Biden ne veut pas se laisser entraîner dans le conflit israélo-palestinien

L'administration Biden a apporté son soutien à la normalisation des relations entre Israël et des pays arabes, tout en renouant avec une diplomatie plus traditionnelle et moins déséquilibrée à l'égard du conflit israélo-palestinien. (Photo, AFP)
L'administration Biden a apporté son soutien à la normalisation des relations entre Israël et des pays arabes, tout en renouant avec une diplomatie plus traditionnelle et moins déséquilibrée à l'égard du conflit israélo-palestinien. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 12 mai 2021

Biden ne veut pas se laisser entraîner dans le conflit israélo-palestinien

  • «Il n'y a aucune perspective de succès dans ce dossier. Il n'y a aucun dirigeant, des deux côtés, prêt à prendre des décisions», estime un diplomate US
  • Le président fait face à une équation complexe: diplomatiquement, ses cartes étant limitées, mais aussi politiquement, l'aile gauche de son parti le poussant à prendre ses distances avec Israël

WASHINGTON: Joe Biden l'a clairement laissé entendre: le conflit israélo-palestinien, sans espoir de résolution rapide, ne fait pas partie de ses priorités. Mais comme pour nombre de ses prédécesseurs, une crise oblige déjà le président des Etats-Unis à s'impliquer, a minima, pour éviter l'explosion.

L'escalade de la violence place le démocrate face à une équation complexe -- diplomatiquement, ses cartes étant limitées, mais aussi politiquement, l'aile gauche de son parti le poussant à prendre plus franchement ses distances avec Israël après le soutien acharné manifesté par Donald Trump.

«On peut facilement comprendre que l'administration Biden considère qu'il s'agit d'un effort peu utile, peu rentable et semé d'embûches politiques», explique Aaron David Miller, ex-négociateur américain pour le Proche-Orient.

«Il n'y a aucune perspective de succès dans ce dossier. Il n'y a aucun dirigeant, des deux côtés, prêt à prendre des décisions», ajoute cet expert du cercle de réflexion Carnegie Endowment for International Peace.

Selon lui, «dans le meilleur des cas, l'administration Biden peut juste espérer calmer la violence» dans la crise actuelle.

Ces derniers jours, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken et le conseiller pour la sécurité nationale Jake Sullivan ont multiplié les contacts et les déclarations en faveur d'une «désescalade». Selon des observateurs, Washington intervient aussi auprès de ses partenaires arabes comme l'Egypte, la Jordanie ou le Qatar, pour qu'ils favorisent un cessez-le-feu entre Israël et le mouvement islamiste Hamas.

Mais les tensions meurtrières, nées en partie de la menace d'expulsions visant des Palestiniens de Jérusalem-Est au profit de colons israéliens, et qui ont dégénéré d'abord en heurts puis en tirs de roquettes du Hamas vers l'Etat hébreu et en frappes de l'armée israéllienne contre la bande de Gaza, n'ont fait que s'accentuer.

Jusqu'ici, les rares mesures obtenues de la part des autorités israéliennes pour calmer le jeu se sont révélées insuffisantes.

«Soi-disant plan de paix»

«Je pense que les Américains espèrent surtout que les choses s'apaisent d'elles-mêmes dans les prochains jours, avec la fin du ramadan», dit Aaron David Miller.

A leur arrivée au pouvoir en janvier, le président Biden et son équipe ont fait savoir qu'ils n'entendaient pas se précipiter vers une nouvelle médiation -- d'autant que l'avenir politique du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et du président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas est en suspens.

Antony Blinken a apporté son soutien à la création future d'un Etat palestinien mais a reconnu qu'il n'y avait pas de «perspective réaliste en ce sens à court terme». «Les deux parties ne sont pas actuellement en mesure d'entreprendre de vraies négociations pour aller vers une solution à deux Etats», a de nouveau constaté mardi son porte-parole Ned Price.

L'ex-président Trump avait tourné le dos à cette solution poussée par la communauté internationale et apporté tout son soutien à Benjamin Netanyahu en reconnaissant unilatéralement Jérusalem comme capitale d'Israël.

En fin de mandat, le milliardaire républicain avait avancé son plan de paix, qui aurait permis à l'Etat hébreu d'annexer une grande partie de la Cisjordanie, ne laissant aux Palestiniens qu'un Etat réduit à peau de chagrin avec une capitale en périphérie de Jérusalem.

«Je pense qu'on peut dire sans se tromper qu'il y a des éléments de ce soi-disant plan de paix qui ne représentent pas un point de départ constructif», a ironisé Ned Price.

L'administration Trump avait finalement donné la priorité à la reconnaissance d'Israël par d'autres pays arabes, avec succès, dans l'espoir de marginaliser encore davantage la question palestinienne.

Pas de rupture

L'administration Biden a elle apporté son soutien à cette normalisation -- l'une des rares réussites internationales qu'elle reconnaît au gouvernement précédent --, tout en renouant avec une diplomatie plus traditionnelle et moins déséquilibrée à l'égard du conflit israélo-palestinien.

Joe Biden et Antony Blinken, des vétérans de la politique étrangère américaine, ont eux aussi des liens solides et anciens avec Israël. Mais les prises de position ultrafavorables à l'Etat hébreu de l'ère Trump ont contribué à faire évoluer une frange croissante du Parti démocrate américain, notamment à l'égard d'un Benjamin Netanyahu de plus en plus considéré comme un dirigeant de la droite extrême.

Bernie Sanders, principal adversaire de Joe Biden à la primaire démocrate, a appelé les Etats-Unis à «dénoncer fermement la violence des extrémistes israéliens alliés du gouvernement».

Phyllis Bennis, chercheuse à l'Institute for Policy Studies, classé à gauche, estime que le président américain, malgré certains désaccords avec «Bibi» Netanyahu, n'a pas affiché de véritable rupture avec plusieurs décisions controversées de son prédécesseur.

«Comme Israël ne veut pas que nous retournions dans l'accord sur le nucléaire iranien, mais que nous allons le faire malgré tout, alors nous n'allons prendre aucune autre décision susceptible de déplaire à Israël, comme faire pression contre ses violations directes du droit international», dit-elle.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

Short Url
  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
Short Url
  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Short Url
  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.