AD Leb: Une galeriste relance le projet artistique de sa fille tuée à Beyrouth

Parmi les artistes participant: Karen Chekerdjian, Samer Bou Rjeily, Hatem Imam, Paul Kaloustian, Sirine Fattouh, Nathalie Khayat, Hussein Nassereddine et Caroline Tabet. (Photo fournie)
Parmi les artistes participant: Karen Chekerdjian, Samer Bou Rjeily, Hatem Imam, Paul Kaloustian, Sirine Fattouh, Nathalie Khayat, Hussein Nassereddine et Caroline Tabet. (Photo fournie)
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Publié le Mercredi 14 avril 2021

AD Leb: Une galeriste relance le projet artistique de sa fille tuée à Beyrouth

  • « Gaïa travaillait sur une plate-forme numérique, Art Design Lebanon, qui puisse proposer des expositions où artistes et designers pourraient présenter leurs œuvres côte à côte »
  • « Je continuerai ce projet en respectant toujours la créativité que ma fille voulait lui insuffler »

BEYROUTH : À la fois plate-forme numérique et galerie éphémère, Art Design Lebanon est le projet pilote de Gaïa Fodoulian, jeune créatrice et galeriste libano-arménienne de 29 ans, décédée dans l'explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. Cet espace culturel novateur dédié au soutien et à la mise en valeur du travail des artistes et designers visuels libanais et internationaux fonctionne comme une galerie «sans murs» – à la fois physique et en ligne – et vise à mettre en relation artistes, designers, praticiens de la culture, amateurs d’art et collectionneurs.

Arab News en français a rencontré Annie Vartivarian à Beyrouth – la mère de Gaïa Fodoulian – mécène et galeriste, qui a tenu à réaliser ce projet sur lequel travaillait sa fille avant son décès tragique.

 

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Capture d'écran du compte Facebook de la galeriste décédée.

 

Annie Vartivarian a longtemps été active sur la scène culturelle internationale et libanaise. En 2017, elle lance la Letitia Art Gallery dans le quartier de Hamra, à Beyrouth, qui a pour but de promouvoir des artistes internationaux au Liban et vice versa afin de favoriser les échanges et la créativité. Sa fille Gaïa dirige la galerie aux côtés de sa maman jusqu’en 2020; à la suite de la pandémie et de la crise économique que traverse le Liban, elle décide de prendre une pause.

«C’est à ce moment-là que Gaïa décide de travailler sur un projet nouveau et innovateur qui puisse s’adapter à la situation exceptionnelle que le monde traversait et le Liban en particulier. Une plate-forme numérique qui puisse proposer des expositions où artistes et designers pourraient présenter leurs œuvres côte à côte», déclare sa maman. «Le projet allait bientôt voir le jour et devait être lancé en octobre 2020», indique Annie.

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Les recettes d’AD Leb seront versées à l’association qui porte aujourd’hui le nom de «Fondation Gaïa Fodoulian pour la protection des animaux en danger ou abandonnés». (Photo fournie).

Droite et digne, l’émotion se fait ressentir dans la voix de la galeriste libano-arménienne qui a accompagné sa fille d’un hôpital à l’autre le 4 août 2020 à la recherche de soins mais en vain. Gaïa finit par succomber à une hémorragie interne n’ayant pu être prise en charge par les hôpitaux débordés par l’ampleur de la tragédie ce jour-là. «Quelques heures avant la catastrophe, Gaïa avait posté cette phrase sur son compte Instagram: “Everyone is the creator of one’s own faith” (“Chacun est le créateur de sa propre foi”)». Cette phrase a été «le titre puis le fil conducteur de cette première édition d’AD Leb», ajoute Annie. Un hommage à la vie et à l’œuvre de la jeune femme.

Gaia
Gaïa participe également en tant que designer à cette exposition. Elle a fait des études de product design à Genève puis à l’Instituto Marangoni en Italie où elle a approfondi ses connaissances dans les produits de luxe italiens ainsi que dans la fabrication des produits de luxe. Une banquette de Gaia Foudoulian produite pendant ses etudes universitaires

De nombreux artistes répondent présent à l’appel. «Certains avaient déjà été contactés par Gaïa avant son décès, d’autres étaient proches d’elles. Et puis certains ont voulu contribuer au projet, tout simplement. Parmi les artistes participant: Karen Chekerdjian, Samer Bou Rjeily, Hatem Imam, Paul Kaloustian, Sirine Fattouh, Nathalie Khayat, Hussein Nassereddine et Caroline Tabet. La scénographie est signée par le studio d’architecture Ghaith & Jad. Tous ont cherché à refléter la dernière phrase écrite par Gaïa à travers des œuvres qu’ils ont produites spécifiquement pour l’exposition.

Gaia
« Au-delà de cette plate-forme numérique telle que la percevait Gaïa où il était important d’instaurer un dialogue entre l’art et le design, l’idée est aussi de découvrir de nouveaux lieux et de réaliser ces expositions à la fois physiquement et en ligne pour de brèves périodes. Nous tenons également à choisir des emplacements différents pour chaque exposition: ils doivent porter un message ou raconter une histoire. C’est le cas aujourd’hui avec l’immeuble Tabbal qui accueille cette première édition» raconte Annie Foudoulian. (Photo fournie).

«Gaïa participe également en tant que designer à cette exposition. Elle a fait des études de product design à Genève puis à l’Instituto Marangoni en Italie où elle a approfondi ses connaissances dans les produits de luxe italiens ainsi que dans la fabrication des produits de luxe. Elle avait également envie de fabriquer ses propres objets, des pièces uniques», précise Annie avant de reprendre après un silence ému: «C’est aussi pour cela que j’ai voulu exposer l’une de ses œuvres – qu’elle avait réalisée étudiante – aux cotés des artistes participant à cette première édition. Elle s’associe donc quelque part physiquement avec nous.»

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208 bougeoirs de Nathalie Khayat en mémoire des 208 victimes qui ont perdu la vie. (Photo fournie).

«Je continuerai ce projet en respectant toujours la créativité que ma fille voulait lui insuffler. Elle aurait voulu contribuer à maintenir vivante la scène créative de son pays déchiré et troublé. Au-delà de cette plate-forme numérique telle que la percevait Gaïa où il était important d’instaurer un dialogue entre l’art et le design, l’idée est aussi de découvrir de nouveaux lieux et de réaliser ces expositions à la fois physiquement et en ligne pour de brèves périodes. Nous tenons également à choisir des emplacements différents pour chaque exposition: ils doivent porter un message ou raconter une histoire. C’est le cas aujourd’hui avec l’immeuble Tabbal qui accueille cette première édition. Cette superbe bâtisse patrimoniale rue Sursock, durement touchée par l’explosion du port, est le témoin d’un siècle d’histoire du Liban», précise Annie. «Nous organisons par ailleurs des tours guidés pour les personnes intéressées par l’histoire de cette maison», explique la mécène des arts. «Cette première exposition sera ensuite diffusée en ligne à disposition de tous», précise-t-elle.

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À la fois plate-forme numérique et galerie éphémère, Art Design Lebanon est le projet pilote de Gaïa Fodoulian, jeune créatrice et galeriste libano-arménienne de 29 ans, décédée dans l'explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020. (Photo fournie).

Les recettes d’AD Leb seront versées à l’association qui porte aujourd’hui le nom de «Fondation Gaïa Fodoulian pour la protection des animaux en danger ou abandonnés». «Une cause qui lui tenait particulièrement à cœur et que je tiens, tout comme cette exposition, à poursuivre en sa mémoire», conclut Annie.

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Certains artistes avaient déjà été contactés par Gaïa avant son décès, d’autres étaient proches d’elles. Et puis certains ont voulu contribuer au projet, tout simplement. (Photo fournie).

L’exposition AD Leb est ouverte au public jusqu’au 29 avril, du mardi au samedi, de 12 heures à 18 heures.


L'actrice libanaise Razane Jammal est l'autrice d'un livre pour enfants

L'actrice libano-britannique Razane Jammal s'apprête à publier un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu". (Getty Images via AN)
L'actrice libano-britannique Razane Jammal s'apprête à publier un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu". (Getty Images via AN)
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DUBAI : L'actrice libanaise Razane Jammal s'apprête à sortir un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu".

L'actrice, célèbre pour ses rôles dans les séries Netflix "The Sandman" et "Paranormal", a pris les médias sociaux dimanche pour partager la nouvelle, écrivant : "Ce qui a commencé comme une petite histoire que j'ai écrite il y a sept ans s'est transformé en un livre pour vos petits. J'y ai mis tout mon cœur et je suis ravie de vous inviter à notre premier lancement à Beyrouth". 

Le lancement est prévu le 25 juin dans l'espace communautaire Minus 1 de la capitale libanaise. L'actrice fera une lecture du conte pour enfants, qui raconte l'histoire d'une "lionne végétarienne, d'un poisson amical et de leur amitié des plus inhabituelles", selon l'auteur.

Publiée par Turning Point Books, l'histoire a été illustrée par Sasha Haddad, une illustratrice libanaise diplômée de la Cambridge School of Arts en 2014.

Dans le rôle qui l'a sans doute propulsée vers la célébrité, Jammal a incarné Lyta Hall dans "The Sandman" (2022), basé sur les légendaires romans graphiques.

Son personnage rêve chaque nuit de son mari décédé, réalisant peu à peu qu'il n'est pas le fruit de son imagination, mais qu'il se cache dans le monde des rêves.

C'est un rôle que Jammal a réussi à jouer avec vérité et subtilité - une subtilité pour laquelle elle a remercié sa mère lors d'une précédente interview avec Arab News.

"J'ai toujours été extra, et ma mère était bien plus subtile que moi. J'ai dû m'ajuster pour vibrer sur sa fréquence, une fréquence à la fois très douce et très crue, vulnérable et nourricière. C'est ce qu'elle m'a transmis.

"J'ai grandi en menant une vie simple, basée sur la communauté, dans un endroit où il y a 500 mères, où tout le monde vous nourrit et où vous vous sentez en sécurité - même si ce n'est pas du tout le cas. En même temps, nous avons vécu tant de traumatismes, des guerres civiles aux assassinats, en passant par la perte de tout notre argent lors d'une nouvelle crise financière. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


La fête de la musique sous le signe du dialogue culturel franco-saoudien

Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
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  • Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays.
  • L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines.

RIYAD : Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. À l’initiative de l’ambassade de France, en collaboration avec l’Alliance française, Saudi Music Hub, Unstable, Hayy Jameel et MDL Beast, une série d’événements musicaux viendra marquer ce rendez-vous culturel international devenu emblématique.

Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays. Fidèle à son principe fondateur, elle vise à rendre la musique accessible à tous gratuitement. Elle reste, cette année encore, un puissant vecteur de dialogue culturel. En Arabie saoudite, cette célébration musicale prend une dimension particulière, s’inscrivant dans un contexte de renouveau artistique et d’ouverture culturelle, en pleine résonance avec les objectifs de Vision 2030.

L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines. Des artistes français seront présents, comme Karimouche, figure singulière du spoken word et de la chanson engagée, ou DJ SÔNGE, productrice électro aux univers immersifs et afro-futuristes.

Ces artistes partageront la scène avec des talents saoudiens tels que Kosh, beatmaker fusionnant rythmes traditionnels et basses électroniques, ou Seera, jeune espoir de la scène folk locale. Plusieurs artistes émergents, sélectionnés avec soin en collaboration avec les partenaires saoudiens, viendront compléter cette mosaïque sonore.

Chacune des villes participantes offrira une atmosphère unique. Riyad ouvrira le bal le 20 juin avec une nuit musicale au Unstable, lieu hybride emblématique de la scène urbaine saoudienne. Le 21 juin, Khobar prendra le relais au Saudi Music Hub, un espace dédié à la formation musicale, pour une soirée plus intimiste. Enfin, Djeddah clôturera cette semaine de célébration les 25 et 26 juin, au cœur du centre culturel Hayy Jameel, avec deux concerts présentés par des artistes féminines marquantes.

Au-delà des concerts, ces rencontres musicales seront l'occasion de moments de partage, de découvertes et d'échanges, favorisant la création de liens entre artistes et publics des deux pays. En soutenant la circulation des talents et la coopération artistique, la France réaffirme son engagement en faveur de la diversité culturelle et du dialogue entre les sociétés.

La Fête de la Musique 2025 est ainsi bien plus qu’un simple rendez-vous festif : elle est le symbole vivant d’une amitié en construction, portée par des sons, des voix et des émotions partagées.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com