L’Iran après la présidentielle: faiblesses et arrogance d’un régime

Cette photo fournie par le bureau du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, le 28 juin 2021, le montre en train de rencontrer le président Ebrahim Raïssi (à gauche) et des responsables à Téhéran. KHAMENEI.IR / AFP
Cette photo fournie par le bureau du guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, le 28 juin 2021, le montre en train de rencontrer le président Ebrahim Raïssi (à gauche) et des responsables à Téhéran. KHAMENEI.IR / AFP
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Publié le Mercredi 07 juillet 2021

L’Iran après la présidentielle: faiblesses et arrogance d’un régime

L’Iran après la présidentielle: faiblesses et arrogance d’un régime
  • En élisant M. Ebrahim Raïssi à la tête de l’exécutif, le 18 juin dernier, le régime iranien prend un tournant vers une plus grande radicalisation intérieure
  • Le gouvernement que présidera M. Raïssi à partir du 3 août prochain ne différera pas des précédents

En élisant M. Ebrahim Raïssi à la tête de l’exécutif, le 18 juin dernier, le régime iranien prend un tournant vers une plus grande radicalisation intérieure et sa politique étrangère risque d’être plus belliqueuse que jamais. Voilà ce que nous pouvons retenir du tableau iranien au regard des derniers événements qui ont marqué la période qui a suivi l’élection du nouveau président.

Tout d’abord, il faut savoir que les prérogatives de tout président de la «République islamique en Iran», qui est censé jouer le rôle de chef du pouvoir exécutif, sont limitées par la Constitution: le président et le gouvernement ne sont autres que des exécutants de la volonté du Guide suprême – en l’occurrence Ali Khamenei. Ils font en quelque sorte figure de bras administratif qui sert à exécuter les orientations décidées par le Guide.

De ce fait, le gouvernement que dirige d’office le président de la République ne dépend que du bon vouloir du Guide, surtout pour ce qui est de la politique étrangère, de la défense (y compris dans le domaine nucléaire), des services de sécurité, de la politique expansionniste des Gardes de la révolution, qui traitent directement avec lui, et, enfin, de la politique pétrolière.


 

En réalité, le gouvernement que présidera M. Raïssi à partir du 3 août prochain ne différera pas des précédents.

Ali Hamade

En réalité, le gouvernement que présidera M. Raïssi à partir du 3 août prochain ne différera pas des précédents. La seule différence serait que, après huit ans de mandat de M. Hassan Rohani à la présidence, son successeur représente enfin une harmonisation du pouvoir sous la coupe de l’État profond et, de ce fait, amorce un saut en arrière. Il n’y aurait donc plus deux visages en Iran, mais un seul, ouvertement plus radical et surtout plus belliqueux que jamais au-delà des frontières.

Ce retour aux sources prônerait plus que jamais le principe de l’exportation de la révolution vers les pays voisins tout en usant du symbolisme que représente la cause palestinienne. Le régime iranien se réclame d’une prétendue mission «divine» qui consisterait à libérer la Palestine et, ultime objectif, à provoquer la destruction d’Israël. Cette propagande sera le porte-étendard de cette politique hégémoniste qui ne fera qu’envenimer les relations de l’Iran avec la plupart de ses voisins du Moyen-Orient. Ces derniers savent que l’objectif réel de l’Iran est de les déstabiliser en minant leur tissu social intérieur afin d’y étendre son influence.

Avec M. Raïssi, pas de changement sur le fond, ni au niveau de la propagande, ni au niveau de l’expansionnisme agressif et militariste dans la région par l’intermédiaire de milices satellites qui opèrent en Irak, en Syrie, au Liban et au Yémen.

Ces milices, financées et entraînées par les Gardes de la révolution et leur unité d’élite, la force Al-Qods, dont les livraisons d’armes ne cessent de croître, permettent au gouvernement de multiplier les opérations subversives qui visent à miner, par tous les moyens, l’autorité des États et de leurs institutions légitimes.

Ainsi, si l’on ne considère que le cas de l’Irak, on remarque que les milices du Hached al-Chaabi («Unités de mobilisation populaire»), tout en étant placées par la loi sous l’autorité du gouvernement qui les finance, ne manquent pas une occasion de défier le gouvernement de M. Moustafa al-Kazimi. Ce dernier se bat sur plusieurs fronts, tout en prenant garde de ne pas couper les ponts avec la coalition Hached al-Chaabi – dont on dit que, le moment venu, elle pourrait être en mesure de prendre sans trop de difficulté le contrôle de la capitale… Cette conséquence dramatique pourrait avoir lieu si la présence militaire américaine venait à disparaître.

 

Avec toute sa ténacité, M. Al-Kazimi, qui œuvre pour un Irak indépendant de toute présence et de toute ingérence étrangère, se trouve régulièrement sur le pied de guerre, confronté à des milices pro-iraniennes qui ne cachent pas leur jeu et ne cessent de lui lancer des mises en garde afin qu’il se range dans leur sillon.

Ali Hamade

D’autre part, les hauts dignitaires du corps des Gardes de la révolution ne se privent pas de s’immiscer dans les affaires politiques internes de l’Irak. Ils s’y rendent régulièrement pour y rencontrer leurs acolytes et, sur la scène politiques à Bagdad, font figure de régulateurs.

Avec toute sa ténacité, M. Al-Kazimi, qui œuvre pour un Irak indépendant de toute présence et de toute ingérence étrangère, se trouve régulièrement sur le pied de guerre, confronté à des milices pro-iraniennes qui ne cachent pas leur jeu et ne cessent de lui lancer des mises en garde afin qu’il se range dans leur sillon. Leur objectif est de mettre fin aux tentatives qui visent à renforcer l’appareil de l’État et surtout l’armée nationale afin d’empêcher le rééquilibrage du pouvoir réel dans un pays en proie à des conflits perpétuels.

Après l’élection présidentielle en Iran, nous pouvons nous attendre à des offensives iraniennes sur tous les fronts: le dossier nucléaire, qui verra probablement les négociations piétiner, la politique hégémoniste agressive dans la région, où l’on attend une confrontation indirecte encore plus dure avec le gouvernement irakien…

En outre, l’Iran s’accrochera, en Syrie, au projet de la route stratégique Téhéran-Bagdad-Damas le défendant becs et ongles. Au Liban, il continuera de miser sur ce qu’il considère comme son «meilleur investissement» depuis la révolution de Khomeini: le Hezbollah. Enfin, au Yémen, il poussera les Houthis à rejeter l’initiative de paix saoudienne et tout appel à un cessez-le-feu.

Le 3 août prochain, M. Raïssi deviendra officiellement président; l’Iran de Khamenei, même s’il se trouve en proie à une grave crise économique et sociale, optera pour davantage de durcissement sur tous les fronts.

Une question demeure: est-ce la marque d’une confiance en soi ou un constat de faiblesse qui pousse le régime à adopter une attitude défensive sous ses airs d’arrogance et d’agressivité?

 

Ali Hamade est journaliste éditorialiste au journal Annahar, au Liban. 

Twitter: @AliNahar

NDLR: Les opinions exprimées dans cette rubrique par leurs auteurs sont personnelles, et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.