Le méga-barrage sur le Nil, source de tensions régionales

L'Egypte et le Soudan ont rejeté l'initiative de l'Ethiopie d'entamer sans accord préalable la seconde phase de remplissage de son barrage controversé sur le Nil, une opération qui risque d'aggraver la tension avant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU jeudi. (Photo, AFP)
L'Egypte et le Soudan ont rejeté l'initiative de l'Ethiopie d'entamer sans accord préalable la seconde phase de remplissage de son barrage controversé sur le Nil, une opération qui risque d'aggraver la tension avant une réunion du Conseil de sécurité de l'ONU jeudi. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 19 juillet 2021

Le méga-barrage sur le Nil, source de tensions régionales

  • Le Caire évoque un «droit historique» sur le fleuve, garanti depuis le traité signé en 1929 entre l'Egypte et le Soudan représenté par la Grande-Bretagne, puissance coloniale
  • Le Nil Bleu, qui prend sa source en Ethiopie, rejoint le Nil Blanc à Khartoum pour former le Nil qui traverse le Soudan et l'Egypte avant de se jeter en Méditerranée

ADDIS ABEBA: Le méga-barrage en construction sur le Nil bleu, en Ethiopie, dont un responsable a annoncé lundi le succès de la deuxième phase de remplissage, suscite bien des tensions régionales, notamment avec l'Egypte.

Dix pays 

Avec ses 6 695 kilomètres, le Nil est, à égalité avec l'Amazone, le plus long fleuve du monde et une source d'approvisionnement en eau et en énergie hydraulique vitale dans une région d'Afrique largement aride.


Le bassin du Nil couvre plus de trois millions de km2, soit 10% de la superficie du continent africain, traversant dix pays: Burundi, République démocratique du Congo, Egypte, Ethiopie, Kenya, Ouganda, Rwanda, Soudan du Sud, Soudan et Tanzanie.


Son débit annuel est estimé à 84 milliards de m3.


Le Nil Bleu, qui prend sa source en Ethiopie, rejoint le Nil Blanc à Khartoum pour former le Nil qui traverse le Soudan et l'Egypte avant de se jeter en Méditerranée.

Plus grand barrage d'Afrique 

Lancé en 2011 par l'Ethiopie pour un montant de quatre milliards de dollars, le projet vise à construire l'un des plus grands barrages hydroélectriques d'Afrique. Sa capacité de production initiale, de près de 6.500 mégawatts (MW), a été revue à la baisse à environ 5.000 MW.


Situé sur le Nil Bleu, à une trentaine de kilomètres de la frontière soudanaise, le Grand barrage de la Renaissance (Gerd) est long de 1,8 kilomètre et haut de 145 mètres. 

Approvisionnement en eau 

L'Egypte, pays aride de près de 100 millions d'habitants, dépend du Nil pour environ 97% de ses besoins en eau, y compris pour son agriculture.


Le Caire évoque un "droit historique" sur le fleuve, garanti depuis le traité signé en 1929 entre l'Egypte et le Soudan représenté par la Grande-Bretagne, puissance coloniale. L'Egypte avait alors obtenu un droit de veto sur la construction de projets sur le fleuve.


En 1959, après un accord avec Khartoum sur le partage des eaux, l'Egypte s'attribue un quota de 66% du débit annuel du Nil, contre 22% pour le Soudan.


Mais, en 2010, un nouveau traité est signé par les pays du bassin du Nil, malgré l'opposition de l'Egypte et du Soudan, supprimant le droit de veto égyptien et autorisant des projets d'irrigation et de barrages hydroélectriques. 

Enjeux cruciaux 

L'Ethiopie, puissance régionale émergente, pour qui le projet est essentiel à son développement, affirme que le barrage ne perturbera pas le débit de l'eau.


L'Egypte s'inquiète elle du rythme de remplissage du réservoir géant du Gerd, d'une capacité de 74 milliards de m3. Si le réservoir est rempli sur une période courte, l'écoulement de l'eau du Nil à travers l'Égypte pourrait fortement baisser.


L'Egypte voit dans ce projet une menace "existentielle" et le Soudan a mis en garde contre des "grands risques" pour la vie de millions de personnes.


Après neuf années de blocage dans les négociations, les Etats-Unis et la Banque mondiale ont parrainé à partir de novembre 2019 des discussions visant à trouver un accord, qui ont échoué.


D'autres négociations, sous l'égide de l'Union africaine (UA), sont dans l'impasse depuis avril. L'Egypte et le Soudan ont assuré n'écarter aucune option pour défendre leurs intérêts.


Le 8 juillet, la directrice du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), Inger Andersen, a affirmé qu'un "accord sur le Gerd peut être atteint", lors d'une réunion du Conseil de sécurité organisée à la demande de la Tunisie pour le compte du Caire et de Khartoum.


Mais l'Éthiopie a jugé "inutile" l'intervention des Nations unies estimant qu'un accord sur son barrage était possible avec l'Egypte et le Soudan.


En juillet 2020, l'Ethiopie avait annoncé avoir atteint un premier objectif de remplissage, à 4,9 milliards de mètres cubes. 

- Tensions régionales exacerbées -Autre source de tension régionale, le conflit depuis novembre dans la région éthiopienne du Tigré (nord), a entraîné l'afflux au Soudan de 60.000 personnes fuyant la guerre, dans un pays déjà en crise économique.


Les armées soudanaise et éthiopienne ont récemment remilitarisé la région d'Al-Fashaga, une fertile bande de terre revendiquée par les deux pays, faisant craindre un conflit dans cette zone.


Négociations de paix au Soudan: le chef de l'armée prêt à «collaborer» avec Trump

Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt. (AFP)
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  • Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)"
  • Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise

PORT-SOUDAN: Le chef de l'armée soudanaise et dirigeant de facto du pays, le général Abdel Fattah al-Burhane, s'est dit prêt à collaborer avec le président américain Donald Trump, au moment où les négociations pour un cessez-le-feu menées par les Etats-Unis sont à l'arrêt.

Le général al-Burhane "a affirmé la volonté du Soudan de travailler avec le président Trump, son secrétaire d'État (Marco Rubio) et son envoyé pour la paix au Soudan (Massad Boulos)", a déclaré le ministère des Affaires étrangères pro-armée dans un communiqué publié à l'issue d'un déplacement officiel à Ryad, à l'invitation du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane.

Ce voyage était destiné à discuter de l'initiative présentée par le dirigeant saoudien au président américain lors d'une récente visite officielle à Washington, selon une source gouvernementale soudanaise.

Les négociations de paix menées par les Etats-Unis avec le groupe de médiateurs du Quad (réunissant Egypte, Arabe Saoudite et Emirats) sont à l'arrêt depuis que le général al-Burhane a affirmé que la dernière proposition de trêve transmise par M. Boulos était "inacceptable", sans préciser pourquoi.

Le militaire avait alors fustigé une médiation "partiale" et reproché à l'émissaire américain de reprendre les éléments de langage des Emirats, accusés d'armer les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Abou Dhabi nie régulièrement fournir des armes, des hommes et du carburant aux FSR, malgré des preuves fournies par des rapports internationaux et enquêtes indépendantes.

De leur côté, les FSR ont annoncé qu'ils acceptaient la proposition de trêve mais les attaques sur le terrain n'ont pas pour autant cessé au Kordofan, région au coeur de combats intenses.

Pour l'instant, aucune nouvelle date de négociations n'a été fixée, que ce soit au niveau des médiateurs du Quad ou de l'ONU qui essaie parallèlement d'organiser des discussions entre les deux camps.

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée, qui contrôle le nord et l'est du pays - aux FSR, dominantes dans l'ouest et certaines zones du sud.

Depuis la prise du dernier bastion de l'armée dans la vaste région voisine du Darfour, les combats se sont intensifiés dans le sud du pays, au Kordofan, région fertile, riche en pétrole et en or, charnière pour le ravitaillement et les mouvements de troupes.

Le conflit, entré dans sa troisième année, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, déraciné des millions de personnes et provoqué ce que l'ONU qualifie de "pire crise humanitaire au monde".

 


Le prince héritier saoudien rencontre le chef du conseil de transition soudanais pour discuter de la sécurité et de la stabilité

Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed bin Salman a rencontré lundi à Riyad Abdel Fattah Al-Burhan pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à rétablir la sécurité et la stabilité dans le pays. (SPA)
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  • La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation
  • Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays

RIYADH : Le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane a rencontré Abdel Fattah Al-Burhan à Riyad lundi pour discuter des derniers développements au Soudan et des efforts visant à restaurer la sécurité et la stabilité dans le pays, a rapporté l'Agence de presse saoudienne.

La réunion a eu lieu au palais Al-Yamamah, où le prince héritier s'est entretenu avec le président du Conseil de souveraineté transitoire du Soudan et sa délégation.

Au cours des entretiens, les deux parties ont passé en revue la situation au Soudan, ses implications régionales et les efforts visant à assurer la sécurité et la stabilité dans le contexte de la crise persistante que traverse le pays, a ajouté SPA.

Le ministre saoudien de la défense, le prince Khalid ben Salmane, le ministre des affaires étrangères, le prince Faisal bin Farhan, le ministre d'État et conseiller à la sécurité nationale, Musaed bin Mohammed Al-Aiban, le ministre des finances, Mohammed Al-Jadaan, et l'ambassadeur saoudien au Soudan, Ali Hassan Jaafar, ont également assisté à la réunion.


Cisjordanie: 25 immeubles d'habitation menacés de destruction dans un camp de réfugiés

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  • "Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre"
  • "Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie

TULKAREM: L'armée israélienne va démolir 25 immeubles d'habitation du camp de réfugiés de Nour Chams, dans le nord de la Cisjordanie, ont indiqué lundi à l'AFP des responsables locaux.

Abdallah Kamil, le gouverneur de Tulkarem où se situe le camp, a déclaré à l'AFP avoir été informé par le Cogat --l'organisme du ministère de la Défense israélien supervisant les activités civiles dans les Territoires palestiniens-- que les démolitions interviendraient d'ici la fin de la semaine.

"Nous avons été informés par la coordination militaire et civile que l'occupation (Israël, NDLR) procédera à la démolition de 25 bâtiments le jeudi 18 décembre", a indiqué à l'AFP Faisal Salama, responsable du comité populaire du camp de Tulkarem, proche de celui de Nour Chams, précisant qu'une centaine de familles seraient affectées.

Le Cogat n'a pas répondu dans l'immédiat aux sollicitations de l'AFP, l'armée israélienne indiquant se renseigner.

"Il n'y a aucune nécessité militaire à mener ces démolitions", a affirmé à l'AFP Roland Friedrich, responsable de l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) en Cisjordanie.

Il estime qu'elles s'inscrivent "dans une stratégie plus large visant à modifier la géographie sur le terrain", qualifiant la situation de "tout simplement inacceptable".

"Crise" 

La Cisjordanie est occupée par Israël depuis 1967.

Début 2025, l'armée israélienne y a lancé une vaste opération militaire visant selon elle à éradiquer des groupes armés palestiniens, en particulier dans les camps de réfugiés du nord, comme ceux de Jénine, Tulkarem et Nour Chams.

Au cours de cette opération, l'armée a détruit des centaines de maisons dans les camps, officiellement pour faciliter le passage des troupes.

Selon M. Friedrich, environ 1.600 habitations ont été totalement ou partiellement détruites dans les camps de la région de Tulkarem, entraînant "la crise de déplacement la plus grave que la Cisjordanie ait connue depuis 1967".

Lundi, une vingtaine de résidents de Nour Chams, tous déplacés, ont manifesté devant des véhicules militaires blindés bloquant l'accès au camp, dénonçant les ordres de démolition et réclamant le droit de rentrer chez eux.

"Toutes les maisons de mes frères doivent être détruites, toutes! Et mes frères sont déjà à la rue", a témoigné Siham Hamayed, une habitante.

"Personne n'est venu nous voir ni ne s'est inquiété de notre sort", a déclaré à l'AFP Aïcha Dama, une autre résidente dont la maison familiale de quatre étages, abritant environ 30 personnes, figure parmi les bâtiments menacés.

Disparaître 

Fin novembre, l'ONG Human Rights Watch a indiqué qu'au moins 32.000 personnes étaient toujours déplacées de chez elles dans le cadre de cette opération.

Comme des dizaines d'autres, le camp de Nour Chams a été établi au début des années 1950, peu après la création d'Israël en 1948, lorsque des centaines de milliers de Palestiniens ont fui ou été expulsés de leurs foyers.

Avec le temps, ces camps se sont transformés en quartiers densément peuplés, où le statut de réfugié se transmet de génération en génération.

De nombreux habitants ont affirmé à l'AFP ces derniers mois qu'Israël cherchait à faire disparaître les camps, en les transformant en quartiers des villes qu'ils jouxtent, afin d'éliminer la question des réfugiés.

Nour Chams a longtemps été un lieu relativement paisible où vivaient dans des maisons parfois coquettes des familles soudées entre elles.

Mais depuis quelques années, des mouvements armés s'y sont implantés sur fond de flambées de violence entre Palestiniens et Israéliens et de précarité économique.