L'Otan trace ses «lignes rouges» à Moscou et serre les rangs face à Pékin

«Tant que la Russie ne montre pas qu'elle respecte le droit international et qu'elle honore ses obligations et responsabilités internationales, il ne peut y avoir de retour à la normale». (Photo, AFP)
«Tant que la Russie ne montre pas qu'elle respecte le droit international et qu'elle honore ses obligations et responsabilités internationales, il ne peut y avoir de retour à la normale». (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 15 juin 2021

L'Otan trace ses «lignes rouges» à Moscou et serre les rangs face à Pékin

  • Joe Biden doit rencontrer le président russe Vladimir Poutine mercredi à Genève
  • «Nous ne cherchons pas un conflit avec la Russie, mais nous répondrons si la Russie continue ses activités»

BRUXELLES: Les dirigeants de l'Otan ont signifié lundi leurs "lignes rouges" à Vladimir Poutine avant sa réunion avec Joe Biden et ont décidé de faire front commun face à l'entrisme de la Chine en Europe lors de leur sommet annuel à Bruxelles.

"La Russie et la Chine cherchent à nous diviser, mais notre alliance est solide. L'Otan est unie et les États-Unis sont de retour", a soutenu le président américain lors de sa conférence de presse.

La déclaration adoptée lors du sommet traduit les préoccupations des alliés: la Russie, la Chine, les nouvelles menaces dans l'espace et le cyberespace, le terrorisme, la montée des régimes autoritaires. Le texte long de 45 pages compte 79 points.

La Russie reste la préoccupation numéro un de l'Alliance. "Tant que la Russie ne montre pas qu'elle respecte le droit international et qu'elle honore ses obligations et responsabilités internationales, il ne peut y avoir de retour à la normale", ont averti les Alliés. Mais "nous restons ouverts à un dialogue périodique et substantiel", ont-ils assuré.

Moscou mis en garde

Joe Biden doit rencontrer le président russe Vladimir Poutine mercredi à Genève, dernière étape d'un périple en Europe commencé par un sommet du G7 au Royaume-Uni, suivi par le sommet de l'Otan et une réunion avec les présidents des institutions de l'UE mardi à Bruxelles.

"Nous ne cherchons pas un conflit avec la Russie, mais nous répondrons si la Russie continue ses activités", a averti Joe Biden. Le président américain a promis de dire au président russe quelles sont les "lignes rouges".

"Je l’ai rencontré. Il est intelligent, il est dur", a-t-il souligné. Mais Vladimir Poutine doit comprendre que la mort de l’opposant emprisonné Alexeï Navalny serait "une tragédie", a-t-il averti. Et "nous ferons notre possible pour que l'Ukraine puisse résister à l'agression" russe, a-t-il ajouté.

La Chine est également devenue une source de préoccupation.

"Les ambitions déclarées de la Chine et son comportement déterminé représentent des défis systémiques pour l'ordre international fondé sur des règles et dans des domaines revêtant de l'importance pour la sécurité de l'Alliance", ont affirmé les alliés.

Mais pas question d'une nouvelle guerre froide. "La Chine n'est pas notre adversaire, notre ennemi", a affirmé le secrétaire général de l'Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg. "Mais nous devons faire face aux défis posés par la Chine pour notre sécurité", a-t-il précisé.

"Nous constatons que la Russie et la Chine coopèrent de plus en plus ces derniers temps, tant sur le plan politique que militaire. Cela représente une nouvelle dimension et un défi sérieux pour l'Otan", a-t-il expliqué.

Joe Biden a obtenu que "le défi sécuritaire posé par la Chine figure dans la déclaration", même si certains alliés européens, notamment la France, renâclaient.

Éviter la dispersion

"L'Otan est une organisation qui concerne l'Atlantique nord, la Chine a peu à voir avec l'Atlantique nord", a insisté le président Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse. 

"Il est très important de ne pas nous disperser et de ne pas biaiser le rapport à la Chine. Il est beaucoup plus large que le sujet militaire: il est économique, il est stratégique", a-t-il ajouté.

Le sommet a également lancé la révision du concept stratégique de l'Alliance adopté en 2010 pour la préparer à faire face aux nouvelles menaces dans l'espace et le cyberespace.

L'Otan a ainsi tourné la page Donald Trump, rassurée par la volonté affichée de Joe Biden de "revitaliser" les alliances des États-Unis.

Si le retrait américain d'Afghanistan, décidé sans concertation avec ses alliés, a mis à mal la crédibilité des opérations extérieures de l'Otan, les Alliés s'engagent à ne pas abandonner ce pays aux talibans. 

Un financement sera accordé pour assurer le fonctionnement de l'aéroport international de Kaboul, indispensable au maintien d'une présence occidentale en Afghanistan. La Turquie a proposé de maintenir un contingent pour assurer sa sécurité, mais avec des conditions.

"Si on demande à la Turquie de ne pas quitter l'Afghanistan, un soutien américain diplomatique, logistique et financier serait très important", a observé le président turc Recep Tayyip Erdogan.

Il a discuté des modalités de cette contribution militaire durant un long entretien avec Joe Biden.

"L'Alliance doit se consulter davantage et investir mieux", a plaidé Jens Stoltenberg. Les Européens s'y disent prêts après avoir obtenu la reconnaissance de leur contribution à la sécurité collective.

Encore faut-il que les Américains les jugent "fiables". 21 pays de l'UE sont membres de l'Otan, mais huit seulement tiennent l'engagement de consacrer 2% de leur PIB à leurs dépenses militaires. La France est du nombre, pas l'Allemagne, ni l'Italie, ni l'Espagne.

Biden se dit prêt à un échange de prisonniers

Un échange de prisonniers comme geste de bonne volonté pour sortir les relations américano-russes de leur marasme actuel? Vladimir Poutine s'y est dit prêt avant son sommet avec Joe Biden, qui est lui sous pression pour obtenir la libération de deux Américains détenus en Russie.

Les États-Unis ont prévenu que le président américain soulèverait avec son homologue russe, mercredi à Genève pour leur premier face-à-face, le sort de Paul Whelan, incarcéré pour espionnage, et Trevor Reed, emprisonné pour avoir agressé, ivre, deux policiers russes.

Washington affirme que ses deux ressortissants sont injustement détenus.

Et des élus américains, républicains comme démocrates, ont appelé le locataire de la Maison Blanche à réclamer leur libération avec plus de fermeté.

"Le traitement kafkaïen que le Kremlin réserve aux citoyens américains doit cesser et le président Biden doit faire de leur retour une priorité de sa visite", a estimé l'influent sénateur démocrate Bob Menendez. Le député républicain Michael McCaul est allé plus loin, estimant que leur libération devait être une "condition préalable" au sommet de Genève.

Interrogé sur la chaîne américaine NBC sur la possibilité d'un échange entre ces prisonniers et des Russes détenus aux États-Unis, Vladimir Poutine s'est montré ouvert à une telle possibilité.

"Oui, oui, oui bien sûr", a-t-il répondu, selon un extrait diffusé lundi. "Ce qui serait encore mieux, ce serait une discussion sur la possibilité de conclure un accord d'extradition", a-t-il ajouté, selon la transcription de l'entretien publiée par le Kremlin.

En attendant, le président russe s'est dit prêt à négocier un échange pour raisons "humanitaires" liées "à la santé et à la vie de personnes individuelles".

Quels prisonniers russes voudrait-il voir libres en échange des deux Américains? "Nous avons toute une liste", a-t-il assuré, estimant que le nombre de Russes détenus dans les prisons américaines était "sans commune mesure" avec celui des Américains derrière les barreaux en Russie.

Il a évoqué notamment les "gros problèmes de santé" de Konstantin Iarochenko, pilote russe incarcéré en Amérique pour trafic de cocaïne, dont la famille a demandé la libération avant le sommet. Tout comme la famille du trafiquant d'armes Viktor Bout.

Dans l'entretien, Vladimir Poutine se montre très virulent à l'égard de Trevor Reed, condamné en juillet 2019 à neuf ans de prison. "C'est seulement un ivrogne et un fauteur de troubles", "c'est du droit commun, rien d'autre", a-t-il assuré, alors que la classe politique américaine accuse Moscou de s'en servir comme monnaie d'échange diplomatique.

La mère du détenu, Paula Reed, a dit lundi sur NBC avoir "très bon espoir" de voir son fils enfin libre, saluant l'engagement de l'administration Biden en ce sens et les propos du président Poutine sur un éventuel échange.

"Nous espérons que cela va intervenir très vite", a-t-elle expliqué. "Comment il va revenir à la maison, cela nous est égal", a précisé son mari Joey Reed, laissant entendre qu'un échange leur convenait.

Ancien sous-officier du corps des Marines, l'autre Américain, Paul Whelan, était agent des services de sécurité d'un groupe américain de pièces détachées pour l'automobile quand il a été arrêté à Moscou en décembre 2018, puis condamné en juin 2020 à 16 ans de prison sur des accusations d'espionnage.

Paul Whelan a récemment demandé à Joe Biden d'organiser un tel échange de prisonniers pour obtenir sa libération. "Je vous implore de mettre fin à cet épouvantable cas de diplomatie des otages", a-t-il lancé dans un nouvel appel diffusé lundi par son frère.

Or, la position du président américain sur le sujet reste floue.

Lors d'une conférence de presse au sommet du G7 au Royaume-Uni, Joe Biden a donné l'impression d'être ouvert à un échange, en réponse une question qui portait toutefois spécifiquement sur les "cybercriminels". Mais son conseiller pour la sécurité nationale Jake Sullivan a ensuite rétropédalé: "Il ne dit pas qu'il va échanger des cybercriminels avec la Russie", mais il est ouvert à "un engagement mutuel" à "ne pas protéger les cybercriminels".

 


Pakistan: Malala critiquée pour une comédie musicale produite avec Hillary Clinton

La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton. (AFP).
La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton. (AFP).
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  • Sur X, anonymes et commentateurs lui reprochent d'être apparue à Broadway aux côtés de l'ex-secrétaire d'Etat américaine -sous le mandat de laquelle des frappes de drones ont tué des civils au Pakistan- et de ne pas se prononcer sur la guerre à Gaza
  • Si Malala Yousafzai, 26 ans, est une militante obstinée des droits des femmes louée à travers le monde, les cercles islamistes et une partie importante de l'opinion publique pakistanaise voient en elle un "agent des Etats-Unis"

LAHORE: La Pakistanaise Malala Yousafzai, prix Nobel de la paix, est sous le feu des critiques dans son pays natal après une publicité réalisée pour une comédie musicale sur les suffragettes qu'elle produit avec Hillary Clinton.

Sur X, anonymes et commentateurs lui reprochent d'être apparue à Broadway aux côtés de l'ex-secrétaire d'Etat américaine -sous le mandat de laquelle des frappes de drones ont tué des civils au Pakistan- et de ne pas se prononcer sur la guerre à Gaza, y voyant un "deux poids, deux mesures".

Si Malala Yousafzai, 26 ans, est une militante obstinée des droits des femmes louée à travers le monde, les cercles islamistes et une partie importante de l'opinion publique pakistanaise voient en elle un "agent des Etats-Unis" créé pour corrompre la jeunesse.

Après la première représentation de "Suffs", le cercle des critiques semble s'être élargi à des figures du féminisme au Pakistan.

"J'ai défendu bec et ongle Malala toutes ces années mais, là, je ne la suis pas. C'est vraiment difficile de la défendre depuis six mois", écrit ainsi la militante Leena Ghani, en référence à la guerre lancée par Israël à Gaza en réponse à l'attaque meurtrière du Hamas sur son sol le 7 octobre.

"J'admire Malala depuis 2011", affirme l'éditorialiste Mehr Tarar sur X, mais "sa collaboration théâtrale avec Hillary Clinton -qui défend le soutien infaillible de l'Amérique au génocide des Palestiniens- est un vrai coup à sa crédibilité comme défenseuse des droits humains".

« Tu nous as laissés tomber »

Mme Clinton a dit soutenir la guerre contre le Hamas et rejeté des appels au cessez-le-feu à Gaza. Elle a aussi réclamé la protection des civils dans le petit territoire contrôlé par le mouvement islamiste depuis 2007.

"Quelle déception Malala, tu nous as laissés tomber", écrit de son côté la professeure et militante féministe Nida Kirmani.

De nombreuses voix au Pakistan ont accusé Malala Yousafzai de ne pas avoir exprimé sa solidarité avec les Palestiniens. La jeune femme avait pourtant précédemment publiquement condamné la mort de civils à Gaza et réclamé un cessez-le-feu.

Le New York Times rapporte qu'elle portait un pin's rouge et noir pour la première représentation de "Suffs", un signe de soutien au cessez-le-feu.

Après ces critiques, la jeune femme a affirmé mardi sur le réseau social X son soutien aux habitants de Gaza et condamné la guerre menée par Israël.

"Je veux qu'il n'y ait aucune confusion quant à mon soutien à la population de Gaza", a écrit Malala Yousafzai.

"Nous n'avons pas besoin de voir davantage de cadavres, d'écoles bombardées et d'enfants affamés pour comprendre qu'un cessez-le-feu est urgent et nécessaire".

"J'ai condamné et je continuerai à condamner le gouvernement israélien pour ses violations du droit international et ses crimes de guerre", a-t-elle ajouté.

La jeune fille originaire de la verdoyante vallée de Swat, dans le nord-ouest du Pakistan, avait été blessée par balle au visage en 2012 par des islamistes.

Soignée en urgence en Grande-Bretagne, elle est ensuite devenue un symbole mondial de résistance à l'extrémisme religieux et la porte-voix des filles privées d'instruction, puis en 2014 la plus jeune prix Nobel de la Paix de l'histoire.

Depuis qu'elle a été attaquée, elle n'est revenue que deux fois dans son pays.


Gaza: montée des tensions entre étudiants et la police sur les campus américains

La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie. (AFP).
La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie. (AFP).
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  • "Si la situation n'est pas maîtrisée rapidement et si les menaces et intimidations ne cessent pas, il sera alors temps de faire appel à la Garde nationale"
  • Depuis le regain de tensions la semaine dernière à Columbia, le mouvement s'est étendu à d'autres campus

AUSTIN: La colère d'étudiants américains pro-palestiniens contre la guerre que mène Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza a grossi mercredi aux Etats-Unis, avec des face-à-face tendus avec la police au Texas, à New York, en Nouvelle-Angleterre et en Californie.

En visite à l'université Columbia à Manhattan -- d'où est parti cette dernière vague de manifestations étudiantes commencées en octobre -- le président républicain de la Chambre des représentants du Congrès, Mike Johnson, a menacé: "si la situation n'est pas maîtrisée rapidement et si les menaces et intimidations ne cessent pas, il sera alors temps de faire appel à la Garde nationale".

Pour "rétablir l'ordre sur ces campus", a martelé le dirigeant conservateur.

Un avertissement qui résonne douloureusement aux Etats-Unis: le 4 mai 1970, la Garde nationale de l'Ohio avait ouvert le feu à l'université d'Etat de Kent sur des manifestants étudiants pacifiques, dont quatre avaient été tués.

M. Johnson, proche de l'ex-président républicain Donald Trump candidat à sa réélection, a averti qu'il exigerait du président démocrate Joe Biden d'"agir" et jugé que les manifestations pro-palestiniennes "mettaient une cible sur le dos d'étudiants juifs aux Etats-Unis", qui comptent le plus de juifs au monde (quelque six millions) après Israël.

« Liberté d'expression »

Depuis le début du conflit à Gaza en octobre, les universités américaines sont secouées par des débats parfois violents sur la liberté d'expression et des accusations d'antisémitisme et d'antisionisme qui ont coûté leurs postes cet hiver aux présidentes de Harvard et de l'université de Pennsylvanie.

"Profitez de votre liberté d'expression", a lancé, provocateur, M. Johnson, hué par des centaines d'étudiants de Columbia vent debout contre la guerre d'Israël contre le Hamas qui a tué quelque 34.200 personnes, la plupart des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste palestinien.

L'attaque sans précédent du 7 octobre 2023 menée par le Hamas a fait 1.170 morts, essentiellement civils, selon un bilan de l'AFP établi à partir de données officielles.

Mercredi, la Maison Blanche a réaffirmé que le président Biden, qui espère être réélu en novembre, "soutenait la liberté d'expression, le débat et la non discrimination" dans les universités.

Depuis le regain de tensions la semaine dernière à Columbia, le mouvement s'est étendu à d'autres campus.

Alliance Etats-Unis-Israël 

Notamment dans les Etats de la Nouvelle-Angleterre, dans le nord-est, où des prestigieuses universités ont demandé à la police d'interpeller des manifestants étudiants qui dénoncent l'alliance militaire, diplomatique et économique des Etats-Unis avec Israël et critiquent les conditions actuelles des Palestiniens.

"En tant que Palestinien, est-ce de ma responsabilité d'être là et de montrer ma solidarité avec la population de Gaza? Absolument!", a répondu à l'AFP Yazen, un Américain de 23 ans d'origine palestinienne qui campe depuis quelques jours dans des tentes montées sur le campus de Columbia.

La présidence de l'université a salué "des progrès importants" dans les discussions avec des étudiants pour évacuer ce campement d'ici vendredi.

Dans la nuit de lundi à mardi, 120 personnes avaient été brièvement interpellées devant l'université de New York (NYU), au coeur de Manhattan. A Yale, dans le Connecticut, une cinquantaine de manifestants ont aussi été interpellés.

Sa concurrente Harvard, la plus ancienne des Etats-Unis, en banlieue de la cité historique de Boston, a vu aussi mercredi se monter sur son campus arboré un campement.

Police anti-émeute 

A l'autre bout du pays, l'université du Texas à Austin a été le théâtre d'un face-à-face, finalement bon enfant, entre des centaines d'étudiants pro-palestiniens et la police, dont nombre d'officiers à cheval et en tenue anti-émeute.

Certains brandissaient des drapeaux palestiniens et portaient le keffieh, d'autres, encadrés par des policiers, s'étaient enveloppés dans des drapeaux d'Israël.

Et à l’université de Californie du sud (USC), plusieurs centaines d’étudiants ont manifesté aux cris de "libérez la Palestine", "révolution par l'intifada".

Dans la foule très diverse, certains agitaient des drapeaux palestiniens, d'autres portaient des keffiehs et des pancartes appelant à "arrêter le génocide" et à un  "cessez-le-feu".

Des centaines de manifestants s'étaient rassemblés mardi soir à Brooklyn, le plus grand arrondissement de New York, à l'appel de Jewish Voice for Peace, un groupe d'Américains juifs de gauche pro-palestiniens, à l'occasion du séder, le rituel de la Pâque juive. Nombre d'entre eux ont été interpellés.

"Nous sommes (les Américains) les instigateurs d'une telle violence, d'une telle haine, c'est terrible", a tonné sur place Rebecca Lurie.


Pedro Sánchez pense à démissionner après l'ouverture d'une enquête contre son épouse

Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez et son épouse Begona Gomez assistent au rassemblement de clôture de la campagne à Getafe, dans la banlieue de Madrid, le 21 juillet 2023. (Photo, AFP)
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez et son épouse Begona Gomez assistent au rassemblement de clôture de la campagne à Getafe, dans la banlieue de Madrid, le 21 juillet 2023. (Photo, AFP)
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  • Selon le média en ligne El Confidencial, qui a révélé l'information, cette enquête porte en particulier sur les liens de Begoña Gómez avec avec le groupe espagnol de tourisme Globalia
  • Plusieurs des proches du Premier ministre sont montés au créneau mercredi, accusant la droite de manipuler la justice à des fins politiques

MADRID: Le Premier ministre socialiste espagnol Pedro Sánchez a annoncé mercredi, dans une lettre publiée sur X, "réfléchir" à une éventuelle démission après l'annonce de l'ouverture d'une enquête contre son épouse pour trafic d'influence et corruption.

"J'ai besoin de m'arrêter et de réfléchir" afin de décider "si je dois continuer à être à la tête du gouvernement ou si je dois renoncer à cet honneur", a-t-il écrit, indiquant qu'il annoncerait sa décision lundi devant la presse et suspendait ses activités d'ici là.

Cette enquête préliminaire contre Begoña Gómez a été ouverte le 16 avril après une plainte de l'association "Manos limpias" (Mains propres), un collectif considéré comme proche de l'extrême droite, a annoncé dans un court communiqué le tribunal supérieur de justice de Madrid.

Elle est placée sous le sceau du "secret de l'instruction", a ajouté le tribunal.

Dans sa lettre, Pedro Sánchez, au pouvoir depuis 2018, dénonce une plainte basée sur des faits "inexistants" et une campagne de "harcèlement" menée par des médias "ultraconservateurs" et soutenue, selon lui, par l'opposition de droite et d'extrême droite contre son épouse.

"Je ne suis pas naïf", dit-il, "je suis conscient du fait qu'ils portent plainte contre Begoña, non pas parce qu'elle a fait quelque chose d'illégal, car ils savent bien que cela n'est pas vrai, mais parce qu'elle est mon épouse".

Selon le média en ligne El Confidencial, qui a révélé l'information, cette enquête porte en particulier sur les liens de Begoña Gómez avec avec le groupe espagnol de tourisme Globalia, propriétaire de la compagnie aérienne Air Europa, à un moment où cette dernière était en pourparlers avec le gouvernement pour obtenir des aides face à la lourde chute du trafic aérien provoquée par la pandémie de Covid.

À l'époque, Begoña Gomez dirigeait IE Africa Center, une fondation liée à l’école de commerce madrilène IE University, poste qu'elle a quitté en 2022.

Plan de sauvetage d'Air Europa

Selon El Confidencial, IE Africa Center avait "signé un accord de parrainage avec Globalia en 2020" et Begoña Gomez aurait participé à "une réunion privée avec son PDG Javier Hidalgo à l'époque où Globalia négociait son plan de sauvetage de plusieurs millions d'euros avec le gouvernement" de Pedro Sánchez.

Ce plan a permis à Air Europa de toucher 475 millions d'euros en novembre 2020, issus d'un fonds de 10 milliards destiné à soutenir les entreprises stratégiques en difficulté à cause de la crise sanitaire.

La compagnie espagnole a été la première entreprise à bénéficier de ce fonds. Des dizaines d'autres ont suivi, dont plusieurs de ses concurrents (Iberia, Vueling, Volotea...).

L'opposition de droite a appelé mercredi le Premier ministre à "donner des explications aux Espagnols", par la voix d'Ester Muñoz, membre de la direction du Parti Populaire (PP, droite). "Tout finira par se savoir", a prévenu un porte-parole du parti, Borja Semper.

Pratiques trumpistes

Plusieurs des proches du Premier ministre sont montés au créneau mercredi, accusant la droite de manipuler la justice à des fins politiques.

Il y a "une stratégie qui consiste à lancer des accusations sans aucun fondement, sans aucune information véridique, sans aucune preuve, juste pour blesser, juste pour salir" et "diffamer", a dénoncé le président du groupe socialiste à la Chambre des députés, Patxi Lopez.

Le PP "utilise une fausse accusation d'une organisation d'extrême droite pour diffamer et lancer des calomnies" envers le Premier ministre, a insisté la numéro deux du gouvernement, Maria Jesus Montero. "Nous ne permettrons pas à ces pratiques trumpistes de miner la démocratie espagnole", a-t-elle ajouté.

Manos limpias, collectif fondé en 1995, a été à l'origine ces dernières années de plusieurs poursuites judiciaires et s'est portée partie civile dans de nombreux procès pour des affaires de corruption.

Le collectif est considéré comme proche de l'extrême droite, en raison notamment de la personnalité de son fondateur Miguel Bernad, ancien responsable du parti Frente Nacional, dissous en 1993.

Accusé d'être impliqué dans un réseau d'extorsion de fonds, ce dernier avait été condamné à quatre ans de prison en juillet 2021, mais a été finalement relaxé en appel le mois dernier, faute de preuve selon le tribunal.