L’art maghrébin, présent en force à la Menart Fair Paris

César Levy, directeur de la 193 Gallery. Photo Hakima Bedouani.
César Levy, directeur de la 193 Gallery. Photo Hakima Bedouani.
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Publié le Lundi 31 mai 2021

L’art maghrébin, présent en force à la Menart Fair Paris

  • La foire d’art contemporain expose aussi bien la doyenne arabe de l’art moderne, l’Algérienne Baya Mahieddine, que les talents de la jeune génération
  • Pour César Levy, directeur de 193 Gallery, de nombreux artistes talentueux de l’art moderne et contemporain du Maghreb et du Moyen-Orient ne sont pas assez visibles en France et en Europe

PARIS: Dynamisme, richesse, variété, influences multiples, l’art maghrébin est bien représenté à Menart Fair, la première foire d’art contemporain dédiée à la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (Mena), organisée du 27 au 30 mai à Paris.

Dans le très bel hôtel particulier de la maison de ventes Cornette de Saint Cyr, une série d’artistes sont exposés par des galeries prestigieuses comme ElMarsa Gallery, Galerie 38, la galerie Cheriff Tabet, 193 Gallery, Ayn Gallery, la galerie La La Lande, Galleria Continua, ou encore la Wadi Finan Art Gallery.

Yoriyas, Hassan Hajjaj et Ghislaine Agzenaï, représentés par 193 Gallery, une galerie d’art contemporain située dans le 3e arrondissement de Paris, font partie des artistes reconnus sur la scène artistique marocaine. Interrogé par Arabnews en français, César Levy, directeur de 193 Gallery, constate que de très nombreux artistes talentueux de l’art moderne et contemporain du Maghreb et du Moyen-Orient ne sont pas assez visibles en France et en Europe. «Nous faisons souvent un zoom sur les scènes de l’art contemporain, notamment sur la scène marocaine, en exposant des photographes, des peintres et des sculpteurs de différents courants de l’art marocain», explique-t-il.

Des artistes talentueux

Yoriyas, artiste photographe et performeur de Casablanca, dont le travail a été présenté dans le New York Times, le National Geographic, Vogue et The Guardian, a reçu de nombreux prix et récompenses, dont le 7e prix de la photographie africaine contemporaine et le prix «Les amis de l’Institut du monde arabe», pour la création arabe contemporaine 2019. Ses œuvres ont été exposées dans de nombreux lieux prestigieux, en particulier à la Fondation Hermès Paris, au musée d’histoire de Miami, au Festival art contemporain de Bâle, ou encore à la 1-54 Contemporary African Art Fair. 

maroc
Œuvres de Hassan Hajjaj, Maroc, 193 Gallery. Photo Hakima Bedouani

Hassan Hajjaj, qui vit et travaille entre Marrakech et Londres, évolue dans plusieurs disciplines – la photographie, la mode, la musique, le cinéma et le design –, apporte un œil critique sur la société de consommation. Ses œuvres ont intégré des collections de renom, comme celle du musée d’art du comté de Los Angeles (États-Unis), du musée des beaux-arts de Virginie (États-Unis), de l’Institut des cultures d’islam de Paris (France), du musée Victoria et Albert (Royaume-Uni), ou de la collection Barjeel (Émirats arabes unis).

Hakima Bedouani
Street Prayer, Yoriyas, Maroc, 193 Gallery. Photo Hakima Bedouani

Ghizlane Agzenaï, née à Tanger, est, quant à elle, une créatrice de grands totems colorés. Ses œuvres, imprégnées d’une philosophie de vie positive, se déclinent en différents formats, sur divers supports comme les murs, le bois, le carton, la toile, ou encore le métal. «Ghizlane Agzenaï, qui représente l’école de Casablanca, travaille sur la réinterprétation de l’art de l’abstraction géométrique, des œuvres avec formes et couleurs du Maroc, qui reflètent une philosophie positive», explique le directeur de 193 Gallery. En avril 2020, pendant le premier confinement au Maroc, elle réalise son œuvre vidéo Émerge, qu’elle projette sur un des bâtiments de Casablanca. Ghizlane Agzenaï a exposé ses créations dans de nombreux pays, en Europe et en Afrique. Entre 2018 et 2019, elle a habillé le mur Vigo Ciudade de Color, l’US Barcelona, le mur Harbor en Autriche, ou encore le mur Orberkampf, à Paris.

Représenté par la Galleria Continua, le travail de la défunte Leila Alaoui, qui explore la construction de l’identité, la diversité culturelle et la migration dans l’espace méditerranéen, est aussi exposé lors de cet événement. Son travail avait déjà été présenté sur la scène internationale, notamment à Art Dubai, à l’IMA et à la Maison européenne de la photographie (MEP), à Paris. Ses photographies ont été publiées dans de nombreux titres de presse et magazines comme le New York Times et Vogue.

Pour mémoire, Leila Alaoui, mandatée en janvier 2016 par Amnesty International pour réaliser un travail au Burkina Faso, a été victime des attaques terroristes d’Ouagadougou. Elle a succombé à ses blessures trois jours plus tard.

La doyenne arabe de l’art moderne

L’Algérienne Baya Mahieddine (1931-1998), doyenne de l’art moderne, dont les œuvres sont exposées actuellement à Sharjah, est la première artiste arabe à avoir été reconnue, et dont les œuvres ont été exposées dans de grands musées français, à Marseille, Paris, Arles ou Lyon, dans les années 1960 à 1990. Elle avait été repérée par Aimé Maeght, qui avait organisé sa première exposition en 1947 dans sa galerie parisienne. Elle avait alors 16 ans. «Ses nombreuses œuvres représentent des femmes, des poissons et des oiseaux, et sont inspirées par des symboles et des ornements de ses origines arabo-berbères», affirme Lilia ben Salah, directrice d’ElMarsa Gallery, la galerie qui la représente à Menart Fair. «Nous sommes très contents d’être physiquement à Paris pour présenter une sélection d’œuvres de cinq artistes de différentes périodes du XXe et XXIe siècles», ajoute-t-elle.

Œuvres de Baya Mahieddine, Algérie, ElMarsa Gallery
Œuvres de Baya Mahieddine, Algérie, ElMarsa Gallery. Photo Hakima Bedouani

ElMarsa Gallery représente d’autres artistes maghrébins, comme Mahjoub ben Bella, Gouider Triki et Atef Maatallah. Mahjoub ben Bella (1946-2020), diplômé des Beaux-arts d’Alger et de Paris, s’est installé à Tourcoing, dans le nord de la France. «L’artiste possède son propre langage pictural. Son travail est caractérisé par cette double influence maghrébine, berbère et arabo-musulmane, à travers la calligraphie arabe traditionnelle, avec ses signes et ses symboles, mêlée à une technique de peinture européenne», explique Lilia ben Salah. Car, estime la galeriste, «beaucoup d’artistes maghrébins sont marqués par leurs vies, leurs parcours en Europe, surtout par la France, notamment dans la deuxième moitié du XXᵉ siècle». «Ces mêmes artistes ont su également garder leurs racines et cultures d’origines, qu’ils continuent de représenter d’une manière moderne et unique», observe-t-elle.

Œuvres de Mahjoub ben Bella, Algérie, ElMarsa Gallery
Œuvres de Mahjoub ben Bella, Algérie, ElMarsa Gallery. Photo Hakima Bedouani

Devant l’œuvre de Gouider Triki, un peintre-graveur tunisien, Lilia ben Saleh fait savoir que cet artiste prolifique, qui s’est retiré du monde de l’art, mais pas de l’art, s’inspire des contes populaires, des traditions folkloriques, et de l’art africain. «Ses œuvres parlent à nos inconscients collectifs. Même si les représentations de couleurs vives et chatoyantes sont typiques, ses œuvres, elles, sont universelles», raconte-t-elle.

Œuvres de Gouider Triki, Tunisie, ElMarsa Gallery
Œuvres de Gouider Triki, Tunisie, ElMarsa Gallery. Photo Hakima Bedouani

La jeune génération n’est pas en reste. Atef Maatallah, un artiste tunisien qui réalise des dessins sur papier et des mosaïques, lauréat du premier prix lors des foires artistiques à Paris, crée des œuvres avec une approche personnelle. «Il part d’une histoire personnelle, voire intime, pour écrire une histoire avec un grand H», explique la directrice d’ElMarsa Gallery. Dans l’œuvre présentée à la Menart Fair, il évoque sa ville natale d’El Fahs, qui accueille un site archéologique romain situé non loin de Tunis, un lieu qui représente son univers, son environnement lorsqu’il était enfant». Comme l’indiquent les organisateurs, les artistes maghrébins puisent aussi leur inspiration de leur environnement, de leur histoire, de la culture populaire, et de lieux de vies comme les souks.


Casse du musée du Louvre: des suspects interpellés mercredi en cours de défèrement

Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
Des policiers français patrouillent devant le musée du Louvre après son cambriolage, avec la pyramide du Louvre conçue par Ieoh Ming Pei en arrière-plan, à Paris le 19 octobre 2025. (AFP)
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  • Sept suspects au total ont été interpellés dans l’enquête sur le spectaculaire casse du Louvre, dont le butin — estimé à 88 millions d’euros en bijoux de la Couronne — reste introuvable
  • L’enquête, fondée sur des traces ADN, la vidéosurveillance et la téléphonie, met aussi en lumière une « faille sécuritaire majeure » au Louvre, selon la ministre de la Culture Rachida Dati

PARIS: Des défèrements de suspects ayant été interpellés mercredi dans le cadre de l'enquête sur le casse du Louvre, dont le butin a été estimé à 88 millions d'euros, étaient en cours samedi devant des magistrats du tribunal judiciaire de Paris.

"Il y a des défèrements sur commission rogatoire", a indiqué le parquet de Paris sollicité par l'AFP, sans préciser le nombre de suspects déférés.

Cinq nouvelles interpellations liées à ce cambriolage spectaculaire avaient été annoncées jeudi matin par la procureure de Paris Laure Beccuau qui avait précisé que les bijoux volés restaient introuvables.

Ces nouvelles interpellations se sont ajoutées à celles de deux trentenaires arrêtés il y a une semaine et qui sont soupçonnés d'avoir fait partie du commando de quatre hommes sur place.

Ces deux habitants d'Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), âgés de 34 et 39 ans, ont été mis en examen et placés en détention provisoire mercredi soir.

En garde à vue, ces deux hommes - un arrêté à l'aéroport de Roissy alors qu'il tentait de rejoindre l'Algérie, l'autre à Aubervilliers - "se sont livrés à des déclarations (...) minimalistes par rapport à ce qui nous paraît être démontré par le dossier", avait indiqué Laure Beccuau.

Parmi les nouveaux interpellés se trouve un autre membre présumé du commando ayant commis le 19 octobre en moins de huit minutes ce casse qui a fait le tour de la planète, avait précisé la procureure. "Des traces ADN" le lient au vol, avait-elle noté.

Les autres personnes interpellées "peuvent éventuellement nous renseigner sur le déroulement de ces faits", avait éclairé la procureure, sans vouloir en dire plus sur leur profil.

Ces nouvelles interpellations "n'ont pas été du tout liées aux déclarations" des deux mis en examen, mais "à d'autres éléments dont nous disposons au dossier", les traces ADN, la vidéosurveillance ou encore l'examen de la téléphonie, avait-elle ajouté.

Les nouvelles interpellations ont eu lieu à Paris et dans son agglomération, notamment en Seine-Saint-Denis, avait-elle indiqué.

- "Faille sécuritaire majeure" -

Mme Beccuau avait souligné sa "détermination", comme celle de la centaine d'enquêteurs mobilisés, à retrouver le butin et l'ensemble des malfaiteurs impliqués.

Concernant les bijoux, la procureure avait expliqué que l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) explorait "un certain nombre de marchés parallèles" car ce n'est vraisemblablement pas sur le marché légal des oeuvres d'art qu'ils surgiront.

Parmi les hypothèses des enquêteurs: celle que ces joyaux puissent "être une marchandise de blanchiment, voire de négociation dans le milieu", a-t-elle pointé.

L'affaire a provoqué des débats-fleuves sur la sécurité du Louvre, musée d'art le plus visité du monde.

La ministre de la Culture Rachida Dati a dévoilé vendredi les premières conclusions de l'enquête de l'Inspection générale des affaires culturelles, avec un bilan très critique: "une sous-estimation chronique, structurelle, du risque intrusion et vol" par le Louvre, "un sous-équipement des dispositifs de sécurité", une gouvernance "pas adaptée" et des protocoles de réaction aux vols et intrusions "totalement obsolètes".

"On ne peut pas continuer comme ça", a martelé Rachida Dati.

Le jour du casse, les quatre malfaiteurs avaient pu garer un camion-élévateur au pied du musée, permettant à deux d'entre eux de se hisser avec une nacelle jusqu'à la galerie d'Apollon où sont conservés les joyaux de la Couronne.

Tout en réaffirmant que les dispositifs de sécurité à l'intérieur du Louvre avaient fonctionné, Mme Dati a annoncé des mesures pour répondre à une "faille sécuritaire majeure" à l'extérieur du musée.

"Nous allons mettre des dispositifs anti-voiture-béliers, anti-intrusion", a-t-elle annoncé, assurant que ces nouvelles installations seraient en place "avant la fin de l'année".


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
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  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

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  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.