Suez-Veolia: accord attendu pour acter un douloureux rapprochement

Des syndicats membres de Suez manifestent contre l'offre publique d'achat de Veolia le 29 septembre 2020 à La Défense, à l'ouest de Paris, devant la société énergétique française Engie, maison mère de Suez (Photo, AFP)
Des syndicats membres de Suez manifestent contre l'offre publique d'achat de Veolia le 29 septembre 2020 à La Défense, à l'ouest de Paris, devant la société énergétique française Engie, maison mère de Suez (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 13 mai 2021

Suez-Veolia: accord attendu pour acter un douloureux rapprochement

  • Les deux groupes, engagés dans une bataille épique autour de l'OPA de l'un sur l'autre, ont signé un armistice le 11 avril, se donnant jusqu'au 14 mai, ce vendredi, pour formaliser leur accord
  • Les candidats à l'achat du «nouveau Suez» ont présenté mardi leur offre, «engageante et chiffrée», au conseil d'administration du groupe

PARIS: Après 150 ans de rivalité et huit mois de guerre, les deux géants français de l'eau et des déchets doivent formaliser leur mariage d'ici vendredi, pour donner naissance à un Veolia augmenté et un Suez ramené pour l'essentiel à ses activités hexagonales.  

Les deux groupes, engagés dans une bataille épique autour de l'OPA de l'un sur l'autre, ont signé un armistice le 11 avril, se donnant jusqu'au 14 mai, ce vendredi, pour formaliser leur accord.  

Au coeur du contrat, Veolia absorbera une bonne part de Suez, pour devenir un « champion » du secteur pesant 37 milliards d'euros.  

Le deal prévoit aussi qu'il cède assez d'actifs pour maintenir un Suez indépendant, représentant 6,9 milliards d'euros, soit moins de la moitié du groupe actuel, concentré sur la France, et qui sera repris par de nouveaux actionnaires.  

Depuis un mois les discussions se poursuivent donc pour consolider, préciser, mettre en forme. « Ça avance bien, on est dans le calendrier prévu », dit-on de part et d'autre.  

Etape nécessaire, les candidats à l'achat du « nouveau Suez » ont présenté mardi leur offre, « engageante et chiffrée », au conseil d'administration du groupe.  

Les fonds français Meridiam et américain GIP et la Caisse des dépôts se sont entendus sur 40% chacun pour les deux premiers, et 20% pour la CDC. La direction de Suez vise dans un deuxième temps 10% de salariés actionnaires.  

Selon Suez, leur offre inclut des éléments sur le prix d'achat et le financement. Ce prix n'a pas été dévoilé, mais devait être « en cohérence » avec le montant proposé par Veolia pour l'ensemble de Suez, rappelle-t-on.  

D'autres points restaient à graver, en particulier l'assurance que ces actionnaires gardent ce nouvel actif au moins dix ans, notamment un sujet délicat pour GIP. S'ajoute l'engagement sur l'emploi à quatre ans. Selon une source proche du dossier, ces points sont « conformes à l'accord du 11 avril ».  

« La réalité s'impose »   

Le périmètre des deux futurs groupes, lui, est globalement connu depuis l'accord trouvé à l'hôtel Bristol: Veolia acquiert des « actifs stratégiques » aux Etats-Unis, Amérique latine, Moyen Orient, Espagne, Australie, Royaume Uni; Suez garde, outre la France, des actifs en Italie, Maroc, Inde, Chine.  

Sauf surprise, le tout doit être approuvé d'ici vendredi par les conseils d'administration de Suez et de Veolia, a priori sans poignée de mains en public.  

« Nous nous sommes déjà serré la main le 11 avril au soir! » dit le PDG de Veolia, Antoine Frérot. « Au-delà des symboles (...) c'est l'accord des deux conseils d'administration qui permet de sceller concrètement l'accord ».  

Ce calme, apparent, tranche avec la tempête des derniers mois qui a vu Suez tout tenter pour échapper à l'OPA.  

Le groupe, pris de court par l'annonce fin août des intentions de son rival, n'aura pas réussi à obtenir une contre-offre avant que Veolia rachète 29,9% de ses parts auprès d'Engie, dès octobre. Depuis l'affaire s'était muée en guerre juridique, financière, médiatique...  

Jusqu'à ce que les deux rivaux en arrivent à cette négociation éclair, sous les auspices de l'ex-patron historique de Suez, Gérard Mestrallet, via le cabinet de médiation Equanim.  

Craignaient-ils de laisser des plumes dans un duel toujours plus féroce, à l'approche notamment de l'assemblée générale des actionnaires de Suez?  

« Nous nous sommes battus avec la claire détermination d'y échapper (au raid de Veolia, ndlr). A un moment, la réalité s'impose », a expliqué le directeur général de Suez, Bertrand Camus, saluant tout de même pour le futur Suez « un bon équilibre entre une base française forte et une projection à l'international ».  

L'affaire n'est pas finie pour autant.  

Veolia espère cet été l'aval des autorités de la concurrence, pour voir aboutir son OPA au troisième trimestre, avec cession simultanée des actifs du « nouveau Suez » à son actionnariat.  

Viendra le temps de « l'intégration équitable des équipes de Suez, qui compte tenu du projet industriel et de la culture commune et des métiers partagés, devrait parfaitement se dérouler », assure Antoine Frérot.  

Du côté de Suez, la direction devrait, entre autres, continuer à rencontrer clients et salariés, et les futurs actionnaires préciser leur stratégie.  

Au lendemain du 11 avril, l'intersyndicale avait exprimé un sentiment de « trahison ». Trois syndicats revendiquant la majorité ont réclamé 11% d'actionnariat salarié afin de protéger le nouveau Suez de futures OPA hostiles.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".