Faire rire avec le djihadisme? Pour les Irakiens, c'est non

Pour de nombreux autres internautes, cette émission est l'occasion de saluer les combattants anti-EI, parmi lesquels ceux du Hachd, désormais intégrés aux forces régulières (Photo, AFP).
Pour de nombreux autres internautes, cette émission est l'occasion de saluer les combattants anti-EI, parmi lesquels ceux du Hachd, désormais intégrés aux forces régulières (Photo, AFP).
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Publié le Mercredi 21 avril 2021

Faire rire avec le djihadisme? Pour les Irakiens, c'est non

  • Le scénario est toujours le même : des acteurs déguisés en jihadistes attaquent une célébrité qui n’est pas au courant du subterfuge
  • Le joueur de l'équipe de foot nationale Alaa Mahaoui s'est ainsi retrouvé agenouillé, les yeux bandés, à supplier ces acteurs de lui laisser la vie sauve

BAGDAD: Une actrice ou un footballeur rend visite à des déplacés quand soudain des djihadistes apparaissent, la star se met à réciter ses dernières prières, des combattants irakiens arrivent à point nommé et tout le monde est sauvé.

Ce pourrait être un « happy end », mais pour beaucoup d'Irakiens, c'est un scandale. Car ce programme, l'une des multiples caméras cachées qui fleurissent sur les chaînes arabes pendant le mois de jeûne musulman du ramadan, est censé divertir.

Le scénario est toujours le même : une célébrité est invitée, pour une œuvre de bienfaisance, à se rendre chez une famille qu'on lui présente comme récemment sortie du joug du groupe Etat islamique (EI).

Mais une fois dans la maison, des acteurs déguisés en djihadistes attaquent. Le joueur de l'équipe de foot nationale Alaa Mahaoui s'est ainsi retrouvé agenouillé, les yeux bandés, à supplier ces acteurs de lui laisser la vie sauve. « Je suis votre frère, je suis irakien et je représente toute la nation », a-t-il plusieurs fois crié au bord des larmes.

Si les djihadistes sont des acteurs, les dernières prières des célébrités piégées sont bien réelles. 

Et il leur est impossible, une fois la mascarade révélée, de s'énerver face à la production : elle est signée du Hachd al-Chaabi, puissante coalition de paramilitaires qui jouent leur propre rôle dans le show, armes à la main.

« Pas du divertissement »

A la fin de l'épisode, Alaa Mahaoui a d'ailleurs eu droit à une leçon du présentateur : « tu fais flotter le drapeau irakien sur les terrains de foot, mais le Hachd, l'armée et la police, eux, le font en sacrifiant leurs martyrs ».

Nessma, actrice quinquagénaire, n'a pas non plus protesté alors qu'elle est apparue inconsciente de longues minutes, allongée au sol avec une fausse ceinture d'explosifs qu'elle croyait chargée autour du ventre. 

Elle ne s'est réveillée que lorsque le présentateur -- habillé en combattant du Hachd -- lui a versé une bouteille d'eau sur le visage.

« Ce n'est pas du divertissement », s'insurge sur Twitter Bilal al-Mosuli, un habitant de Mossoul, « capitale » autoproclamée de l'EI en Irak de 2014 à 2017.

« L'année prochaine, on pourrait avoir une caméra cachée sur Saddam » Hussein, le dictateur qui terrorisa l'Irak de 1979 à 2003, « ou on pourrait jeter les invités dans un fleuve comme les victimes de Speicher », écrit de son côté sur Facebook Ahmed Abderradi, en référence aux 1 700 recrues militaires chiites exécutées par l'EI en 2014 avant d'être jetées dans le Tigre.

Depuis des années, piéger des stars est devenu un incontournable des programmes de ramadan sur les chaînes satellitaires arabes. 

Cependant, c'est la première fois qu'une production irakienne s'y essaye avec le très sensible sujet du « terrorisme », qui continue de frapper dans le pays.

« Pub gratuite pour l'EI »

« Je ne vois pas quel plaisir un spectateur peut avoir à regarder des gens se faire torturer de la sorte », s'interroge un autre internaute, le programme multipliant les simulacres d'exécutions et les fusillades – « avec des balles à blanc » précise un encart au début.

Pour de nombreux autres internautes, en revanche, cette émission est l'occasion de saluer les combattants anti-EI, parmi lesquels ceux du Hachd, désormais intégrés aux forces régulières.

« Mais c'est possible de montrer la bravoure du Hachd et des troupes irakiennes sans jouer sur la corde de la terreur », renchérit Noor Ghazi, une Irakienne exilée aux Etats-Unis, sur Twitter.

Car la terreur, au-delà de la mise en scène, est réelle : la maison de la fausse famille de déplacés se trouve dans la ceinture agricole de Bagdad où des cellules dormantes de l'EI continuent d'intimider et de racketter les habitants.

Pire, affirme Hamed al-Daamy, un internaute, « ce programme fait de la pub gratuite pour l'EI et les autres groupes terroristes en Irak, sans aucune vision sécuritaire dans sa préparation ni dans sa présentation ». Et avec des comédiens qui reprennent à tue-tête les slogans de l'EI et sa rhétorique à longueur d'émission.

Face aux critiques, Dargham Abou Rghif, scénariste du programme, a répondu sur plusieurs comptes Facebook : « les scènes sont dures mais (...) si l'EI avait gagné, les artistes auraient une vie encore plus compliquée, et tous les Irakiens aussi ».


La France se dit « prête à concourir à la sécurité des distributions alimentaires » à Gaza

Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. (Photo AFP)
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. (Photo AFP)
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  • La France, ainsi que l'Europe, "se tiennent prêtes à contribuer à la sécurité des distributions alimentaires" dans la bande de Gaza en guerre, a déclaré samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.
  • Le ministre n’a pas précisé la nature exacte de cette assistance, mais a exprimé sa "colère" face aux "500 personnes" ayant perdu la vie lors de distributions alimentaires récentes à Gaza.

PARIS : La France, ainsi que l'Europe, "se tiennent prêtes à contribuer à la sécurité des distributions alimentaires" dans la bande de Gaza en guerre, a déclaré samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.

Cette initiative viserait à répondre à la préoccupation israélienne concernant le détournement de l’aide humanitaire par des groupes armés, faisant allusion au Hamas sans le nommer.

Le ministre n’a pas précisé la nature exacte de cette assistance, mais a exprimé sa "colère" face aux "500 personnes" ayant perdu la vie lors de distributions alimentaires récentes à Gaza.

Israël a partiellement assoupli fin mai un blocus total imposé depuis début mars, qui avait provoqué de graves pénuries de nourriture, médicaments et autres biens essentiels.

Un mécanisme de distribution piloté par la "Fondation humanitaire de Gaza" (GHF), soutenue par Israël et les États-Unis, a été mis en place, mais ses opérations ont donné lieu à des scènes chaotiques et meurtrières.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, près de 550 personnes ont été tuées et plus de 4 000 blessées dans les files d’attente depuis le lancement des opérations de la GHF fin mai.

La Défense civile de Gaza a par ailleurs rapporté vendredi la mort de 80 personnes dans des frappes ou tirs israéliens, dont 10 tuées alors qu’elles attendaient de l’aide humanitaire. L’armée israélienne nie catégoriquement avoir tiré sur des civils dans ces circonstances et examine ces allégations.

Après un cessez-le-feu entré en vigueur mardi avec l’Iran, le chef d’état-major israélien, le lieutenant-général Eyal Zamir, a indiqué que l’armée restait concentrée sur Gaza "pour ramener les otages et démanteler le régime du Hamas".

La guerre a débuté avec une attaque sans précédent du Hamas dans le sud d’Israël le 7 octobre 2023, qui a fait 1 219 morts israéliens, principalement civils, selon un décompte AFP basé sur des données officielles. Parmi eux, 49 personnes ont été enlevées à Gaza, dont 27 déclarées mortes par l’armée israélienne.

De leur côté, plus de 56 412 Palestiniens, majoritairement civils, ont péri lors des représailles militaires israéliennes dans la bande de Gaza, selon le ministère de la Santé du Hamas, chiffres jugés fiables par l’ONU.


La France entend jouer "un rôle central" sur le nucléaire iranien

Des amendements ont assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l'obligation de pavoisement, pour des raisons financières (Photo, AFP).
Des amendements ont assoupli le texte initial, en permettant que les drapeaux puissent être hissés à proximité des mairies ou sur leurs toits et surtout en exemptant les communes de moins de 1 500 habitants de l'obligation de pavoisement, pour des raisons financières (Photo, AFP).
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  • "Si l'Iran refuse de négocier de bonne foi un encadrement strict et durable de son programme nucléaire,a déclaré le ministre.
  • Le mécanisme de réimposition des sanctions expirera le 18 octobre 2025.

PARIS : La France et ses principaux partenaires européens entendent jouer "un rôle central" dans les négociations sur le nucléaire iranien, en raison notamment de leur capacité à réimposer des sanctions contre Téhéran, a averti samedi le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, sur LCI.

"Si l'Iran refuse de négocier de bonne foi un encadrement strict et durable de son programme nucléaire, la France, avec ses partenaires européens, peut, par une simple lettre, rétablir l'embargo mondial sur les armes, les équipements nucléaires, ainsi que sur les banques et les assurances", a-t-il déclaré.

Ce pouvoir de réactiver les sanctions appartient à chacun des signataires de l'accord de Vienne de 2015, appelé JCPOA ("Joint Comprehensive Plan of Action"), à savoir la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Chine et la Russie ,à l’exclusion des États-Unis, qui s'en sont retirés en 2018 sous la présidence de Donald Trump.

"C'est pourquoi nous jouons un rôle central dans ces négociations", a insisté M. Barrot, exprimant le souhait qu’un dialogue s’instaure entre l’Iran et les États-Unis, "qui tienne compte des exigences qui sont les nôtres" concernant l’activité nucléaire iranienne, soupçonnée par une grande partie de la communauté internationale de viser l’arme nucléaire, ce que Téhéran dément.

Le mécanisme de réimposition des sanctions expirera le 18 octobre 2025.

M. Barrot a également souligné que "ces derniers mois, le sort de nos otages a été au cœur des discussions avec les autorités iraniennes", en référence à Cécile Kohler, 40 ans, et à son compagnon Jacques Paris, arrêtés en mai 2022 à la fin d’un voyage touristique en Iran et accusés d’espionnage. Paris les considère comme des "otages" et réclame leur libération immédiate.

"J'ai demandé récemment qu’un contact soit établi avec eux, par notre consulat ou leurs familles. J’attends toujours une réponse claire, et je dois dire que je commence à m’impatienter", a-t-il ajouté. "Nous continuerons à accentuer la pression. Et comme vous avez sans doute pu le constater, nous disposons de leviers considérables vis-à-vis de l'Iran", a conclu le ministre.


Au Maroc, un projet ambitieux pour connecter le Sahel à l'Atlantique

Construction du port atlantique de Dakhla, situé à 40 km au nord de la ville de Dakhla, dans une zone relevant de la compétence de la commune rurale d'El-Argoub à Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025 (Photo par Abdel Majid BZIOUAT / AFP)
Construction du port atlantique de Dakhla, situé à 40 km au nord de la ville de Dakhla, dans une zone relevant de la compétence de la commune rurale d'El-Argoub à Dakhla, dans le Sahara occidental contesté, principalement contrôlé par le Maroc, le 26 mai 2025 (Photo par Abdel Majid BZIOUAT / AFP)
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  • L'« Initiative Atlantique », annoncée en novembre 2023 par le roi du Maroc, vise à donner au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, tous enclavés, un accès à l'océan.
  • Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique mouvant : entre 2020 et 2023, des coups d'État ont frappé ces trois pays.

MAROC : Le projet colossal de permettre aux pays du Sahel d'accéder à sa façade atlantique via des milliers de kilomètres de corridors logistiques terrestres est poursuivi par le Maroc, non sans défis, dans une région en pleine recomposition et minée par les violences jihadistes.

L'« Initiative Atlantique », annoncée en novembre 2023 par le roi du Maroc, vise à donner au Mali, au Burkina Faso, au Niger et au Tchad, tous enclavés, un accès à l'océan. Un projet qui, selon Mohammed VI, « transformera substantiellement l'économie de ces pays et de toute la région ».

Rabat ferait ainsi d'une pierre plusieurs coups : étendre son influence en Afrique, développer le territoire disputé du Sahara occidental dont la majeure partie est contrôlée par le Maroc mais revendiqué par les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par l'Algérie, et damer le pion à Alger dont les relations avec le Mali, le Niger et le Burkina se sont dégradées.

Cette annonce intervient dans un contexte géopolitique mouvant : entre 2020 et 2023, des coups d'État ont frappé ces trois pays, et les régimes militaires qui y ont pris le pouvoir ont tourné le dos à l'Occident pour se rapprocher de la Russie.

Au même moment, certaines décisions de l'Union africaine et d'organismes régionaux comme la CEDEAO (Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest) contribuaient à isoler les nouveaux régimes.

Or, fin avril à Rabat, le ministre des Affaires étrangères du Niger, Bakary Yaou Sangaré, a affirmé que le Maroc était « l'un des tout premiers pays auprès de qui on a trouvé la compréhension, au moment où la CEDEAO et d'autres pays étaient sur le point de nous livrer la guerre ».

Au regard de la situation, « l'initiative royale est une aubaine pour nos pays », a-t-il assuré après avoir été reçu par Mohammed VI en compagnie des ministres des Affaires étrangères du Burkina et du Mali. 

Actuellement, pour ses échanges commerciaux, l'AES s'appuie sur des ports situés dans plusieurs pays de la CEDEAO (Bénin, Togo, Sénégal, Côte d'Ivoire, Ghana), mais les tensions régionales peuvent compliquer l'accès à ces ports.

Le projet intervient également à un moment où les relations entre l'AES et son voisin algérien se tendent : les pays de l'alliance ont récemment rappelé leurs ambassadeurs à Alger, accusant les autorités algériennes d'avoir abattu un drone malien.

En outre, selon Beatriz Mesa, professeure à l'université internationale de Rabat, les mécanismes sécuritaires européens tels que Barkhane ou Takuba ont « échoué » en Afrique.

Le Maroc, qui se positionne dans une « triangularité » avec l'Afrique et l'Occident, est en train de « rentabiliser ces échecs en se positionnant comme partenaire fiable de l'Europe dans le Sud global », analyse-t-elle.

Après les grandes annonces, reste la question de la faisabilité et du financement. 

D'après la revue Afrique(s) en mouvement, qui réunit plusieurs experts, des pays comme les États-Unis, la France ou des États du Golfe, qui ont publiquement soutenu l'initiative marocaine, sont de potentiels bailleurs pour ce projet colossal.

Selon Abdelmalek Alaoui, président de l'Institut marocain d'intelligence stratégique (Imis), un réseau terrestre entre le Maroc et le Tchad, qui passerait par la Mauritanie, pourrait coûter près d'un milliard de dollars (environ 930 millions d'euros).

Le tracé reste pour l'instant flou, mais le Tchad, qui semble « un peu en retrait » dans le projet par rapport à l'AES, est distant de quelque 3 000 kilomètres du Maroc, souligne Seidik Abba, président du Centre international d'études et de réflexions sur le Sahel (CIRES). 

Il y a donc « encore des étapes à franchir », puisque pour l'instant, le « réseau routier ou ferroviaire n'existe pas », dit cet expert nigérien, relevant aussi le manque de parc automobile dans la région.

Selon Rida Lyammouri du Policy Center for the New South, un groupe de réflexion marocain, « une nouvelle route terrestre » entre le Maroc et la Mauritanie est « presque finalisée », et Nouakchott mène des travaux sur son territoire pour garantir la continuité du corridor.

Mais la question des routes dépend surtout de la sécurité au Sahel. « Si vous avez des escarmouches, de facto, vos travaux s'arrêtent », pointe M. Alaoui, alors que la région est en proie à des attaques persistantes de groupes jihadistes.

Concernant l'import-export, le futur port en eau profonde « Dakhla Atlantique », conçu dans le cadre du développement du Sahara occidental, sera mis à disposition de l'initiative marocaine.

Lancé fin 2021, ce chantier de 1,2 milliard d'euros, situé à El Argoub, au cœur du territoire, affiche un taux d'avancement de 38 %. La fin des travaux est prévue pour 2028.