Éthiopie: la chute de la capitale du Tigré ouvre une nouvelle phase de la guerre

Cavalier sur un cheval peint aux couleurs du Tigré, célébrant le retour des soldats des Forces de défense du Tigré (TDF) à Mekele, la capitale de la région du Tigré, en Éthiopie, le 29 juin 2021. (Yasuyoshi Chiba/AFP)
Cavalier sur un cheval peint aux couleurs du Tigré, célébrant le retour des soldats des Forces de défense du Tigré (TDF) à Mekele, la capitale de la région du Tigré, en Éthiopie, le 29 juin 2021. (Yasuyoshi Chiba/AFP)
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Publié le Vendredi 02 juillet 2021

Éthiopie: la chute de la capitale du Tigré ouvre une nouvelle phase de la guerre

Cavalier sur un cheval peint aux couleurs du Tigré, célébrant le retour des soldats des Forces de défense du Tigré (TDF) à Mekele, la capitale de la région du Tigré, en Éthiopie, le 29 juin 2021. (Yasuyoshi Chiba/AFP)
  • La communauté internationale s'inquiète de la suite du conflit, notamment de la situation humanitaire dramatique
  • A mesure que le conflit se prolonge, la situation humanitaire inquiète de plus en plus la communauté internationale

ADDIS ABEBA, Éthiopie : Les combattants rebelles de la région éthiopienne du Tigré ont surpris en reprenant lundi le contrôle de la capitale régionale Mekele, un tournant accueilli par des scènes de liesse dans les rues de ce bastion local.

A l'heure où la première réunion publique du Conseil de sécurité de l'ONU dédiée au Tigré est attendue vendredi, la communauté internationale s'inquiète de la suite du conflit, notamment de la situation humanitaire dramatique.

Dès lundi, Addis Abeba a annoncé un "cessez-le-feu unilatéral" mais les rebelles ont continué leur progression, prenant une vaste majorité de cette région de l'extrême nord qui était aux mains de l'armée fédérale depuis sept mois.

Dans les premières semaines de l'opération militaire déclenchée le 4 novembre par le Premier ministre Abiy Ahmed pour chasser les autorités régionales dissidentes, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF), l'armée fédérale n'avait rencontré que peu de résistance.

Dès le 28 novembre, après d'autres villes clés, Mekele tombait et M. Abiy déclarait la victoire au Tigré.

Mais les forces fédérales ne sont jamais parvenues à remplir un de leurs principaux objectifs: arrêter et désarmer les leaders du TPLF, dont l'ancien homme fort de la région, Debretsion Gebremichael.

Parallèlement, les forces pro-TPLF, nommées Forces de défense du Tigré (TDF), se sont organisées, s'appuyant sur le soutien de la population pour préparer la contre-offensive.

Nommée Opération Alula - du nom d'un célèbre général tigréen du 19e siècle -, elle a été lancée le 18 juin, trois jours avant les élections nationales très attendues qui se tenaient dans une grande partie de l'Ethiopie.

Mardi, M. Abiy lui-même a reconnu l'effet de surprise. 

"Alors que l'armée passait dans un village sans remarquer aucun mouvement de l'ennemi, beaucoup de gens sont soudainement apparus et ont attaqué et massacré l'armée à l'aide de Kalashnikovs ou même de machettes", a indiqué le Premier ministre.

Parole contre parole 

Sans surprise, les TDF ont capitalisé sur leur impressionnante progression pour se féliciter de leur supériorité, selon eux, sur le champ de bataille.

A l'inverse, Addis Abeba a cherché à minimiser l'importance du retrait de l'armée. M. Abiy a ainsi déclaré que Mekele n'avait plus "le même intérêt" qu'en novembre.

Redwan Hussein, le porte-parole de la cellule de crise gouvernementale pour le Tigré, a affirmé que les rebelles n'étaient "plus une menace existentielle pour le bien-être de la nation", ajoutant que l'Ethiopie avait d'autres défis sécuritaires sur lesquels se concentrer.

Autant de déclarations qui, selon William Davison, analyste senior au centre de réflexion International Crisis Group (ICG), s'apparentent à des "justifications pour sauver la face".

"La guerre a indubitablement été un poids pour le gouvernement. Oui, il y a d'autres choses sur lesquelles ils voudraient se concentrer. Mais je pense que ce retrait découle d'une position de faiblesse", décrypte-t-il.

Dans le même sens, ajoute-t-il, les TDF ont vraisemblablement "exagéré" les pertes infligées à l'armée fédérale.

Prochains points chauds

Pendant ces huit mois de conflit, la région Amhara, située au sud du Tigré, ainsi que l'Érythrée, pays voisin bordant sa limite nord, ont envoyé sur place leurs propres soldats pour épauler l'armée éthiopienne.

Les troupes de l'Érythrée - qui n'a pas encore réagi à l'annonce de cessez-le-feu - ont été accusées de certains des pires massacres de la guerre, conduisant les Etats-Unis et l'Union européenne à appeler de manière répétée à leur départ.

Cette semaine, M. Redwan a affirmé que ce retrait avait commencé, ce qu'a confirmé jeudi le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha), affirmant que les Erythréens se sont largement "retirés du Tigré", se déplaçant vers leur frontière.

Dans le même temps, Getachew Reda, un des porte-paroles des TDF, qualifiant le cessez-le-feu de "blague", est allé jusqu'à menacer de "marcher" sur Addis Abeba et Asmara pour défendre le Tigré.

Mais, selon M. Davison, la priorité immédiate des TDF semble plutôt se situer sur les zones de l'ouest et du sud de la région, annexées au début du conflit par les forces de l'Amhara. 

"Il semble très peu vraisemblable que les Forces de défense du Tigré acceptent un cessez-le-feu à l'échelle régionale tant que cette présence (amhara) continue", observe M. Davison.

Aide et famine

A mesure que le conflit se prolonge, la situation humanitaire inquiète de plus en plus la communauté internationale.

Les États-Unis estiment que 900.000 personnes sont "vraisemblablement déjà en train de faire face à des conditions de famine".

Jeudi, l'ONU et plusieurs ONG ont confirmé la destruction d'un pont situé sur un axe crucial pour la livraison de l'aide alimentaire, ce qui accroît les craintes d'un possible "blocus".

Selon l'ONU, le pont a "d'après certaines informations" été détruit par les forces Amhara, bien que le gouvernement en ait porté vendredi la faute sur les forces tigréennes.

Le gouvernement de M. Abiy s'est engagé à de nombreuses reprises à faciliter l'accès humanitaire et à fournir lui-même de l'aide. Il a affirmé lundi que le cessez-le-feu était motivé par des raisons humanitaires.

Mais, alors que l'électricité et les télécommunications sont coupées, que les vols sont suspendus et que la plupart des routes sont bloquées, des responsables onusiens et des diplomates craignent que la situation se détériore encore.

"Un cessez-le-feu cela ne signifie pas couper l'électricité dans une région ou détruire les infrastructures critiques", a déclaré vendredi sur Twitter Josep Borrell le chef de la diplomatie européenne.

"Un cessez-le-feu crédible signifie faire tout son possible pour que l'aide atteigne les millions d'enfants, de femmes et d'hommes qui en ont urgemment besoin", a-t-il ajouté.


Le président syrien à la Maison Blanche le 10 novembre

Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
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  • Le président syrien Ahmad al-Chareh sera reçu lundi à la Maison-Blanche par Donald Trump, une première historique qui s’inscrit dans les efforts américains pour la paix mondiale
  • Les discussions porteront sur la levée des sanctions, la lutte contre l’État islamique et la reconstruction de la Syrie, après plus de 14 ans de guerre

WASHINGTON: La porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt a indiqué mardi que le président syrien Ahmad al-Chareh serait reçu lundi à la Maison Blanche par Donald Trump.

Il sera le premier chef d'Etat syrien à faire cette visite, qui "fait partie des efforts" du président américain "pour la paix dans le monde", a déclaré la porte-parole pendant une conférence de presse.

Elle a rappelé que Donald Trump, pendant un voyage dans le Golfe en mai, avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie, un sujet qui figurera très haut sur l'ordre du jour de la réunion lundi.

Karoline Leavitt a par ailleurs jugé que la Syrie avait fait "des progrès" sur la voie de la paix avec ce nouveau dirigeant.

Ce sera la deuxième visite aux Etats-Unis d'Ahmad al-Chareh après son passage en septembre à l'ONU à New York, où cet ancien jihadiste est devenu le premier président syrien depuis 1967 à s'adresser à l'Assemblée générale.

Selon le ministre syrien des Affaires étrangères Assaad al-Chaibani, la discussion avec Donald Trump portera aussi sur la lutte contre le groupe Etat islamique et sur la reconstruction en Syrie, après plus de 14 ans de guerre.

Le président américain avait dressé en mai un portrait élogieux d'Ahmad al-Chareh, parlant d'un "gars costaud" et assurant que leur première rencontre, qui a eu lieu en Arabie saoudite, s'était "très bien passée".

Il l'avait pressé à l'époque de rejoindre les accords d'Abraham, une initiative diplomatique dont Donald Trump est particulièrement fier, et qui avait vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.


Soudan: le ministre de la Défense affirme que la guerre va continuer

Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
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  • Le ministre soudanais de la Défense, Hassan Kabroun, a annoncé la poursuite de la guerre contre les paramilitaires des FSR, malgré une proposition américaine de cessez-le-feu
  • Depuis la chute d’El-Facher, des exactions massives sont rapportées, tandis que l’aide humanitaire reste bloquée

PORT-SOUDAN: Le ministre soudanais de la Défense a affirmé mardi que la guerre contre les paramilitaires allait continuer, après une réunion gouvernementale qui a discuté d'une proposition américaine de cessez-le-feu.

"Les préparatifs pour la bataille du peuple soudanais sont en cours", a déclaré le ministre, Hassan Kabroun, dans un discours télévisé.

"Nous remercions l'administration Trump pour ses efforts et ses propositions afin de parvenir à la paix", a-t-il dit, tous en affirmant que la guerre était "un droit national légitime".

Aucun détail sur la proposition américaine n'a été rendu public.

Le gouvernement américain "est tout à fait impliqué" pour tenter de trouver une issue "pacifique" au conflit qui ravage le Soudan, a assuré mardi la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, tout en reconnaissant que "la situation sur le terrain est très compliquée".

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane à son ancien allié Mohamed Hamdane Daglo, chef des Forces de soutien rapide (FSR) qui ont pris le 26 octobre El-Facher, dernière ville de la vaste région du Darfour, dans l'ouest, qui échappait à leur contrôle.

Les combats se concentrent désormais sur la région voisine du Kordofan, dans le centre du Soudan, où l'ONU a fait état d'exactions et de déplacements massifs de population ces derniers jours.

- "Incontrôlable" -

Mardi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exhorté les belligérants à "venir à la table des négociations" et "mettre fin à ce cauchemar de violence, dès maintenant".

"La crise terrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il prévenu, alors que le Conseil de défense et de sécurité présidé par le général Burhane s'est réuni dans la journée pour étudier une proposition américaine de trêve.

L'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, a mené ces derniers jours des entretiens au Caire dans le but de finaliser une proposition de trêve humanitaire formulée mi-septembre sous son égide par un groupe de médiateurs incluant l'Egypte, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis.

Le groupe de médiation, dit du Quad, travaille sur un plan global de paix pour le Soudan, mais ses dernières propositions, présentées mi-septembre à Washington, sont restées lettre morte. Jusqu'à présent, le général Burhane a accueilli négativement ce plan prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.

- "Ne tuez pas les enfants" -

Depuis la chute d'El-Facher, après 18 mois de siège par les paramilitaires, les informations et les témoignages se multiplient sur les exécutions, les pillages, les viols, les attaques contre des humanitaires, documentés par des images satellite et par des vidéos publiées par les combattants eux-mêmes.

Le général Burhane a affirmé sa volonté de "se venger" de la prise de cette grande ville, tandis que le chef des FSR s'est dit déterminé à poursuivre les conquêtes sur le terrain.

Mardi, la représentante de l'ONU en charge des questions humanitaires, Denise Brown, a déploré que la ville d'El-Facher reste "barricadée" et fermée à l'aide humanitaire.

"La livraison d'aide de survie cruciale reste bloquée par les FSR contrairement à leurs obligations à l'égard des lois internationales", a-t-elle déclaré.

Près de 71.000 civils ont fui la ville depuis sa prise par les FSR, certains ayant trouvé refuge à Tawila, à environ 70 km à l'ouest.

"Ne tuez pas les enfants, ne tuez pas les femmes", pouvait-on lire en arabe sur une pancarte écrite à la main lors d'une manifestation lundi d'enfants à Khartoum, la capitale du pays sous contrôle de l'armée.

Le conflit, qui a fait des dizaines de milliers de morts et près de 12 millions de déplacés, selon l'ONU, se joue sur fond de rivalités régionales.

Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, d'après des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient leur implication.


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
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  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.