JEDDAH: Dans un contexte d’affirmations israéliennes selon lesquelles la Turquie aurait donné des passeports et des cartes d'identité à une douzaine de membres du Hamas, une action qualifiée d’« étape très hostile » par un haut diplomate israélien, les liens entre Tel Aviv et Ankara deviennent de plus en plus fragiles.
Ces affirmation s’ajoutent à l’accusation faite à la Turquie de soutenir des groupes terroristes suite aux relations durables entre Ankara et les dirigeants du Hamas qui ne sont pas un secret.
Malgré les vives objections de Washington, le président turc Recep Tayyip Erdogan a rencontré les dirigeants du Hamas, y compris son chef de bureau politique, Ismail Haniyeh, qui figure sur la liste américaine des terroristes, à Istanbul le 22 août. Le Hamas est considéré comme un groupe terroriste par les États-Unis, Israël et l'UE.
En contre-attaque, Israël apporte son soutien à l’alliance des États qui s’opposent aux initiatives de la Turquie en Méditerranée orientale, en particulier à la Grèce et à Chypre, sur les questions de délimitation maritime et les activités de forage dans la région.
Le chargé d’affaires israélien Roey Gilad a déclaré qu’Israël avait déjà averti la Turquie l’année dernière que le Hamas menait des « activités liées au terrorisme » à Istanbul, et a ajouté que la Turquie n’avait pris aucune mesure. Ces membres du Hamas seraient venus en Turquie en 2011 en échange d'un soldat israélien capturé par la brache armée du Hamas.
Mardi, Unal Cevikoz, diplomate à la retraite et député du principal parti d’opposition, le Parti républicain du peuple, a également insinué que 12 membres du Hamas se sont vu offrir la citoyenneté turque, et a porté ces allégations au Parlement turc en adressant une enquête au vice-président Fuat Oktay.
Cevikoz a affirmé que Hakan Fidan, le chef des services de renseignements turc, était également présent à la réunion entre Erdogan et Haniyeh.
« Ces développements posent un sérieux obstacle au potentiel d'une solution pour les deux États sur la question Palestine-Israël. De tels développements, qui augmenteront encore les tensions régionales, empêchent la Turquie de jouer un rôle actif dans la question palestinienne », a déclaré Cevikoz dans son communiqué.
Cevikoz a également affirmé que la politique du gouvernement avait isolé le pays et a demandé au vice-président si les discussions d'Erdogan avec Haniyeh s’accordaient avec les intérêts de la Turquie à maintenir la sécurité en Méditerranée orientale, étant donné que le Hamas est reconnu comme un groupe terroriste par de nombreux pays.
« Le soutien continu d'Ankara au Hamas, y compris le déroulement d'un tapis rouge pour deux hauts dirigeants du Hamas que les États-Unis et d'autres considèrent comme des terroristes recherchés, montre une fois encore la manière sans précédent dont les dirigeants actuels de la Turquie ignorent de manière flagrante les normes internationales. Ankara traite le Hamas comme s'il s'agissait d'un vrai gouvernement, l'accueillant au plus haut niveau », a déclaré à Arab News Seth J. Frantzman, directeur exécutif du Middle East Center for Reporting and Analysis.
Selon Frantzman, la Turquie semble accorder plus de valeur aux membres du Hamas qu'aux autres groupes.
« Israël rend enfin ces faits publics en raison des menaces continues d'Ankara et de l'accueil de personnalités terroristes de premier plan, et parce qu'Ankara cherche à faire dérailler l'accord Israël-EAU », a-t-il déclaré.
Frères Musulmans
Frantzman pense que l'objectif d'Ankara en soutenant le Hamas est de l'intégrer au réseau gouvernemental d'organisations et de soutiens liés aux Frères musulmans dans la région, y compris au Qatar, des éléments du Gouvernement d'accord national (GAN) en Libye, ainsi que Le groupe égyptien qui était un allié clé d'Ankara, avant son éviction du pouvoir en 2013.
L’accueil du Hamas à Ankara est conçu pour équilibrer l’accord Israël-Émirats arabes unis et cela va de pair avec l’envoi par le Qatar d’un envoyé à Gaza. Toutefois, bien que le Qatar soit considéré par Israël comme plus constructif, les récentes déclarations des dirigeants d’Ankara, affirmant « qu’ils vont libérer Al-Aqsa », sont considérées comme hostiles. C'est pourquoi Israël soutient désormais la Grèce en Méditerranée », a-t-il déclaré.
Autrefois alliés, Israël et la Turquie ont pris des mesures depuis 2015 pour rétablir les relations après la crise de la flottille de Mavi Marmara qui a fait rompre les relations diplomatiques en 2009. Mais, selon Frantzman: « La réconciliation ne progresse pas car Ankara considère Israël comme l'un de ses principaux ennemis dans le monde. »
« La Turquie a écarté l'Autorité palestinienne, le gouvernement légitime des Palestiniens, dans sa tentative de donner une légitimité au Hamas. Cela va inévitablement dans la mauvaise direction dans les relations israélo-turques. La volonté d'Ankara d'avoir une influence en Cisjordanie, à Jérusalem et dans tout Gaza fait partie de l'objectif global de la Turquie d'avoir de l’influence sur Israël et de créer le type de crise qu'elle a alimenté en Méditerranée, en Libye, en Irak et en Syrie et dans le Golfe », a-t-il ajouté.
Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com