En Tunisie, «le peuple n'acceptera jamais une nouvelle dictature»

Un symbole loin d'être anodin dans ce petit pays qui fait figure de phare démocratique dans la région, depuis sa révolution de 2011, quand des manifestations monstres avaient chassé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali en 2011. (Photo, AFP)
Un symbole loin d'être anodin dans ce petit pays qui fait figure de phare démocratique dans la région, depuis sa révolution de 2011, quand des manifestations monstres avaient chassé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali en 2011. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 27 juillet 2021

En Tunisie, «le peuple n'acceptera jamais une nouvelle dictature»

  • Si plusieurs pays ont averti d'un risque de régression du berceau du Printemps arabe vers un modèle autoritaire, Najet Ben Gharbia, baguette en main, espère mieux
  • «Kais Saied, c'est un prof (de droit), pas un politicien, il est comme nous»

TUNIS: L'espoir l'emporte: malgré des symboles démocratiques corsetés par les armes, la vie reprend son cours mardi à Tunis, où nombre d'habitants veulent croire au coup politique du président Kais Saied pour "sauver" une Tunisie en crise, sans pour autant lui accorder une confiance aveugle.


Depuis que M. Saied a suspendu dimanche les activités du Parlement et limogé le Premier ministre, un blindé bloque l'accès au palais du Bardo, où travaillent habituellement les députés.


Un symbole loin d'être anodin dans ce petit pays qui fait figure de phare démocratique dans la région, depuis sa révolution de 2011, quand des manifestations monstres avaient chassé le dictateur Zine El Abidine Ben Ali en 2011.


Si plusieurs pays ont averti d'un risque de régression du berceau du Printemps arabe vers un modèle autoritaire, Najet Ben Gharbia, baguette en main, espère mieux.


Cette habitante du quartier du Bardo attendait une décision forte "depuis longtemps". Dix ans après la révolution, "il y a encore beaucoup de pauvreté, les gens sont misérables", souffle-t-elle dans son pantalon fleuri.


L'inflation continue éprouve cette garde-malade de 47 ans. Avec son salaire mensuel de 600 dinars (180 euros), elle s'interdit la viande rouge, devenue trop chère, et s'inquiète pour l'avenir de son fils, qui vivote en travaillant dans un café.

«Un seul pouvoir»
La pandémie de Covid-19 et son cortège de restrictions n'ont fait qu'aggraver leur situation.


La priorité est à l'action, pas aux atermoiements, estime-t-elle, comme des milliers d'autres Tunisiens qui ont crié leur joie dans la rue après les annonces du président. 


"Kais Saied, c'est un prof (de droit), pas un politicien, il est comme nous", rappelle-t-elle. "On est sûr de lui, il n'est pas comme Ben Ali, ce n'est pas un dictateur".


Un sentiment partagé chez les Tunisiens rencontrés par l'AFP, même si certains s'inquiètent de le voir devenir "un dictateur".


Après des heurts lundi devant le Parlement entre partisans du président et ceux de la formation d'inspiration islamiste Ennahdha, arrivée en tête des dernières législatives, le calme est revenu à Tunis. 


Hormis les barrages policiers bloquant l'avenue Bourguiba, principale artère de la capitale, difficile de deviner que le pays traverse une grave crise politique.


La sérénité apparente ne signifie pas pour autant que Kais Saied bénéficie d'un chèque en blanc. Comme lui, Ben Ali avait d'abord invoqué la Constitution en 1987 pour prendre le pouvoir, puis le confisquer.


"On craint un peu ce qu'il peut advenir, de revenir à l'époque de Ben Ali", admet Mourtadha al-Saïdi, étudiant de 19 ans. "Maintenant, il y a un seul pouvoir, c'est le président qui a le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire."

«On attend de voir»
Mais face à la crise sanitaire et économique, et à la paralysie politique provoquée ces derniers mois par le bras de fer entre le président et Ennahdha, la tentation d'un homme à poigne séduit.


"Ce que fait le président, c'est dans notre intérêt. Depuis 2011, les partis n'ont rien fait à part vendre nos biens aux étrangers et aux grandes familles de Tunis", estime Mounir Mabrouk. 


Le quinquagénaire s'inquiète toutefois de la fermeture "irresponsable" du bureau de la chaîne qatarie Al-Jazeera, investie par des policiers, alors que la liberté de la presse est l'une des fiertés de la Tunisie. Sans toutefois y voir un signal décisif.


Selon lui, "le peuple n'approuvera jamais une nouvelle dictature".


En terrasse avec ses amis, Lassaad Mahouachi ne s'alarme pas lui non plus. Ce retraité n'imagine pas la Tunisie sombrer dans une dérive autocratique.


Pour lui, le "gouvernement n'a rien fait contre l'épidémie de Covid". Le pays enregistre l'un des pires taux de mortalité officiel du monde.


"Tous les Tunisiens sont dégoûtés. C'était le meilleur moment pour agir", confirme Hosni Mkhali, chauffeur de taxi de 47 ans. "Maintenant, on attend de voir."


Le président a dit qu'il choisirait un nouveau Premier ministre. En cas de dérive, le peuple saura se faire entendre, selon lui. "La Tunisie a changé. Dans la rue, ce ne sont plus les Tunisiens de Bourguiba ou de Ben Ali".


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.