Si Israël veut se débarrasser de sa réputation d'État d'apartheid, il lui suffit de ne plus agir comme il le fait

De nombreux Israéliens préfèrent éluder la vérité selon laquelle leur pays est un État d'apartheid. Au lieu de cela, ils cherchent à trouver des excuses afin de maquiller cette prise de conscience chez les Juifs; cette attitude constitue le noyau dur d'Israël, et plus particulièrement chez les Juifs d'Amérique, qui influencent grandement la politique américaine à l'égard d'Israël. (Photo Arab News).
De nombreux Israéliens préfèrent éluder la vérité selon laquelle leur pays est un État d'apartheid. Au lieu de cela, ils cherchent à trouver des excuses afin de maquiller cette prise de conscience chez les Juifs; cette attitude constitue le noyau dur d'Israël, et plus particulièrement chez les Juifs d'Amérique, qui influencent grandement la politique américaine à l'égard d'Israël. (Photo Arab News).
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Publié le Jeudi 22 juillet 2021

Si Israël veut se débarrasser de sa réputation d'État d'apartheid, il lui suffit de ne plus agir comme il le fait

Si Israël veut se débarrasser de sa réputation d'État d'apartheid, il lui suffit de ne plus agir comme il le fait
  • Si seulement 25% des Juifs américains jugent qu'Israël est un État d'apartheid, il faut se demander si les 75% qui restent n'ont pas subi un lavage de cerveau
  • Je crois que la plupart des Juifs américains ont conscience, au fond d'eux-mêmes, du fait qu'Israël exerce une forme d'apartheid

Parmi les gens qui vivent en Israël et qui soutiennent ce pays, nombreux sont ceux qui continuent à vivre dans le déni au lieu d'accepter cette réalité: ce pays perpétue les pires crimes de guerre au monde.

Le Conseil démocrate juif d'Amérique (JDCA) a publié la semaine dernière les résultats d'un sondage réalisé auprès d'électeurs juifs américains. Son objectif était de savoir ce qu’ils pensaient de l'ancien président Donald Trump et de son successeur, Joe Biden. Comme la communauté juive d'Amérique compte environ 7 millions de personnes – un nombre légèrement supérieur à celui des Juifs qui vivent en Israël (6,7 millions) –, tout sondage réalisé auprès des Juifs américains revêt une grande importance. Chose étonnante, il semble que les résultats de ce sondage aient été minimisés lors de leur publication.

Même si les Juifs américains qui pensent qu'Israël est un État d'apartheid ne représentent que 25% de cette communauté, force est de constater qu'un problème sérieux se pose.

L'enquête de la JDCA a été suivie d'un communiqué de presse qui indiquait que 76% des Juifs américains avaient voté en faveur de Biden. Mais l’un des aspects de ce sondage a été occulté et n’a fait l’objet de presque aucun commentaire: le quart des personnes interrogées pensent qu'Israël est un État d'apartheid, c’est-à-dire une nation qui impose des lois discriminatoires à l'égard des personnes sur la base de leur ethnie, de leur culture ou de leur religion. Ce chiffre passe à 38% chez les personnes âgées de moins de 40 ans.

Si cette révélation peut sembler surprenante pour les partisans d'Israël, qu'ils soient activistes ou journalistes, elle ne paraît pas déranger le reste du public. En effet, Israël constitue officiellement un État «juif» qui dispose de plus de soixante-cinq lois discriminatoires à l'égard des citoyens non juifs – des lois qui les privent de l'égalité des droits.

Un chroniqueur du quotidien Jerusalem Post – pour lequel j'ai écrit plusieurs tribunes il y a quelques années dans l’intention de sensibiliser les Juifs d'Israël par l'humour – affirme que, si tant de Juifs considèrent Israël comme un État d'apartheid, c'est parce que les parents juifs d'Amérique ne renseignent pas leurs enfants au sujet d’Israël. Mais, comme j'ai grandi dans le South Side de Chicago au sein d'une communauté sans doute plus juive que celle de Tel Aviv, je suis bien placé pour affirmer que les parents juifs accordent une grande importance à l'éducation et qu’ils lui donnent probablement une plus grande place que les autres groupes ethniques.

Les Juifs américains font partie des personnes les plus éduquées des États-Unis; si seulement 25% d'entre eux jugent qu'Israël est un État d'apartheid, il faut se demander si les 75% qui restent n'ont pas subi un lavage de cerveau qui les empêche de voir la vérité en face.

De nombreux Israéliens préfèrent éluder la vérité selon laquelle leur pays est un État d'apartheid. Au lieu de cela, ils cherchent à trouver des excuses afin de maquiller cette prise de conscience chez les Juifs; cette attitude constitue le noyau dur d'Israël, et plus particulièrement chez les Juifs d'Amérique, qui influencent grandement la politique américaine à l'égard d'Israël.

Même si les Juifs américains qui pensent qu'Israël est un État d'apartheid ne représentent que 25% de cette communauté, force est de constater qu'un problème sérieux se pose. Les Juifs américains font partie des personnes les plus éduquées des États-Unis; si seulement 25% d'entre eux jugent qu'Israël est un État d'apartheid, il faut se demander si les 75% qui restent n'ont pas subi un lavage de cerveau qui les empêche de voir la vérité en face.

Aux yeux des Juifs d'Israël, qui passent leur vie à nier les violations des droits civils et des droits de l'homme commises par leur pays, les résultats de ce sondage signifient que les Juifs américains ont «omis» de renseigner leurs enfants au sujet d’Israël. Je suis tout à fait d'accord: les Juifs américains ne transmettent pas à leurs enfants la réalité d'Israël, mais des mensonges. S'ils leur disaient la vérité, le pourcentage de Juifs américains qui considèrent qu'Israël est un État d'apartheid serait beaucoup plus élevé.

Je suis convaincu que la plupart des Juifs américains, voire une majorité des Juifs d'Israël, sont conscients des pratiques racistes et discriminatoires d'Israël à l’égard des non-Juifs et, surtout, des Palestiniens. Toutefois, le véritable problème tient au fait que les Juifs américains qui ont eu le courage de répondre à cette question avec honnêteté et d'admettre la vérité ne représentent que 25% de cette communauté. À l'instar de la plupart des Juifs d'Israël, beaucoup de Juifs américains choisissent de fermer les yeux sur les violences perpétrées par le gouvernement israélien à l'encontre de certains individus au seul motif qu'ils appartiennent à d'autres races, ethnies ou religions.

Je le répète, j'ai grandi au milieu d'une communauté juive à Chicago. En effet, j'ai publié un ouvrage à ce sujet intitulé Arabs of ChicagolandLes Arabes de Chicagoland»). À cette époque, dans les années 1960, les Juifs et les Arabes des États-Unis étaient proches, malgré le conflit en Palestine. On se connaît les uns les autres et j'ai appris à respecter la communauté juive des États-Unis. La communauté juive américaine a joué un rôle important dans la prise de position contre les lois et les politiques racistes du pays contre les Noirs. Dans les années 1970, elle a été la première à condamner les politiques d'apartheid menées par l'Afrique du Sud, ce qui a finalement abouti à l'effondrement du gouvernement sud-africain. Dans le même temps, le gouvernement israélien a adhéré à ces mêmes politiques et s'en est servi pour défendre une violation de plus en plus marquée des droits des Palestiniens, notamment après avoir occupé Jérusalem et la Cisjordanie en 1967.

Je crois que la plupart des Juifs américains ont conscience, au fond d'eux-mêmes, du fait qu'Israël exerce une forme d'apartheid. De la même façon, ils redoutent ce qui adviendrait si les Palestiniens cessaient d’être opprimés.

Ma position peut paraître évidente aux yeux de certains, puisque je suis un Américain d'origine palestinienne; mais ils oublient que je suis marié à une Juive. Cela fait des années que j'ai compris que seule la vérité peut libérer un peuple; je l'ai appris des militants juifs des droits civiques qui se sont dressés contre l'antisémitisme et la haine raciste. Si Israël veut se débarrasser de sa réputation d'État d'apartheid, il lui suffit de ne plus agir comme il le fait.

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et un chroniqueur plusieurs fois primé de la mairie de Chicago. Il peut être contacté sur son site personnel à l'adresse www.Hanania.com.

Twitter: @RayHanania

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com