Robes de soi, ou un désir de décrire la guerre « de l’intérieur »

Hoda Aouad-Sharkey quitte son pays en 1983 pour la France, elle s’y reconstruit peu à peu en écrivant une nouvelle histoire. Photo fournie.
Hoda Aouad-Sharkey quitte son pays en 1983 pour la France, elle s’y reconstruit peu à peu en écrivant une nouvelle histoire. Photo fournie.
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Publié le Vendredi 21 mai 2021

Robes de soi, ou un désir de décrire la guerre « de l’intérieur »

  • «Les robes et la valise sont des métaphores pour décrire les étapes de ma vie au Liban pendant la guerre»
  • «Ayant vécu la guerre, j’ai essayé d’élever mes enfants dans le respect des différences et de la liberté de chacun»

CASABLANCA: Née en 1958 à Hammana, un village situé dans les montagnes libanaises, Hoda Aouad-Sharkey s’installe avec sa famille à Beyrouth en 1966 où elle vit en harmonie entre mixité, vitalité et richesse culturelle. En 1975, la guerre civile éclate. La jeune femme décide de se rendre utile en venant en aide aux victimes blessées durant ce conflit. Elle s’engage comme secouriste à la Croix-Rouge.

Hoda Aouad-Sharkey quitte son pays en 1983 pour la France, elle s’y reconstruit peu à peu en écrivant une nouvelle histoire. Son amour intarissable des mots, son regard à fleur de vérité sur l’interprétation d’un conflit qu’elle a vécu et son inclination pour l’humain la mènent à l’écriture de Robes de soi, paru ce mois-ci en France aux éditions Auteurs du Monde. Rencontre avec Arab News en français.

Quelle est la genèse de Robes de soi?

C’est un vieux désir de décrire la guerre de l’intérieur, le récit intime de la guerre et non les faits spectaculaires et choquants. Je voulais ainsi rendre notre vécu plus accessible aux personnes qui n’en ont pas fait l’expérience.

D’anciens vêtements redécouverts dans une valise ont-ils été le déclic pour entamer Robes de soi ? Que vous rappellent ces vêtements, comme cette robe en lambeaux, votre robe champêtre ou encore cette croix rouge sur un brassard blanc…?

Les robes et la valise sont des métaphores pour décrire les étapes de ma vie au Liban pendant la guerre. Je me suis inspirée du conte de Peau d’Âne qui quitte le royaume de son père avec trois robes: l’une couleur du Soleil, l’autre couleur de la Lune et la troisième, couleur du temps. Chaque exilé emporte avec lui, le jour de son départ, les habits couleur de son pays dans une coquille de noix. Certains les oublient, d’autres les ressortent de temps en temps, personnellement, j’ai décidé de me les réapproprier en les donnant à voir à ceux qui ne les connaissaient pas: les amis auxquels je me suis liée depuis mon arrivée en France et la famille que j’y ai fondée.

J’aime beaucoup ma robe en patchwork, qui évoque Beyrouth dans sa diversité, ainsi que la robe champêtre qui parle de notre maison familiale à Toula, nichée dans la montagne. La croix rouge sur un brassard blanc évoque mon expérience avec la Croix-Rouge au début de la guerre civile; quant à la robe en lambeaux, elle parle de l’effritement du pays.

A-t-il été difficile de revenir sur les traces de votre passé et de convoquer vos souvenirs liés à la guerre civile qui a déchiré le Liban?

Cela a été plus long que difficile. Il fallait trouver la forme, les mots, choisir au fil de ce que j’ai écrit, ce que je voulais garder ou pas. Le reste était enfoui en moi et ne demandait qu’à se dire.

Vous avez construit une nouvelle vie en France. En tant que mère, que retenez-vous des combats menés en tant que jeune femme contrainte de quitter son pays en conflit?

Ayant vécu la guerre, j’ai essayé d’élever mes enfants dans le respect des différences et de la liberté de chacun. Je ne leur ai pas trop parlé de la guerre. Ils ne comprenaient pas pourquoi j’étais parfois tendue au Liban, ce pays qu’ils adoraient et dans lequel ils aimaient se rendre. En 2006, nous sommes arrivés à Beyrouth, la veille du conflit entre le Hezbollah et Israël et nous avons été pris entre deux feux. Nous avons été évacués au bout de dix jours par la Royal Navy (mon mari est britannique): hélicoptère, porte-avion, puis à nouveau en hélicoptère jusqu’à Limassol et ensuite en avion jusqu’à Manchester, avant d’en prendre un autre de Manchester à Roissy. Et nous avons laissé derrière nous, ma famille et le pays dans une situation plus qu’inquiétante. Cela n’a pas empêché ma fille d’aller y faire une année d’études à l’université Saint-Joseph de Beyrouth, ni mon fils cadet de découvrir le pays par lui-même, en faisant un stage à L’Orient-Le Jour.

Quel regard portez-vous sur le Liban d’aujourd’hui, entre crise politique et économique et une jeunesse pleine d’espoir et d’aspirations?

J’ai suivi de très près le soulèvement populaire, la «Thaoura»révolution») comme l’appellent les Libanais. J’ai admiré la chaîne humaine composée de jeunes de toutes confessions. Je ne me fais pas beaucoup d’illusion sur la capacité du gouvernement actuel ni de ceux qui l’ont mis en place, dénués d’écoute quant aux revendications des jeunes. Que dire d’un gouvernement qui n’écoute pas son peuple et qui est mis en place par un parti armé qui bloque toute évolution dans un pays?

Comment avez-vous appris l’explosion au port de Beyrouth de 2020, quel a été votre sentiment à cet instant précis et qu’est-ce que cet événement vous a rappelé? 

J’étais en vacances en Normandie et j’ai appris l’explosion de Beyrouth dans un restaurant situé face à la mer. C’était beau et paisible autour de moi alors que j’étais sidérée, effrayée, consternée, en colère, inquiète, envahie d’images insupportables… comme tous les Libanais à l’étranger. Pour ceux de ma génération, qui ont vécu la guerre civile, c’était cauchemardesque, un retour à des traumatismes qui nous ont marqués et dont on a mis des années à se remettre.


L'actrice libanaise Razane Jammal est l'autrice d'un livre pour enfants

L'actrice libano-britannique Razane Jammal s'apprête à publier un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu". (Getty Images via AN)
L'actrice libano-britannique Razane Jammal s'apprête à publier un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu". (Getty Images via AN)
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DUBAI : L'actrice libanaise Razane Jammal s'apprête à sortir un livre pour enfants intitulé "Lulu & Blu".

L'actrice, célèbre pour ses rôles dans les séries Netflix "The Sandman" et "Paranormal", a pris les médias sociaux dimanche pour partager la nouvelle, écrivant : "Ce qui a commencé comme une petite histoire que j'ai écrite il y a sept ans s'est transformé en un livre pour vos petits. J'y ai mis tout mon cœur et je suis ravie de vous inviter à notre premier lancement à Beyrouth". 

Le lancement est prévu le 25 juin dans l'espace communautaire Minus 1 de la capitale libanaise. L'actrice fera une lecture du conte pour enfants, qui raconte l'histoire d'une "lionne végétarienne, d'un poisson amical et de leur amitié des plus inhabituelles", selon l'auteur.

Publiée par Turning Point Books, l'histoire a été illustrée par Sasha Haddad, une illustratrice libanaise diplômée de la Cambridge School of Arts en 2014.

Dans le rôle qui l'a sans doute propulsée vers la célébrité, Jammal a incarné Lyta Hall dans "The Sandman" (2022), basé sur les légendaires romans graphiques.

Son personnage rêve chaque nuit de son mari décédé, réalisant peu à peu qu'il n'est pas le fruit de son imagination, mais qu'il se cache dans le monde des rêves.

C'est un rôle que Jammal a réussi à jouer avec vérité et subtilité - une subtilité pour laquelle elle a remercié sa mère lors d'une précédente interview avec Arab News.

"J'ai toujours été extra, et ma mère était bien plus subtile que moi. J'ai dû m'ajuster pour vibrer sur sa fréquence, une fréquence à la fois très douce et très crue, vulnérable et nourricière. C'est ce qu'elle m'a transmis.

"J'ai grandi en menant une vie simple, basée sur la communauté, dans un endroit où il y a 500 mères, où tout le monde vous nourrit et où vous vous sentez en sécurité - même si ce n'est pas du tout le cas. En même temps, nous avons vécu tant de traumatismes, des guerres civiles aux assassinats, en passant par la perte de tout notre argent lors d'une nouvelle crise financière. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


La fête de la musique sous le signe du dialogue culturel franco-saoudien

Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. (Photo Fournie)
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  • Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays.
  • L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines.

RIYAD : Du 20 au 26 juin 2025, la Fête de la Musique résonnera dans trois grandes villes d’Arabie saoudite : Riyad, Khobar et Djeddah. À l’initiative de l’ambassade de France, en collaboration avec l’Alliance française, Saudi Music Hub, Unstable, Hayy Jameel et MDL Beast, une série d’événements musicaux viendra marquer ce rendez-vous culturel international devenu emblématique.

Née en France en 1982, la Fête de la Musique s’est imposée comme un événement planétaire célébré dans plus de 120 pays. Fidèle à son principe fondateur, elle vise à rendre la musique accessible à tous gratuitement. Elle reste, cette année encore, un puissant vecteur de dialogue culturel. En Arabie saoudite, cette célébration musicale prend une dimension particulière, s’inscrivant dans un contexte de renouveau artistique et d’ouverture culturelle, en pleine résonance avec les objectifs de Vision 2030.

L’édition 2025 proposera une programmation riche et éclectique, reflet de la vitalité des scènes française et saoudienne contemporaines. Des artistes français seront présents, comme Karimouche, figure singulière du spoken word et de la chanson engagée, ou DJ SÔNGE, productrice électro aux univers immersifs et afro-futuristes.

Ces artistes partageront la scène avec des talents saoudiens tels que Kosh, beatmaker fusionnant rythmes traditionnels et basses électroniques, ou Seera, jeune espoir de la scène folk locale. Plusieurs artistes émergents, sélectionnés avec soin en collaboration avec les partenaires saoudiens, viendront compléter cette mosaïque sonore.

Chacune des villes participantes offrira une atmosphère unique. Riyad ouvrira le bal le 20 juin avec une nuit musicale au Unstable, lieu hybride emblématique de la scène urbaine saoudienne. Le 21 juin, Khobar prendra le relais au Saudi Music Hub, un espace dédié à la formation musicale, pour une soirée plus intimiste. Enfin, Djeddah clôturera cette semaine de célébration les 25 et 26 juin, au cœur du centre culturel Hayy Jameel, avec deux concerts présentés par des artistes féminines marquantes.

Au-delà des concerts, ces rencontres musicales seront l'occasion de moments de partage, de découvertes et d'échanges, favorisant la création de liens entre artistes et publics des deux pays. En soutenant la circulation des talents et la coopération artistique, la France réaffirme son engagement en faveur de la diversité culturelle et du dialogue entre les sociétés.

La Fête de la Musique 2025 est ainsi bien plus qu’un simple rendez-vous festif : elle est le symbole vivant d’une amitié en construction, portée par des sons, des voix et des émotions partagées.


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com