Les proches des victimes de l'explosion de Beyrouth plus déterminés que jamais

Une vue d’ensemble du port de Beyrouth, près d’un an après l'explosion meurtrière du 4 août 2020 qui a tué plus de 200 personnes. (Photo, Reuters)
Une vue d’ensemble du port de Beyrouth, près d’un an après l'explosion meurtrière du 4 août 2020 qui a tué plus de 200 personnes. (Photo, Reuters)
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Publié le Mardi 03 août 2021

Les proches des victimes de l'explosion de Beyrouth plus déterminés que jamais

  • Les familles des individus qui ont perdu la vie ont prévu un service religieux commémoratif au port
  • Lundi, les drapeaux libanais étaient hissés partout dans la ville, sur les balcons et les commerces, en prévision de l'anniversaire

BEYROUTH : Le peuple libanais marquera mercredi le premier anniversaire de l'explosion dévastatrice dans le port de Beyrouth, le pire désastre à accabler le pays depuis la fin de la guerre.

Le 4 août 2020, l’explosion massive détruit une grande partie de la capitale et fait au moins 214 morts et plus de 6 500 blessés. Elle est causée par 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium, entreposées au port pendant plusieurs années sans mesure de sécurité adéquates.

Les familles des victimes qui ont perdu la vie ont prévu un service religieux commémoratif au port. Des entreprises se sont engagées à couvrir la ville de rubans noirs ce jour-là, et les militants ont organisé un nombre de manifestations contre le gouvernement.

Lundi, les drapeaux libanais étaient hissés partout dans la ville, sur les balcons et les commerces, en prévision de l'anniversaire.

Un an après le drame, les familles des victimes restent déterminées à obtenir justice et à demander des comptes aux personnes responsables des actes de négligence à l’origine de l’explosion.

«Nos manifestations vont bientôt gagner en férocité», martèle Ibrahim Hoteit, dont le frère, Tharwat, a été tué.

Hoteit dénonce un «État odieux qui n'a même pas pris la peine de nous offrir ses condoléances». Les autorités «ont destitué le juge Fadi Sawan simplement parce qu'il s'est rapproché de (leurs) idoles sectaires et politiques. Aujourd'hui, un nouvel acte s’ajoute à cette pièce de théâtre, intitulé «immunité» (contre les poursuites, NDLR)».

Sawan, initialement nommé pour enquêter sur l'explosion, est retiré de l'enquête en février, quand deux anciens ministres qu'il accuse de négligence déposent une plainte contre lui. Les demandes pour lever l'immunité d'un nombre de hauts fonctionnaires afin qu'ils soient interrogés ne sont pas accordées non plus.

Hoteit, qui dit s’exprimer au nom des familles des victimes, accorde «trente heures aux autorités pour lever l'immunité des accusés, anciens ministres, députés actuels et les responsables de la sécurité y compris».

Ces mêmes autorités qui d’ailleurs réclament selon lui des manifestations plus pacifiques. «Nous ne sommes pas la police de la discipline», s’insurge l’homme. S’adressant aux responsables, il rappelle que «le peuple libanais a le droit d'exprimer sa colère et sa rage par tous les moyens disponibles et légitimes parce que vous ayez détruit le pays. Ne comptez jamais sur nous pour prendre le rôle de médiateurs».

Un comité de familles des victimes a rejeté lundi toute tentative de politiser leur cause.

À l'occasion de l'anniversaire de l'explosion, Amnesty International a publié une déclaration. Le groupe de défense des droits de l'homme accuse les autorités libanaises d'avoir passé le plus clair de «l'année dernière à entraver de manière éhontée la quête des victimes pour la vérité et la justice à la suite de l'explosion catastrophique».

Walid Taha, 67 ans, se trouvait à quelques centaines de mètres de l'explosion ce jour-là. À Arab News, il dit espérer obtenir de l’aide afin de participer «à la journée de deuil au côté des familles des victimes, des blessés et des manifestants».

«Je suis pris par l’envie de commettre un acte insensé, détruire quelque chose même, mais mon esprit m'arrête. La colère ne me fera aucun bien, ni ne guérira pas mes blessures qui me font souffrir depuis», dit-il.  «L'explosion m'a brisé les côtes, l'épaule et le genou, et je ne dors plus», ajoute le survivant.

Taha, qui est ingénieur électrique, a travaillé à Djeddah pendant dix ans avant de rentrer à Beyrouth en 2015 rejoindre sa famille. Adepte de pêche, il avait obtenu un permis de la Sûreté Générale du Liban pour pratiquer cette passion au port. Le 4 août, il va pêcher pour la première fois après la levée du confinement, imposé en raison de la Covid-19. Il s’installe au quai 11, là où le bateau de croisière Orient Queen est amarré. Vers 17 heures, il appelle sa femme et lui décrit un incendie au quai 9, à seulement 300 mètres de lui. Il croyait que le silo ne contenait que des feux d'artifice.

«J'ai parlé aux autres pêcheurs, et nous avons finalement décidé de rester car ce n’étaient que des feux d'artifice», raconte-t-il.

Mais le bruit des déflagrations devenait de plus en plus fort, selon lui.

«Je me tenais devant le bateau de croisière et ma vue était obstruée. Vers 18 heures, une explosion s'est produite et a projeté des roches de mon côté, alors je me suis précipité vers ma voiture. Des hôtesses philippines, membres du personnel du bateau de croisière, marchaient sur le quai et l'une d'entre elles est rentrée dans ma voiture pour se protéger», poursuit-il.

«Lorsque la deuxième explosion massive a frappé, la voiture a été projetée dans la mer, mais les vagues, hautes comme un immeuble de dix étages, nous ont ramenés là où nous étions. J'ai perdu connaissance jusqu'à ce que mon fils vienne me chercher dans les décombres» déclare Taha.

«J'ai entendu sa voix crier mon nom, et tout ce que j'ai pu faire, c'est lever la tête et lui dire :Je suis là'. Il a contacté la Défense civile, qui m'a secouru et m'a emmené à l'hôpital. Mon fils a dû marcher entre des dizaines de corps et des blessés qui saignaient», se désole-t-il.

Trois des meilleurs amis de Taha sont morts sur le quai, «dont deux officiers à la retraite et un marchand de légumes qui pêchait pour subvenir aux besoins de sa famille».

Il ajoute que «ce jour-là, plus de cinquante personnes faisaient du jogging sur les quais du port. Certains sont morts, d'autres ont été blessés et handicapés. L’un de mes amis a survécu à l'explosion parce qu'il s’était déplacé au quai 14 pour trouver plus de poissons. Les filles philippines qui marchaient près de moi ont disparu, elle se sont peut-être noyées dans la mer».

Taha affirme avoir payé lui-même les frais de ses soins et sa réhabilitation, et assure «personne ne se soucie des blessés ni de leur sort».

«Je revis le choc chaque jour. J’ai probablement besoin d'une thérapie, je ne sais pas. Mais j'ai perdu mon travail car ma douleur est constante et je ne peux parcourir de longues distances à pied».

L’homme n’a pas de grands espoirs de voir la vérité sur l'explosion et les responsables révélée. Les véritables auteurs de l'assassinat de l'ancien président américain John F. Kennedy serait dévoilée bien avant, ironise-t-il. Il se dit désespéré quant aux perspectives de justice dans un pays où l'État ne se soucie pas de ses citoyens.

«Je passais tous les jours devant le silo qui contenait du nitrate d'ammonium», raconte Taha, «c'était un silo abandonné, à la porte rouillée, où les gens allaient parfois uriner».

«Pour entrer dans le port, il fallait passer par trois points de contrôle de sécurité», se souvient-il. «Les services de renseignements de l'armée, la sécurité générale et l'armée vérifiaient l'identité des visiteurs et validaient leur permis. Mais ça n’a pas empêché l'explosion de se produire».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


L'Égypte coordonne avec la Grèce le retour des victimes du bateau de migrants et met en garde contre les itinéraires irréguliers

L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016. (File/AFP)
L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016. (File/AFP)
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  • Le ministère a ajouté que l'ambassade était en contact avec les familles des personnes décédées afin d'organiser le transfert des dépouilles dans leur pays d'origine
  • Présentant ses condoléances aux familles des victimes, le ministère a renouvelé son avertissement aux citoyens concernant les risques de la migration irrégulière, exhortant les Égyptiens à protéger leur vie en utilisant des moyens de transport légaux

DUBAI: Les mesures prises par l'Égypte ont reçu le soutien de la communauté internationale, l'Union européenne s'étant engagée à verser 200 millions d'euros de subventions en mars 2024 pour renforcer la gestion des frontières.
Le ministre égyptien des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a demandé à l'ambassade égyptienne à Athènes de renforcer la coordination avec les autorités grecques, a rapporté Ahram Online mardi.

Cette mesure vise à soutenir les survivants et à accélérer le rapatriement des corps des victimes une fois les procédures légales achevées.

Le ministère a ajouté que l'ambassade était en contact avec les familles des personnes décédées afin d'organiser le transfert des dépouilles dans leur pays d'origine.

Présentant ses condoléances aux familles des victimes, le ministère a renouvelé son avertissement aux citoyens concernant les risques de la migration irrégulière, exhortant les Égyptiens à protéger leur vie en utilisant des moyens de transport légaux et réglementés.

L'Égypte a intensifié ses efforts pour freiner la migration irrégulière depuis le lancement d'une stratégie nationale en 2016, les responsables soulignant que le pays ne sera pas utilisé comme voie de transit vers l'Europe.

Les autorités affirment qu'aucun bateau de migrants n'a quitté les côtes égyptiennes depuis l'introduction de la stratégie, bien que l'Égypte accueille près de 10 millions de ressortissants étrangers, y compris des réfugiés, des demandeurs d'asile et des migrants de 133 pays.

L'approche a continué à évoluer au fil des ans, tout récemment avec l'adoption du plan d'action national 2024-2026 par le Comité national pour la lutte et la prévention de la migration illégale et de la traite des personnes.

Des initiatives antérieures ont également soutenu ces efforts, notamment le programme "Lifeboats" de 2019, qui a alloué 250 millions EGP pour créer des opportunités d'emploi dans les villages considérés comme les plus vulnérables à la migration irrégulière.

Les mesures prises par l'Égypte ont bénéficié d'un soutien international, l'Union européenne s'étant engagée à verser 200 millions d'euros de subventions en mars 2024 pour renforcer la gestion des frontières, les capacités de recherche et de sauvetage et les efforts de lutte contre le trafic de migrants.


Explosion du port de Beyrouth: un juge libanais en Bulgarie pour l'enquête

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  • Un tribunal bulgare avait refusé le 10 décembre d'extrader Igor Grechushkin, un citoyen russo-chypriote de 48 ans, faute d'assurances suffisantes du Liban qu'il n'appliquerait pas la peine de mort
  • Arrêté à l'aéroport de Sofia en septembre sur la base d'une notice rouge d'Interpol, il est accusé par les autorités judiciaires libanaises d'"introduction d'explosifs au Liban"

BEYROUTH: Le juge libanais Tarek Bitar s'est déplacé mercredi en Bulgarie pour interroger le propriétaire du navire lié à l'explosion meurtrière dans le port de Beyrouth en 2020, a indiqué un responsable judiciaire à l'AFP.

Un tribunal bulgare avait refusé le 10 décembre d'extrader Igor Grechushkin, un citoyen russo-chypriote de 48 ans, faute d'assurances suffisantes du Liban qu'il n'appliquerait pas la peine de mort.

M. Grechushkin est désigné par les autorités libanaises comme le propriétaire du Rhosus, le navire qui transportait le nitrate d'ammonium débarqué dans le port de Beyrouth dans un entrepôt, où il avait explosé suite à un incendie, faisant plus de 200 morts, des milliers de blessés et d'importants dégâts.

Arrêté à l'aéroport de Sofia en septembre sur la base d'une notice rouge d'Interpol, il est accusé par les autorités judiciaires libanaises d'"introduction d'explosifs au Liban, acte terroriste ayant entraîné la mort d'un grand nombre de personnes et désactivation de machines dans le but de faire couler un navire", selon le parquet bulgare.

"M. Bitar est parti pour Sofia mercredi" et doit interroger M. Grechushkin jeudi, a précisé sous couvert d'anonymat un responsable de la justice libanaise à l'AFP.

L'ambassade libanaise à Sofia s'est occupée de trouver un traducteur et un huissier chargé de prendre en note l'interrogatoire, qui se fera en présence d'autorités judiciaires bulgares, a précisé la même source.

La justice libanaise espère obtenir des informations sur la cargaison de nitrate d'ammonium et en particulier son commanditaire. Elle veut aussi savoir si Beyrouth était la destination finale du navire.

Le juge indépendant Tarek Bitar avait repris en début d'année l'enquête qu'il avait dû interrompre en janvier 2023, se heurtant à l'hostilité d'une grande partie de la classe politique, notamment du Hezbollah qui l'accusait d'impartialité, avant d'être poursuivi pour insubordination.

Son enquête a pu reprendre après l'entrée en fonction du président Joseph Aoun et de son Premier ministre, qui ont promis de préserver l'indépendance de la justice, à la suite de la guerre entre Israël et le Hezbollah dont le mouvement chiite soutenu par l'Iran est sorti très affaibli à l'automne 2024.


«Des habitants meurent de froid»: Gaza frappé par de nouvelles intempéries

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs. (AFP)
Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs. (AFP)
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  • "Avec les fortes pluies et le froid apportés par la tempête Byron, des habitants de la bande de Gaza meurent de froid", a écrit lundi sur X Philippe Lazzarini, le chef de l'agence de l'ONU chargée des réfugiés palestiniens (Unrwa)
  • "Nos aides attendent depuis des mois d'entrer à Gaza. Elles permettraient de couvrir les besoins de centaines de milliers de personnes en détresse", a-t-il déploré

GAZA: De nouvelles pluies hivernales se sont abattues cette semaine sur la bande de Gaza, déjà ravagée par la guerre, faisant au moins 18 morts depuis le début des intempéries.

Des Palestiniens poussant une voiture dans une rue inondée, une charrette tirée par un âne progressant difficilement à travers les eaux, des tentes et des abris de fortune de déplacés inondés: la situation s'aggrave dans un territoire palestinien en ruines.

"Avec les fortes pluies et le froid apportés par la tempête Byron, des habitants de la bande de Gaza meurent de froid", a écrit lundi sur X Philippe Lazzarini, le chef de l'agence de l'ONU chargée des réfugiés palestiniens (Unrwa).

"Nos aides attendent depuis des mois d'entrer à Gaza. Elles permettraient de couvrir les besoins de centaines de milliers de personnes en détresse", a-t-il déploré.

Si un cessez-le-feu est entré en vigueur en octobre après deux années de guerre entre Israël et le mouvement islamiste Hamas, l'ONU estime que l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante face à l'ampleur des besoins de la population démunie.

Nourrissons «en danger»

Selon le ministère de la Santé de Gaza, dirigé par le Hamas, un nouveau-né est décédé lundi des suites d'une hypothermie sévère causée par un froid extrême. Le ministère ajoute qu'il avait été admis à l'hôpital il y a deux jours et placé en soins intensifs.

Trois enfants étaient décédés dans des conditions similaires la semaine dernière, d'après la Défense civile, organisation de premiers secours opérant sous l'autorité du mouvement islamiste.

Si un cessez-le-feu est entré en vigueur en octobre, l'ONU estime que l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante face à l'ampleur des besoins de la population démunie.

Environ 1,3 million de personnes, sur une population de plus de deux millions d'habitants dans le territoire, ont actuellement besoin d'un hébergement d'urgence, selon les Nations unies, qui mettent en garde contre un risque croissant d'hypothermie.

Les nourrissons encourent particulièrement un "grand danger" avec les conditions hivernales, avertit l'organisation.

«Reconstruire le territoire»

La Défense civile de Gaza avait indiqué vendredi qu'au moins 16 personnes étaient mortes en 24 heures des suites de l'effondrement de bâtiments ou des effets du froid.

Outre le nourrisson, le porte-parole de l'organisation, Mahmoud Bassal, a fait état mardi d'un autre décès après l'effondrement du toit d'un bâtiment à la suite de fortes pluies dans le nord-ouest de la ville de Gaza.

Il a précisé que la maison avait déjà été endommagée par des frappes aériennes pendant la guerre.

Des images de l'AFP montrent des secouristes extraire le corps d'un Palestinien des décombres d'un bâtiment. Non loin, des proches en deuil pleurent.

"Nous appelons le monde à résoudre nos problèmes et à reconstruire le territoire afin que nous puissions avoir des maisons au lieu (...) de vivre dans la rue", a déclaré Ahmed al-Hossari, qui a perdu un membre de sa famille.

La bande de Gaza connaît généralement un épisode de fortes pluies à la fin de l'automne et en hiver, mais l'état de dévastation du territoire, des conséquences de la guerre, a rendu ses habitants plus vulnérables.