Tabaski: au Sahel, le commerce de moutons mis en péril par la «maudite» guerre

Un commerçant malien présente son bélier le plus onéreux (400.000 FCFA, soit 610 euros) au marché de Lafiabougou à Bamako, le 13 juillet 2021. Photo ANNIE RISEMBERG AFP
Un commerçant malien présente son bélier le plus onéreux (400.000 FCFA, soit 610 euros) au marché de Lafiabougou à Bamako, le 13 juillet 2021. Photo ANNIE RISEMBERG AFP
Short Url
Publié le Lundi 19 juillet 2021

Tabaski: au Sahel, le commerce de moutons mis en péril par la «maudite» guerre

  • «Il y a une pénurie comme on n'en a jamais connu à cause de cette maudite crise sécuritaire!». Les traits tirés, la tête enveloppée dans un turban bleu, le vendeur de moutons nigérien Ali Zada ne décolère pas
  • Comme lui, ils sont des millions d'éleveurs, revendeurs, et en fin de course acheteurs, à se lamenter de l'impact de la guerre sur «la grande fête» : des moutons moins nombreux, et des prix qui s'envolent

NIAMEY, NIGER :  "Il y a une pénurie comme on n'en a jamais connu à cause de cette maudite crise sécuritaire!". Les traits tirés, la tête enveloppée dans un turban bleu, le vendeur de moutons nigérien Ali Zada ne décolère pas.

Son travail: acheter des moutons dans sa région, Tillabéri (dans la région en conflit dite des "trois frontières" entre Mali, Burkina Faso et Niger), puis les revendre dans la capitale du Niger. Mais cette année, rien ne va: "Avant, je pouvais amener à Niamey jusqu'à 500 têtes de moutons, mais regardez...", dit-il en se tournant.

Rencontré jeudi, à peine trente animaux squelettiques le suivaient alors timidement. Il espérait les avoir revendus d'ici mardi, jour de la fête musulmane du Sacrifice, l'Aïd al-Adha, qu'on appelle Tabaski en Afrique de l'Ouest, où les fidèles partagent en famille et avec leurs voisins un mouton sacrifié le jour même.

Comme lui, ils sont des millions d'éleveurs, revendeurs, et en fin de course acheteurs, à se lamenter de l'impact de la guerre sur "la grande fête" : des moutons moins nombreux, et des prix qui s'envolent. Depuis 2012 et l'émergence d'un conflit indépendantiste dans le nord du Mali, celui-ci s'est métastasé et étendu dans les trois pays du Sahel central (Mali, Burkina Faso et Niger). Des violences communautaires et jihadistes - de groupes affiliés à l'Etat islamique ou à Al-Qaïda - endeuillent désormais quotidiennement ces pays.

En plus d'avoir largement recruté parmi ces populations pastorales marginalisées par les Etats centraux, les jihadistes prélèvent dans les zones où ils sont puissants l'impôt islamique (zakat), souvent sous forme de bétail. Et les pasteurs sont aussi victimes des sécheresses répétitives du Sahel qui ont décimé les cheptels.

Troupeau volé, cousin abattu

A ces pressions jihadiste et climatique s'ajoutent enfin l'essor du banditisme et de groupes armés locaux autoproclamés d'autodéfense. Au fil des ans, le vol de bétail est ipso facto devenu un élément central de l'économie de la guerre.

"Les éleveurs n'ont plus la liberté de leur pleine mobilité", résume Abdoul Aziz Ag Alwaly, cadre du Réseau Billital Maroobé, association ouest-africaine de défense des intérêts des pasteurs. "Sur le parcours entre le lieu d'élevage et le point de vente, il y a de plus en plus de risques et de +frais+", explique-t-il, en référence aux attaques de groupes armés ou au racket de bandits. "Tu élèves tes animaux pendant des mois et un bandit vient les arracher en quelques minutes", dit Mamane Sani, membre d'une association locale de consommateurs nigérienne.

Alors beaucoup d'éleveurs n'ont pas fait le trajet pour la fête, et les marchés des centres urbains ne sont pas bondés comme à l'ordinaire. Au Sahel, chacun connaît quelqu'un à qui il est arrivé malheur. Pour Issa Ouédraogo, vendeur de 33 ans rencontré sur le marché de Tanghin à Ouagadougou au Burkina Faso, c'était un de ses fournisseurs. "Il s'est vu arracher plus de deux cent têtes de bovins, et son cousin qui gardait les bêtes a été abattu", raconte-il.

La mort et l'insécurité "sont devenue la norme pour des millions de Sahéliens, et particulièrement nous autres éleveurs, il faut que les gens s'en rendent compte", souligne un membre d'une association pastorale à Bamako, anonymement.

«C'est plus du double!»

A Toukarou, principal marché à bétail de Niamey, le percepteur de la taxe d'entrée des bêtes en ville Moussa Abdou regrette le passé et ses "incessantes navettes de camions chargés de moutons". En ce moment, dit-il, il y a "un ou deux camions avec quelques dizaines de bêtes par jour, c'est tout!".

Plus loin dans les rues de la capitale nigérienne, sous les 45 degrés du milieu de journée, Maazou Zakou traine les pieds entre ses quinze béliers. "Je suis bien éreinté et les bêtes ne veulent plus avancer", explique l'éleveur, transpirant à grosses gouttes. Il essaie sans succès de les écouler depuis le matin mais ne veut pas se résoudre à baisser le prix de vente.

Partout, on entend le même discours pour expliquer la flambée des prix: du côté des vendeurs, on plaide l'insécurité et les soucis rencontrés sur la route vers le lieu de vente pour augmenter le prix. Les acheteurs, eux, ne peuvent débourser plus que de raison dans un contexte économique délétère.

"Les moutons que l'on payait à 35.000 (53 euros) sont passés à 80.000 (121 euros), c'est plus du double!", explique Ahmed Cissé à Ouagadougou, venu acheter le sien pour la fête. "Les prix sont trop élevés pour la bourse d'un fonctionnaire".

Au Mali, le gouvernement a lancé une "vente promotionnelle" à quelques jours de la Tabaski pour "permettre aux populations les plus défavorisés d'acheter un mouton", selon le ministre de l'Elevage, Youba Ba. L'insécurité a fait monter les prix, reconnait-il, mais il affirme que l'armée a "sécurisé" des corridors pastoraux pour permettre l'acheminement des bêtes. Il se veut rassurant: tout a été fait pour que "chaque Malien ait un mouton à égorger mardi".

par Amaury HAUCHARD à Bamako, Armel BAILY à Ouagadougou et Boureima HAMA à Niamey


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Short Url
  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Short Url
  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.