Les artistes saoudiens entretiennent le dialogue sur la Palestine

Inspirée par les premiers souvenirs que sa grand-mère avait de sa maison à Jérusalem lorsqu’elle était enfant, Dalya Moumina a peint une toile à l’huile saisissante du Dôme du Rocher dans la mosquée Al-Aqsa, intitulée Rise Again (Réseaux sociaux)
Inspirée par les premiers souvenirs que sa grand-mère avait de sa maison à Jérusalem lorsqu’elle était enfant, Dalya Moumina a peint une toile à l’huile saisissante du Dôme du Rocher dans la mosquée Al-Aqsa, intitulée Rise Again (Réseaux sociaux)
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Publié le Lundi 07 juin 2021

Les artistes saoudiens entretiennent le dialogue sur la Palestine

Inspirée par les premiers souvenirs que sa grand-mère avait de sa maison à Jérusalem lorsqu’elle était enfant, Dalya Moumina a peint une toile à l’huile saisissante du Dôme du Rocher dans la mosquée Al-Aqsa, intitulée Rise Again (Réseaux sociaux)
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  • De nombreuses personnes à travers la planète utilisent les couleurs pour raconter l’histoire des Palestiniens et leur lutte incessante pour la survie
  • Peinture, broderie, photographie, sculpture: les artistes saoudiens utilisent différentes techniques pour rendre hommage à la Palestine

DJEDDAH: Dans le monde entier, des personnes utilisent l’art pour évoquer les derniers événements à Jérusalem-Est et à Gaza, et les artistes utilisent leur créativité pour exprimer leur solidarité avec les opprimés, et s’opposer à l’injustice. 

Ces conversations transcendent les frontières, les langues et les cultures, et les artistes lancent des initiatives individuelles ou collectives pour entretenir ce dialogue. 

Lujain Ibrahim (@llujaiin) est une artiste prometteuse, basée à Médine, qui expérimente la technique de la broderie, en assemblant des scènes saisissantes de ces dernières semaines. 

L’une de ses œuvres représente Nabil al-Kurd, un habitant de Jérusalem âgé de 70 ans. Il se tient près d’un graffiti sur le mur de sa maison où l’on peut lire «Nous ne partirons pas» en arabe, pour signifier son refus de quitter sa maison dans le quartier de Cheikh Jarrah. 

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«Je préfère ressentir une émotion que de parler de quelque chose d’aussi difficile que ce qui se passe aujourd'hui», explique Lujain Ibrahim à Arab News. «À mon avis, cela a un effet plus durable. Je pense que mon travail fait revivre un sentiment, un sentiment profond qui est ressenti à chaque fois qu’il est vu. Lorsque je partage cette publication, j’aimerais que d’autres personnes la regardent sous le même angle, et ressentent une émotion, plutôt que de parler.» 

Cette année, l’anniversaire de la Naksa palestinienne a été commémoré, alors que des familles comme celle de Nabil al-Kurd risquent une expulsion imminente par un tribunal israélien en faveur des colons de droite. 

Israël a occupé Jérusalem-Est après sa victoire dans la guerre des Six Jours de juin 1967, et a officiellement – bien qu’illégalement – annexé cette région palestinienne en 1980. Depuis lors, les décisions ultérieures des tribunaux israéliens ont permis à l’armée et à la police d’expulser des familles palestiniennes de leurs maisons, sans tenir compte des condamnations internationales. 

L’artiste Nasser Almulhim (@nasajm) a écrit une lettre d’amour à la Palestine et à son peuple, dans laquelle figurent des pastèques, symbole de la résistance palestinienne depuis 1967, date à laquelle Israël a interdit l’affichage du drapeau palestinien et de ses couleurs en Cisjordanie et à Gaza. 

«Je préfère ressentir une émotion, plutôt que de parler de quelque chose d’aussi difficile que ce qui se passe aujourd'hui» 

Lujain Ibrahim 

Les pastèques, tout comme le drapeau palestinien, contiennent les couleurs rouge, noire, blanche et verte. Bien qu’il existe différentes versions de l’histoire de la pastèque en tant que symbole, les forces israéliennes considèrent toute manifestation de nationalisme palestinien dans les Territoires occupés comme une menace. À Cheikh Jarrah, les graffitis ont été effacés, les ballons percés et les drapeaux retirés. 

Si M. Almulhim n’avait pas besoin de surmonter les restrictions imposées par les forces israéliennes, il a tout de même contourné les algorithmes d’Instagram, qui ont été critiqués pour avoir censuré les contenus propalestiniens. 

Avec la signature des accords d’Oslo dans les années 1990, et la reconnaissance de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) comme représentante légitime du peuple palestinien, les drapeaux palestiniens sont réapparus. Mais la pastèque demeure un symbole de résistance, qui a connu une nouvelle jeunesse sur les réseaux sociaux. 

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Quand on regarde les centaines d’images provenant de Palestine, il est difficile de voir ce qui se cache entre les ruelles, et derrière les portes fermées: des enfants qui jettent un coup d’œil à travers le linge suspendu aux balcons, des femmes qui cuisinent, et des hommes qui poussent des chariots de légumes dans la rue, tout en se frayant un chemin dans les décombres d’un immeuble bombardé. 

Des images de violence sont diffusées par tous les canaux visuels. Pourtant, il est difficile de comprendre et d’imaginer ce que c'est que de vivre dans un pays si isolé et si déconnecté du monde. 

Afin de montrer ces images authentiques et sur le terrain, la photographe saoudienne Iman al-Dabbagh (@photosbyiman) a repris le compte Instagram @womenphotograph. 

Mme al-Dabbagh, basée à Djeddah, a organisé une exposition virtuelle consacrée aux images prises par des photographes palestiniennes. 

Les photos de Samar Abu Elouf, Fatima Shbair, Rehaf Batniji, Samar Hazboun, Rula Halawani, Lara Aburamadan, Kholoud Eid et Eman Mohammed montrent la vraie nature du territoire du point de vue palestinien. 

«La voix palestinienne n’est pas vraiment entendue par ceux qui doivent l’entendre, affirme Iman al-Dabbagh à Arab News. «Nous (dans la région) voyons les choses différemment, et j’ai estimé que je pouvais la soutenir par le biais de ma communauté: les photographes.» 

Mme al-Dabbagh voulait que le public ressente une connexion humaine, et change peut-être d’avis, en se rendant compte que les Palestiniens sont des citoyens ordinaires comme eux, avec des activités quotidiennes normales, des rêves, des responsabilités, des douleurs et des rires. 

«Si nous montrons des images qui sont différentes des images typiques de la Palestine, les gens voudront savoir qui sont les habitants de ce territoire. Les Occidentaux s’identifient davantage à l’art, à la musique et à la culture. J’ai repris ce projet, parce que je voulais soutenir les photographes palestiniennes, qui sont nombreuses, montrer leur travail au monde, et amplifier leur voix.» 

L’artiste Dalya Moumina (@design.by.dalya) est la petite-fille d’une réfugiée palestinienne. Sa grand-mère faisait partie des milliers de personnes qui ont été expulsées de leur maison lors de la Nakba de 1948, et a été contrainte de fuir à Djeddah. 

«J’ai essayé de transmettre ma voix en tant qu’artiste arabe qui estime qu’il s’agit d’une cause juste, et qui est consciente de son existence» 

Fatimah al-Nemer 

Inspirée par les premiers souvenirs que sa grand-mère avait de sa maison à Jérusalem lorsqu’elle était enfant, Mme Moumina a peint une toile à l’huile saisissante du Dôme du Rocher dans la mosquée Al-Aqsa, et l’a intitulée Rise Again («Renaissance»), afin de décrire ce que voyait sa grand-mère en Palestine lorsqu’elle était enfant. 

Mme Moumina a mis sa toile en vente dans le cadre d’une vente aux enchères en ligne, afin de collecter des fonds pour le Fonds de secours aux enfants de Palestine, qui aide les familles dans le besoin. Il s’agit également d’un hommage à sa grand-mère et à son pays natal. 

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L’artiste, sculpteur et photographe saoudien Dia Aziz Dia (@diaaziz) a quant à lui partagé ses œuvres, créées pendant différentes périodes de la lutte palestinienne, avec ses fans sur Instagram, accompagnées de la légende «Barbarie israélienne». 

Ses œuvres sont censées être reçues comme puissantes et explicites. Elles expriment une douleur et un chagrin profonds, mais aussi la détermination et la résilience. 

«Une fois que l’artiste a la capacité d’exprimer sa propre imagination, et tant qu’il est conscient des événements qui affectent sa propre vie, et la vie de sa communauté locale et régionale, alors je pense qu’il doit partager ses opinions, et exprimer ses sentiments par rapport à l’actualité», indique M. Dia à Arab News. «L’artiste possède un moyen d’expression influent. L’art est l’un des moyens d’expression les plus puissants.» 

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Les œuvres de Dia Aziz expriment une douleur et un chagrin profonds, mais aussi la détermination et la résilience (Réseaux sociaux) 

On ne peut pas parler de la Palestine sans mentionner le célèbre poète palestinien Mahmoud Darwich. 

L’artiste saoudienne Taghrid al-Baghsi (@tagreedbaghsi) a réalisé une œuvre d’art pour exprimer sa solidarité, et l’a légendée avec des vers d’un poème de Darwich: «Sur cette terre, il y a ce qui mérite vie: sur cette terre, se tient la maîtresse de la terre, mère des préludes et des épilogues. On l’appelait Palestine. On l’appelle désormais Palestine.» 

Mme Al-Baghsi a souligné que cette œuvre était motivée par les émotions bouleversantes qu’elle a ressenties en regardant les nouvelles, et par ses souhaits sincères de paix et d’amour pour les enfants palestiniens. 

«Je suis moi-même une défenseuse de la paix», affirme Mme Al-Baghsi à Arab News. «Voir des enfants et des familles qui risquent de perdre leur maison, leur espoir, leur vie et leurs moments de sérénité à tout moment me plonge dans une grande détresse. Les enfants ordinaires ne comprennent pas ce que signifie la tristesse, mais les enfants palestiniens en ont fait l’expérience dès leur plus jeune âge, et grandissent avec elle. J’ai peint la vie à travers la mère, la paix dans les pigeons blancs, l’espoir dans le ciel ouvert, et l’appel au retour de l’enfance volée dans les yeux des enfants.» 

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Mahmoud Darwich a également influencé le travail artistique de Fatimah al-Nemer (@artistfatimahalnemer). Elle s’est inspirée de son poème Identité pour refléter la résilience et la fierté de l’Arabe et du Palestinien vivant sous l’occupation. 

«J’ai essayé de transmettre ma voix en tant qu’artiste arabe qui estime qu’il s’agit d’une cause juste, et qui est consciente de son existence», déclare-t-elle à Arab News. «En tant qu’artistes, nous soutenons les Palestiniens avec nos couleurs et nos toiles de peinture. Je crois qu’un artiste sans but et sans vocation n’est pas un véritable artiste. L’art est avant tout une pratique honnête. Il doit être honnête pour toucher le cœur des autres.» 

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Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


A Paris, le Centre Pompidou s'offre une dernière fête avant cinq ans de fermeture

un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
un feu d'artifice intitulé "Le Dernier Carnaval" au Centre Pompidou (Beaubourg) à l'occasion de sa fermeture pour un projet de rénovation de cinq ans, à Paris, le 22 octobre 2025. (AFP)
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  • Le Centre Pompidou organise un dernier week-end festif baptisé « Because Beaubourg » avant cinq ans de travaux, transformant ses huit étages en un immense terrain de jeu mêlant concerts, performances et expériences immersives
  • L’événement, réunissant 80 artistes et plusieurs grandes marques partenaires, célèbre la culture et l’esprit d’ouverture du lieu avant sa fermeture pour rénovation complète

PARIS: Dans un tourbillon de musique, d'images et de patins à roulettes, le Centre Pompidou à Paris s'offre un dernier week-end festif avant cinq ans de travaux, avec "Because Beaubourg", événement qui transforme l'intégralité du bâtiment en un immense terrain de jeu.

"Je suis venu parce que j'ai entendu dire que c'était la fermeture. Et j'avais envie de participer à ça une dernière fois, pour en profiter un petit peu", explique à l'AFP Eliot Ibert, 23 ans, en coloriant une fresque participative.

Fermé au public depuis le 22 septembre, le bâtiment aux emblématiques tuyaux colorés rouvre ses portes ce week-end avec un parcours inédit. De vendredi à dimanche, quelque 80 artistes se produisent à travers concerts, DJ sets, performances, masterclasses, projections et expériences immersives sur les huit étages.

"C'est le plus grand événement que le Centre Pompidou ait fait depuis son ouverture", assure Paul Mourey, codirecteur artistique de l'événement, imaginé avec le label Because Music.

- "Spleen" -

Chaque étage propose une expérience différente. Au niveau -1, des pianistes amateurs se succèdent devant une fresque des étudiants des Beaux-Arts, tandis que le Forum, au rez-de-chaussée, devient le théâtre de performances en journée et un club illuminé la nuit.

Le Village des enfants prend place au 3e étage, tandis que plusieurs artistes et sociétés ont investi le 4e niveau. Shygirl, Shay ou Pedro Winter, fondateur du label Ed Banger, ainsi que les entreprises Spotify, Samsung et Snapchat, qui proposent de tester ses lunettes de réalité augmentée, participent à des installations et expériences interactives.

Autant de partenaires qui contribuent à financer l'événement.

Le premier et le sixième étage accueillent, de jour comme de nuit, des artistes tels que Catherine Ringer, Christine and the Queens, Selah Sue, Keziah Jones ou Sébastien Tellier.

Le musicien français, qui profite de l'événement pour promouvoir son nouvel album prévu en janvier, souligne l'importance de participer à cette célébration : "La culture, aujourd'hui, elle est rare. Quand il y a des petits îlots de culture, c'est important d'y être. Je n'avais pas envie de manquer ça."

Brigitte Baleo, 78 ans, retraitée ayant travaillé dix ans à la bibliothèque du Centre Pompidou, confie que la fermeture lui laisse "un peu de spleen".

"Ça tend l'estomac, il y a trop de souvenirs", ajoute-t-elle, émue. "Mais il faut que la fermeture ait lieu, pour réhabiliter ce monument".

Conçu en 1977 comme un lieu "ouvert à tous" par les architectes Renzo Piano et Richard Rogers, le bâtiment souffre aujourd'hui de vétusté.

Désamiantage, accessibilité du lieu, sécurité et complet réaménagement intérieur sont au menu de ses importants travaux de rénovation.

- Rollers et vue panoramique -

Cette fermeture, "c'est quelque chose qui me touche", abonde Florence, qui n'a pas souhaité donner son nom.

Férue d'électro, la Bordelaise de 57 ans vient d'assister au deuxième étage à "Space Opera", un film musical du duo français Justice projeté comme une expérience de clubbing, à quelques pas de l'installation inédite Camera/Man de Thomas Bangalter, un des deux membres de Daft Punk.

Pour encore plus de mouvements, elle compte bien expérimenter le Roller Disco qui fait vibrer l'ancienne galerie 1, au dernier étage.

Entre DJ sets, patins à roulettes et vues panoramiques sur Paris, l'ambiance mêle nostalgie et effervescence festive.

Gulliver Hubard, un étudiant britannique de 20 ans, savoure lui sa première visite. "C'est une chance de le voir avant sa fermeture", assure-t-il.

En journée, le programme est entièrement gratuit, et les organisateurs espèrent accueillir entre 10.000 et 15.000 visiteurs par jour.

Le programme nocturne, payant, a lui été pris d'assaut : les 12.000 billets se sont arrachés en à peine une journée.


AlUla ou comment le désert devient atelier d’art

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  • AlUla se transforme en laboratoire artistique où design, architecture et patrimoine dialoguent avec le désert
  • Entre traditions locales et innovation contemporaine, le désert devient un espace d’expérimentation, d’apprentissage et de création, où culture et paysage s’influencent mutuellement

PARIS: De la résidence de design à la construction du futur musée d’art contemporain confié à Lina Ghotmeh, AlUla se façonne dans le respect de sa mémoire et de son paysage.

À Paris, une table ronde organisée par la RCU et AFALULA a révélé les coulisses de cette transformation, celle d’un territoire millénaire devenu laboratoire d’expérimentation et vitrine du dialogue culturel franco-saoudien.

Dans le parc de l’hôtel des maisons (un hôtel particulier parisien construit au XVIII), la conversation s’est ouverte sur une question presque philosophique : comment bâtir dans le désert sans le dominer ? Comment concevoir à AlUla, ce paysage d’infini, une architecture qui parle à l’échelle humaine ?

La table ronde, intitulée “From the Land Up: Designing AlUla from Desert to Human Scale”, a réuni les acteurs clés du projet et plusieurs anciens résidents du programme AlUla Design Residency, créé il y a deux ans.

Ils ont tous en commun d’avoir approché cette terre d’exception, non comme un territoire vierge, mais comme un organisme vivant, porteur d’histoires et de voix anciennes.

L’événement, organisé par la Commission royale pour AlUla (RCU) et l’agence Française pour le développement d’Alula (AFALULA), a célébré l’ADN rare de cette région, qui est un mélange entre fouilles historiques, architecture, design et diplomatie culturelle notamment avec la villa Hegra. 

AlUla, déjà célèbre pour son patrimoine nabatéen et ses falaises sculptées par le vent, devient aujourd’hui un territoire d’expérimentation artistique mondiale, où le passé inspire le futur, et lui donne forme.

Au centre du projet, la vision de Lina Ghotmeh, architecte franco-libanaise à la tête du futur musée d’art contemporain d’AlUla, « Le musée ne doit pas être une icône posée dans le désert » explique-t-elle, « mais un générateur de liens, un espace de rencontre et d’hospitalité ».

Implanté près d’une ancienne oasis agricole, le musée s’enracinera dans le paysage tout en redonnant vie à des savoir-faire ancestraux, « nous travaillons avec la terre locale, avec des techniques de construction traditionnelles : torchis, terre comprimée, architecture bioclimatique, l’objectif est de renouer avec les ressources naturelles et la mémoire des lieux », souligne l’architecte.

Ghotmeh évoque aussi le dialogue qu’elle a tissé avec la communauté locale, « j’ai passé du temps à rencontrer les habitants, à partager un thé sous un oranger, à écouter les femmes qui ravivent l’artisanat, à visiter les écoles ».

Un jour, une fillette m’a dit, « le musée, c’est le lieu de l’extraordinaire, cette phrase m’accompagne toujours, car au fond, c’est bien de cela qu’il s’agit, créer un lieu qui relie la connaissance, l’émotion et la beauté ».

Dans son approche sensible, le musée devient un prolongement du paysage, un lieu où les visiteurs respireront la même lumière que les habitants, où la culture se fera conversation et échange.

« Il ne s’agit pas d’importer la culture, mais de la créer à partir du territoire », souligne Arnaud Morand, responsable des arts et industries créatives à AFALULA, c’est cette conviction qui guide toute la programmation culturelle d’AlUla.

L’une des premières grandes expositions préfigurant le musée verra le jour en janvier prochain, consiste en une collaboration entre AlUla et le Centre Pompidou, présentée d’abord dans une architecture temporaire conçue sur place avant de voyager dans le monde.

« C’est une coopération basée sur l’échange de savoirs et la lenteur, dit-il. À AlUla, on apprend à prendre le temps, l'art naît du sol, pas de la vitesse ».

Cette philosophie irrigue aussi les résidences de design et d’artistes qu’AFALULA co-dirige sur place, des programmes où jeunes talents et créateurs confirmés expérimentent à ciel ouvert, dans une relation directe avec le territoire, « Là-bas, chaque projet s’élabore dans l’écoute et l’humilité » affirme Morand.

« Lorsque nous arrivons à AlUla, nous devons laisser nos certitudes à la porte du désert » observe Ali Al Gazzaoui responsable du programme de résidences d’artistes, « il faut apprendre à écouter les habitants, à comprendre leur rapport au paysage, à la lumière, à la convivialité ».

C’est cette humilité partagée qui transforme le désert en école, les fondateurs du Studio Raw Material, Dushyant Bansal et Priyanka Sharma, anciens résidents du programme, racontent leur découverte émerveillée d’un lieu où « le matériau est partout de la roche, au sable, à la chaleur, et la lumière, tout devient matière à création ».

Leur expérience les a conduits à réfléchir à une forme de design « hors des centres urbains » à la faveur d’une pratique ancrée dans la vie quotidienne et les gestes ordinaires, « à AlUla, on apprend à se salir les mains, à construire, à inventer avec ce que la nature nous offre ».

Cette approche artisanale et poétique rejoint la vision d’Ali Alghazzawi, pour lui, « notre mission est de créer un écosystème où les créatifs peuvent dialoguer librement avec le paysage et expérimenter, car la durabilité ne se décrète pas, elle se vit ».

Tout ceci confère à AlUla qui est un site touristique d’exception, une autre dimension qui est celle de pépinière d’idées, de territoire d’apprentissage et de création contemporaine.


Le Gray fait son grand retour à Beyrouth : symbole d’espoir et de renouveau

Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
Le chef étoilé Alan Geaam au Le Gray à Beyrouth, le 14 octobre 2025. De retour dans son pays natal après son succès à Paris, il dirige les cuisines de l’hôtel. (AFP)
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  • Cinq ans après l’explosion du port, Le Gray rouvre ses portes en novembre 2025, devenant un symbole fort de relance pour le centre-ville de Beyrouth et l’hospitalité libanaise
  • Sous la direction de Charles Akl et du chef étoilé Alan Geaam, l’hôtel incarne l’alliance du luxe, de la mémoire et du renouveau culturel, gastronomique et économique de la capitale

BEYROUTH: Cinq ans après l’explosion dévastatrice du port de Beyrouth et la fermeture qui s’en est suivie, l’hôtel Le Gray s’apprête à rouvrir ses portes en novembre 2025, marquant un tournant symbolique pour la capitale libanaise. Situé sur la place des Martyrs, au cœur du centre-ville, cet établissement iconique, membre du réseau Leading Hotels of the World (LHW) retrouve son éclat d’antan et incarne l’espoir d’un renouveau pour l’hospitalité et la culture libanaises.

Un nouveau souffle pour Beyrouth

La réouverture de Le Gray intervient dans un contexte d’effort de relance économique. Depuis l’arrivée d’un nouveau gouvernement en janvier 2025, le Liban semble s’engager dans une phase de stabilisation et de redressement. L’ouverture des Beirut Souks plus tôt en octobre a déjà insufflé un vent d’optimisme dans une ville meurtrie, encore marquée par les séquelles de la guerre de 2024.

« C’est un retour à la vie et une réaffirmation de notre engagement envers Beyrouth, » déclare Charles Akl, directeur général de Le Gray.

« Le Gray a toujours été plus qu’un hôtel : c’est un symbole, un lieu de rencontre, une part de l’âme de la ville. Aujourd’hui, il revient pour redonner espoir et dynamisme au centre-ville. »

La gastronomie au cœur du renouveau

Symbole fort de ce retour : la cuisine. Le chef franco-libanais Alan Geaam, seul chef libanais étoilé au Guide Michelin, prend les commandes des restaurants de l'hôtel. Après vingt-sept ans en France, il signe ici un retour aux sources empreint d’émotion et d’ambition.

« Mon objectif est de porter encore plus haut le nom du Liban sur la scène gastronomique internationale, » confie le chef. « C’est un honneur de revenir à Beyrouth, de former de jeunes talents et de faire rayonner notre cuisine. »

Alan Geaam introduit à cette occasion Qasti Beyrouth, déclinaison locale de son restaurant emblématique présent à Paris et dans d’autres grandes villes, ainsi que Padam, une adresse signature au sein de l’hôtel.

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Qasti Beyrouth : la cuisine d’Alan Geaam au cœur de Le Gray. (Photo: ANFR)

Une redécouverte d’un joyau urbain

À l’occasion du pre-opening de l’hôtel, un groupe de journalistes a été invité à redécouvrir les lieux. L’expérience a été décrite comme un moment d’émotion et de redécouverte, dans un cadre où se mêlent raffinement, art et mémoire.

Avec plus de 100 chambres et suites repensées sous la direction artistique de l’architecte Galal Mahmoud, l’hôtel allie élégance contemporaine et références subtiles à l’histoire et à la culture libanaises. Plus de 600 œuvres d’art ornent les espaces communs et les chambres, transformant l’hôtel en véritable galerie.

Le Gray propose également des espaces événementiels et de conférence modulables, capables d’accueillir aussi bien des événements professionnels que des célébrations privées.

Un lieu au carrefour du passé et de l’avenir

À quelques pas des Beirut Souks, du front de mer et de Zaitouna Bay, Le Gray se trouve à la croisée de l’histoire, de la culture et du renouveau économique. Il se veut désormais moteur du redéploiement touristique du centre-ville.

Pour Charles Akl, cette réouverture dépasse le simple acte économique : « C’est une responsabilité collective : celle de redonner de l’élan à la ville, de raviver les talents, et de réaffirmer la place de Beyrouth sur la carte mondiale de l’hospitalité et de la culture. »

Avec cette réouverture très attendue, Le Gray ne se contente pas de retrouver sa place dans le paysage hôtelier. Il incarne la résilience d’un peuple et la volonté d’un pays de se reconstruire, avec élégance et conviction.