Le Liban mis en garde contre toute négligence de la loi César

(PATRICK BAZ/AFP)
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Publié le Samedi 11 juillet 2020

Le Liban mis en garde contre toute négligence de la loi César

  • L'ambassadrice des États-Unis a rencontré le ministre des Affaires étrangères, alors que le pays craint des répercussions sur les entreprises et individus libanais
  • Zakka : la loi libère le Liban et tous ceux qui ne veulent pas coopérer avec le régime syrien

BEYROUTH: L'ambassadrice des États-Unis au Liban, Dorothy Shea, a rencontré mercredi le ministre libanais des Affaires étrangères, Nassif Hitti, alors que le pays évaluait les implications de la loi César du gouvernement américain sur les entreprises libanaises opérant en Syrie. La Loi César vise les personnes et les entreprises entretenant des relations d’affaire avec le régime du président syrien Bachar al-Assad.

Des rumeurs ont circulé au Liban au sujet d’une annexe de la loi César, contenant une liste d'entités libanaises susceptibles de subir des sanctions pour leur coopération avec le régime syrien.

Il n’est pas clair comment cette loi affectera la coordination entre les militaires libanais et syriens, les deux États partageant une frontière qui s'étend sur près de 375 kilomètres. Le futur rôle du Conseil suprême libano-syrien, chargé de la coordination des relations entre les gouvernements des deux pays, n'est pas clair non plus.

Le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, avait appelé le peuple libanais « à ne pas se soumettre à cette loi qui vise à affamer le Liban et la Syrie ». Lors d’un discours, il a déclaré : « La loi César nuit au Liban peut-être plus qu'elle ne nuit à la Syrie. La Syrie est notre seul passage vers le monde, mais les Américains essaient d'insinuer que notre seul corridor terrestre est Israël. ».

« À ceux qui nous imposeront de choisir entre tuer au moyen d’armes ou mourir de faim, nous tiendrons nos armes, nous ne mourrons pas de faim et nous les tuerons », a par ailleurs ajouté M. Nasrallah.

Selon un expert juridique libanais contacté par Arab News, la loi César devrait faire l’objet d'un examen minutieux afin de connaître avec certitude son impact sur le Liban, ajoutant qu'elle signifiait pour les États-Unis la possibilité d’imposer des sanctions. « La question de la souveraineté n'est pas sur la table et celui qui décide est celui qui exécute. Nous devons examiner cette question en termes réels », a déclaré l'expert, sous réserve d'anonymat.

Le directeur des programmes du laboratoire PeaceTech aux États-Unis, Nizar Zakka, qui a travaillé sur la loi César, a déclaré pour sa part à Arab News que celle-ci protégeait le Liban. « La loi ne prévoit pas de sanctions pour les personnalités libanaises, comme le laisse entendre la rumeur, a-t-il précisé. Il est vrai que la loi César n'est pas un droit international, mais si nous observons les sanctions contre l'Iran, qui sont américaines et pas internationales, nous pouvons avoir une idée de l'ampleur des dommages que le Liban peut connaître, si cette loi est ignorée. »

Zakka, arrêté en 2015 par l'Iran pour espionnage et libéré en 2019, a indiqué : «  La loi César s'oppose aux crimes contre l'humanité, le genre de crimes dont on n’a été témoin que pendant la Seconde Guerre mondiale et en Syrie. Cette question est sensible. La loi pénalise tous ceux qui traitent avec le gouvernement parce qu'elle les considère comme les partenaires du gouvernement. Nous, au Liban, n'avons jamais tiré avantage d'un quelconque accord conclu par le régime syrien. Ce sont des accords à sens unique mais, dorénavant, le peuple libanais va bénéficier de la loi César et les accords à sens unique vont cesser. »

« La contrebande du Liban vers la Syrie ne profite pas au peuple syrien, mais plutôt au régime syrien, a-t-il ajouté. Ils veulent que nous restions leurs otages, alors que la loi nous libère et libère tous ceux qui ne veulent pas coopérer avec le régime syrien. J'ai travaillé pour modifier une grande partie de la loi César dans l'intérêt du Liban. J'ai été lésé par l'Iran où j’ai été retenu en otage pendant quatre ans, et je ne veux qu'aucun autre Libanais soit lésé. C'est ma mission ».

Zakka a souligné également que cette loi « n'entraverait pas la coopération en matière de sécurité, ni l’acheminement de l'électricité de la Syrie. Mais tout accord entre un Libanais et le régime syrien ne passera pas. Il y a une différence entre le pays et le régime. Au Liban, ils essaient de faire croire que la loi vise la Syrie. C'est une erreur, elle vise le régime syrien Assad. Toute déformation de la loi est interdite ».

Mercredi, le président Michel Aoun a déclaré que « les services de sécurité et les douanes ont pris des mesures supplémentaires pour arrêter toutes les opérations de contrebande, à tous les niveaux, que ce soit au niveau des passages terrestres ou maritimes. »

Le Liban est confronté à grande échelle à la contrebande de diverses marchandises à destination de la Syrie, dont les plus sensibles sont les dollars et les produits subventionnés par le gouvernement libanais, comme la farine et le diesel, alors que le Liban subit une crise financière et économique qui le mène au bord de la faillite.

Pour la deuxième journée consécutive, les bureaux de change autorisés à échanger des dollars de la Banque centrale libanaise sont bondés de citoyens désireux de les acheter, après l’envoi par la Banque centrale de dollars en espèces à un groupe restreints de bureaux. On ne sait pas si ces billets, achetés à bas prix dans les comptoirs de change, ont ensuite été vendus sur le marché noir à un taux plus élevé, ou s'ils ont été transférés vers la Syrie.

L'analyste économique Violette Balaa a prévenu dans une entrevue accordée à Arab News que « la politique du gouvernement qui consiste à demander aux Libanais d’injecter des billets en dollars sur le marché n'est pas judicieuse ». « Les réserves de la Banque centrale s'épuisent en vain, avec le transfert continu de billets de dollars vers la Syrie », a-t-elle noté.

Balaa a appelé le système judiciaire « à prendre des mesures rapides pour contrôler le marché noir et fermer les passages illégaux afin d’arrêter la contrebande de fonds ». Elle a également averti que « les répercussions de la loi César coûteront cher à l'économie libanaise et à son passif. La politique de neutralité est aujourd'hui plus que jamais nécessaire pour réduire les implications de cette loi, tout comme la Jordanie l'a fait lorsque des sanctions ont été imposées à l'Irak ».

Ce texte est la traduction d’un article paru sur ArabNews.com


La diplomatie française estime qu'Israël doit faire preuve de « la plus grande retenue » au Liban

Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
Le drapeau français flotte sur le lac d'Enghien, à Enghien-les-Bains, dans la banlieue nord de Paris, le 25 avril 2025. (Photo Thibaud MORITZ / AFP)
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  • l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, Hezbollah.
  • Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

PARIS : La France a exhorté mercredi Israël « à faire preuve de la plus grande retenue » au Liban après la frappe israélienne qui a touché Beyrouth dimanche dernier, et a souligné que le démantèlement des sites militaires du Hezbollah revenait « exclusivement aux forces armées libanaises ».

Malgré un cessez-le-feu entré en vigueur le 27 novembre après plus d'un an de guerre entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne continue de mener des frappes au Liban, affirmant viser des combattants et des infrastructures du mouvement libanais, très affaibli, qui affirme de son côté respecter l'accord.

Le week-end dernier, Israël a assuré avoir visé un entrepôt de missiles.

Le Liban avait alors demandé à Washington et Paris, garants de l'accord de cessez-le-feu, de « contraindre Israël à cesser immédiatement ses attaques ».

« La France rappelle que le respect du cessez-le-feu s'impose à toutes les parties sans exception afin de garantir la sécurité des populations civiles des deux côtés de la Ligne bleue », la frontière de facto délimitée par les Nations unies, a souligné mercredi Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères.

« La France appelle donc Israël à faire preuve de la plus grande retenue et à se retirer au plus vite des cinq points toujours occupés sur le territoire libanais », a-t-il ajouté lors d'un point presse.

Une commission regroupant le Liban, Israël, les États-Unis, la France et l'ONU est chargée de superviser l'application du cessez-le-feu.

Beyrouth presse la communauté internationale de faire pression sur Israël pour qu'il mette fin à ses attaques et se retire des cinq positions frontalières où il s'est maintenu dans le sud du pays, malgré l'accord.


Les services de sécurité des Émirats déjouent un transfert illégal d'armes vers le Soudan

Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
Les autorités ont saisi environ cinq millions de munitions de type Goryunov (7,62 x 54 mm) retrouvées dans l'avion. (AFP)
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  • Les services de sécurité ont réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises 
  • Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays

ABU DHABI: Les services de sécurité des Émirats arabes unis ont déjoué une tentative de transfert illégal d'armes et d'équipements militaires aux forces armées soudanaises, a déclaré mercredi le procureur général des Émirats arabes unis, Hamad Saif al-Chamsi.

M. Al-Chamsi a déclaré que les services de sécurité avaient réussi à empêcher le transfert d'une quantité d'équipements militaires aux forces armées soudanaises après l'arrestation de membres d'une cellule impliquée dans la médiation non autorisée, le courtage et le trafic illicite d'équipements militaires, sans avoir obtenu les licences nécessaires auprès des autorités compétentes.

Les prévenus ont été arrêtés lors d'une inspection de munitions dans un avion privé dans l'un des aéroports du pays.

L'avion transportait environ cinq millions de munitions de type Goryunov (54,7 x 62 mm).

Les autorités ont également saisi une partie du produit financier de la transaction en possession de deux suspects dans leurs chambres d'hôtel.

M. Al-Chamsi a déclaré que l'enquête avait révélé l'implication de membres de la cellule des chefs militaires soudanais, notamment l'ancien chef des services de renseignement Salah Gosh, un ancien officier de l'agence de renseignement, un ancien conseiller du ministre des Finances et une personnalité politique proche du général Abdel Fattah al-Burhan et de son adjoint Yasser al-Atta. Plusieurs hommes d'affaires soudanais ont également été impliqués.

Selon les enquêteurs, les membres de la cellule ont conclu un marché d'équipement militaire portant sur des fusils Kalachnikov, des munitions, des mitrailleuses et des grenades d'une valeur de plusieurs millions de dollars.

Les armes ont été transférées de l'armée soudanaise à une société d'importation des Émirats arabes unis en utilisant la méthode de transfert des HAWALADARS.

La transaction a été facilitée par l'intermédiaire d'une société appartenant à un membre fugitif de la cellule travaillant pour les forces armées soudanaises, en coordination avec le colonel Othman al-Zubair, responsable des opérations financières au sein de l'armée soudanaise.

De faux contrats et de fausses factures commerciales ont été utilisés pour prétendre que les paiements concernaient un contrat d'importation de sucre.

L'enquête a conclu que ces transactions avaient été effectuées à la demande du comité d'armement des forces armées soudanaises, présidé par Al-Burhan et son adjoint Al-Atta, en toute connaissance de cause et avec leur approbation. Les membres de la cellule ont été directement chargés de négocier et de finaliser les transactions par Ahmed Rabie Ahmed al-Sayed, une personnalité politique proche du commandant en chef soudanais et responsable de la délivrance des certificats et des approbations des utilisateurs finaux.

Les enquêteurs ont confirmé que Salah Gosh jouait un rôle central dans la gestion du trafic illégal d'équipements militaires aux Émirats arabes unis, en coordination avec d'autres membres de la cellule.

Le groupe a réalisé une marge bénéficiaire de 2,6 millions de dollars (1 dollar = 0,88 euro) par rapport à la valeur réelle des deux transactions, qu'il s'est répartie entre lui et plusieurs complices. La part de Gosh a été retrouvée en possession du suspect Khalid Youssef Mukhtar Youssef, ancien officier de renseignement et ex-chef de cabinet de Gosh.

La cargaison saisie était arrivée à l'aéroport des Émirats arabes unis à bord d'un avion privé en provenance d'un pays étranger.

L'avion s'était posé pour faire le plein et avait officiellement déclaré qu'il transportait un lot de fournitures médicales.

Cependant, la cargaison militaire a été découverte sous la supervision du ministère public, sur la base de mandats judiciaires émis par le procureur général.

Les autorités ont également saisi des copies des contrats relatifs aux deux transactions, de faux documents d'expédition, ainsi que des enregistrements audio et des messages échangés entre les membres de la cellule.

L'enquête a permis de découvrir plusieurs sociétés appartenant à un homme d'affaires soudano-ukrainien, dont une opérant aux Émirats arabes unis.

Ces sociétés ont fourni à l'armée soudanaise des armes, des munitions, des grenades et des drones, en collaboration avec les membres de la cellule et le responsable financier de l'armée.

L'une des sociétés figure sur la liste des sanctions américaines.

Les enquêtes en cours ont révélé que les intérêts financiers et les profits du groupe sont étroitement liés à la poursuite du conflit interne au Soudan.

Le procureur général a souligné que cet incident représentait une grave atteinte à la sécurité nationale des Émirats arabes unis, en faisant de leur territoire une plateforme pour le trafic illégal d'armes à destination d'un pays en proie à des troubles civils, en plus de constituer des infractions pénales punissables par la loi.

Il a conclu en déclarant que le ministère public poursuivait ses procédures d'enquête en vue de déférer les suspects à une procédure judiciaire d'urgence.

Les résultats définitifs seront annoncés à la fin de l'enquête.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Retailleau engage la procédure de dissolution d'Urgence Palestine

Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Retailleau intervient lors d'un débat sur le narcotrafic à l'Assemblée nationale française à Paris, le 29 avril 2025. (Photo Ludovic MARIN / AFP)
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  • A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine.
  • Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

PARIS : A la veille du 1er mai, Bruno Retailleau a annoncé  mecredi l'engagement de la procédure de dissolution du groupe Urgence Palestine, ainsi que de Lyon Populaire, qui appartient à l'ultra droite, après avoir lancé mardi celle du groupe antifasciste La Jeune Garde.

Invité de CNews/Europe 1, le ministre de l'Intérieur a justifié la dissolution d'Urgence Palestine en affirmant qu'il fallait « taper sur les islamistes ». « L'islamisme est une idéologie qui essaie d'instrumentaliser une religion. Il y a une défiguration de la foi », a-t-il dit.

« Il ne faut pas défigurer la juste cause des Palestiniens », a poursuivi M. Retailleau, qui a insisté sur le fait que « beaucoup de nos compatriotes musulmans professent une foi parfaitement compatible avec les valeurs de la République ».

Créé au lendemain de l'attaque sans précédent du Hamas dans le sud d'Israël le 7 octobre 2023, qui a déclenché la guerre à Gaza, le collectif Urgence Palestine dit rassembler « des citoyens, des organisations et mouvements associatifs, syndicaux et politiques mobilisés pour l'auto-détermination du peuple palestinien ». 

Le groupe organise régulièrement des manifestations, qui ont parfois été interdites par les autorités.

« À l'heure où le peuple palestinien est confronté au génocide, à la famine, où les Israéliens cherchent à détruire et à anéantir le peuple palestinien, que fait le gouvernement français ? Il veut dissoudre notre collectif, c'est insupportable », a réagi Omar Al Soumi, l'un des militants d'Urgence Palestine.

« C'est la réalité d'une France complice du génocide », a-t-il accusé dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux.

Urgence Palestine a reçu de nombreux messages de soutien de la part d'organisations de l'extrême gauche et de la gauche radicale. 

« Non à la dissolution d'Urgence Palestine », a écrit sur Instagram le Nouveau Parti Anticapitaliste, dénonçant « des prétextes pour faire taire les voix solidaires avec la Palestine ! ».

L'eurodéputée insoumise Rima Hassan a également critiqué les dissolutions engagées contre la Jeune Garde et Urgence Palestine.

« La dérive autoritaire et fasciste de Macron est aussi réelle, tangible et concrète », a-t-elle réagi sur X.

Tsedek!, qui se présente comme un « collectif juif décolonial », a aussi apporté son soutien à ces deux organisations.

« Le gouvernement qui appelle à la dissolution d’Urgence Palestine, c’est la République qui reprend ses droits et réaffirme que l’antisémitisme ne passera pas en France », s'est au contraire félicitée Sarah Aizenman, présidente du collectif « Nous vivrons », auprès de l'AFP. 

« Cette organisation ne défend pas les droits des Palestiniens, elle soutient une organisation terroriste », a accusé Mme Aizenman.

Les annonces de procédures de dissolution contre La Jeune Garde et Urgence Palestine interviennent à la veille des rassemblements du 1er-Mai et pourraient tendre le climat des manifestations, notamment à Paris, selon un haut responsable de la police.

Le ministre de l'Intérieur et le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, ont par avance prévenu qu'aucun débordement ne serait toléré.

Environ 15 000 personnes sont attendues jeudi pour la manifestation parisienne.