Au Liban, ils ont survécu à la guerre civile mais sont terrassés par la crise

Dans son appartement d'un vieux quartier de Beyrouth, Abla Barotta s'est remise de ses blessures du 4 août, quand l'explosion meurtrière du port a ravagé la moitié de la capitale
Dans son appartement d'un vieux quartier de Beyrouth, Abla Barotta s'est remise de ses blessures du 4 août, quand l'explosion meurtrière du port a ravagé la moitié de la capitale
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Publié le Dimanche 11 avril 2021

Au Liban, ils ont survécu à la guerre civile mais sont terrassés par la crise

  • Dans un Liban en plein effondrement, quel refuge pour échapper à la pauvreté ?
  • Pour de nombreux Libanais, leur nation vit peut-être aujourd'hui une situation plus grave encore que les jours noirs de la guerre civile

BEYROUTH: Durant les longues années de la guerre civile libanaise, Abla Barotta et sa famille se précipitaient au sous-sol pour se mettre à l'abri des bombardements et des tirs d'obus. Mais dans un Liban en plein effondrement, quel refuge pour échapper à la pauvreté ?

Dans son appartement d'un vieux quartier de Beyrouth, la quinquagénaire s'est remise de ses blessures du 4 août, quand l'explosion meurtrière du port a ravagé la moitié de la capitale, et son foyer a pu être rebâti grâce à des ONG.

Pendant le conflit qui a déchiré le Liban entre 1975 et 1990, « on avait peur de mourir tué par un obus ou un franc-tireur », se souvient Barotta.

« On entendait les bombardements, on se cachait dans la maison ou dans les abris. Mais, aujourd'hui, comment se cacher de la faim ? De la situation économique ? De la Covid ? De nos dirigeants ? », déplore cette mère de trois enfants.

Pour de nombreux Libanais, avec la dépréciation historique de la monnaie, les restrictions bancaires draconiennes et l'inflation galopante, leur nation vit peut-être aujourd'hui une situation plus grave encore que les jours noirs de la guerre civile.

Le petit pays du Proche-Orient marque mardi le 46e anniversaire de ce conflit.

Le 13 avril 1975, les premiers affrontements éclataient entre partis chrétiens et factions palestiniennes appuyées par des partis de gauche et musulmans.

Quinze années durant, les fronts vont se multiplier et la guerre impliquera des acteurs régionaux.

Le Liban multiconfessionnel se morcelle, les communautés se barricadent dans leurs régions. Les miliciens font la loi, recevant des armes et surtout de précieux dollars des soutiens étrangers.

Mais les escalades sont ponctuées de périodes d'accalmie, offrant un semblant de normalité. L'économie continue de tourner et les commerces rouvrent dès qu'ils le peuvent.

« Malgré les horreurs de la guerre (...), nos besoins étaient couverts », assure Barotta.

« Jamais vécu ça »

Le conflit, qui a fait plus de 150 000 morts et 17 000 disparus, prend fin en 1990. Les seigneurs de guerre troquent leur treillis militaire pour le costume-cravate, enchaînant les postes au gouvernement et au Parlement sans jamais construire un Etat de droit et des institutions dignes de ce nom.

Jusqu'à ce que l'édifice bancal ne s'écroule, avec l'effondrement économique de l'automne 2019, malgré les mises en garde cette année-là d'un mouvement populaire inédit qui dénonce la corruption et l'incompétence des dirigeants.

Aujourd'hui, 55% des plus de quatre millions de Libanais vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 4 dollars par jour, selon l'ONU.

« Nous n'avions jamais vécu ça, une telle crise économique, l'inquiétude de savoir ce qu'on allait manger le lendemain », estime Barotta dans sa salle à manger encombrée par des meubles en bois sombre.

Ces dernières semaines, des rixes ont eu lieu dans des supermarchés entre des clients à la recherche de produits subventionnés, comme l'huile ou le riz. Les pénuries s'enchaînent et trouver certains médicaments ou du lait pour bébé relève du parcours du combattant.

La Covid-19 ? Une plaie de plus pour ce petit pays qui compte à ce jour près de 500 000 cas et plus de 6 600 morts.

Malgré l'urgence, les politiciens restent absorbés par leurs querelles. Le pays attend depuis des mois la formation d'un nouveau gouvernement qui ne vient pas. La communauté internationale s'agite en vain.

A la crise économique s'est ajoutée la gigantesque explosion le 4 août 2020 de centaines de tonnes de nitrate d'ammonium --stockées en pleine ville depuis des années au mépris des risques--, qui a fait plus de 200 morts et des milliers de blessés.

Dans son quartier de Karantina, accolé au port, Jean Saliba, 63 ans, énumère le nom des familles qui ont perdu un proche.

Huit mois après la tragédie, des volontaires s'activent encore pour finir les reconstructions.

« Nous n'avons pas vu l'Etat », accuse le sexagénaire. Sans « les aides (...) des ONG, les gens n'auraient pas la force de persévérer. »

« On est fini »

Pour ce père de trois enfants, la guerre civile est « une goutte d'eau dans un océan » comparée aux horreurs vécues ces derniers mois.

Pendant la guerre, se souvient-il, les gens reprenaient le travail quand les bombardements se tassaient ou quand une trêve était décrétée.

« Mais aujourd'hui, qui peut gagner de l'argent ? », s'interroge-t-il, alors que le taux de chômage frôle les 40%.

Il vit grâce à une petite échoppe où il vend des tickets de loto. « Il n'y a plus de travail, économiquement, on est fini. On est un pays qui vit de la mendicité. »

A l'autre bout de la ville, Victor Abou Kheir tient un petit salon de coiffure.

Depuis 1965, la décoration n'a pas changée : les mêmes fauteuils rétro en cuir noir, les armoires vitrées, l'étincelant formica blanc.

Pendant la guerre, il a été kidnappé et on a tiré sur sa boutique. Quand les bombardements s'intensifiaient, il baissait son rideau. 

Mais pour l'homme de 77 ans au crâne dégarni, ce passé est « plus clément » que le quotidien de 2021.

« Aujourd'hui, nous sommes confrontés à la faim ». « Certains jours, je n'ai qu'un ou deux clients. »

Les restrictions bancaires sur les retraits et l'effondrement de la livre face au dollar attisent sa colère.

« Comment peuvent-ils prendre l'argent des gens ? Le labeur de toute une vie placé » dans les banques, s'emporte-t-il.

Assis sur le trottoir devant sa boutique, il attend des clients qui ne viennent pas. « Personne n'aime la guerre. Mais c'était des jours meilleurs. »


Le Premier ministre du Qatar juge le cessez-le-feu à Gaza incomplet sans "un retrait total" d'Israël

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
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  • Le Qatar affirme qu’un cessez-le-feu réel à Gaza ne peut être atteint sans un retrait total des forces israéliennes et le rétablissement de la stabilité dans l’enclave
  • Les médiateurs — Qatar, Turquie, Égypte et États-Unis — travaillent à une seconde phase incluant retrait complet, désarmement du Hamas et déploiement d’une Force internationale de stabilisation (FIS)

DOHA: Le cessez-le-feu dans la bande de Gaza reste incomplet sans un "retrait total" des forces israéliennes du territoire palestinien, a affirmé samedi le premier ministre du Qatar, pays médiateur dans le conflit.

"Nous sommes à un moment critique (...) Nous ne pouvons pas encore considérer qu'il y a un cessez-le-feu, un cessez-le-feu ne peut être complet qu'avec le retrait total des forces israéliennes, (et) un retour de la stabilité à Gaza", a affirmé Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani, lors d'une conférence à Doha.

Après deux ans de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, les pays médiateurs - Qatar, Etats-Unis et Egypte - ont arraché un accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 10 octobre.

La première phase prévoyait la restitution de tous les otages du 7-Octobre - les vivants comme les morts dont un dernier doit encore être remis à Israël - , en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens, ainsi qu'un retrait partiel des forces israéliennes de Gaza.

La deuxième étape du plan, qui n'a pas encore été approuvée, prévoit le retrait total de l'armée israélienne, le désarmement du Hamas, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale de stabilisation (FIS).

"En ce moment, nous (...) le Qatar, la Turquie, l'Égypte, avec les États-Unis, nous nous réunissons pour faire avancer la prochaine phase", a relevé le premier qatari. "Et cette prochaine phase est également temporaire de notre point de vue" dans l'attente d'une "solution durable", a-t-il ajouté.

Des discussions sur la structure de la FIS et les pays qui pourraient y participer sont en cours, a affirmé de son côté le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan.

Mais le premier objectif de cette force doit être "de séparer les Palestiniens des Israéliens", a-t-il souligné. "Cela doit être notre objectif principal. Ensuite, nous pourrons aborder les autres questions en suspens".

Ankara a indiqué qu'elle souhaitait participer à la FIS, mais Israël l'accuse d'être trop proche du Hamas, dont l'attaque sans précédent sur Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre à Gaza.

"La seule manière viable de terminer cette guerre est de s'engager sincèrement et fermement dans des pourparlers de paix", a également affirmé M.Fidan.

Egalement présent à Doha, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, a rencontré son homologue qatari, en marge de la conférence.

Les deux hommes ont appelé à "la formation rapide de la FIS pour lui permettre de remplir son mandat", a indiqué le ministère égyptien.

Ils ont également "souligné l'importance de poursuivre les efforts visant à mettre en oeuvre l'accord de paix (...) dans toutes ses étapes, à consolider le cessez-le-feu".


Le Liban assure ne pas vouloir de guerre avec Israël, après de premières discussions directes

Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
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  • Le Liban, par la voix du président Joseph Aoun, réaffirme qu’il ne veut pas d’une nouvelle guerre avec Israël et mise sur la diplomatie pour faire cesser les frappes israéliennes dans le sud du pays
  • Le Hezbollah soutient l’approche diplomatique de Beyrouth mais critique l’inclusion d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu

BEYROUTH: Le Liban ne veut pas d'une nouvelle guerre avec Israël, a assuré vendredi son président, Joseph Aoun, deux jours après de premières discussions directes, depuis plusieurs décennies, entre des représentants des deux pays.

Le Hezbollah pro-iranien a de son côté assuré soutenir l'approche diplomatique de Beyrouth "pour faire cesser l'agression" israélienne. Mais il a  qualifié d'"erreur" l'inclusion, pour la première fois, d'un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à sa dernière guerre avec Israël.

Alors qu'Israël a multiplié ces dernières semaines ses frappes aériennes au Liban, disant viser le Hezbollah, des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de cet organisme, une rencontre inédite depuis plusieurs décennies entre les deux pays, toujours en état de guerre.

Israël justifie ses frappes en accusant le Hezbollah de se réarmer en violation du cessez-le-feu, ce que le mouvement chiite dément.

Beyrouth pour sa part accuse régulièrement Israël de violer la trêve en poursuivant ses raids et en maintenant une présence militaire dans cinq positions dans le sud du Liban.

Les Libanais "ne veulent pas d'une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré M. Aoun à une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU en visite dans son pays, selon un communiqué de la présidence.

- "Sous les bombes" -

Auprès de ses interlocuteurs, il "a insisté sur la nécessité de faire pression sur la partie israélienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu et son retrait" du sud du Liban.

Mettant en avant "l'engagement de la partie libanaise à appliquer les résolutions internationales", il a aussi appelé la communauté internationale à "soutenir l'armée libanaise dans sa mission" de désarmement du Hezbollah.

Beyrouth a choisi "la diplomatie pour faire cesser l'agression israélienne" et "nous soutenons cette approche", a de son côté déclaré le chef du Hezbollah, Naïm Qassem dans une allocution télévisée.

Le groupe invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban pour s'opposer à son désarmement, pour la mise en oeuvre duquel les Etats-Unis et Israël exercent une forte pression sur Beyrouth.

Arrivée de Damas, la délégation des 15 diplomates onusiens doit rencontrer plusieurs responsables libanais vendredi. Elle se rendra samedi dans la région frontalière du sud, accompagnée de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le Liban a qualifié de "positives" les discussions directes avec Israël, mais le pays voisin a de nouveau bombardé le lendemain, jeudi, le sud du Liban, disant viser des infrastructures militaires du Hezbollah.

"Il est inacceptable de négocier sous les bombes", a souligné le président du Parlement Nabih Berri, proche allié du Hezbollah, après avoir rencontré la délégation onusienne.

L'issue de ces pourparlers "dépend principalement de la position d'Israël, qui déterminera si les négociations aboutiront à des résultats concrets ou échoueront", a prévenu M. Aoun.

La commission chargée de superviser le cessez-le-feu tiendra de nouvelles sessions avec la participation de délégués civils libanais et israélien à partir du 19 décembre.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com