les agences de l'ONU, les organismes internationaux et les gouvernements sont soumis à une pression croissante pour affirmer que la conduite d'Israël dans le territoire palestinien depuis le début de ses opérations militaires en octobre 2023 équivaut à un génocide.

Interrogé sur le fait de savoir s'il pensait qu'Israël commettait un génocide à Gaza, Antonio Guterres a répondu : "Comme je l'ai dit à maintes reprises, dans ces circonstances et dans d'autres circonstances similaires, il n'appartient pas au Secrétaire général de procéder à la détermination juridique d'un génocide.

"Cela appartient aux entités judiciaires adéquates, à savoir la Cour internationale de justice.

M. Guterres a néanmoins déclaré que ce qui se passe à Gaza est "horrible".

"Nous assistons à des destructions massives de quartiers, à la destruction systématique de la ville de Gaza, à des massacres de civils comme je n'en ai jamais vu dans aucun conflit depuis que je suis secrétaire général", a-t-il déclaré.

"Avec pour conséquence que le peuple palestinien souffre d'une situation horrible, de famine, sans accès à aucune forme de soutien, avec des déplacements continus et un risque imminent de perdre la vie à tout moment".

Il a ajouté : "La vérité, c'est que cette situation est moralement, politiquement et juridiquement intolérable".

Les commentaires de M. Guterres ont été faits en réponse à un rapport accablant de 72 pages publié mardi par la Commission d'enquête sur le territoire palestinien occupé et Israël.

Ce rapport indique non seulement qu'Israël a commis et continue de commettre, depuis octobre 2023, des actes de génocide à l'encontre des Palestiniens de Gaza, mais aussi que l'incitation à ces actes provient des plus hautes personnalités politiques et militaires de l'État israélien.


La CPI a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre de Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant pour le crime de guerre de famine et les crimes contre l'humanité de meurtre, de persécution et "d'autres actes inhumains". (AFP)
La CPI a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre du Premier ministre Benjamin Netanyahu, du président Isaac Herzog et de l'ancien ministre de la défense Yoav Gallant.

"Le génocide en cours à Gaza est un scandale moral et une urgence juridique", a déclaré Navi Pillay, chef de la commission d'enquête composée de trois membres et ancienne juge de la Cour pénale internationale, lors d'une conférence de presse à Genève.

"La responsabilité de ces crimes atroces incombe aux autorités israéliennes au plus haut niveau, qui ont orchestré une campagne génocidaire depuis près de deux ans dans le but précis de détruire le groupe palestinien à Gaza.

Le rapport se fonde sur une étude méticuleuse des faits et des conclusions juridiques concernant les attaques menées à Gaza par les forces israéliennes et le comportement des autorités israéliennes.

Le groupe d'experts a conclu qu'Israël avait commis quatre des cinq actes génocidaires définis par un traité international de 1948 connu sous le nom de "Convention sur le génocide".

Ces quatre actes sont les suivants Tuer, causer des dommages corporels ou mentaux graves, infliger délibérément des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction totale ou partielle des Palestiniens, et imposer des mesures visant à empêcher les naissances.

Le moment choisi pour la publication du rapport n'aurait pu être plus pertinent, puisqu'il intervient peu après l'annonce par Israël d'une attaque terrestre de grande envergure contre la ville de Gaza, le plus grand centre urbain du territoire.

Si les conclusions du rapport ne surprennent pas grand monde, leur importance pourrait avoir des répercussions à l'échelle mondiale.

La commission elle-même n'est pas un organe juridique, mais le rapport pourrait être intégré dans des affaires par les procureurs de la CIJ et de la CPI.


La CIJ examine une affaire portée par l'Afrique du Sud qui accuse les forces israéliennes d'avoir commis un génocide contre les Palestiniens de Gaza.

La CPI a délivré des mandats d'arrêt à l'encontre de M. Netanyahu et de M. Gallant pour le crime de guerre de famine et les crimes contre l'humanité de meurtre, de persécution et "d'autres actes inhumains".

Le rapport a été immédiatement attaqué par Israël, mais il a été largement salué par les Palestiniens et leurs partisans.

Le ministère des affaires étrangères de l'Autorité palestinienne, qui gouverne la Cisjordanie occupée, a déclaré que le rapport avait "prouvé sans équivoque" qu'Israël avait commis le crime de génocide à Gaza "par une politique délibérée et généralisée visant à la destruction systématique du peuple palestinien".

Le ministère a appelé la communauté internationale à prendre des mesures pour protéger le peuple palestinien et à "cesser toute forme de soutien militaire et politique à Israël".

Le rapport ne représente pas la position officielle des Nations unies sur la question de savoir si des actes de génocide ont été perpétrés à Gaza, mais il augmentera la pression sur les agences des Nations unies et les gouvernements pour qu'ils utilisent ce terme.


Volker Turk, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme, a également déclaré qu'il appartenait aux tribunaux de décider "s'il s'agit ou non d'un génocide", mais que les preuves s'accumulaient.

"Nous voyons s'accumuler crime de guerre sur crime de guerre ou crime contre l'humanité, et potentiellement plus encore", a-t-il déclaré.

Au Royaume-Uni, où le gouvernement est soumis à des pressions croissantes pour adopter une position plus dure à l'égard d'Israël, un porte-parole du ministère des affaires étrangères a déclaré à Arab News que toute décision formelle quant à l'existence d'un génocide "devrait être prise à la suite d'un jugement rendu par un tribunal national ou international compétent".

"Ce qui se passe à Gaza est épouvantable et nous continuons à appeler Israël à changer de cap immédiatement en arrêtant son offensive terrestre et en laissant entrer sans délai un afflux d'aide humanitaire", a déclaré le porte-parole.

Dans une lettre envoyée au début du mois, l'ancien ministre des affaires étrangères David Lammy a écrit que le gouvernement "n'avait pas conclu qu'Israël agissait avec une intention génocidaire".

Dans une déclaration commune, des organisations de la société civile, dont le British Palestinian Committee et Palestine Solidarity Campaign, ont déclaré que les conclusions de la commission d'enquête confirmaient que M. Lammy avait non seulement "tort", mais qu'elles montraient l'ampleur de la complicité du Royaume-Uni dans les crimes d'Israël.


"Ce gouvernement a joué un jeu linguistique et juridique avec les députés, le public britannique et la vie des Palestiniens", indique le communiqué. "Plutôt que de faire tout ce qui est en son pouvoir pour protéger un peuple occupé, le gouvernement britannique a choisi de soutenir un État qui commet des crimes de guerre.

La parlementaire de gauche Zarah Sultana a déclaré que le rapport confirmait ce qui était déjà clair : Israël commet un génocide à Gaza.

"Il s'agit du génocide le plus documenté de l'histoire", a-t-elle écrit sur X. "La position du gouvernement était déjà moralement indéfendable. Elle est maintenant politiquement indéfendable".

Nimer Sultany, expert en droit international à la School of Oriental and African Studies, a déclaré que le rapport était un clou dans le cercueil du "déni de génocide" qui a empêché les gouvernements d'agir contre Israël.

Il a déclaré à Channel 4 News que le rapport était une "mise en accusation accablante de la politique du gouvernement britannique, de la Commission européenne, des États européens, qui n'ont pas agi, qui ont continué à protéger Israël de toute responsabilité".

Le ministère israélien des affaires étrangères a déclaré qu'il rejetait "catégoriquement" le rapport, le qualifiant de "déformé et faux".


Des Palestiniens fouillent les décombres de la tour Al-Ghafari après sa destruction par des frappes aériennes israéliennes dans la ville de Gaza. (AFP)
Ce rapport fait suite à une résolution adoptée au début du mois par l'Association internationale des spécialistes du génocide, selon laquelle la conduite d'Israël répond à la définition juridique du génocide énoncée dans la convention des Nations unies de 1948.

La semaine dernière, Israël a dû faire face à une pression internationale supplémentaire lorsque l'Assemblée générale des Nations unies a voté à une écrasante majorité en faveur de la relance de la solution à deux États entre Israël et la Palestine, sans impliquer le Hamas.

La "déclaration de New York" a été présentée conjointement par l'Arabie saoudite et la France, les deux pays devant accueillir une conférence internationale sur la solution des deux États au siège des Nations unies le 22 septembre.

La présidence française a déclaré mardi que cet événement était "la seule solution viable et la seule option sur la table pour sortir de cette terrible crise".

La "vaste mobilisation" de l'Arabie saoudite et de la France en faveur de la solution des deux États dans le conflit israélo-palestinien vise à convaincre les États-Unis qu'il y a une "urgence absolue" à mettre fin à la guerre à Gaza, a déclaré mardi la présidence française.

L'idée de cette conférence "est née de la visite d'Etat que le président (Emmanuel) Macron a effectuée en Arabie saoudite" l'année dernière, a déclaré l'Elysée lors d'une réunion d'information de haut niveau à laquelle Arab News a assisté.

"Nous avons réfléchi avec l'Arabie saoudite à l'initiative que nous pourrions prendre ensemble pour obtenir un cessez-le-feu à Gaza, la fin de la guerre et une solution politique à la crise qui conduirait enfin à la création de deux Etats et apporterait la paix et la sécurité à tous les peuples de la région".


Une décision a été prise par le prince héritier Mohammed bin Salman et Macron en décembre dernier pour organiser et élever la conférence proposée en tant que mécanisme de mise en œuvre de la solution à deux États.

L'Assemblée générale des Nations unies a ensuite voté pour donner un mandat à l'Arabie saoudite et à la France pour accueillir la conférence, qui a tenu sa première étape à l'ONU en juillet.

Cet événement a débouché sur la déclaration de New York, saluée par l'ambassadeur de France aux Nations unies, Jérôme Bonnafont, comme une "feuille de route unique pour parvenir à la solution des deux États".

Bien que la déclaration de New York condamne le Hamas et cherche à assurer son isolement international, l'ambassadeur israélien à l'ONU Danny Danon a accusé la semaine dernière la majorité des membres de l'AGNU de "faire avancer la terreur".

Le diplomate américain Morgan Ortagus a déclaré que la résolution était un "cadeau au Hamas", ajoutant : "Loin de promouvoir la paix, la conférence n'a rien fait d'autre que d'encourager le Hamas : "Loin de promouvoir la paix, la conférence a déjà prolongé la guerre, enhardi le Hamas et nui aux perspectives de paix à court et à long terme.

La présidence française a réfuté ces accusations mardi, avertissant que la "catastrophe humanitaire atroce" et le "bilan humain insupportable" à Gaza ne pouvaient être résolus que "sur la base d'un horizon politique pour la solution des deux États".

La déclaration de New York définit "à la fois un calendrier et une étape irréversible vers la solution des deux Etats qui commencerait par un cessez-le-feu, la libération des otages et une aide humanitaire offerte sans contrainte à la population palestinienne de Gaza", a déclaré l'Elysée.


Dans le cadre des efforts d'après-guerre visant à stabiliser Gaza, une Autorité palestinienne réformée doit être autorisée à opérer dans l'enclave par le biais d'un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, a ajouté l'Élysée.

La présidence française a souligné que "tous les pays arabes, les dirigeants de l'Organisation de la coopération islamique et les dirigeants de la Ligue arabe" ont accepté le plan, qui prévoit que le Hamas "n'aura aucun rôle" dans l'administration de la bande de Gaza d'après-guerre.

Le chef de l'AP, Mahmoud Abbas, a écrit une lettre à M. Macron et au prince héritier le 9 juin, dans laquelle il s'engageait notamment à réformer l'autorité.

Dans le cadre du projet international commun, plusieurs grands pays, dont le Canada, l'Australie, la Belgique et le Portugal, se sont engagés à reconnaître la Palestine lors de la conférence du 22 septembre.

"Il s'agit du mouvement le plus important depuis longtemps car, pour la première fois, des États membres du Conseil de sécurité de l'ONU mais aussi des États membres du G7 reconnaîtront l'État de Palestine", a déclaré l'Élysée.

"Cela nous permettra de dire que la solution des deux États ne peut pas être anéantie par l'opération israélienne que nous voyons se dérouler sur le terrain.

La présidence française a exprimé son inquiétude face aux récentes frappes israéliennes sur le Qatar, qui visaient des dirigeants du Hamas.

À la suite de l'attaque, les dirigeants du Royaume-Uni, de la France, du Canada, du Qatar, de la Jordanie et de l'Égypte ont tenu une réunion d'urgence à distance, s'engageant à faire preuve de solidarité avec tous les États du Golfe.

"Aucun pays ne devrait être frappé et la souveraineté des pays voisins d'Israël devrait être respectée. Nous avons réussi à obtenir une condamnation claire au Conseil de sécurité des Nations unies", a déclaré l'Élysée.

"Mais nous avons besoin de cette mobilisation collective pour être clairs, et nous espérons que le 22 septembre mettra en lumière cette mobilisation internationale qui doit faire bouger les choses, et qui doit convaincre les Etats-Unis qu'il y a une urgence absolue à mettre fin à cette guerre".


Offensive sur Gaza-ville : Israël ouvre un nouvel axe pour accélérer la fuite des habitants

Ces derniers jours, des journalistes de l'AFP ont observé un nouvel exode de Gaza-ville vers le sud, mais l'armée israélienne estime encore mercredi matin que seules "plus de 350.000" personnes ont fui vers le sud. (AFP)
Ces derniers jours, des journalistes de l'AFP ont observé un nouvel exode de Gaza-ville vers le sud, mais l'armée israélienne estime encore mercredi matin que seules "plus de 350.000" personnes ont fui vers le sud. (AFP)
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  • La route Salaheddine coupe la bande de Gaza en son milieu du nord au sud parallèlement à la côte méditerranéenne
  • L'itinéraire d'évacuation "sera ouvert pendant 48 heures seulement", à partir de mercredi midi (09h00 GMT), a néanmoins prévenu le colonel Adraee

GAZA: L'armée israélienne a annoncé mercredi l'ouverture, temporaire, d'un nouvel axe pour accélérer la fuite des habitants de Gaza-ville vers le sud, au lendemain du lancement d'une offensive militaire majeure destinée à anéantir le Hamas dans cette zone.

"Pour faciliter le déplacement vers le sud, une voie de passage temporaire est ouverte via la rue Salaheddine", a annoncé l'armée dans un message de son porte-parole arabophone, le colonel Avichay Adraee sur les réseaux sociaux.

L'armée israélienne, qui multiplie les appels à évacuer Gaza-ville, avait jusque-là conseillé aux habitants de fuir par la route côtière vers ce qu'elle a défini elle-même comme une zone humanitaire plus au sud, englobant notamment une partie de la région d'Al-Mawasi.

La route Salaheddine coupe la bande de Gaza en son milieu du nord au sud parallèlement à la côte méditerranéenne. L'itinéraire d'évacuation "sera ouvert pendant 48 heures seulement", à partir de mercredi midi (09h00 GMT), a néanmoins prévenu le colonel Adraee.

L'ONU estimait fin août à environ un million d'habitants le nombre de Palestiniens dans Gaza-ville et ses environs.

Ces derniers jours, des journalistes de l'AFP ont observé un nouvel exode de Gaza-ville vers le sud, mais l'armée israélienne estime encore mercredi matin que seules "plus de 350.000" personnes ont fui vers le sud.

Des dizaines de Palestiniens interrogés dans la ville de Gaza par l'AFP depuis plusieurs semaines ne cessent de répéter qu'il n'y "a aucun endroit sûr" où aller dans la bande de Gaza et qu'ils préfèrent encore mourir sur place plutôt que d'être déplacés une énième fois.

L'armée israélienne a annoncé mardi avoir lancé une offensive terrestre majeure à Gaza-ville visant à expugner le Hamas d'un de ses derniers grands bastions dans la bande de Gaza, territoire dévasté par la guerre déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien en Israël.

"Défaite définitive" 

L'offensive sur Gaza-ville, annoncée depuis la mi-août et pour laquelle l'armée israélienne a rappelé des dizaines de milliers de réservistes, est largement condamnée à l'étranger.

Israël semble "déterminé à aller jusqu'au bout", a jugé mardi le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, déplorant une situation "moralement, politiquement et légalement intolérable" à Gaza.

De nombreux pays, mais aussi une part importante de la société israélienne, accusent le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu de fuite en avant, surtout après l'attaque israélienne du 9 septembre ayant visé une réunion de dirigeants du Hamas à Doha, alors que les Etats-Unis tentaient de pousser à un accord de cessez-le-feu et de libération des otages à Gaza.

Israël a annoncé l'extension de ses opérations militaires à Gaza-ville juste après le départ du secrétaire d'Etat américain Marco Rubio, qui a promis lors d'une visite à Jérusalem le "soutien indéfectible" de Washington à son allié israélien pour éliminer le Hamas.

"Notre objectif est d'intensifier les frappes contre le Hamas jusqu'à sa défaite définitive", a affirmé mardi le chef d'état-major de l'armée israélienne, le lieutenant-général Eyal Zamir.

L'attaque du 7 octobre 2023 a entraîné la mort de 1.219 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles. Sur les 251 personnes enlevées ce jour-là, 47 sont encore retenues à Gaza, dont 25 ont été déclarées mortes par l'armée israélienne.

Depuis lors, plus de 54.864 Palestiniens ont été tués dans la bande de Gaza par la campagne militaire israélienne de représailles, selon le ministère de la Santé de Gaza placé sous l'autorité du Hamas. Le ministère, dont les chiffres sont jugés fiables par l’ONU, ne précise pas le nombre de combattants tués mais indique que plus de la moitié des morts sont des femmes ou des mineurs.

La guerre a entraîné une catastrophe humanitaire majeure pour les quelque 2,4 millions d'habitants de la bande de Gaza. L'ONU a déclaré la famine dans certaines zones du territoire en août, et mis en garde contre une extension géographique du phénomène d'ici à la fin du mois de septembre, ce qu'Israël qualifie de "mensonges".

 


L'Arabie saoudite : un acteur clé dans la lutte contre la criminalité financière, selon Nathalie Goulet

La sénatrice française Nathalie Goulet a salué l'ambition et l'engagement de l'Arabie saoudite dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité financière. (AFP)
La sénatrice française Nathalie Goulet a salué l'ambition et l'engagement de l'Arabie saoudite dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité financière. (AFP)
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  • Le Royaume, selon Nathalie Goulet, dispose aujourd’hui des moyens économiques et techniques pour s’imposer comme acteur clé du dispositif mondial AML/CFT
  • L'Arabie saoudite ouvre une nouvelle ère de transparence, selon M. Goulet

DUBAÏ: À quelques semaines de la conférence internationale “Sanctions, AML & CFT for Banking and Finance in the Kingdom of Saudi Arabia”, qui se tiendra à Riyad les 21 et 22 octobre 2025, la sénatrice française Nathalie Goulet, dans un entretient accordé à Arab News en français, salue l’ambition et l'engagement de l’Arabie saoudite dans la lutte contre le blanchiment d'argent et la criminalité financière.

« L'Arabie saoudite a été en tête de ‘No Money for Terror’ dans le temps. Elle en est absolument capable, et en plus, elle a un leader très fort et une vision claire, » declare la sénatrice.

Une volonté politique affirmée

Pour Nathalie Goulet, l’évolution du Royaume ne fait aucun doute.

« Le Prince Mohammed Ben Salman, dès son arrivée au pouvoir, a immédiatement réglé les questions de corruption. Il a insufflé une politique et une volonté. »

Cette transformation accompagne l’ouverture rapide du Royaume, notamment dans le cadre de la Vision 2030, et s’inscrit dans un effort plus large pour assainir le climat des affaires et attirer des investissements étrangers dans un cadre juridico-financier stable.

« Ça se passe très bien. Mais c’est aussi une question de volonté. Et la volonté en Arabie saoudite est très marquée. »

Riyad, prochain centre de gravité régional pour la compliance

L’événement d’octobre réunira régulateurs, banquiers, juristes et spécialistes de la conformité du monde entier. Pour Nathalie Goulet, c’est une opportunité cruciale :

« Ce que j’attends, ce sont des échanges de bonnes pratiques très concrets. Car parfois, ce ne sont pas les lois qui changent les choses, ce sont aussi les interactions entre professionnels, au quotidien. »

Elle y partagera notamment son expérience sur les enjeux de transparence financière et de coopération internationale.

Des progrès significatifs et une coopération régionale renforcée

À la suite de sa participation au sommet Fighting Financial Crime à Abou Dhabi les 10 et 11 septembre derniers, Nathalie Goulet a salué les efforts des Émirats arabes unis, récemment sortis de la liste grise du GAFI.

« Il y a une vraie volonté au plus haut niveau. Et cette volonté est contagieuse. On voit aussi une forte implication saoudienne, par exemple par l'intermédiaire de Nazaha, l'autorité de lutte contre la corruption. »

Pour elle, la dynamique régionale est en marche : extraditions facilitées, respect accru des règles de coopération judiciaire, montée en compétence des autorités locales.

Un enjeu global et des réponses encore fragmentées

Malgré ces progrès, selon la sénatrice, le constat demeure alarmant : entre 2 et 5 % du PIB Mondial, seraient issus du blanchiment d’argent, mais seulement 1 à 2 % des fonds sont effectivement récupérés.

« Ce sont des milliards qui échappent aux écoles, aux hôpitaux, aux routes. Et un immense manque à gagner pour les citoyens. »

Outre l’utilisation massive de cryptoactifs non régulés et le traffic de migrants, Nathalie Goulet alerte sur les techniques des réseaux criminels de plus en plus inventives : trafic d’or déguisé en café et cargaisons de bananes trafiquées.

Enjeux spécifiques au Moyen-Orient

Le Moyen-Orient n’échappe pas à ces mutations. Nathalie Goulet pointe plusieurs problématiques: le trafic d’or, l’usage débridé des crypto-actifs, et la contrefaçon massive.

« La contrefaçon, ce ne sont pas que des faux sacs. Ce sont aussi des faux médicaments, des pièces détachées défectueuses, du tabac illicite… Le coût global est estimé à 650 milliards de dollars par an. » (Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, 2022)

Elle insiste sur la nécessité de renforcer la traçabilité, même dans des réseaux informels comme les systèmes de transfert d’argent ou certaines plateformes numériques.

La coopération et la formation au cœur de la réponse

Face à ces défis, Nathalie Goulet appelle à une action multilatérale renforcée : formations spécialisées, partage d’informations, benchmarking international et adoption des nouvelles technologies.

« Il faut former les magistrats, les douaniers, les régulateurs. Mais aussi renforcer la coopération entre pays et partager les bonnes pratiques. »

Elle évoque aussi le rôle central de l’intelligence artificielle dans la détection des flux suspects, et appelle à la création de bourses d’étude sur les crypto-actifs et leurs mécanismes.

Arabie saoudite : vers un rôle structurant dans le système international

Alors que l’Arabie saoudite s’impose de plus en plus comme un hub régional de la finance, la question de son influence future au sein d’organisations comme le GAFI se pose.

« Le Royaume a les moyens, l’ambition et la volonté. Il applique déjà les règles, coopère efficacement, et montre l’exemple. »

La récente nomination d’un responsable émirien à la tête d’Interpol, le général de division Ahmed Naser Al-Raisi, ajoute-t-elle, reflète également l’influence croissante de la région dans la gouvernance sécuritaire mondiale.

Un combat global au service des citoyens

Selon Nathalie Goulet, l’enjeu dépasse largement les frontières des États et des institutions financières et ne peut être reléguée au second plan, même en temps de crise économique.

« Justement, parce que le climat économique est dégradé, on ne peut pas laisser l’argent échapper à la société. La criminalité détourne les ressources publiques. C’est un combat pour le citoyen, pour l’école, pour l’hôpital, » explique la sénatrice.

Riyad marquera une nouvelle étape. Et pour elle, chaque conférence, chaque échange entre professionnels, chaque progrès technique ou réglementaire contribue à une économie plus saine et plus équitable.