A Hong Kong, la mort à petit feu de la société civile

Un navire traversant le port Victora à Hong Kong  le 16 juillet 2021. Photo AFP
Un navire traversant le port Victora à Hong Kong le 16 juillet 2021. Photo AFP
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Publié le Mercredi 28 juillet 2021

A Hong Kong, la mort à petit feu de la société civile

  • Des centaines d'élus locaux qui jettent l'éponge, des associations dissoutes et des citoyens qui n'osent plus s'engager... La société civile hongkongaise se meurt à petit feu à mesure que Pékin remodèle le territoire à son image
  • «Même les voix les plus pacifiques et rationnelles ne sont plus autorisées. Et beaucoup d'organisations se dissolvent elles-mêmes", déplore le créateur d'un mouvement étudiant de 2019

 

HONG KONG : Des centaines d'élus locaux qui jettent l'éponge, des associations dissoutes et des citoyens qui n'osent plus s'engager... La société civile hongkongaise se meurt à petit feu à mesure que Pékin remodèle le territoire à son image.

Quelques jours avant que la Chine n'impose il y a un an à sa région semi-autonome une loi drastique sur la sécurité nationale pour accélérer sa reprise en main, Wong Yat-chin crée un mouvement étudiant, Student Politicism. On est quelques mois après l'immense mobilisation populaire de 2019. Il vient de terminer ses examens et entend être une voix d'opposition dans un territoire où la liberté de parole est toujours, sur le papier, garantie. 

Son idée est de promouvoir le débat sur la démocratie ou sur les droits des prisonniers au moyen de stands éphémères dans la rue, comme on en voyait souvent avant la pandémie. Depuis, il a été arrêté cinq fois. "Chaque jour, la ligne rouge se rapproche", confie le garçon de 20 ans à l'AFP.

Il explique que certains lieux où il comptait installer son stand l'ont gentiment invité à ne pas le faire, expliquant que la police leur avait expressément rappelé les restrictions décidées contre la pandémie. 

Triomphe électoral de l'opposition

"Même les voix les plus pacifiques et rationnelles ne sont plus autorisées. Et beaucoup d'organisations se dissolvent elles-mêmes", déplore-t-il.

La société civile, explique-t-il, est "en train de se recroqueviller et de dépérir". C'est la conséquence d'une implacable stratégie en deux temps de Pékin pour écraser la dissidence, alors que les élections locales de la fin 2019 avaient été marquées par un quasi grand chelem de l'opposition pro-démocratie dans les conseils de district.

Il y a d'abord eu la loi sur la sécurité nationale, en vertu de laquelle plus de 120 personnes ont été arrêtées, presque toutes pour leurs opinions politiques. Puis il y a cette campagne en cours des autorités locales, nommée "Hong Kong dirigé par les patriotes". Le but? Vérifier la loyauté des fonctionnaires et élus locaux.

A l'heure actuelle, la plupart des chefs de file de la mouvance pro-démocratie sont soit en prison, soit visés par une enquête judiciaire, soit en exil. Plus de 250 conseillers de districts ont préféré démissionner plutôt que de devoir se plier au test de loyauté, s'évitant ainsi des ennuis avec les autorités.

Les conseils de districts étaient les seules assemblées totalement élues au suffrage universel. 

Rembourser ses notes de frais?

Les démissions se sont multipliées ces dernières semaines quand des sources officielles ont laissé entendre que les élus disqualifiés pour "déloyauté" pourraient devoir rembourser leurs notes de frais... Lo Kin-hei, président du Parti démocrate, l'un des plus grands et des plus anciens partis d'opposition, fait partie des démissionnaires.

"La répression, par son ampleur et sa vitesse d'exécution, a dépassé tout ce que l'on pouvait imaginer, nous laissant tous abasourdis un an après", dit-il à l'AFP. Pendant les deux décennies qui ont suivi la rétrocession en 1997, et conformément au principe "Un pays, deux systèmes", dissidence et pluralisme politique ont été tolérés à Hong Kong, ce qui contrastait totalement avec le reste de la Chine.

Désormais, "nous sommes au point le plus bas en 30 ans", observe M. Lo. Et l'hécatombe ne touche pas que le monde politique. Des associations modérées et des syndicats de médecins, d'avocats ou de fonctionnaires se sont aussi dissous au cours de l'année écoulée.

L'AFP a dénombré pas moins de 30 organisations qui ont mis la clé sous la porte, ou cessé de communiquer publiquement ces 12 derniers mois.

«C'est devenu dangereux»

L'un des plus grands syndicats de médecins, l'Association des médecins du public, envisage également d'arrêter, selon son ancienne présidente Arisina Ma, déplorant "la perte d'espace pour s'exprimer et l'absence d'impact". "C'est vraiment devenu dangereux", dit-elle. "Avant, si le gouvernement n'aimait pas vos prises de position, il vous ignorait. Mais maintenant il peut lancer des poursuites."

Nombre de diplomates étrangers déplorent eux aussi que beaucoup de Hongkongais refusent de les rencontrer, de crainte de se voir accuser de "collusion avec les forces étrangères". Les autorités affirment, elles, que la loi sur la sécurité nationale a permis de rétablir la stabilité à Hong Kong, et que la campagne sur le patriotisme permet de neutraliser les forces antichinoises.

Le Conseil législatif (Legco), le parlement de Hong Kong, ne compte plus aucun député d'opposition. Tous les futurs élus devront prouver leur loyauté, sachant que, de toute façon, moins du quart de l'assemblée sera élu au suffrage universel. Wong Yat-chin ne cache pas qu'il se sent souvent gagné par le pessimisme et un sentiment d'impuissance.

Mais il affirme qu'il continuera de dresser son stand dans la rue, et ce "pour rappeler aux autres qu'il y a quelqu'un qui n'a pas baissé les bras".


A l'ONU, l'enquêtrice en chef sur Gaza a encore espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés

Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
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  • Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide"
  • Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger"

GENEVE: Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés.

"La justice est lente", a affirmé l'ancienne juge sud-africaine, dans un entretien à l'AFP.

Mais "comme l'a dit (Nelson) Mandela, cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse. Je considère qu'il n'est donc pas impossible qu'il y ait des arrestations et des procès" à l'avenir, a-t-elle ajouté.

La commission d'enquête, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, a établi qu'Israël commet un génocide à Gaza depuis le début de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas du 7-Octobre.

Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide".

Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger".

La Cour pénale internationale (CPI) avait déjà émis des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant.

Mme Pillay reconnaît que la CPI dépend des Etats pour la mise en œuvre des mandats d'arrêt car elle n'a "ni shérif, ni forces de police".

Mais elle veut y croire, faisant une comparaison : "Je n'aurais jamais pensé que l'apartheid prendrait fin de mon vivant".

"Tellement douloureux" 

Jeune avocate d'origine indienne dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, devenue juge et Haute-Commissaire aux droits de l'homme à l'ONU (2008-2014), Mme Pillay, 83 ans, a l'art de traiter des dossiers difficiles.

Sa carrière l'a menée des cours sud-africaines, où elle a défendu les activistes anti-apartheid et obtenu des droits cruciaux pour les prisonniers politiques, au Tribunal pénal international pour le Rwanda, en passant par la CPI.

Sa mission est des plus ardues depuis qu'elle préside, depuis sa création en 2021, la commission chargée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU d'enquêter sur les atteintes aux droits dans les territoires palestiniens et en Israël.

Elle déplore d'avoir été qualifiée d'"antisémite" depuis et dénonce les appels sur les réseaux sociaux de ceux qui réclament que les Etats-Unis la sanctionnent, comme Washington l'a fait pour une rapporteure de l'ONU, des juges de la CPI et des ONG palestiniennes.

Mais le plus dur, pour elle et son équipe, est de visionner les vidéos provenant de Gaza.

"Nous nous inquiétons pour notre personnel. Nous les surmenons et c'est traumatisant ces vidéos", dit-elle, citant "des violences sexuelles contre les femmes" et "les médecins qui sont dénudés par l'armée".

"C'est tellement douloureux" à regarder même si "on ne peut pas comparer notre souffrance à celle de ceux qui l'ont vécue", poursuit-elle.

Alors qu'elle présidait le Tribunal pénal international pour le Rwanda, des vidéos de civils abattus ou torturés l'ont aussi "marqué à vie".

Selon elle, la comparaison entre le Rwanda et Gaza ne s'arrête pas là : "Je vois des similitudes. Ce sont les mêmes méthodes".

Du Rwanda à Gaza 

"Dans le cas du Rwanda, c'était le groupe des Tutsi qui était visé. Ici, tous les éléments de preuve montrent que c'est le groupe palestinien qui est visé", dit-elle.

Elle mentionne aussi les propos de dirigeants israéliens qui "déshumanisent" les Palestiniens en les comparant à des "animaux". Comme lors du génocide rwandais, lorsque les Tutsi étaient "traités de cafards", ce qui revient à dire qu'"il est acceptable de les tuer", dénonce-t-elle.

Mme Pillay a indiqué qu'à l'avenir la commission entendait se pencher aussi sur des crimes supposés commis par d'autres "individus", expliquant qu'une grande partie des preuves a été publiée par les soldats israéliens eux-mêmes sur les réseaux sociaux.

Elle déplore toutefois que, faute de financements, la commission n'ait pas pu encore examiner si certains Etats qui fournissent de l'armement à Israël pouvaient être considérés complices.

Un travail qu'elle laisse à son successeur. Elle quitte la commission le 3 novembre en raison de son âge et de problèmes de santé.

Avant cela, elle doit présenter un dernier rapport devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York. "J'ai déjà un visa", confie-t-elle.


Gaza: Bruxelles propose de taxer des biens importés d'Israël dans l'UE et de sanctionner deux ministres

La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.  "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
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  • L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres
  • Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE

BRUXELLES: La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.

"Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas.

Les mesures commerciales devraient, si elles étaient adoptées par les pays de l'UE, renchérir de quelque 227 millions d'euros le coût de certaines importations israéliennes, principalement d'origine agricole.

La Commission européenne a également proposé de sanctionner deux ministres israéliens d'extrême droite, Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich chargé des Finances, selon un responsable de l'UE.

L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres. Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE.

"Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. La guerre doit cesser", a toutefois plaidé mercredi Mme Kallas. Ces propositions seront sur la table des représentants des 27 Etats membres dès mercredi.

Les sanctions dans le domaine commercial ne nécessitent que la majorité qualifiée des Etats membres. Mais là encore, un accord sera difficile à obtenir, jugent des diplomates à Bruxelles.

Des mesures beaucoup moins ambitieuses, également présentées par la Commission européenne il y a quelques semaines, n'avaient pas trouvé de majorité suffisante pour être adoptées. Avait notamment fait défaut le soutien de pays comme l’Allemagne ou l'Italie.

Les exportations israéliennes vers l'UE, son premier partenaire commercial, ont atteint l'an dernier 15,9 milliards d'euros.

Seuls 37% de ces importations seraient concernés par ces sanctions, si les 27 devaient donner leur feu vert, essentiellement dans le secteur agro-alimentaire.


Trump s'en prend à des magistrats après l'assassinat de Charlie Kirk

Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
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  • Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X
  • Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre

WASHINGTON: Le président américain Donald Trump a de nouveau stigmatisé mercredi des magistrats qui l'avaient poursuivi et jugé durant le mandat de Joe Biden, prenant prétexte du récent assassinat de l'influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X.

Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre.

"Pourquoi le merveilleux Turning Point a-t-il été mis sous ENQUÊTE par le +Dérangé+ Jack Smith et l'administration Biden Corrompue et Incompétente ?", s'interroge Donald Trump dans un message sur Truth.

"Ils ont essayé de forcer Charlie, ainsi que de nombreuses autres personnes et mouvements, à cesser leurs activités. Ils ont instrumentalisé le ministère de la Justice contre les opposants politiques de Joe Biden, y compris MOI!", s'offusque-t-il encore.

Jack Smith, lui-même visé par une enquête administrative depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, avait été nommé procureur spécial en 2022.

Il avait lancé des poursuites fédérales contre Donald Trump, pour tentatives illégales d'inverser les résultats de l'élection de 2020 et rétention de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche.

Les poursuites avaient été abandonnées après la réélection de Trump, en vertu de la tradition consistant à ne pas poursuivre un président en exercice. Jack Smith avait ensuite démissionné du ministère de la Justice.

Sans jamais le citer nommément, le président Trump s'en prend également sur le réseau Truth à Juan Merchan, qui a présidé le procès Stormy Daniels. Le président avait été reconnu coupable de 34 chefs d'accusation, pour des paiements cachés de 130.000 dollars à l'ex-star du X.

Donald Trump exprime le souhait que le juge "corrompu" paie "un jour un prix très élevé pour ses actions illégales".

Depuis l'assassinat de Charlie Kirk, le camp républicain redouble de véhémence contre les démocrates et organisations progressistes, accusés de promouvoir la violence politique.

"La gauche radicale a causé des dégâts énormes au pays", a affirmé le président républicain mardi, avant son départ au Royaume-Uni. "Mais nous y remédions".

Selon le Washington Post, un élu républicain du Wisconsin a déposé une proposition de loi visant à bloquer les fonds fédéraux aux organisations employant des personnes "qui tolèrent et célèbrent la violence politique".

Le New York Times précise pour sa part que sont notamment dans le viseur l'Open Society Foundation du milliardaire George Soros ainsi que la Ford Foundation, qui toutes deux financent des organisations de gauche.