Biden veut « réinventer » l'économie américaine avec un ambitieux budget 2022

Plus que les priorités budgétaires, c'est le montant faramineux du budget 2022, 6000 milliards de dollars, qui confirme un retour aux politiques keynésiennes qui ont marqué l'économie américaine depuis le mandat de Roosevelt dans les années 30 jusqu'au tournant néolibéral de l'ère Reagan dans les années 80. (Photo, AFP)
Plus que les priorités budgétaires, c'est le montant faramineux du budget 2022, 6000 milliards de dollars, qui confirme un retour aux politiques keynésiennes qui ont marqué l'économie américaine depuis le mandat de Roosevelt dans les années 30 jusqu'au tournant néolibéral de l'ère Reagan dans les années 80. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 29 mai 2021

Biden veut « réinventer » l'économie américaine avec un ambitieux budget 2022

  • Education, santé, infrastructures, changement climatique... les priorités de Biden prennent le contre-pied de celles de Donald Trump
  • Les républicains, traditionnellement partisans de l'orthodoxie budgétaire, ont dénoncé une proposition « imprudente et irresponsable »

WASHINGTON : Joe Biden ambitionne de « réinventer » l'économie américaine, avec un projet de budget pour 2022 de 6000 milliards de dollars dont les priorités prennent le contre-pied de celles de Donald Trump, et dont les dépenses feraient gonfler la dette du pays à un niveau jamais vu.

Education, santé, infrastructures, changement climatique...: les priorités dévoilées dans le premier projet de budget présenté par le président américain, dont les grandes lignes avaient été présentées début avril, sont dans la veine de ses promesses de campagne.

Mais il reviendra aux élus du Congrès d'adopter ou non ces dépenses et réformes. Et la majorité démocrate de Joe Biden est si étroite qu'il ne peut se permettre quasiment aucune défection.

Le président a appelé à « saisir le moment pour réinventer et reconstruire une nouvelle économie américaine qui investit dans la promesse et le potentiel de chaque Américain », dans un message adressé au Congrès.

Le Covid-19 a plongé les Etats-Unis dans une crise économique sévère, et, si le pays commence à se redresser, il est encore loin des niveaux d'avant pandémie.

Joe Biden propose ainsi 6000 milliards de dollars de dépenses pour l'exercice fiscal 2022, un montant très élevé, moins toutefois que ce que le gouvernement fédéral a dû décaisser en 2020 et 2021, à cause des dépenses faramineuses liées à la pandémie de Covid-19.

A titre de comparaison, le budget 2020 présenté par Donald Trump en 2019 prévoyait 4700 milliards de dollars de dépenses.

« Imprudente et irresponsable »

Le président américain entend augmenter considérablement les montants alloués aux investissements dans l'éducation, la santé, et les infrastructures. Le budget consacré à la défense augmente légèrement, à 756 milliards de dollars.

Il veut aussi permettre « aux Etats-Unis de surpasser leurs rivaux », à commencer par la Chine. Car s'il est un terrain sur lequel le président s'inscrit dans les pas de Donald Trump, c'est bien celui de la compétition commerciale avec l'Empire du milieu.

Les républicains, traditionnellement partisans de l'orthodoxie budgétaire, ont dénoncé une proposition « imprudente et irresponsable », selon le chef des républicains à la Chambre, Kevin McCarthy.

Elle « noierait les familles américaines dans la dette, les déficits et l'inflation" », promet même son homologue au Sénat, Mitch McConnell.

Car toutes ces dépenses risquent de faire grimper l'endettement, qui devrait atteindre 111,8% du Produit intérieur brut en 2022 et 117% en 2031.

« Pendant trop longtemps, l'austérité auto-infligée a été confondue avec la responsabilité budgétaire, au détriment des familles américaines et de l'économie de notre nation », a au contraire réagi John Yarmuth, président démocrate de la commission du budget de la Chambre des représentants.

Joe Biden assure par ailleurs que les investissements seront, à terme, graduellement compensés par les économies réalisées et par les recettes supplémentaires.

Comme promis, il veut en effet augmenter les impôts pour les Américains les plus riches et pour les grosses entreprises, qui vont plus que doubler dans les dix années à venir.

Mais il lui faudra déployer des trésors de persuasion pour convaincre les républicains de voter cette réforme, qui détricoterait les baisses d'impôts mises en place par Donald Trump.

Perspectives de croissance optimistes

L'administration compte aussi profiter des taux d'intérêt historiquement bas pour financer son budget sans pour autant alourdir la dette du pays avec trop d'intérêts à rembourser.

« Ne pas réaliser ces investissements à un moment où les coûts d'intérêt sont aussi bas serait une occasion historique manquée », a relevé Shalanda Young, directrice du bureau chargé du budget à la Maison Blanche (OMB), lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes.

A l'instar de Donald Trump, Joe Biden fonde également son budget sur des perspectives de croissance très optimistes: +6,2% en 2022, +4,2% en 2023 puis 3,8% à 4% entre 2024 et 2031, soit quasiment le double de ce que prévoit la Banque centrale américaine (Fed).

« L'Amérique ne peut pas se permettre de simplement revenir à la situation d'avant la pandémie (...) avec les faiblesses structurelles et les inégalités de l'ancienne économie », a encore averti le président.

Pour cela, il compte sur deux plans d'investissements: un premier « pour les familles américaines » de 1800 milliards de dollars sur 10 ans, un autre sur les infrastructures, objet d'âpres négociations entre l'administration et l'opposition.

Les sénateurs républicains proposent 928 milliards de dollars sur huit ans, contre 1700 milliards pour les démocrates.

Le budget de la Maison Blanche marque généralement le début du processus interminable qui mène au financement du gouvernement.  En cas de désaccord des deux partis sur le projet de loi, le risque est que l'administration fédérale soit contrainte de fermer: c'est le « shutdown ».


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".