Le Chili s'en remet aux indépendants pour réécrire la constitution héritée de Pinochet

Ce processus électoral est également le premier au monde à élire une Assemblée constituante sur une base paritaire, avec un nombre égal d'hommes et de femmes. (Photo, AFP)
Ce processus électoral est également le premier au monde à élire une Assemblée constituante sur une base paritaire, avec un nombre égal d'hommes et de femmes. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 17 mai 2021

Le Chili s'en remet aux indépendants pour réécrire la constitution héritée de Pinochet

  • Les citoyens ont envoyé un message clair et fort au gouvernement et aussi à toutes les forces politiques traditionnelles
  • Aucun analyste n'avait anticipé une telle razzia des candidats indépendants ou le piètre résultat de la droite au pouvoir

SANTIAGO: Les électeurs chiliens ont délaissé les partis traditionnels et se sont tournés vers les candidats indépendants pour désigner les 155 rédacteurs chargés de réécrire la constitution du pays qui date de la dictature  militaire d'Augusto Pinochet (1973-1990), accusée d'être à l'origine de profondes inégalités sociales.

Les deux listes qui rassemblent des candidats des partis de gauche, allant du centre-gauche au Parti communiste, qui entendent proposer un nouveau modèle pour le pays avec différents droits sociaux garantis, comme l'éducation, la santé ou le logement, recueillent 33,22% des suffrages, après le dépouillement de près de 90% des bulletins de vote.

Avec 20,80% des suffrages, la droite au pouvoir défendant le système actuel, qui aurait favorisé la croissance économique du pays, a été délaissée au profit des candidats indépendants qui auront le plus grand contingent parmi les 155 membres de l'Assemblée constituante élue sur une base paritaire, dont 17 sièges sont réservés aux 10 peuples autochtones.

«Les citoyens ont envoyé un message clair et fort au gouvernement et aussi à toutes les forces politiques traditionnelles: nous ne sommes pas suffisamment en phase avec les demandes et les désirs des citoyens et nous sommes mis au défi par de nouvelles expressions et un nouveau leadership», a déclaré le président conservateur Sebastian Piñera.

Reconfiguration politique

Selon Marcelo Mella, politologue à l'université de Santiago, «la plupart (des candidats indépendants) sont des outsiders, sans appartenance à un parti et critiques envers les partis traditionnels».

Pour le politologue Claudio Fuentes, «40% ne sont pas issus des partis, bien que beaucoup d'entre eux ont des affinités politiques vers le centre-gauche, et 60% sont issus des partis traditionnels, dont le Parti communiste et la gauche traditionnelle».

Malgré l'absence de sondages et des prévisions électorales difficiles, aucun analyste n'avait anticipé une telle razzia des candidats indépendants ou le piètre résultat de la droite au pouvoir, unie avec l'extrême droite sur une seule liste, alors que se profile en novembre l'élection présidentielle.

Les résultats montrent clairement «que la force électorale des indépendants est beaucoup plus importante qu'on ne le pensait et cela confirme que les citoyens en ont assez des partis traditionnels», a estimé Mireya Davila, de l'Institut des affaires publiques de l'Université du Chili.

Selon elle, «le système politique est en train d'être reconfiguré, il y a un air de changement au Chili, mais c'est aussi complexe car il faudra négocier avec chacun des indépendants et composer avec chacune de leurs positions au sein de l'Assemblée constituante». 

Daniel Jadue, candidat du Parti communiste à la présidentielle, s'est réjoui que «les secteurs qui cherchent à transformer le pays ont triomphé».

Javier Macaya, président de l'Union démocratique indépendante (UDI), le plus grand parti de droite du Chili, a déclaré que le pays «a donné un signal que nous devons être capables d'écouter. Les blocs politiques traditionnels ont été délaissés par les électeurs».

Faible participation

Autre enseignement majeur de ce scrutin étalé sur deux journées en raison de l'épidémie de coronavirus: la désaffection des électeurs qui n'ont été que 37% à se déplacer sur les deux jours de vote. Le taux de participation était de 20,44% des 14,9 millions d'inscrits, à l'issue de la journée de samedi, selon les données du service électoral.

Réécrire la Constitution était une des revendications issues du violent soulèvement social d'octobre 2019. Elle remplacera celle rédigée en 1980 sous le régime militaire d'Augusto Pinochet.

Le changement de la loi fondamentale actuelle, qui limite fortement l'action de l'Etat et promeut l'activité privée dans tous les secteurs, notamment l'éducation, la santé et les retraites, est vu comme la levée d'un obstacle essentiel à de profondes réformes sociales dans un pays parmi les plus inégalitaires d'Amérique latine.

Selon les sondages, plus de 60% des Chiliens estiment que cette Constitution a créé un système qui profite à un petit nombre de privilégiés.

Guillermo Guzman, un architecte de 57 ans, a expliqué être «venu (voter) dans l'espoir d'obtenir un changement pour le pays» et écrire une nouvelle constitution bien loin de celle que nous a léguée la dictature».

Ce processus électoral est également le premier au monde à élire une Assemblée constituante sur une base paritaire, avec un nombre égal d'hommes et de femmes.

La nouvelle Constitution doit être rédigée dans un délai de neuf mois, prolongeable une seule fois de trois mois supplémentaires. Elle doit être approuvée ou rejetée en 2022 par un référendum à vote obligatoire.


L'Ukraine va annoncer des mesures pour faire rentrer ses hommes de l'étranger

Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
Des habitants locaux se tiennent devant une affiche de recrutement de la troisième brigade d'assaut ukrainienne alors qu'ils se réfugient dans une station de métro souterraine lors d'une alerte de raid aérien à Kiev le 23 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • Selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front
  • Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion

KIEV: Le chef de la diplomatie ukrainienne a indiqué mardi des "mesures" imminentes visant à faire rentrer en Ukraine les hommes en l'âge de combattre se trouvant à l'étranger.

L'Ukraine, qui combat depuis deux ans l'invasion russe, a cruellement besoin de soldats, d'autant que Kiev s'attend à ce que la Russie lance une nouvelle offensive dans les semaines ou mois à venir.

"Le fait de séjourner à l'étranger ne dispense pas un citoyen de ses devoirs envers sa patrie", a déclaré Dmytro Kouleba sur X, annonçant avoir ordonné des "mesures pour rétablir l'équité entre les hommes en âge d'être mobilisés en Ukraine et ceux à l'étranger".

Il n'a pas précisé la nature de ces mesures se bornant à dire que le ministère allait "prochainement fournir des éclaircissements" sur de nouvelles procédures à suivre pour "accéder aux services consulaires".

L'Ukraine interdit aux hommes en âge de combattre de voyager à l'étranger à quelques exceptions près.

Déserteurs 

Mais, selon des estimations de médias, des dizaines de milliers d'hommes ont fui le pays illégalement pour éviter d'aller au front.

Des centaines de milliers d'Ukrainiens vivaient en outre à l'étranger avant l'invasion.

La déclaration du ministre intervient alors qu'un influent site d'information ukrainien ZN.UA a publié lundi soir ce qu'il affirme être une lettre officielle signée par un adjoint de M. Kouleba et préconisant aux consulats ukrainiens de suspendre à partir de mardi tout service consulaire pour les hommes âgés de 18 à 60 ans.

Selon des médias ukrainiens, plusieurs consulats ukrainiens ont cessé d'accepter ces dossiers.

La compagnie d'Etat Dokument qui facilite la délivrance de documents ukrainiens a annoncé mardi sur son site qu'elle "suspendait" les procédures à l'étranger pour des "raisons techniques".

L'Ukraine, dont l'armée est en difficulté face aux troupes russes, a adopté une loi sur la mobilisation visant à durcir les punitions pour les récalcitrants.

Elle a aussi baissé l'âge de mobilisation de 27 à 25 ans.


Début des discussions entre Washington et Niamey sur le retrait des troupes américaines du Niger

Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
Les manifestants réagissent alors qu'un homme brandit une pancarte exigeant que les soldats de l'armée américaine quittent le Niger sans négociation lors d'une manifestation à Niamey, le 13 avril 2024. (AFP)
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  • Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis
  • Washington a accepté de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait

WASHINGTON: Washington a entamé les discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des troupes américaines qui y étaient déployées dans le cadre de la lutte antidjihadiste au Sahel, a déclaré lundi le Pentagone.

Le gouvernement du Niger, issu d'un coup d'Etat en juillet dernier, avait dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a finalement accepté la semaine dernière de retirer du pays ses plus de 1 000 soldats et annoncé envoyer une délégation à Niamey pour s'accorder sur les détails de ce retrait.

"Nous pouvons confirmer le début des discussions entre les Etats-Unis et le Niger sur le retrait ordonné des forces américaines du pays", a déclaré le porte-parole du Pentagone Pat Ryder.

Une "petite délégation du Pentagone et du commandement militaire américain pour l'Afrique" participe aux discussions, a-t-il précisé.

Les Etats-Unis vont "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", a-t-il encore dit.

A Niamey, le ministre nigérien des Affaires étrangères, Bakari Yaou Sangaré, a indiqué dans un communiqué avoir eu lundi "des discussions" avec l’ambassadrice des États-Unis à Niamey, Kathleen Fitzgibbon, portant "sur la question du départ des troupes militaires américaines du Niger".

L’entretien s’est déroulé en présence de Maria Barron, directrice de l'Agence américaine pour le développement international (USAID) à Niamey, qui a assuré que l'agence allait "poursuivre sa coopération bilatérale" avec le Niger, annonçant "un nouvel accord devant remplacer celui en cours qui expire en septembre 2024", selon le communiqué.

Au Niger, les Etats-Unis disposent notamment d'une base de drone importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Après le coup d'Etat qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum fin juillet, le nouveau régime militaire a rapidement exigé le départ des soldats de l'ancienne puissance coloniale française et s'est rapproché de la Russie, comme le Mali et le Burkina Faso voisins, également dirigés par des régimes militaires et confrontés à la violence de groupes jihadistes.


L'Ukraine s'attend à une détérioration sur le front vers la mi-mai

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky (Photo, AFP).
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  • L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine
  • La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar

KIEV: La situation sur le front ukrainien va empirer autour de la mi-mai et début juin, qui sera une "période difficile", a prévenu lundi le chef du renseignement militaire ukrainien Kyrylo Boudanov, sur fond de craintes d'une nouvelle offensive russe.

La Russie, qui est à l'initiative depuis l'automne 2023, a revendiqué lundi la conquête d'un village de l'Est ukrainien situé non loin de Vougledar, localité à la jonction des fronts Est et Sud, dont elle cherche à s'emparer depuis deux ans.

"N'allons pas trop dans les détails, mais il y aura une période difficile, à la mi-mai et début juin", a prévenu M. Boudanov, interrogé sur l'état du front, dans une interview au service ukrainien de la BBC.

L'armée russe "mène une opération complexe", a-t-il dit.

"Nous pensons qu'une situation plutôt difficile nous attend dans un futur proche. Mais il faut comprendre que ce ne sera pas catastrophique", a estimé Kyrylo Boudanov.

"Armageddon ne se produira pas, contrairement à ce que beaucoup disent en ce moment. Mais il y aura des problèmes à partir de la mi-mai", a-t-il ajouté.

L'armée ukrainienne traverse une période délicate, confronté à une pénurie de nouvelles recrues et de munitions en raison de retards importants de livraisons d'aide occidentale, notamment américaine.

En face, les troupes russes, bien plus nombreuses et mieux armées, ne cessent de pousser à l'Est et revendiquent régulièrement la prise de petits villages dans le Donbass.

En février, Moscou s'est emparé d'Avdiïvka, une ville forteresse, et vise désormais la cité  stratégique de Tchassiv Iar.

Cette cité, perchée sur une hauteur, s'étend à moins de 30 kilomètres au sud-est de Kramatorsk, la principale ville de la région sous contrôle ukrainien, qui est un important nœud ferroviaire et logistique pour l'armée ukrainienne.

Offensive estivale? 

Lundi, le ministère russe de la Défense a affirmé avoir "libéré" Novomykhaïlivka, à une trentaine de kilomètres de Donetsk.

Ce village est proche de Vougledar, une cité minière à la jonction des fronts Sud et Est. Début 2023, l'Ukraine était parvenue à y repousser un assaut de l'armée russe, infligeant des pertes humaines importantes.

Kiev craint désormais une offensive estivale russe encore plus puissante.

Fin mars, le commandant des forces terrestres ukrainiennes Oleksandre Pavliouk avait jugé "possible" un tel scénario, impliquant un groupe de 100.000 soldats russes.

Le commandant en chef des forces ukrainiennes, Oleksandre Syrsky, a déjà admis mi-avril que la situation sur le front Est s'était "considérablement détériorée" récemment.

Il a affirmé voir une "intensification significative" de l'offensive russe depuis mars, aboutissant à des "succès tactiques".

La grande contre-offensive ukrainienne de l'été 2023 s'était heurtée à de puissantes lignes de défense russes qui ont épuisé les ressources de l'armée ukrainienne, sans permettre de libérer les régions occupées par la Russie.

L'Ukraine fait désormais face aux hésitations de ses alliés occidentaux, même si une aide militaire américaine de 61 milliards, longtemps bloquée, a finalement été votée par la Chambre des représentants des Etats-Unis samedi. Le texte doit encore être adopté par le Sénat puis promulgué par le président Joe Biden.

Kiev espère désormais que l'aide des Etats-Unis pourra atteindre le front très rapidement. Le Kremlin a, lui, jugé que qu'elle ne changerait "rien"