Les interprètes afghans craignent le départ des troupes américaines

Une femme afghane passe devant les vitres brisées d'une demeure après un attentat suicide à Kaboul, en Afghanistan, le 21 avril 2021. (Photo, Reuters)
Une femme afghane passe devant les vitres brisées d'une demeure après un attentat suicide à Kaboul, en Afghanistan, le 21 avril 2021. (Photo, Reuters)
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Publié le Lundi 26 avril 2021

Les interprètes afghans craignent le départ des troupes américaines

  • Un rapport publié en 2014 estime qu'un interprète afghan est tué toutes les 36 heures
  • Les manifestants, venus de diverses régions du pays, exigent d’être relogés aux États-Unis par le biais de SIV

KABOUL: C’est vers la fin de 2013 qu’Ahmad Fatah a commencé à travailler ouvertement comme interprète auprès de l'armée américaine. Il accompagnait souvent les troupes lors de patrouilles et de descentes contre des insurgés talibans présumés dans la province de Logar, dans l'est de l'Afghanistan.

Plusieurs résidents de Logar, où Fatah est né, étaient également au courant de ses activités quand, comme des milliers d'autres interprètes afghans, il a aidé et protégé les troupes américaines lors des combats contre les talibans pendant des décennies qui ont suivi les attentats du 11 septembre 2001. Et alors qu’ils vivent dans la peur du groupe d'insurgés qui les considère comme des traîtres et des collaborateurs, ces troupes traitent à présent du sujet de leur sécurité comme une réflexion après coup.

Washington dépendait fortement des compétences linguistiques et des connaissances culturelles des interprètes locaux pour établir une communication entre les forces américaines et les talibans. L'anglais, le dari et le pachtou comptaient parmi leurs atouts.

Aujourd'hui, Fatah, dont le nom a été changé pour protéger son identité, vit à Kaboul. Il y est arrivé au milieu de 2014, à l'âge de 24 ans, après avoir reçu une menace de mort pour avoir «trahi le pays et l'islam en travaillant avec les envahisseurs américains».

Peu de temps après avoir reçu cet appel, Fatah a informé ses anciens employeurs de l'armée américaine en Afghanistan, dans l'espoir d'obtenir un visa spécial d'immigration (SIV) qui lui permettrait de quitter pour les États-Unis.

Mais en vain.

«On m'a dit que je ne réponds pas aux critères car les SIV sont réservés à ceux qui ont servi pendant au moins deux ans. Mais ils ont promis de m'aider», raconte l’interprète à Arab News samedi. Il se trouve, en compagnie d’un nombre d’autres interprètes, dans un parc de Kaboul afin de protester contre l’absence de protection de la part des États-Unis et des autres pays qui ont eu recours à leurs services pendant la guerre.

Ses craintes se sont accentuées depuis l'annonce du retrait des troupes américaines d'Afghanistan, prévu pour le 11 septembre. Fatah et des dizaines d'interprètes afghans craignent d'être assassinés par les talibans après leur départ.

No One Left Behind, une organisation à but non lucratif, a répertorié depuis 2014 plus de 300 cas où les talibans et d'autres groupes terroristes ont tué des interprètes ou des membres de leur famille, dont beaucoup attendaient des visas pour les États-Unis.

Un rapport publié la même année par International Refugee Assistance Project, une organisation à but non lucratif de New York, estime qu'un interprète afghan est tué toutes les 36 heures.

Les manifestants, venus de diverses régions du pays, exigent d’obtenir des SIV et d’être relogés aux États-Unis.

Selon le département d'État américain, près de 13 000 SIV ont été accordés à des ressortissants afghans depuis 2014. Un chiffre qui n'offre pourtant que peu de réconfort aux 19 000 Afghans qui attendent que le département d'État décide de leur sort.

«Les Américains partent, mais qu'en est-il de nous? Que font-ils pour nous? Nous avons risqué nos vies en travaillant avec eux», se désole Fatah.

Esmatullah Faizi, de l'est de la province de Nangarhar, affirme qu'il a effectué une demande pour un SIV en 2018. Il n'a pas toujours pas reçu de réponse des autorités.

«Ils (Les responsables américains) répètent invariablement « votre cas est en cours d’étude, et nous vous contacterons le cas échéant». Je ne sais pas ce qui va se passer, les gens (les interprètes) ont peur parce que l'Amérique a fixé le 11 septembre comme date limite du retrait», dit-il.

Javid Mahmoudi, un autre interprète de Parwan, au nord de Kaboul, dit être en contact avec d'autres interprètes en Afghanistan «qui ne pouvaient se rendre à la manifestation, mais qui ont out aussi peur pour leur avenir».

«L'armée ne donne pas de réponses convaincantes à certains interprètes», avoue-t-il à Arab News.

Les manifestants révèlent qu'ils comptent bientôt organiser un sit-in devant l'ambassade des États-Unis à Kaboul, car les responsables «ne répondent pas à leurs appels», et ils ne disposent pas de moyens pour les contacter afin de «discuter de nos craintes et de notre avenir».

Joint par Arab News à ce sujet, le Département d'État affirme qu'il prend son rôle dans la gestion du programme SIV très «au sérieux».

«Nous sommes engagés aux plus hauts niveaux pour nous assurer de servir les candidats SIV aussi rapidement que possible», déclare un officier du département des Affaires étrangères de l'ambassade américaine, sous couvert de l'anonymat.

«Toutes les personnes impliquées dans le processus de visa spécial d'immigration, que ce soit à Washington ou dans notre ambassade à Kaboul, sont conscientes des menaces auxquelles nos collègues afghans font face», dit-il. Il ajoute que le département d'État a «donné la priorité au programme SIV afghan. Il a identifié ses besoins du programme et affecté des ressources supplémentaires à deux étapes du processus».

Reprenant les propos du porte-parole du département d'État américain Ned Price, le responsable confirme que Washington a augmenté «les ressources du programme SIV» et pris «des mesures pour prioriser les candidatures des interprètes et des traducteurs».

«Nous avons accordé une attention particulière à ceux qui ont participé aux opérations de combat. Ceci restera une priorité à l'avenir», assure-t-il.

Dédié au soutien des Afghans et Irakiens en danger en raison de leur emploi auprès de l'armée américaine en autres, le programme SIV est un long processus qui comprends un temps d'attente moyen de trois ans.

Le programme connaît depuis l'année dernière des retards, occasionnés par la pandémie de Covid-19.

L’International Refugee Assistance Project (IRAP), un organisme de défense et de services juridiques aux États-Unis, a étudié les SIV en Afghanistan et en Irak, et reste pour sa part catégorique.

«Pendant plus d'une décennie (…) les programmes SIV ont créé une issue de sécurité pour les Irakiens et les Afghans et que le service (…) a exposés, avec leurs familles, à des menaces, à des blessures et à la mort. Des dizaines de milliers d'Irakiens et d'Afghans ont été relogés en toute sécurité aux États-Unis (…) Le processus ne s'est pas pourtant pas déroulé sans heurts», explique le site Web de l’organisme.

«Au fil des ans, les programmes SIV ont connu obstacles et des inefficacités techniques, pratiques et politiques qui ont obstrué leur bon fonctionnement et compromis la promesse faite par le gouvernement américain ces alliés en échange de leur service».

 

Cet article est la traduction d'un article paru sur Arab News.


Plus de 200 personnalités demandent la libération du dirigeant palestinien Marwan Barghouti

Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
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  • Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille
  • La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza

PARIS: Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002.

Marwan Barghouti, 66 ans et ancien cadre du Fatah, défend une résolution politique au conflit israélo-palestinien. Parfois surnommé par ses partisans le "Mandela palestinien", il est connu pour sa lutte contre la corruption et est cité comme un possible successeur du président palestinien Mahmoud Abbas.

La lettre ouverte, consultée par l'AFP, réunit des stars du cinéma comme Josh O'Connor, Benedict Cumberbatch et Javier Bardem, ainsi que des musiciens tels que Fontaines D.C. et Sting. Les autrices à succès Sally Rooney, Annie Ernaux ou Margaret Atwood ont également apporté leur soutien, tout comme les anciens footballeurs Éric Cantona et Gary Lineker.

"Nous exprimons notre vive inquiétude face à la détention continue de Marwan Barghouti, à ses mauvais traitements et au déni de ses droits légaux en prison", écrivent-ils, appelant "les Nations Unies et les gouvernements du monde à œuvrer activement" pour sa libération.

Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille. La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza.

Marwan Barghouti a été condamné à cinq peines de prison à vie par un tribunal israélien, qui l'a reconnu coupable d'implication dans des attaques meurtrières durant la seconde intifada (2000-2005).

Israël a refusé de le libérer dans le cadre des échanges de prisonniers, effectués depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Son fils a déclaré en octobre qu'il avait été violemment battu par des gardiens israéliens lors d'un transfert de prison. En août, le ministre israélien d'extrême droite Itamar Ben Gvir a diffusé une vidéo où il prend à partie et sermonne Marwan Barghouti, apparaissant affaibli dans sa cellule.


Ukraine: «aucun compromis» sur les territoires occupés après une rencontre Poutine-Witkoff à Moscou

"Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine. (AFP)
"Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine. (AFP)
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  • M. Witkoff, accompagné du gendre du président américain, Jared Kushner, s'est entretenu pendant près de cinq heures au Kremlin avec le dirigeant russe à propos de ce plan présenté par Washington
  • "Nous avons pu nous mettre d'accord sur certains points (...), d'autres ont suscité des critiques, mais l'essentiel est qu'une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts"

MOSCOU: "Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine.

M. Witkoff, accompagné du gendre du président américain, Jared Kushner, s'est entretenu pendant près de cinq heures au Kremlin avec le dirigeant russe à propos de ce plan présenté par Washington il y a deux semaines et depuis retravaillé lors de consultations avec les Ukrainiens.

"Nous avons pu nous mettre d'accord sur certains points (...), d'autres ont suscité des critiques, mais l'essentiel est qu'une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts", a indiqué le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov.

Sur la question des territoires occupés par la Russie en Ukraine, qui représentent environ 19% du pays, "aucune solution de compromis n'a encore été choisie", même si "certaines propositions américaines peuvent être discutées", a précisé M. Ouchakov.

Il a qualifié la discussion d'"utile", mais prévenu qu'il "reste encore beaucoup de travail" pour parvenir à un accord, alors que les troupes russes ont accéléré leur avancée sur le front.

"Ce que nous avons essayé de faire, et je pense que nous avons fait quelques progrès, est de déterminer ce qui pourrait convenir aux Ukrainiens et leur donner des garanties de sécurité pour l'avenir", a déclaré pour sa part le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio sur la chaîne Fox News, sans qu'il soit précisé s'il s'exprimait après la fin des pourparlers.

Après cet entretien avec les Russes à Moscou, Steve Witkoff et Jared Kushner pourraient rencontrer mercredi en Europe une délégation de Kiev, selon une source ukrainienne à l'AFP.

"Nous sommes prêts" 

Quelques heures avant sa rencontre avec les Américains, Vladimir Poutine avait menacé les Européens, les accusant de chercher à "empêcher" les efforts de Washington pour mettre fin au conflit.

"Nous n'avons pas l'intention de faire la guerre à l'Europe, mais si l'Europe le souhaite et commence, nous sommes prêts dès maintenant", a-t-il lancé aux journalistes, en marge d'un forum économique.

Des propos qui tranchent avec ceux du chef de l'Otan, Mark Rutte, qui s'est dit peu avant convaincu que les efforts américains en Ukraine "finiront par rétablir la paix en Europe".

Le président américain Donald Trump a répété mardi que le règlement du conflit en Ukraine était une question complexe. "Ce n'est pas une situation facile, croyez-moi. Quel gâchis", a-t-il dit.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, sous forte pression politique et diplomatique, a accusé la Russie d'utiliser les pourparlers actuels pour tenter "d'affaiblir les sanctions" visant Moscou.

Il a appelé à la fin de la guerre et pas "seulement à une pause" dans les combats.

Les Etats-Unis ont annoncé fin octobre des sanctions contre deux géants du secteur des hydrocarbures russes, Rosneft et Lukoil, les premières sanctions d'importance prises par Donald Trump contre la Russie depuis son retour au pouvoir.

Les Européens espèrent que l'administration Trump, soupçonnée de complaisance vis-à-vis de Vladimir Poutine, ne sacrifiera pas l'Ukraine, considérée comme un rempart face à la Russie.

Accélération russe 

Ces discussions se sont déroulées alors que les forces russes ont réalisé en novembre leur plus grosse progression sur le front en Ukraine depuis un an, selon l'analyse par l'AFP des données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), qui travaille avec le Critical Threats Project (CTP, émanation de l'American Enterprise Institute), deux centres de réflexion américains spécialisés dans l'étude des conflits.

En un mois, la Russie a pris 701 km2 aux Ukrainiens, la deuxième avancée la plus importante après celle de novembre 2024 (725 km2), en dehors des premiers mois de guerre au printemps 2022.

La Russie a revendiqué lundi la prise de la ville de Pokrovsk dans l'est de l'Ukraine, un nœud logistique clé pour Kiev, ainsi que celle de Vovtchansk, dans le nord-est. Mais l'Ukraine a affirmé mardi que les combats à Pokrovsk se poursuivaient.

En novembre, la Russie a tiré plus de missiles et de drones lors de ses attaques nocturnes sur l'Ukraine que durant le mois précédent, soit un total de 5.660 missiles et drones longue portée (+2%).

En interne, le président ukrainien est affaibli par un vaste scandale de corruption impliquant ses proches et qui a contraint son puissant chef de cabinet, Andriï Iermak, à la démission vendredi.

 


Bissau: formation d'un gouvernement, le président renversé est à Brazzaville

Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques. (AFP)
Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques. (AFP)
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  • La junte a depuis nommé le général Horta N'Tam président d'une transition censée durer un an et un Premier ministre
  • Le nouveau gouvernement compte également cinq officiers, dont le général de brigade Mamasaliu Embalo, nommé au poste de ministre de l'Intérieur, et le général Stive Lassana Manssaly qui occupe le portefeuille de la Défense nationale

BISSAU: La junte au pouvoir en Guinée-Bissau a formé samedi un nouveau gouvernement composé de 28 membres, en majorité des civils, quatre jours après avoir renversé le président Umaro Sissoco Embalo, qui est arrivé à Brazzaville.

Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques.

La junte a depuis nommé le général Horta N'Tam président d'une transition censée durer un an et un Premier ministre.

Le nouveau gouvernement compte également cinq officiers, dont le général de brigade Mamasaliu Embalo, nommé au poste de ministre de l'Intérieur, et le général Stive Lassana Manssaly qui occupe le portefeuille de la Défense nationale. Quatre femmes intègrent aussi le gouvernement.

M. N'Tam a exhorté le nouveau gouvernement à "lutter contre la corruption et le trafic de drogue", dans ce pays très pauvre et considéré comme une plaque tournante de ce trafic entre l'Amérique latine et l'Europe.

Brièvement arrêté par les militaires mercredi, puis parti au Sénégal jeudi dans un vol affrété par le gouvernement sénégalais, M. Embalo "est arrivé à Brazzaville pour y rester", a affirmé samedi à l'AFP une source proche de la présidence congolaise, sous couvert de l'anonymat.

Echauffourées 

M. Embalo, 53 ans, est réputé proche du président congolais Denis Sassou Nguesso, et s'est rendu à plusieurs reprises en visite au Congo.

"Le président Embalo est arrivé en fin de matinée à Brazzaville à bord d'un jet privé affrété par les autorités", a indiqué à l'AFP une source proche du pouvoir congolais, jointe depuis Bissau.

Dans la capitale bissau-guinéenne, le Parti Africain pour l'Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), puissante et historique formation d'opposition, a dénoncé l'"envahissement" de son siège samedi matin dans la capitale et des "dégradations" par des "miliciens armés".

Selon le PAIGC, ces derniers ont "procédé à l'expulsion de toutes les personnes qui s'y trouvaient, à l’effraction des portes de bureaux et à la grave violation de l’intégrité des installations".

Le principal opposant Domingos Simoes Pereira - dirigeant du PAIGC, parti ayant mené la Guinée-Bissau à l'indépendance en 1974 - avait été écarté de la présidentielle du 23 novembre. Le parti avait ensuite soutenu le candidat d'opposition Fernando Dias, devenu le principal adversaire de M. Embalo lors du scrutin.

M. Pereira a été arrêté mercredi en Guinée-Bissau, selon des proches et un collaborateur.

Dans une déclaration jeudi à l'AFP, M. Dias affirme avoir largement remporté la présidentielle au premier tour et accuse M. Embalo d'avoir "organisé" le coup d'Etat pour empêcher son accession au pouvoir.

M. Dias affirme être "en sécurité" et se cacher dans le pays.

Par ailleurs, des échauffourées mineures ont eu lieu samedi dans la matinée dans un quartier périphérique de Bissau, non loin du siège de campagne de M. Dias, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Mercredi, les auteurs du putsch avaient expliqué vouloir garantir la "sécurité au niveau national et rétablir l'ordre", évoquant la découverte par les "renseignements généraux" d'un "plan visant à déstabiliser le pays avec l'implication des barons nationaux de la drogue".

Des opposants et des experts soupçonnent néanmoins M. Embalo, au pouvoir depuis 2020, d'avoir orchestré lui-même son renversement afin d'arrêter le processus électoral.

Coup "factice" 

La prise de pouvoir par les militaires a été largement critiquée, notamment par le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres qui a dénoncé une "violation des principes démocratiques".

La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a suspendu la Guinée-Bissau de "tous ses organes décisionnels". L'Union africaine (UA) a également suspendu le pays de ses instances.

Samedi, le président du Conseil des Sages et ancien chef d'Etat du Nigeria, Goodluck Jonathan, qui faisait partie des observateurs des scrutins du 23 novembre, a à nouveau affirmé que le coup d'état était selon lui "factice".

Il répondait à un journaliste de la télévision nationale après avoir briefé le président nigérian Bola Tinubu sur la situation en Guinée-Bissau.

"C'est une cérémonie mise en scène par le chef de l'Etat (Embalo, NDLR) lui même", a-t-il accusé. "Nous sommes fatigués de tout cela en Afrique....", a-t-il fustigé.

La Guinée-Bissau, située entre le Sénégal et la Guinée (Conakry), a déjà connu quatre coups d'Etat et une kyrielle de tentatives de putsch depuis son indépendance du Portugal en 1974. La proclamation des résultats électoraux y a souvent donné lieu à des contestations.