A Beyrouth, la reconstruction du port attise les convoitises internationales

Des jets Alpha de la Patrouille de France dégagent de la fumée aux couleurs du drapeau libanais en survolant les silos à grains endommagés du port de Beyrouth, le 1er septembre 2020, alors que l'ancien mandat français marque son centenaire tout en vacillant au bord de l'abîme. (ANWAR AMRO / AFP)
Des jets Alpha de la Patrouille de France dégagent de la fumée aux couleurs du drapeau libanais en survolant les silos à grains endommagés du port de Beyrouth, le 1er septembre 2020, alors que l'ancien mandat français marque son centenaire tout en vacillant au bord de l'abîme. (ANWAR AMRO / AFP)
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Publié le Mercredi 14 avril 2021

A Beyrouth, la reconstruction du port attise les convoitises internationales

  • "Tout le monde a les yeux rivés sur le port: les Russes, les Chinois, les Turcs, les Français et maintenant les Allemands", résume le directeur par intérim du port de Beyrouth, Bassem al-Kaissi
  • Le 9 avril, un consortium de compagnies maritimes allemandes, dont Hamburg Port Consulting, a dévoilé à Beyrouth un ambitieux projet de 30 milliards de dollars pour reconstruire le port et réaménager les quartiers adjacents, détruits par l'explosion

BEYROUTH : Huit mois après l'explosion dévastatrice au port de Beyrouth, les grandes compagnies internationales se bousculent pour remporter le marché de la reconstruction. En jeu, des milliards de dollars, mais aussi la lutte d'influence régionale entre puissances étrangères.

"Tout le monde a les yeux rivés sur le port: les Russes, les Chinois, les Turcs, les Français et maintenant les Allemands", résume le directeur par intérim du port de Beyrouth, Bassem al-Kaissi.

"Mais il s'agit pour l'instant uniquement de déclarations d'intentions", dit-il à l'AFP.

Le 9 avril, un consortium de compagnies maritimes allemandes, dont Hamburg Port Consulting, a dévoilé à Beyrouth un ambitieux projet de 30 milliards de dollars pour reconstruire le port et réaménager les quartiers adjacents, détruits par l'explosion meurtrière du 4 août.

Le projet, bénéficiant du soutien de Berlin, prévoit la construction, en 20 ans, de logements sociaux et l'aménagement d'espaces verts et de plages.

En février, une entreprise allemande s'était déjà chargée du traitement de 52 conteneurs de matières dangereuses retrouvés au port, où l'explosion était survenue dans un hangar contenant d'importantes quantités de nitrate d'ammonium stockées sans mesures de précaution.

Luttes d'influences

Côté français, le géant maritime CMA-CGM est aussi dans les starting blocks.

En septembre dernier, le PDG franco-libanais du groupe, Rodolphe Saadé, avait accompagné le président français Emmanuel Macron lors de sa deuxième visite au Liban après l'explosion.

L'occasion pour soumettre aux autorités libanaises "un projet complet" en trois phases, indique à l'AFP le directeur régional de CMA-CGM, Joe Dakkak.

Objectif: reconstruire, élargir et moderniser l'infrastructure pour en faire un "smart port", explique-t-il.

Le projet a suscité l'intérêt d'une "cinquantaine d'entreprises et d'organismes internationaux", des partenaires potentiels. Son coût, estimé entre 400 et 600 millions de dollars pour les deux premières phases, serait "financé à moitié avec nos fonds propres", indique-t-il.

Au-delà des enjeux commerciaux, c'est aussi une lutte d'influence géopolitique qui oppose en filigrane puissances régionales et internationales.

"L'exploration du gaz offshore dans le bassin méditerranéen" mais aussi "la future collaboration économique entre Israël et des pays arabes" ou encore "l'expansionnisme russe" au Proche-Orient sont des "catalyseurs" de ces convoitises, explique le politologue Imad Salamey.

Une mainmise sur le port de Beyrouth permet une "influence significative" sur le gaz offshore, souligne ce professeur de l'Université libano-américaine (LAU).

En 2018, le Liban avait signé son premier contrat d'exploration avec un consortium emmené par le groupe français Total incluant l'italien Eni et le russe Novotek.

Or la Russie "explore déjà le gaz offshore" syrien, rappelle M. Salamey.

Quant à la Chine, un éventuel ancrage au Liban "renforcerait son alliance avec les Iraniens (...) et endiguerait l'influence occidentale", ajoute le chercheur, en référence au rôle prépondérant de l'Iran et de son allié le Hezbollah libanais en Syrie et au Liban.

Une récente note du Washington Institute insistait d'ailleurs sur la nécessité pour les Etats-Unis de "travailler en étroite collaboration" avec Berlin et Paris sur le dossier du port, pour entraver les ambitions chinoises.

La concurrence est aussi intereuropéenne, l'annonce allemande de la semaine dernière ayant "agacé la France, qui aspire également à reconstruire le port", souligne la note.

Inertie et craintes 

Une question centrale demeure néanmoins: comment de tels projets pourraient se concrétiser alors que l'Etat libanais reste totalement paralysé, empêtré depuis plus d'un an dans une profonde crise politique et économique.

Aucune décision majeure n'a encore été prise sur le sort du port, comme le lancement officiel d'un appel d'offre. 

Mais les autorités portuaires planchent sur un plan d'action qui "sera soumis au Conseil des ministres", assure Bassem al-Kaissi, sans donner de date.

Aucune avancée n'est en tous cas attendue avant la formation d'un gouvernement, qui piétine depuis août sur fond d'interminables marchandages politiciens.

Autre obstacle: les projets allemands et français sont conditionnés à des exigences de transparence et de réformes, dans un pays où la classe politique est accusée de corruption.

L'emballement des compagnies étrangères suscite aussi la méfiance de la société civile, qui craint de voir se répéter le scénario de la reconstruction du centre-ville de Beyrouth après la guerre civile (1975-1990).

Le quartier du centre-ville où cohabitaient artisans, commerçants, diverses communautés religieuses et sociales, n'avait pas échappé à la privatisation et à la gentrification, sous la houlette de la société Solidere du clan Hariri.

"Nous n'accepterons pas un nouveau Solidere à la sauce étrangère. Nous n'accepterons pas d'être privés de notre mémoire", a fustigé l'ONG "Nahnoo".

Un tel projet nécessite "une consultation nationale sur les choix stratégiques - économiques, urbains et sociaux", renchérit l'économiste Jad Chaaban.


Moyen-Orient : le pape appelle la diplomatie à « faire taire les armes »

Le pape Léon XIV salue depuis la fenêtre du palais apostolique donnant sur la place Saint-Pierre pendant la prière de l'Angélus au Vatican, le 22 juin 2025. (Photo : Andreas SOLARO / AFP)
Le pape Léon XIV salue depuis la fenêtre du palais apostolique donnant sur la place Saint-Pierre pendant la prière de l'Angélus au Vatican, le 22 juin 2025. (Photo : Andreas SOLARO / AFP)
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  • « Chaque membre de la communauté internationale a la responsabilité morale de mettre fin à la tragédie de la guerre, avant qu'elle ne devienne un gouffre sans fond », a déclaré le pape au terme de l'Angélus, au Vatican.
  • « Aucune victoire armée ne peut compenser la douleur des mères, la peur des enfants, l'avenir volé. Que la diplomatie fasse taire les armes».

CITE DU VATICAN, SAINT-SIEGE : « L'humanité crie et réclame la paix » devant les « nouvelles alarmantes en provenance du Moyen-Orient », a lancé dimanche le pape Léon XIV après les frappes américaines contre des sites névralgiques du programme nucléaire iranien, en appelant la diplomatie à « faire taire les armes ».

« Chaque membre de la communauté internationale a la responsabilité morale de mettre fin à la tragédie de la guerre, avant qu'elle ne devienne un gouffre sans fond », a déclaré le pape au terme de l'Angélus, au Vatican.

« Aujourd'hui plus que jamais, l'humanité crie et réclame la paix. C'est un cri qui exige responsabilité et raison, et qui ne doit pas être étouffé par le fracas des armes et les discours qui incitent au conflit », a-t-il lancé devant les milliers de fidèles réunis sur la place Saint-Pierre.

« Aucune victoire armée ne peut compenser la douleur des mères, la peur des enfants, l'avenir volé. Que la diplomatie fasse taire les armes. Que les nations construisent leur avenir sur des œuvres de paix, et non sur la violence et les conflits sanglants ! »

Rappelant que la guerre « laisse des blessures profondes dans l'histoire des peuples », Robert Francis Prevost a également mis en garde contre le risque d'un oubli de l'urgence humanitaire à Gaza, territoire palestinien ravagé et affamé par plus de 20 mois de guerre.

« Dans ce contexte dramatique incluant Israël et la Palestine, les souffrances quotidiennes des populations risquent d'être oubliées, en particulier à Gaza et dans d'autres territoires, où l'urgence d'une aide humanitaire adéquate se fait de plus en plus pressante », a-t-il déclaré.


Guerre Iran-Israël: les derniers développements

Image composite montrant (dans le sens des aiguilles d'une montre, à partir du haut) une vue générale de la centrale nucléaire d'Ispahan près de Téhéran, les installations nucléaires de Natanz (installations nucléaires Shahid Ahmadi Roshan) près d'Ahmadabad et l'usine d'enrichissement de combustible de Fordow dans le centre de l'Iran, le 14 juin 2025. (Photos AFP)
Image composite montrant (dans le sens des aiguilles d'une montre, à partir du haut) une vue générale de la centrale nucléaire d'Ispahan près de Téhéran, les installations nucléaires de Natanz (installations nucléaires Shahid Ahmadi Roshan) près d'Ahmadabad et l'usine d'enrichissement de combustible de Fordow dans le centre de l'Iran, le 14 juin 2025. (Photos AFP)
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  • Donald Trump a annoncé que les États-Unis avaient mené des frappes sur les trois principales installations iraniennes d'enrichissement nucléaire
  • Compte tenu de la configuration souterraine de Fordo, des bombes anti-bunker de type GBU-57 ont probablement été larguées.

Les États-Unis ont bombardé dimanche trois sites nucléaires clefs en Iran, rejoignant ainsi l'offensive lancée par Israël le 13 juin.

Quelques heures après ces frappes, l'Iran a lancé 40 missiles sur Israël, accusant les États-Unis de « faire exploser » les chances d'un règlement diplomatique du dossier nucléaire.

- Intervention militaire américaine.

Après des jours de flou autour d'une possible intervention, le président américain Donald Trump a annoncé que les États-Unis avaient mené des frappes sur les trois principales installations iraniennes d'enrichissement nucléaire de Fordo, Natanz et Ispahan, évoquant « une réussite militaire spectaculaire ».

Des médias iraniens ont confirmé ces frappes.

« L'Iran, le caïd du Moyen-Orient, doit maintenant faire la paix. S'ils ne le font pas, les prochaines attaques seront bien plus importantes et ne causeront aucune difficulté », a prévenu Donald Trump.

Il n'a toutefois pas donné de détails sur les armes utilisées pour frapper le programme iranien. Mais compte tenu de la configuration souterraine de Fordo, des bombes anti-bunker de type GBU-57 ont probablement été larguées. D'après l'armée américaine, ces ogives de 13 tonnes peuvent s'enfoncer jusqu'à 60 mètres de profondeur avant d'exploser.

Israël ne dispose pas de ce type d'armes. Seuls les bombardiers américains furtifs B-2 Spirit sont en mesure de transporter ces bombes.

Avant l'attaque de dimanche, des sites de suivi de vols et le New York Times avaient rapporté que plusieurs de ces aéronefs avaient décollé des États-Unis en direction de l'ouest. 

- Réactions de l'Iran. 

Le ministre iranien des Affaires étrangères, Abbas Araghchi, a accusé les États-Unis et Israël d'avoir « décidé de faire exploser » la diplomatie, après avoir fustigé un « comportement extrêmement dangereux, anarchique et criminel » de la part des États-Unis.

Il a ensuite affirmé à la presse à Istanbul que l'Iran se défendra « par tous les moyens nécessaires » après les frappes américaines.

Après les frappes américaines, l'agence de presse IRNA a fait état du tir de 40 missiles sur Israël depuis l'Iran, qui a dit avoir visé l'aéroport Ben Gourion, près de Tel Aviv, ainsi qu'un « centre de recherche biologique » et d'autres cibles.

Les journalistes de l'AFP ont constaté d'importants dégâts dans des quartiers résidentiels au nord et au sud de Tel-Aviv, où des maisons et immeubles ont été totalement éventrés. Une organisation de premiers secours israélienne a annoncé avoir pris en charge 16 blessés.

Les autorités iraniennes ont annoncé avoir exécuté un homme condamné pour avoir été un agent du Mossad, le service de renseignement israélien. 

- Israël remercie Trump avant de nouvelles frappes.

Dans une vidéo adressée à Donald Trump, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu l'a salué pour avoir imposé un « tournant historique » pouvant conduire le Moyen-Orient vers « un avenir de prospérité et de paix ».

Il s'est félicité que la promesse de détruire le programme nucléaire iranien « ait été tenue », ajoutant : « D'abord vient la force, ensuite vient la paix. »

L'armée israélienne a annoncé une nouvelle série de frappes contre des « cibles militaires » dans l'ouest de l'Iran, après des bombardements visant des lanceurs de missiles et des soldats des forces armées iraniennes. L'agence iranienne Isna a fait état de quatre militaires tués dans une base du nord du pays. 

« Aucun signe de contamination »

L'autorité de sécurité nucléaire iranienne a déclaré ne avoir détecté « aucun signe de contamination » sur les trois sites frappés, écartant tout « danger » pour la population.

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a indiqué qu'aucune hausse des niveaux de radiation n'avait été signalée. Son chef, Rafael Grossi, a annoncé une « réunion urgente » lundi du Conseil des gouverneurs.

L'autorité nucléaire saoudienne a également fait savoir qu'« aucun effet radioactif n'avait été détecté sur l'environnement du Royaume et des États du Golfe ».

- Une « déclaration de guerre » pour les Houthis du Yémen.

L'attaque américaine « constitue une déclaration de guerre flagrante contre le peuple iranien frère », a réagi le gouvernement des rebelles houthis du Yémen dans un communiqué.

Il a déclaré être prêt « à cibler les navires et les bâtiments de guerre américains en mer Rouge ».

- Bilan des victimes.

Selon le dernier bilan actualisé des autorités, plus de 400 personnes, en majorité des civils, ont été tuées en Iran par les frappes israéliennes.

L'ONG américaine Human Rights Activists News Agency (HRANA) fait état d'au moins 657 morts et 2 000 blessés, civils et militaires, en Iran.

Depuis le 13 juin, les tirs de missiles et de drones iraniens ont fait 25 morts en Israël.


Riyad affirme qu'aucun effet radioactif n'a été détecté dans le Golfe après les frappes américaines contre l'Iran

Cette image satellite fournie par Maxar Technologies et prise le 14 juin 2025 montre les installations nucléaires de Natanz (installations nucléaires Shahid Ahmadi Roshan) près d'Ahmadabad en Iran, avant une frappe israélienne. (AFP)
Cette image satellite fournie par Maxar Technologies et prise le 14 juin 2025 montre les installations nucléaires de Natanz (installations nucléaires Shahid Ahmadi Roshan) près d'Ahmadabad en Iran, avant une frappe israélienne. (AFP)
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  • La Commission de régulation nucléaire et radiologique d'Arabie saoudite a déclaré dimanche qu'"aucun effet radioactif n'a été détecté" dans le Royaume et dans la région du Golfe.
  • La Garde nationale du Koweït a également déclaré que "les niveaux de radiation dans l'espace aérien et les eaux du Koweït sont stables et la situation est normale".

RIYAD : La Commission de régulation nucléaire et radiologique d'Arabie saoudite a déclaré dimanche qu'"aucun effet radioactif n'a été détecté" dans le Royaume et la région du Golfe à la suite de l'attaque militaire américaine contre les installations nucléaires iraniennes.
"Aucun effet radioactif n'a été détecté sur l'environnement du Royaume et des États arabes du Golfe à la suite du ciblage militaire américain des installations nucléaires iraniennes", a écrit la commission sur son compte officiel X.

La Garde nationale du Koweït a également déclaré que "les niveaux de radiation dans l'espace aérien et les eaux du Koweït sont stables et la situation est normale", selon un communiqué de l'agence de presse KUNA.

L'autorité égyptienne de régulation nucléaire et radiologique a confirmé dimanche que le pays était loin de tout impact direct résultant du ciblage des installations d'enrichissement et de conversion de l'uranium en Iran.

Les États-Unis ont attaqué dimanche trois sites nucléaires iraniens, dont l'installation souterraine d'enrichissement de l'uranium de Ford, après des jours de spéculation sur la question de savoir si l'armée américaine se joindrait à la campagne de bombardement de son allié Israël. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com