La justice se penche sur la «complicité» d'un islamiste avec l'assassin de Samuel Paty

Le président du collectif Cheikh Yassine, Abdelhakim Sefrioui est arrêté par des gendarmes après une manifestation non autorisée de soutien à la Palestine, le 29 décembre 2012 à Paris. (Photo / AFP)
Le président du collectif Cheikh Yassine, Abdelhakim Sefrioui est arrêté par des gendarmes après une manifestation non autorisée de soutien à la Palestine, le 29 décembre 2012 à Paris. (Photo / AFP)
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Publié le Mardi 01 juin 2021

La justice se penche sur la «complicité» d'un islamiste avec l'assassin de Samuel Paty

  • L'enseignant de 47 ans a été décapité le 16 octobre près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine par Abdoullakh Anzorov, un réfugié d'origine tchétchène
  • Abdelhakim Sefrioui, fiché S et décrit par la police comme « inscrit dans la mouvance islamiste radicale », aurait « ciblé » Paty dans une vidéo

PARIS : A ce jour, la justice n'a établi aucun contact entre Abdelhakim Sefrioui et Abdoullakh Anzorov, mais considère néanmoins le militant islamiste comme "complice" de l'assassin de Samuel Paty car il l'a "ciblé" en vidéo : lundi, la cour d'appel de Paris a mis en délibéré au 28 juin sa demande d'annulation de mise en examen.

La question, qui devait être initialement débattue le 17 mai, avait été renvoyée à une audience lundi, pour raisons procédurales. 

L'enseignant de 47 ans a été décapité le 16 octobre près de son collège de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines) par Abdoullakh Anzorov, un réfugié d'origine tchétchène tué peu après par les policiers.

Selon les termes de sa mise en examen pour "complicité d'assassinat terroriste", une qualification lourde, M. Sefrioui, 62 ans, est accusé d'avoir, avec le parent d'élève Brahim Chnina, qu'il a contacté, "ciblé" M. Paty avant l'assassinat et ainsi d'avoir "facilité la définition d'un projet criminel" par Abdoullakh Anzorov.

Au cœur de l'accusation contre M. Sefrioui, fiché S et décrit par la police comme "inscrit dans la mouvance islamiste radicale depuis son arrivée sur le territoire national en 1982", une vidéo qu'il a diffusée sur les réseaux sociaux le 11 octobre.

Il y qualifiait sans le nommer Samuel Paty de "voyou" et invitait d'autres parents à se mobiliser pour obtenir son exclusion.

Mais pour son avocate, Me Elise Arfi, cette vidéo "ne contient aucun appel au meurtre de Samuel Paty ni aucun appel à commettre à son encontre un acte violent".

Elle relève dans sa requête, révélée par Libération, qu'il n'y a pas de preuve, à ce stade des investigations, que Abdoullakh Anzorov a seulement vu la vidéo de M. Sefrioui.

Seule piste sur le sujet, selon des éléments obtenus par l'AFP, l'audition du père d'Anzorov, Abdouyezid: il a indiqué aux enquêteurs que son fils n'a jamais parlé de la vidéo de M. Sefroui, tout en ajoutant qu'il l'a probablement vue.

Qu'importe, pour Me Arfi: elle souligne que l'enquête a établi que le tueur avait connaissance de la polémique autour de M. Paty deux jours avant la vidéo de M. Sefrioui. Il avait déjà "mûri son projet criminel" à cette date, d'après elle.

C'est "une question de droit fondamentale : comment peut-on être complice d'un agent qu'on ne connaît pas, qu'on n'a jamais vu, avec qui on n'a jamais communiqué ?", s'interroge l'avocate.

«Compliqué»

"Des gens font des vidéos ou des films sur tous sujets : faudra-t-il incriminer leurs auteurs si un fou s'en sert pour tuer quelqu'un?", défend aussi le conseil de M. Sefrioui, détenu à l'isolement depuis fin octobre.

Alors que cet attentat a suscité une immense émotion en France, notamment au sein de la communauté enseignante, "ce recours n'est pas une injure à la mémoire de Samuel Paty, il s'agit de faire du droit", fait valoir l'avocate auprès de l'AFP.

Le parquet général de la cour d'appel s'oppose à cette demande, car "cette vidéo avait incontestablement pour finalité de provoquer à l'encontre de M. Paty des réactions autres que de simples manifestations ou des sanctions administratives".

Le ministère public en veut pour preuve que M. Sefrioui a concédé devant les enquêteurs qu'"il y avait bien un danger latent" avec la vidéo.

Dans un arrêt du 17 mai qui maintient M. Sefrioui en détention et consulté par l'AFP, la cour d'appel a, elle, déjà semblé prendre position sur la vidéo de M. Sefrioui, qui aurait "participé au processus criminel ayant abouti à l'assassinat terroriste".

Selon cet arrêt, ce lien a été d'ailleurs confirmé lorsque Abdelhakim Sefrioui a fait "supprimer ladite vidéo sur Youtube immédiatement après l'attaque".

Sous réserve de nouveaux éléments à venir dans les investigations loin d'être terminées, un magistrat reconnaît qu'en l'état, qualifier Sefrioui de "complice" est "un débat extrêmement compliqué", dans une affaire à "l'impact dramatique sur l'opinion publique".

Un avocat des parties civiles reconnaît pour sa part qu'il sera compliqué juridiquement de renvoyer Sefrioui pour complicité.

Lundi, devant la cour d'appel, l'avocat général a confirmé s'opposer à cette demande d'annuler sa mise en examen. Selon des sources proches du dossier, la décision a été mise en délibéré au 28 juin.


Lecornu face à l'Assemblée, son gouvernement suspendu à la réforme des retraites

 C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure. (AFP)
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  • Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00
  • Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement

PARIS: C'est l'heure de vérité pour Sébastien Lecornu, après des semaines de crise politique: le Premier ministre va enfin prononcer mardi sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée, où ses engagements sur les retraites dicteront la conduite des socialistes, qui détiennent la clé de la censure.

Le pensionnaire de Matignon se rendra d'abord à l'Elysée pour un premier Conseil des ministres à 10H00. Sa nouvelle équipe examinera les projets de budget de l'Etat et de la Sécurité sociale, afin qu'ils soient transmis dans les temps au Parlement.

Mais c'est à partir de 15H00 que les choses se joueront, à la tribune de l'Assemblée nationale, avec sa déclaration de politique générale. Les responsables des groupes parlementaires pourront ensuite lui répondre avant qu'il ne reprenne une dernière fois la parole.

Si l'exercice impose qu'il aborde de nombreux sujets cruciaux pour le pays, l'attention sera focalisée sur les retraites.

"Nous demandons clairement la suspension immédiate et complète de la réforme" de 2023, adoptée sans vote au prix d'un recours au 49.3, a martelé lundi le Premier secrétaire du PS, Olivier Faure.

La question est délicate pour Sébastien Lecornu, dont la priorité est de "donner un budget à la France d'ici la fin de l'année".

Même le camp présidentiel est divisé sur la question: si certains ne veulent pas voir détricoter un marqueur emblématique du second quinquennat d'Emmanuel Macron, d'autres espèrent une suspension pour tenter de sortir de la crise politique.

"Il faut bouger clairement sur les retraites et j'espère que le Premier ministre le fera demain", a ainsi estimé lundi le député macroniste Charles Sitzenstuhl.

Selon des sources gouvernementales et parlementaires, Sébastien Lecornu invitera mardi à Matignon les ministres et députés du camp gouvernemental, avant de se rendre à l'Assemblée prononcer son discours.

"Pente naturelle" 

Le PS tiendra un Bureau national à 13H00, a-t-on appris auprès d'une source socialiste. Et se retrouve sous la pression des autres oppositions, RN et LFI en tête.

"C'est le moment de vérité", a lancé lundi le patron du RN Jordan Bardella. Le gouvernement "va évidemment tomber puisqu'il n'y a aucune possibilité de suspension des retraites avec les gens qui sont là-dedans", a jugé pour sa part le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon.

A ce stade, deux motions de censure ont été déposées, par LFI et des alliés de gauche, et par la coalition RN/UDR, le parti d'Eric Ciotti.

Le PS pourrait décider de déposer sa propre motion mardi après le discours de politique générale.

Le choix des socialistes sera décisif: leurs voix feraient presque assurément pencher la balance de la censure, qui nécessite 289 voix.

Si tout le reste de la gauche (insoumis, écologistes et communistes) et l'alliance RN-UDR votaient une censure, il ne faudrait même qu'une vingtaine de voix du PS pour faire tomber le gouvernement.

Une équation qui interroge un conseiller de l'exécutif: "est-ce que Faure tient le groupe?"

"On a peut-être une douzaine, une dizaine de députés, qui voteront quand même" la censure, même si le groupe appelait à s'abstenir, a commenté sur LCP le porte-parole des députés socialistes Romain Eskenazi.

Il estime toutefois que si le gouvernement accède à des demandes sur les "retraites, le pouvoir d'achat et la fiscalité", il sera épargné.

"Je pense que la pente naturelle des députés est de dire +franchement, on sanctionne tout ça+", résume une source au sein du groupe. Selon lui, "en leur for intérieur", les députés socialistes sont partagés alors que "les Français sont aussi fatigués" par la crise politique et "qu'ils nous demandent de nous entendre".

D'autant que le PS escompte décrocher d'autres victoires dans l'hémicycle.

L'objectif du projet de budget est de garder le déficit en dessous des 5% du PIB, au lieu de 4,7% initialement prévu, un assouplissement qui laisse une marge de 9 milliards d'euros pour éventuellement satisfaire les demandes des oppositions.

"Sur ces bases là, nous allons pouvoir réviser complètement la copie qui va être présentée en Conseil des ministres", a estimé lundi Olivier Faure.


Gouvernement Lecornu: «le devoir de tous c'est d'oeuvrer à la stabilité», exhorte Macron

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté. (AFP)
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  • Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin
  • Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté

CHARM EL-CHEIKH: Emmanuel Macron a appelé lundi les forces politiques à "oeuvrer à la stabilité" et non à "faire des paris sur l'instabilité", au lendemain de la nomination du nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu, déjà menacé de censure par LFI et le RN.

"Je trouve que beaucoup de ceux qui ont nourri la division, les spéculations, n'ont pas été au niveau du moment où vit la France et de ce qu'attendent les Françaises et les Français", a insisté le chef de l'Etat à son arrivée en Egypte où il assiste à un "sommet pour la paix" à Gaza.

"Les forces politiques qui ont joué la déstabilisation de Sébastien Lecornu sont les seules responsables de ce désordre", a-t-il martelé.

Le gouvernement de Sébastien Lecornu, nommé dimanche soir, est déjà la cible d'une motion de censure initiée par La France insoumise et déposée lundi matin. Le Rassemblement national a également annoncé en avoir déposé une de son côté.

M. Lecornu, reconduit vendredi, avait été contraint à la démission il y a une semaine, en voyant sa coalition gouvernementale voler en éclats avec la fronde des Républicains (LR).

Face à ce chaos politique, M. Macron a demandé "à tout le monde de se ressaisir, de travailler avec exigence, respect". Et, interrogé sur une possible dissolution en cas de nouvelle chute du gouvernement, il a assuré ne "faire aucun pari".

"Je souhaite que le pays puisse avancer dans l'apaisement, la stabilité, l'exigence et le service des Français", a encore déclaré le président.


Le gouvernement Lecornu 2 entre en fonction, pour combien de temps?

Le deuxième gouvernement de Sébastien Lecornu, mêlant ministres politiques et techniciens, entre en fonction lundi, avec l'objectif d'éviter une censure possible dès cette semaine si le Premier ministre n'annonce pas aux socialistes une suspension de la réforme des retraites lors de sa déclaration de politique générale mardi. (AFP)
Le deuxième gouvernement de Sébastien Lecornu, mêlant ministres politiques et techniciens, entre en fonction lundi, avec l'objectif d'éviter une censure possible dès cette semaine si le Premier ministre n'annonce pas aux socialistes une suspension de la réforme des retraites lors de sa déclaration de politique générale mardi. (AFP)
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  • Démissionnaire en début de semaine dernière, reconduit vendredi au terme d'une mission éclair auprès des forces politiques, Sébastien Lecornu est sur une corde raide
  • Le RN et LFI comptent le censurer dès cette semaine. Tout dépendra alors des socialistes, qui exigent du Premier ministre l'annonce d'une suspension de la réforme des retraites pour ne pas le faire chuter

FRANCE: Le deuxième gouvernement de Sébastien Lecornu, mêlant ministres politiques et techniciens, entre en fonction lundi, avec l'objectif d'éviter une censure possible dès cette semaine si le Premier ministre n'annonce pas aux socialistes une suspension de la réforme des retraites lors de sa déclaration de politique générale mardi.

Après des passations de pouvoir que Matignon a souhaité "sobres", sans presse, sans invités et en intérieur, le chef du gouvernement réunira ses nouveaux ministres à Matignon à 14H30. Leur priorité sera de "donner un budget à la France d'ici la fin de l'année", et d'essayer de sortir la France d'une crise politique inédite.

Un premier conseil des ministres doit se tenir mardi matin. Le gouvernement y présentera un projet de budget avec "un objectif de déficit inférieur" à 5% du PIB selon la nouvelle porte-parole du gouvernement Maud Bregeon, afin qu'il puisse être transmis au Parlement pour être débattu dans les temps impartis.

Mais l'épreuve de vérité aura lieu dès mardi après-midi avec la déclaration de politique générale du Premier ministre à l'Assemblée nationale.

Démissionnaire en début de semaine dernière, reconduit vendredi au terme d'une mission éclair auprès des forces politiques, Sébastien Lecornu est sur une corde raide.

Le RN et LFI comptent le censurer dès cette semaine. Tout dépendra alors des socialistes, qui exigent du Premier ministre l'annonce d'une suspension de la réforme des retraites pour ne pas le faire chuter.

Depuis l'Egypte, où il assiste au sommet sur Gaza, Emmanuel Macron a appelé lundi les forces politiques à "oeuvrer à la stabilité" et non à "faire des paris sur l'instabilité" dans une allusion à ceux qui espèrent une dissolution de l'Assemblée ou une présidentielle anticipée.

Lors sa réunion avec les chefs de partis vendredi, le chef de l'Etat avait évoqué pour la première fois un décalage dans le temps de "la mesure d'âge" de départ à la retraite (passage progressif à 64 ans), symbole de son deuxième quinquennat.

Mais ce geste reste insuffisant aux yeux de la gauche qui veut à la fois une suspension de la mesure d'âge légal et de l'accélération de la hausse du nombre de trimestres cotisés. Sur ce point, les socialistes vont plus loin que la CFDT, dont la priorité est de "figer l'âge légal" selon sa patronne Marylise Léon.

Equipe renouvelée 

Sébastien Lecornu a présenté dimanche soir tard une équipe composée de nouveaux visages, dont huit de la société civile, et 26 issus de forces politiques, dont 11 du parti présidentiel Renaissance.

Mais les six ministres de droite ont été aussitôt exclus du parti Les Républicains (LR) de Bruno Retailleau qui avait donné pour consigne - contestée par les députés - de ne pas entrer dans l'équipe Lecornu 2.

Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, succède à Bruno Retailleau au ministère de l'Intérieur, le PDG sortant de la SNCF Jean-Pierre Farandou est nommé au Travail, et l'ex-directeur général de l'Enseignement scolaire Edouard Geffray à l'Education, succédant à Elisabeth Borne qui quitte le gouvernement.

Plusieurs ministres, déjà présents dans les gouvernement Bayrou ou Barnier, demeurent en place.

Moins attendu, alors que Sébastien Lecornu ne souhaitait pas s'entourer de personnalités ayant des ambitions présidentielles, Gérald Darmanin a été renommé garde des Sceaux. Il a annoncé se mettre "en congé de (ses) activités partisanes".

Après les prises de distance successives de LR et de la plupart de ses alliés centristes durant le week-end, Sébastien Lecornu a remercié ceux qui "s'engagent dans ce gouvernement en toute liberté, au-delà des intérêts personnels et partisans".

Ce nouvel exécutif de 34 ministres, beaucoup moins resserré qu'annoncé, a toutefois une durée de vie qui pourrait être limitée.

Le gouvernement "va évidemment tomber", a pronostiqué Jean-Luc Mélenchon lundi, le leader de La France insoumise estimant que les socialistes allaient voter la motion de censure déposée dans la matinée par le groupe LFI.

Le RN a également déposé lundi une motion de censure et votera celle de LFI - l'inverse n'étant pas vrai - pour faire chuter le gouvernement.

Le président du RN Jordan Bardella s'en est pris à un PS qui tente "de se faire acheter" sur la réforme des retraites pour ne pas voter la censure d'un gouvernement de "fond de tiroir". A ses yeux, une "victoire symbolique" sur la réforme des retraites n'est pas prioritaire sur la dissolution de l'Assemblée réclamée par "une majorité de Français".