Pegasus, le cyber-espion en perpétuelle recherche de failles

Ces communications secrètes ne sont pas visibles par l'utilisateur. Et il est extrêmement difficile d'en retrouver la trace sur des smartphones Android, raison pour laquelle l'enquête d'Amnesty International, à l'origine des révélations, se concentre sur les smartphones d'Apple. (Photo, AFP)
Ces communications secrètes ne sont pas visibles par l'utilisateur. Et il est extrêmement difficile d'en retrouver la trace sur des smartphones Android, raison pour laquelle l'enquête d'Amnesty International, à l'origine des révélations, se concentre sur les smartphones d'Apple. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Lundi 19 juillet 2021

Pegasus, le cyber-espion en perpétuelle recherche de failles

  • C'est «comme si vous mettiez votre téléphone dans les mains de quelqu'un d'autre»
  • Pegasus, une fois introduit dans le smartphone, exporte les données de celui-ci vers des sites internet mis en place par NSO ou ses clients, et constamment renouvelés

PARIS: Le logiciel Pegasus de la société israélienne NSO, accusé d'avoir servi à espionner des militants, journalistes et opposants du monde entier, est un système très sophistiqué, qui exploite en permanence de nouvelles vulnérabilités dans les smartphones.

Comment fonctionne le logiciel espion de NSO?

Pegasus, une fois introduit dans le smartphone, exporte les données de celui-ci (courriers électroniques, contenu des messageries comme Whatsapp ou Signal, photos...) vers des sites internet mis en place par NSO ou ses clients, et constamment renouvelés pour échapper à la détection. 


C'est "comme si vous mettiez votre téléphone dans les mains de quelqu'un d'autre", souligne Alan Woodward, professeur en cybersécurité à l'université du Surrey.


Ces communications secrètes ne sont pas visibles par l'utilisateur. Et il est extrêmement difficile d'en retrouver la trace sur des smartphones Android, raison pour laquelle l'enquête d'Amnesty International, à l'origine des révélations, se concentre sur les smartphones d'Apple.

L'ONU veut une meilleure réglementation des technologies de surveillance

La Haute-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU a réclamé lundi une meilleure "réglementation" du transfert et des technologies de surveillance, à l'instar de Pegasus utilisé pour espionner journalistes et défenseurs des droits.


Les révélations parues dans la presse sur le détournement du logiciel Pegasus, de l'entreprise israélienne NSO Group, "confirment le besoin urgent de mieux réglementer la vente, le transfert et l'utilisation" de ces technologies de surveillance "et d'en assurer un strict contrôle et autorisation".


"Sans cadre règlementaire respectueux des droits de l'homme, il y a tout simplement trop de risques que ces outils soient détournés pour intimider les critiques et réduire au silence ceux qui contestent", a souligné Mme Bachelet.


"Les gouvernements devraient cesser immédiatement d’utiliser ces techniques de surveillance pour violer les droits humains, et doivent prendre des mesures concrètes pour protéger contre ces intrusions dans la vie privée en règlementant la distribution, l’utilisation et l'exportation de ces technologies de surveillance créées par d'autres", a-t-elle ajouté.


Les révélations sur l'usage de Pegasus par plusieurs pays pour espionner journalistes ou défenseurs des droits sont "extrêmement inquiétantes et semblent confirmer les pires craintes sur la potentielle perversion de l'usage de ces technologies de surveillance pour illégalement miner les droits humains des gens", a encore affirmé l’ancienne présidente du Chili.


Ces méthodes poussent aussi à l'autocensure en imposant un climat de peur, et "nous souffrons tous quand les journalistes et les défenseurs des droits, qui jouent un rôle indispensable dans nos sociétés, sont réduits au silence", a martelé la Haute-commissaire, rappelant aux Etats que les mesures de surveillances ne sont "justifiées que des circonstances limitées et clairement définies".

Comment le code malveillant est-il introduit sur le smartphone de la victime?

Dans son histoire, déjà longue et bien documentée, notamment par Amnesty, NSO a utilisé des SMS piégés, des bugs dans Whatsapp, iMessage, Apple Music... 


Au début, un geste de l'utilisateur était requis pour déclencher l'injection du code piégé: cliquer sur un lien par exemple.


Mais les dernières attaques n'avaient plus besoin d'un geste actif du propriétaire du smartphone pour réussir. 

Comment NSO trouve des failles pour introduire son logiciel? 

Au moins autant, sinon plus, que le logiciel espion lui-même, c'est la capacité de NSO à trouver sans relâche de nouvelles portes d'entrées dans les smartphones et à les exploiter qui fait son savoir-faire.


NSO est une grosse entreprise (un millier d'employés), qui a recruté des hackers d'élite pour rechercher elle-même les failles. 


Selon les experts, elle a aussi certainement recours au "marché gris", sur lequel des chercheurs en cybersécurité au comportement plus ou moins éthique monnayent les failles qu'ils ont trouvées. Les attaquants - qu'il s'agisse d'Etats, de sociétés privées comme NSO, ou de criminels - payent toujours beaucoup plus que les éditeurs de logiciels pour chaque vulnérabilité découverte. 


Les failles les plus prisées sont les "zero days", les failles que personne n'a encore détectées et qui sont donc imparables.


Selon Bastien Bote, directeur technique pour l'Europe du sud de Lookout, éditeur d'un logiciel de protection des smartphones, les "zero days" les plus performants peuvent se monnayer jusqu'à 2 millions de dollars pour iOS (le système d'exploitation des smartphones Apple) et 2,5 millions de dollars pour Android. Pour des applications comme Whatsapp ou iMessage, la valeur peut atteindre 1,5 million de dollars.

Espionnés par le Maroc, des médias français déposent plainte

Le site d'information Mediapart et l'hebdomadaire satirique Le Canard Enchaîné ont annoncé lundi qu'ils allaient déposer des plaintes à Paris, après des informations indiquant que les téléphones de certains de leurs journalistes ont été espionnés par un service marocain, à l'aide du logiciel israélien Pegasus.


"Les numéros des téléphones portables de Lénaïg Bredoux et d'Edwy Plenel (cofondateur du site) figurent parmi les 10 000 que les services secrets du Maroc ont ciblés en utilisant le logiciel espion fourni par la société israélienne NSO", a confirmé Mediapart dans un article publié lundi, après la publication des révélations sur Pegasus par un consortium de médias (dont Le Monde, le Guardian et le Washington Post).


"Pendant plusieurs mois, l’appareil répressif du royaume chérifien a ainsi violé l’intimité privée de deux journalistes, porté atteinte au métier d’informer et à la liberté de la presse, volé et exploité des données personnelles et professionnelles. Aucun autre téléphone d’un membre de l’équipe de Mediapart n’a été espionné", a précisé le journal en ligne.


Dans son article, le média d'investigation explique que le but était d'essayer de "faire taire les journalistes indépendants au Maroc, en cherchant à savoir comment nous enquêtions dans ce domaine". 


C'est pourquoi il indique avoir décidé de déposer plainte dès ce lundi au nom de ses deux journalistes, auprès du procureur de la République à Paris, pour que la justice puisse "mener une enquête indépendante sur cet espionnage d'ampleur organisé en France par le Maroc".

Peut-on se protéger contre ces logiciels espion?

Oui, et non. 


Certaines précautions simples permettent de limiter les risques, comme tout simplement éteindre son smartphone au moins une fois par jour: ce simple geste peut suffire à contrecarrer le fonctionnement de bon nombre de programmes espions.


Ou encore conserver les logiciels de son smartphone à jour. Dans le cas contraire, souligne M. Woodward, "certaines des anciennes failles qu'Apple a réparées, et que Google a réparées sur Android - elles peuvent toujours être là".

Le Maroc rejette les accusations d'espionnage

Le Maroc a catégoriquement démenti lundi le recours par ses services de sécurité au logiciel israélien Pegasus pour espionner journalistes ou personnalités nationales ou étrangères, comme l'en accusent plusieurs médias internationaux.


Le gouvernement marocain a, dans un communiqué, dénoncé comme "mensongères" les informations selon lesquelles les services de sécurité du royaume "ont infiltré les téléphones de plusieurs personnalités publiques nationales et étrangères et de responsables d'organisations internationales à travers un logiciel informatique".


Selon une enquête publiée dimanche par un consortium de 17 médias internationaux, dont les quotidiens Le Monde, The Guardian et The Washington Post, des militants, journalistes et opposants du monde entier ont été espionnés grâce au logiciel Pegasus élaboré par l'entreprise israélienne NSO Group.


L'enquête se fonde sur une liste obtenue par le réseau basé en France Forbidden Stories et Amnesty International, comptant selon eux 50 000 numéros de téléphone sélectionnés par les clients de NSO depuis 2016 pour une surveillance potentielle.

 


Le marché offre également des solutions de protection des smartphones, mais celles-ci sont encore peu utilisées car "les gens se sentent plus en confiance sur leur mobile que sur leur PC", regrette Bastien Bote.


Mais le spécialiste reconnaît aussi qu'il n'est pas possible de garantir une protection totale: "Si quelqu'un veut cibler un smartphone bien particulier, et s'en donne les moyens" -- qu'il chiffre à "7 ou 8 chiffres", donc des millions ou des dizaines de millions de dollars --, "il y arrivera."


Pour les personnes gérant des informations très sensibles, il peut être utile d'utiliser un appareil non relié à internet - un vieux téléphone portable, ou un smartphone dont l'accès aux données est coupé.


Xi Jinping attendu en visite d'Etat en France les 6 et 7 mai, l'Ukraine à l'agenda

Le président chinois Xi Jinping (Photo, AFP).
Le président chinois Xi Jinping (Photo, AFP).
Short Url
  • Il s'agit du début de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19
  • Paris évoque une visite très politique sans grands contrats à attendre, même si Emmanuel Macron espère attirer de nouveaux investissements chinois

PARIS: Le président chinois Xi Jinping est attendu en visite d'État en France les 6 et 7 mai pour évoquer avec Emmanuel Macron les crises internationales, dont la guerre en Ukraine, mais aussi célébrer les 60 ans des relations diplomatiques entre les deux pays.

Il s'agit du début de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, qui avait vu le géant asiatique couper longuement nombre d'interactions avec le reste du monde.

Xi Jinping doit atterrir à Paris dimanche 5 mai au soir, avant d'enchaîner des étapes en Serbie puis en Hongrie, où il est attendu du 8 au 10 mai, ont aussi confirmé lundi les autorités chinoises.

Cette visite en France intervient après celle du président français à Pékin et Canton en avril 2023, a rappelé l'Elysée dans un communiqué.

"Les échanges porteront sur les crises internationales, au premier rang desquelles la guerre en Ukraine et la situation au Moyen-Orient, les questions commerciales, les coopérations scientifiques, culturelles et sportives ainsi que sur nos actions communes face aux enjeux globaux, notamment l’urgence climatique, la protection de la biodiversité et la situation financière des pays les plus vulnérables", a ajouté la présidence française.

Paris évoque une visite très politique sans grands contrats à attendre, même si Emmanuel Macron espère attirer de nouveaux investissements chinois, notamment dans les batteries électriques.

Lin Jian, porte-parole de la diplomatie chinoise, a estimé pour sa part que les deux dirigeants tenteront de "faire de nouvelles contributions à la paix, à la stabilité, au développement et au progrès du monde".

Il y a un an en Chine, Emmanuel Macron avait appelé Xi Jinping à "ramener la Russie à la raison" à l'égard de l'Ukraine "et tout le monde à la table des négociations".

Peu après, le président chinois avait appelé son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky pour la première fois depuis le début du conflit en février 2022. Mais les avancées diplomatiques escomptées par Paris sur le front russo-ukrainien s'étaient arrêtées là.

Un an plus tard, l'analyse française n'a pas varié.

"Il faut continuer d'engager la Chine qui, objectivement, est l'acteur international qui dispose des leviers les plus importants pour changer le calcul de Moscou", dont elle reste le principal allié, glisse-t-on de source diplomatique française, tout en reconnaissant qu'il ne faut pas s'attendre à un tournant majeur du jour au lendemain.

Les autorités chinoises se disent officiellement neutres et appellent à une solution de paix, mais n'ont jamais condamné l'invasion russe. Le président russe Vladimir Poutine doit se rendre en Chine en mai.

"La France, par cette visite, démontre qu'elle fait partie des très rares pays au monde à être en mesure de maintenir des canaux de discussion à tous les niveaux avec la deuxième puissance économique mondiale, avec la Chine, dans un contexte où il y a une relation tendue avec les États-Unis et le Royaume-Uni", avance-t-on encore de source diplomatique française.

Dîner d'État

Le chancelier allemand Olaf Scholz a déjà demandé mi-avril à Pékin au président Xi de faire pression pour que Moscou cesse sa "campagne insensée" en Ukraine, tout en affirmant le soutien germano-chinois à une conférence de paix prévue en juin en Suisse.

Le numéro un chinois a aussi reçu la semaine dernière le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken, auprès duquel il a appelé les États-Unis à "être des partenaires, pas des rivaux". Le secrétaire d'État américain a pour sa part dit avoir fait part à la Chine de ses inquiétudes concernant le soutien apporté à la Russie, affirmant que l'invasion de l'Ukraine serait plus "difficile" sans le soutien de Pékin.

Le président chinois et son épouse Peng Liyuan seront reçus le 6 mai par Emmanuel et Brigitte Macron à Paris, où un dîner d'État est prévu à l'Élysée. Le 7 mai, les deux couples se rendront dans les Hautes-Pyrénées où le chef de l'État français veut partager un moment plus intime avec son homologue.

Il s'y est en effet beaucoup rendu dans son enfance pour rendre visite à sa grand-mère maternelle, Germaine Noguès, décédée en 2013 et qui habitait à Bagnères-de-Bigorre (sud-ouest).

L'an dernier, Xi Jinping avait reçu son invité à Canton pour une cérémonie du thé dans la résidence du gouverneur de la province du Guangdong, où son père, Xi Zhongxun, a vécu quand il occupait ce poste de 1978 à 1981.


Le Premier ministre écossais Humza Yousaf pourrait démissionner

Humza Yousaf, Premier ministre écossais et chef du Parti national écossais (SNP) (Photo, AFP).
Humza Yousaf, Premier ministre écossais et chef du Parti national écossais (SNP) (Photo, AFP).
Short Url
  • Humza Yousaf, 39 ans, avait été élu à la tête du SNP en mars 2023, après la démission surprise de la charismatique Nicola Sturgeon
  • Si Humza Yousaf démissionne, le parlement aura 28 jours pour se trouver un nouveau Premier ministre

ÉDIMBOURG: Le Premier ministre écossais Humza Yousaf envisage de démissionner, rapportent lundi des médias britanniques, menacé par un vote de défiance quelques jours après avoir mis fin à la coalition gouvernementale entre son parti, le SNP, et les écologistes.

Humza Yousaf, 39 ans, avait été élu à la tête du SNP en mars 2023, après la démission surprise de la charismatique Nicola Sturgeon.

Premier dirigeant musulman à diriger un grand parti britannique, il incarnait la continuité avec sa prédecesseure, dont il était un des plus proches alliés, et avait continué de porter haut le combat pour l'indépendance de l'Ecosse.

Mais jeudi dernier, Humza Yousaf avait annoncé mettre fin à la coalition gouvernementale entre le SNP et les Verts écossais, sur fonds notamment de désaccord sur la politique environnementale. Le SNP, le Scottish National Party, domine largement le Parlement local d'Edimbourg depuis 2007 - avec 63 sièges sur 129 -, mais il gouvernait depuis 2021 grâce à son alliance avec les Verts.

Dans la foulée de la fin de la coalition, les oppositions conservatrice et travailliste avaient déposé chacune une motion de défiance contre Humza Yousaf, dont le vote est prévu cette semaine. Et les Verts ont annoncé qu'ils voteraient contre le Premier ministre.

Mis en minorité, le SNP se cherche donc de nouveaux alliés, mais selon la BBC, il a écarté une alliance avec le parti Alba, autre formation indépendantiste.

Si Humza Yousaf démissionne, le parlement aura 28 jours pour se trouver un nouveau Premier ministre.

Tourmente

Le parti indépendantiste au pouvoir est dans la tourmente depuis la démission surprise en février 2023 de sa dirigeante Nicola Sturgeon.

Il est plombé par une enquête pour détournement de fonds pour laquelle a été inculpé son ancien directeur général.

Au niveau national, le parti, qui compte 43 députés au Parlement à Londres, se trouve menacé d'un retour en force du parti travailliste en Ecosse lors des élections législatives prévues cette année.

Son combat pour l'autodétermination de l'Ecosse se trouve quant à lui dans l'impasse depuis que la Cour suprême britannique a statué fin 2022 que seul le gouvernement britannique pouvait autoriser un nouveau référendum.

Le dernier vote, en 2014, avait été remporté par le "non" à l'indépendance à 55%.

Dans le système politique britannique, le gouvernement écossais est compétent sur de nombreux domaines, comme l'éducation, la santé, la justice et l'environnement, tandis que le gouvernement britannique, basé à Londres, conserve notamment les pouvoirs de défense et de politique étrangère.


Négociations de la dernière chance pour protéger efficacement le monde de futures pandémies

"La prochaine pandémie n'est pas une question de si, mais quand elle aura lieu", a rappelé mercredi le chef de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. (AFP).
"La prochaine pandémie n'est pas une question de si, mais quand elle aura lieu", a rappelé mercredi le chef de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. (AFP).
Short Url
  • Après deux années de travaux, les négociateurs ont dû se rendre à l'évidence le mois dernier: il leur faut plus de temps pour tenter de se mettre d'accord sur ce texte historique sur la prévention, la préparation et la réponse aux futures pandémies
  • Le temps presse, il doit être adopté lors de l'Assemblée mondiale de la santé qui commence le 27 mai

GENEVE: Il s'agit de protéger efficacement et équitablement le monde de futures pandémies. Les négociations de la dernière chance commencent lundi à l'OMS pour trouver un consensus autour d'un projet d'accord sur un texte déjà édulcoré de certains de ses aspects les plus disputés.

Après deux années de travaux, les négociateurs ont dû se rendre à l'évidence le mois dernier: il leur faut plus de temps pour tenter de se mettre d'accord sur ce texte historique sur la prévention, la préparation et la réponse aux futures pandémies. Le temps presse, il doit être adopté lors de l'Assemblée mondiale de la santé qui commence le 27 mai.

Les 194 pays de l'Organisation mondiale de la santé reviennent donc à son siège, à Genève, de lundi au 10 mai.

"La prochaine pandémie n'est pas une question de si, mais quand elle aura lieu", a rappelé mercredi le chef de l'OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Le souvenir des millions de morts, de la souffrance, des injustices et des immenses dégâts économiques de la pandémie de Covid-19 s'estompe et "si une nouvelle pandémie commençait demain, nous serions confrontés à bon nombre des mêmes problèmes auxquels nous avons été confrontés avec le Covid-19", regrette le patron de l'OMS.

Nouveau projet édulcoré

Malgré un large consensus sur la nécessité d'un texte contraignant pour rendre la réponse de la communauté internationale plus efficace et plus équitable, de grandes divergences subsistent sur la manière de s’y prendre.

Arrivés à une impasse - le document de travail était quasiment illisible à force d'ajouts et de réserves - les négociateurs se retrouvent avec une version simplifiée de 23 pages et un quart de mots de moins.

Les principaux différends tournent autour de l'accès et de l'équité: accès aux agents pathogènes découverts, accès aux produits de lutte contre la pandémie tels que les vaccins développés à partir de ces découvertes et distribution équitable non seulement des tests, traitements et vaccins contre la pandémie mais aussi des moyens de les produire.

Le nouveau projet se concentre sur les points d'accord pour établir un cadre et tenter de trouver l'indispensable consensus.

Il réserve certains des points les plus délicats à de futures discussions au cours des deux prochaines années, tout particulièrement l'accès aux pathogènes et le partage des produits issus de la recherche sur ces microbes.

Rien de concret 

K. M. Gopakumar, chercheur principal au Third World Network - l'une des ONG qui suit de près les négociations et a décortiqué le nouveau texte - estime qu'il "est dépourvu de tout résultat concret en matière d'équité et ne crée aucune obligation juridique pour faciliter un accès prévisible et durable au financement, aux produits et à la technologie liés à la pandémie".

Pour Médecins sans frontières, les obligations en matière de transfert de technologie vers les pays les plus pauvres "restent faibles".

En revanche, la garantie d'un accès équitable aux médicaments issus de la recherche et développement sur des fonds publics a survécu aux coupes claires, salue l'organisation Initiative Médicaments contre les maladies négligées (DNDi).

Mais les obligations "qui auraient garanti que les gens puissent bénéficier du progrès scientifique et avoir un accès équitable aux produits dont ils auront besoin ont été affaiblies ou supprimées du texte et doivent être rétablies", a demandé Michelle Childs, de la DNDi.

« Chronologie féroce »

Les négociateurs pourraient être encouragés à trouver un terrain d'entente par les nouvelles sur le front de l'épizootie de grippe aviaire qui refait des ravages depuis 2020.

Le virus H5N1 a récemment infecté des troupeaux de vaches aux Etats-Unis, une première.

Si pour l'heure aucun cas de transmission d'humain à humain n'a été enregistré, la circulation intense du H5N1 et sa capacité à sauter d'une espèce à l'autre inquiètent.

Deux semaines, "c'est un calendrier très serré", a reconnu vendredi Margaret Harris, une porte-parole de l'OMS.

La Maison Blanche a réaffirmé l'engagement des Etats-Unis pour arriver à un accord.

Tsegab Kebebew Daka, ambassadeur d'Ethiopie à Genève, estime que "les différences dans le texte ne sont pas énormes. Ce sont principalement des différences d'idées, et elles ne sont pas si nombreuses".

Et l'ambassadrice d'Australie Amanda Gorely de résumer: "Toutes les délégations doivent se rassembler et se concentrer sur la recherche d'un consensus".