Ethiopie: face à l'extension du conflit, le Premier ministre appelle à la mobilisation générale

Le Premier ministre Abiy Ahmed (Photo, AFP).
Le Premier ministre Abiy Ahmed (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 10 août 2021

Ethiopie: face à l'extension du conflit, le Premier ministre appelle à la mobilisation générale

  • Le conflit au Tigré connaît depuis fin juin un spectaculaire renversement de situation
  • Le 28 juin, les forces rebelles pro-TPLF ont repris Mekele, puis une grande partie du Tigré

ADDIS ABEBA: Le Premier ministre Abiy Ahmed a appelé mardi "tous les Éthiopiens aptes et majeurs" à rejoindre les forces armées, alors que le conflit qui dure depuis neuf mois au Tigré s'est étendu ces dernières semaines à deux régions voisines du nord du pays.

"C'est maintenant le moment pour tous les Éthiopiens aptes et majeurs de rejoindre les forces de défense, les forces spéciales et les milices et de montrer leur patriotisme", a déclaré dans un communiqué le bureau du Premier ministre, moins de deux mois après avoir décrété un cessez-le-feu.

Le conflit au Tigré connaît depuis fin juin un spectaculaire renversement de situation.

Les combats ont débuté en novembre après l'envoi par le Premier ministre Abiy Ahmed de l'armée fédérale au Tigré pour destituer les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF). Selon le prix Nobel de la Paix 2019, cette opération répondait à des attaques contre des camps de l'armée fédérale ordonnées par le TPLF.

Il a proclamé la victoire fin novembre après la prise de la capitale régionale Mekele.

Mais le 28 juin, les forces rebelles pro-TPLF ont repris Mekele, puis une grande partie du Tigré.

L'Unesco inquiète pour Lalibela, patrimoine mondial

L'Unesco s'est dite "sérieusement préoccupée par la protection" du site de Lalibela, en Éthiopie, après la prise de la ville par les forces du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).

"L"Unesco est sérieusement préoccupée par la protection du site du #PatrimoineMondial des Églises creusées dans le roc de #Lalibela ( #Éthiopie), suite aux rapports faisant état de l'extension du conflit", a tweeté mardi l'organisation de l'ONU pour l'éducation, la science et la culture, basée à Paris.

Lalibela, ville emblématique de la région Amhara, célèbre pour ses églises taillées dans le roc, a été prise jeudi dernier par les forces rebelles de la région en guerre du Tigré, qui ont avancé dans les régions voisines. Face à la progression du TPLF, l'Éthiopie a menacé de déployer "sa capacité totale de défense".

Dans un communiqué publié dès vendredi sur son site, l'Unesco avait appelé "à s'abstenir de tout acte qui pourrait exposer à des dommages" ce lieu de "pèlerinage, de dévotion et de paix" et demandé "que toutes les précautions nécessaires soient prises pour empêcher toute tentative de pillage et de saccage des biens culturels situés dans cette zone".

"Les onze églises rupestres monolithiques médiévales de cette ‘nouvelle Jérusalem’ du XIIIe siècle sont situées dans une région montagneuse au cœur de l'Éthiopie, à proximité d'un village traditionnel aux habitations de forme circulaire. 

Haut lieu du christianisme éthiopien, le site des Églises creusées dans le roc de Lalibela a été inscrit sur la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco en 1978", rappelle l'organisation.

Les églises de Lalibela sont uniques et sont situées sous le niveau du sol, entourées de profondes douves sèches. Seuls leurs toits sont visibles depuis la surface. Les cours entourant ces lieux de culte extraordinaires ne sont accessibles que par des escaliers et des tunnels.

Formée d'un seul bloc, elles regorgent d'ornements et de fenêtres sculptées en forme de croix. 

Lalibela tire son nom du roi Gebre Mesqel Lalibela dont la légende veut qu'il ait fait construire onze églises avec l'aide d'anges après que Dieu lui eut ordonné d'édifier une "Nouvelle Jérusalem".

Située à 680 km d'Addis Abeba, Lalibela est une destination populaire auprès des touristes étrangers et des orthodoxes éthiopiens. La religion orthodoxe est la plus pratiquée dans le pays.

Après un cessez-le-feu décrété par Abiy Ahmed -officiellement pour des raisons humanitaires- et le retrait des soldats éthiopiens, les forces tigréennes ont poursuivi leur offensive vers les régions voisines de l'Amhara, au sud, et de l'Afar, à l'est.

Dans sa déclaration, le bureau du Premier ministre annonce que désormais les forces de sécurité "ont pour instruction de mettre fin une fois pour toutes à la destruction menée par l'organisation traîtresse et terroriste du TPLF et les machinations étrangères".

Civils tués en Afar

Mardi, un responsable d'un hôpital en Afar a indiqué à l'AFP qu'au moins 12 civils ont été tués et des dizaines blessés le 5 août dans la localité de Galicoma.

Selon le Dr Abubeker Mahammud, directeur de l'hôpital de référence de la ville de Dubti, les survivants affirment avoir été visés par des combattants du TPLF. 

Des responsables régionaux de l'Afar ont évoqué, eux, un bilan d'au moins 200 morts, qui n'a pas pu être vérifié de manière indépendante.

Ayish Yasin, cheffe du bureau pour les femmes et les enfants au sein du gouvernement régional, a notamment déclaré à l'AFP que "200 corps de civils ont été retrouvés (...) et plus de 48 sont toujours portés disparus". "Sur les 200 corps, 107 sont des enfants", a-t-elle ajouté.

Le HCR retrouve l'accès aux camps de réfugiés érythréens au Tigré

Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a indiqué mardi avoir retrouvé l'accès aux camps de réfugiés érythréens d'Adi Harush et de Mai Aini, dans la région éthiopienne en guerre du Tigré.

"De violents affrontements dans la région avaient empêché le personnel du HCR d'accéder à ces camps depuis le 13 juillet", a expliqué un porte-parole de l'organisation, Boris Cheshirkov, lors d'un point de presse à Genève.

La livraison de l'aide d'urgence aux camps d'Adi Harush et de Mai Aini a repris le 5 août pour les 23.000 réfugiés qui s'y trouvent.

"Cependant, l'accès demeure limité du fait de la situation sécuritaire complexe et instable et les réfugiés continuent de faire face à des conditions de vie difficiles. Les services essentiels tels que les soins de santé ne sont toujours pas assurés et l'eau potable se raréfie", a affirmé le porte-parole du HCR.

L'organisation demande un "passage sûr" afin de permettre aux réfugiés de Mai Aini et d'Adi Harush d'être transférés vers le nouveau site d'Alemwach, près de la ville de Dabat, qui se trouve en dehors de la région du Tigré.

Alors que le HCR et l'Agence éthiopienne pour les réfugiés et les rapatriés (Arra), achèvent les travaux à Alemwach, des logements d'urgence dans des abris communautaires à Dabat ont été identifiés.

Depuis le 4 août, le HCR, en collaboration avec l'Arra et l'ONG Wise, a aussi commencé à délivrer des documents d'identification, dont la durée de validité est de trois ans, aux réfugiés érythréens qui ont fui vers Addis Abeba depuis les camps de Shimelba et de Hitsats, au nord du Tigré, qui avaient été détruits début 2021.

Les combats dans le nord de l'Ethiopie ont débuté en novembre dernier après l'envoi par le Premier ministre Abiy Ahmed de l'armée fédérale au Tigré pour destituer les autorités régionales, issues du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF).

Le HCR est préoccupé par de récents déplacements forcés dus aux combats dans les régions éthiopiennes d'Amhara et d'Afar, limitrophes du Tigré. Selon l'ONU, quelque 100.000 personnes sont déplacées à l'intérieur du pays dans la région d'Amhara et 70.000 autres dans celle d'Afar. 

Le HCR a également observé une augmentation du nombre de réfugiés qui traversent la frontière vers le Soudan depuis l'Ethiopie. 

L'organisation lance un appel de fonds d'un montant de 164,5 millions de dollars (140,5 millions d'euros) pour aider 96.000 réfugiés érythréens et 650.000 déplacés internes dans la région du Tigré et jusqu'à 120.000 réfugiés éthiopiens dans l'est du Soudan.

Selon Mme Ayish, il s'agit de civils ayant cherché refuge dans un lieu où de l'aide alimentaire était stockée, tués par des tirs d'artillerie et enterrés immédiatement.

Interrogé par l'AFP, un porte-parole de l'agence des Nations Unies pour l'enfance (Unicef) a indiqué mardi avoir "reçu des informations crédibles de partenaires sur les attaques jeudi dernier dans un camp de déplacés" en Afar. Il a ajouté qu'une mission composée d'agences onusiennes envisage de se rendre sur place "dès que la sécurité le permettra".

La veille, la directrice générale de l'Unicef, Henrietta Fore, s'était dite "extrêmement alarmée par le meurtre présumé de plus de 200 personnes, dont plus de 100 enfants, lors d'attaques contre des familles déplacées".

Accès humanitaire

Selon les autorités, cette attaque prouve la volonté belliciste du TPLF et son mépris pour la situation humanitaire catastrophique dans le nord de l'Ethiopie.

Le porte-parole du TPLF, Getachew Reda, a déclaré sur Twitter que les troupes gouvernementales avaient "lancé une offensive le 5 août contre (ses) forces à Galicoma". Le TPLF "travaillera avec les organes compétents pour enquêter sur tout incident", a-t-il ajouté.

L'aide humanitaire peine toujours à arriver alors que, selon l'ONU, environ 400.000 personnes vivent dans des conditions de famine au Tigré et que 300.000 personnes sont confrontées à des "niveaux d'urgence" alimentaire en Afar et Amhara.

Le Haut commissariat aux réfugiés (HCR) a annoncé mardi avoir pu accéder pour la première fois depuis le 13 juillet aux camps de Mai Aini et Adi Harush, qui accueillent des réfugiés érythréens au Tigré. Mais cet accès "demeure limité du fait de la situation sécuritaire complexe et instable", selon le porte-parole du HCR, Boris Cheshirkov.

Le TPLF répète régulièrement qu'il ne souhaite pas s'emparer de territoires en Amhara et en Afar, mais qu'il veut faciliter l'accès pour l'aide humanitaire dans la région et éviter que les forces pro-gouvernementales ne se regroupent.


Michael Ratney: Les États du Golfe veulent des garanties de sécurité plus claires de la part des États-Unis

Michael Ratney, ancien ambassadeur des États-Unis en Arabie saoudite. (Photo d'archives AFP)
Michael Ratney, ancien ambassadeur des États-Unis en Arabie saoudite. (Photo d'archives AFP)
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  • Dans une région où les alliances sont constamment mises à l'épreuve et où les paysages géopolitiques évoluent rapidement, il a fait part de son point de vue sur les implications de l'attaque israélienne contre le Qatar
  • S'appuyant sur plus de trente ans d'expérience diplomatique, l'ambassadeur Ratney explique pourquoi il pense que les pays du Golfe resteront attachés à leur partenariat historique avec les États-Unis en matière de sécurité, malgré les nouveaux défis

RIYAD: L'envoyé américain fait part de son point de vue sur les implications de l'attaque israélienne contre le Qatar et sur l'équilibre délicat des pouvoirs au Moyen-Orient.
Les pays du Golfe poursuivront leur coopération avec les États-Unis en matière de sécurité, même s'ils cherchent à obtenir des garanties de sécurité plus claires dans un contexte de menaces régionales importantes, a déclaré Michael Ratney, ancien ambassadeur des États-Unis en Arabie saoudite, à Al Majalla.

Dans une région où les alliances sont constamment mises à l'épreuve et où les paysages géopolitiques évoluent rapidement, il a fait part de son point de vue sur les implications de l'attaque israélienne contre le Qatar - un allié des États-Unis - et sur l'équilibre délicat des pouvoirs au Moyen-Orient.

S'appuyant sur plus de trente ans d'expérience diplomatique, l'ambassadeur Ratney explique pourquoi il pense que les pays du Golfe resteront attachés à leur partenariat historique avec les États-Unis en matière de sécurité, malgré les nouveaux défis, et ce qu'ils recherchent le plus aujourd'hui : la clarté et l'assurance en ces temps incertains.

Il explore les pressions politiques entourant les accords de défense, les promesses du président Donald Trump par rapport aux réalités politiques, et la frustration croissante, même parmi les alliés traditionnels d'Israël, face à ce qu'ils considèrent comme les politiques débridées du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou.

L'ambassadeur Ratney, qui a également été chargé d'affaires à l'ambassade des États-Unis en Israël, explique que cette frustration est visible dans les récentes démarches de la France, du Royaume-Uni, du Canada, de l'Australie, entre autres États occidentaux, pour reconnaître un État palestinien - une action symbolique, mais qui souligne clairement leur mécontentement à l'égard de M. Netanyahou.

À la lumière de l'attaque choquante d'Israël contre le Qatar, un proche allié des États-Unis, les garanties de sécurité américaines ont-elles encore du poids dans le golfe Persique ?

C'est une question importante, qui préoccupe certainement les dirigeants des pays du CCG et du Moyen-Orient en ce moment. Ce qui s'est passé est sans précédent. Je pense que nous devrions nous rappeler que la coopération en matière de sécurité entre l'armée américaine et les armées des pays du CCG remonte littéralement à des décennies. Elle comprend des ventes de matériel de défense, des exercices, des formations et des consultations. Le niveau de coopération dépasse probablement celui de la coopération militaire entre le CCG et tout autre pays. Elle est donc extrêmement importante.

Historiquement, elle offre un avantage net tant aux États-Unis qu'à nos partenaires du CCG, compte tenu de l'éventail des menaces, qu'il s'agisse de l'Iran ou de ses mandataires, des terroristes ou d'autres menaces dans l'ensemble de la région. Les pays du CCG considèrent probablement cette coopération en matière de sécurité comme extrêmement précieuse. Mais lorsqu'il s'agit de discuter de l'étape suivante naturelle - le passage de la coopération en matière de sécurité à des garanties de sécurité formelles - il s'agit en fait de quelque chose de tout à fait différent.

Bien que nous n'ayons pas de traité formel avec nos alliés du CCG, c'est un sujet dont nous avons discuté. Ce sujet a été abordé ces deux dernières années avec l'Arabie saoudite dans le cadre d'une discussion plus large sur la normalisation avec Israël. Et bien que la normalisation ne semble pas très probable à ce stade, elle est révélatrice du fait que les pays du CCG cherchent à clarifier la nature de leurs relations avec nous.

Et si je comprends qu'ils s'interrogent sur la valeur de la coopération en matière de sécurité avec nous après l'attaque israélienne contre le Qatar, je ne pense pas que cela les conduise à abandonner leur coopération de longue date avec les États-Unis en matière de sécurité.

Pensez-vous que l'attaque israélienne contre Doha pourrait inciter les États du Golfe à diversifier leurs alliances ?

Je pense que les pays du Golfe entretiennent des relations importantes avec de nombreux pays dans le monde. Quand on y pense, ils sont en quelque sorte au centre du monde géographiquement, et autour d'eux se trouvent l'Europe et les États-Unis, l'Asie, la Chine et l'Inde. Ils doivent vivre dans cette partie du monde pour toujours, et ils noueront des relations importantes, notamment sur le plan économique.

Je pense que le partenariat de sécurité avec les États-Unis est différent pour deux raisons. La première est qu'il est très ancien. Les pays du Golfe et l'armée américaine coopèrent, s'entraînent et achètent des articles de défense de toutes sortes depuis des décennies. Le niveau d'intégration entre les deux armées est donc sans précédent. Il est difficile d'annuler cela et de passer à un autre partenaire.

Je pense également que la technologie et les armements américains sont qualitativement meilleurs. Je suppose que l'on peut dire que je suis partial sur ce point, mais je pense que c'est vrai par rapport aux armements russes, chinois ou autres.

La troisième raison est que les États-Unis sont l'un des rares pays disposés à offrir une certaine mesure de défense contre le principal adversaire du Golfe, à savoir l'Iran et ses mandataires régionaux. Cela dit, je pourrais imaginer que les pays du Golfe tentent de renforcer leur coopération avec la Chine et la Russie. L'Arabie saoudite et le Pakistan ont récemment signé un pacte de défense, mais je ne pense pas que l'un ou l'autre de ces pays puisse offrir des garanties de sécurité en cas d'attaque de l'Iran.

Pensez-vous que la frappe israélienne sur Doha était un échec opérationnel de la part de Washington ou un échec de politique étrangère ?

C'est une bonne question. Je pense que cette frappe s'inscrit dans le cadre d'un effort plus large de la part d'Israël pour porter le combat directement à ses ennemis. Et il est évident qu'Israël, ces derniers temps, s'est senti libre de le faire.

Dans le même temps, le président Trump a dit très clairement qu'il voulait mettre fin à la guerre. Il veut la fin de la guerre à Gaza. Il a publiquement exprimé sa frustration à l'égard d'Israël au sujet de son attaque à Doha. Je ne sais donc pas si je qualifierais cela d'échec, mais je pense que c'est quelque chose qui a profondément frustré les États-Unis.

Netanyahou a peut-être calculé que les États-Unis n'empêcheraient pas Israël (d'attaquer le Qatar) et que les conséquences en vaudraient la peine

Michael Ratney, ancien ambassadeur des États-Unis en Arabie saoudite


C'était à la fois choquant et sans précédent. Et le président Trump, pour sa part, a clairement indiqué que cela ne devrait plus jamais se reproduire. Il considère le Qatar comme un partenaire important, tout comme il considère Israël comme un partenaire important. Et il a dit très clairement que cela (la frappe) n'était pas dans l'intérêt de l'Amérique ni dans celui d'Israël.

Au cours des deux dernières années, M. Netanyahu et son gouvernement ont fait preuve d'une grande liberté d'action, non seulement dans sa guerre contre Gaza, mais aussi dans ses attaques dans toute la région. Étant donné que l'image d'Israël a pris un coup - non seulement au Moyen-Orient mais aussi dans le monde -, que peuvent faire les États-Unis pour changer de cap ?

Je pense que la principale réaction à l'heure actuelle parmi les partenaires traditionnels d'Israël - qui comprennent les États-Unis, les pays européens et d'autres - est une frustration extraordinaire. Le président Trump l'a lui-même exprimé. La reconnaissance de la Palestine par la France, le Royaume-Uni, le Canada, l'Australie et d'autres États occidentaux est une démonstration de leur frustration à l'égard de Netanyahou.

Je ne sais pas si cette reconnaissance aura un impact sur les calculs de Netanyahou. Le fait est que ses calculs semblent principalement motivés par des considérations de politique intérieure, par la nécessité de maintenir son gouvernement et par le sentiment qu'il dispose d'une occasion historique en ce qui concerne le Hamas.

Il semble qu'il ne se sente pas bridé à ce stade. Et je pense que nous verrons des pays, des pays européens - partenaires et alliés traditionnels d'Israël - de plus en plus frustrés et cherchant des moyens d'influencer le comportement du gouvernement israélien. Je ne sais pas si cela aura un effet. Le bilan des deux dernières années est limité.

Pourquoi pensez-vous que Netanyahou a décidé de mener une attaque aussi audacieuse contre un allié américain dans la région ?

Je ne connais pas les rouages de l'esprit de Netanyahou, mais il a peut-être calculé que les Etats-Unis - ou n'importe qui d'autre, d'ailleurs - ne contraindraient pas Israël et que les conséquences en vaudraient la peine. Je ne sais pas si c'est vrai ou non.

Pensez-vous que Netanyahou dispose d'un chèque en blanc pour faire ce qu'il veut dans la région ? Ou pensez-vous qu'il testait les lignes rouges de Trump ?

C'est une bonne question. J'ai l'impression que Netanyahou et Trump semblent avoir une relation très compliquée. Disons que d'un côté, le président Trump veut absolument être perçu comme le plus grand défenseur d'Israël. Il a déclaré plus d'une fois qu'aucun président américain n'avait fait plus pour Israël que lui. Je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais je sais que c'est la perception qu'il aimerait projeter.

En même temps, il n'est pas toujours d'accord avec tout ce que fait et dit Netanyahou, et il lui arrive d'exprimer publiquement sa frustration. Il a même utilisé un mot grossier pour décrire Netanyahou.

Netanyahou et son gouvernement extrémiste sont-ils devenus une menace pour la sécurité de la région ?

C'est une question compliquée et, à ce stade, nous n'avons pas de réponse claire. Toutefois, je pense que le monde arabe a l'impression qu'Israël est passé du statut de partenaire potentiellement utile et pratique à celui d'acteur imprévisible, voire dangereux, dans la région.

C'est certainement ce que ressentent les Qataris en ce moment. D'autres pays du CCG pourraient s'inquiéter du fait que si Israël peut frapper le Qatar, qu'est-ce qu'il est prêt à faire d'autre ? Mais en même temps, je pense que les Israéliens comprennent la gravité de ce qu'ils ont fait.

Encore une fois, je ne connais pas leur pensée interne, mais certaines rumeurs circulent selon lesquelles ils comprennent qu'ils sont peut-être allés trop loin dans cette affaire et qu'ils ont menacé non seulement quelque chose de très précieux pour eux, à savoir de meilleures relations avec les pays arabes, mais aussi quelque chose d'important pour leur public, qui est également important pour les États-Unis, à savoir la fin de la guerre et la libération des otages, une chose dans laquelle les Qataris se sont fortement impliqués.

Ma dernière question, Monsieur l'Ambassadeur Michael Ratney, porte sur la nature des promesses américaines en matière de défense. Nous n'avons pas encore vu de calendrier après la visite de M. Trump dans les pays du Golfe au début de l'année. Comment interprétez-vous les promesses de M. Trump concernant les alliances et les accords de défense dans le Golfe ? Pensez-vous qu'elles se traduiront par des actes, ou s'agit-il simplement de paroles ?

Je pense qu'il y a deux types de motivations qui le poussent à agir. La première est qu'il a le sentiment que les pays du Golfe sont des partenaires importants et qu'ils offrent d'immenses possibilités aux États-Unis et à la région, tant sur le plan économique qu'en termes de sécurité. C'est ce qui ressort de sa visite en Arabie saoudite, aux Émirats arabes unis et au Qatar, où il s'est engagé à coopérer, à commercer et à investir. En fait, il a été très explicite sur sa promesse de protéger les Qataris lorsqu'il était à Doha, soulignant leur importance en tant que partenaire clé.

D'un autre côté, il n'est pas un grand fan des alliances. Il a critiqué l'OTAN et d'autres alliances conclues par les États-Unis, car il estime que les États-Unis portent le fardeau alors que d'autres pays n'assument pas leur part de responsabilité. Je pense également que, sur le plan politique aux États-Unis, il sent que l'idée d'un renforcement des alliances et des responsabilités pour les autres pays n'est pas très populaire.


Danemark: des drones ont survolé plusieurs aéroports

 Des drones ont survolé plusieurs aéroports au Danemark, entraînant la fermeture de l'un d'eux pendant plusieurs heures, a indiqué jeudi la police après un incident similaire cette semaine qui avait entraîné la fermeture de l'aéroport de la capitale Copenhague. (AFP)
Des drones ont survolé plusieurs aéroports au Danemark, entraînant la fermeture de l'un d'eux pendant plusieurs heures, a indiqué jeudi la police après un incident similaire cette semaine qui avait entraîné la fermeture de l'aéroport de la capitale Copenhague. (AFP)
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  • Au Danemark, des drones ont été repérés aux aéroports d'Aalborg (nord), d'Esbjerg (ouest), de Sonderborg (sud) et à la base aérienne de Skrydstrup (sud) avant de repartir de leur propre chef, a ajouté la police
  • L'aéroport d'Aalborg, l'un des plus grands du pays après celui de la capitale Copenhague, a été fermé temporairement, avant de rouvrir plusieurs heures plus tard

COPENHAGUE: Des drones ont survolé plusieurs aéroports au Danemark, entraînant la fermeture de l'un d'eux pendant plusieurs heures, a indiqué jeudi la police après un incident similaire cette semaine qui avait entraîné la fermeture de l'aéroport de la capitale Copenhague.

Ces incidents dans le ciel danois interviennent après des événements similaires en Pologne et en Roumanie, et la violation de l'espace aérien estonien par des avions de chasse russes, qui ont exacerbé les tensions dans le contexte de la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine.

Au Danemark, des drones ont été repérés aux aéroports d'Aalborg (nord), d'Esbjerg (ouest), de Sonderborg (sud) et à la base aérienne de Skrydstrup (sud) avant de repartir de leur propre chef, a ajouté la police.

L'aéroport d'Aalborg, l'un des plus grands du pays après celui de la capitale Copenhague, a été fermé temporairement, avant de rouvrir plusieurs heures plus tard.

"Il n'a pas été possible d'abattre les drones, qui ont survolé une très vaste zone pendant plusieurs heures", a indiqué Jesper Bojgaard Madsen, inspecteur en chef de la police de la région du Jutland du Nord, à propos des faits survenus à Aalborg.

"Nous n'avons pas non plus appréhendés les opérateurs" des drones, a-t-il ajouté.

La police locale a déclaré que les drones "volaient avec des lumières et avaient été observés depuis le sol", mais qu'elle n'avait pu établir le type de drones ni la raison du survol.

Les aéroports d'Esbjerg et de Sonderborg n'ont pas été fermés car aucun vol n'y était prévu avant jeudi matin.

Evènements similaires en septembre 

Une enquête a été ouverte en collaboration avec les services de renseignement danois et l'armée dans le but de "clarifier les circonstances" de ces vols, a ajouté la police.

Lundi déjà, des drones à l'origine non identifiée avaient survolé l'aéroport de Copenhague ainsi que celui d'Oslo en Norvège, pays voisin, bloquant leur trafic pendant plusieurs heures.

La Première ministre du Danemark, Mette Frederiksen, avait alors dénoncé "l'attaque la plus grave contre une infrastructure critique" dans le pays, affirmant "ne pas exclure" qu'il s'agisse de la Russie.

"Cela s'inscrit dans l'évolution que nous avons pu observer dernièrement avec d'autres attaques de drones, des violations de l'espace aérien et des cyberattaques contre des aéroports européens", a-t-elle affirmé.

Elle faisait alors référence à de récentes intrusions de drones en Pologne et Roumanie et à l'incursion d'avions de chasse russes dans l'espace aérien estonien à la mi-septembre.

Les gouvernements de ces trois pays membres de l'Otan avaient mis en cause la Russie, qui a nié toute responsabilité, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov évoquant des "accusations sans fondement".

Ces incidents interviennent une semaine après l'annonce par le Danemark de l'acquisition, pour première fois, d'armes de précision à longue portée pour pouvoir frapper des cibles lointaines, jugeant que la Russie représenterait une menace "pendant des années".

Le weekend dernier, d'autres aéroports européens, notamment à Bruxelles, Londres, Berlin et Dublin, ont par ailleurs été perturbés par une cyberattaque dont l'origine n'a pas été communiquée.

 


La flottille pour Gaza se dit ciblée par une nouvelle attaque en mer

Les navires de la flottille veulent rejoindre Gaza pour y acheminer de l'aide humanitaire et "briser le blocus israélien", après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet. Elle a déjà dit avoir été visée par des drones au large de Tunis le 9 septembre. (AFP)
Les navires de la flottille veulent rejoindre Gaza pour y acheminer de l'aide humanitaire et "briser le blocus israélien", après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet. Elle a déjà dit avoir été visée par des drones au large de Tunis le 9 septembre. (AFP)
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  • Une nouvelle attaque s'est produite dans la nuit de mardi à mercredi alors que la flottille naviguait au sud-ouest de la Crête, ont annoncé ses responsables
  • "De multiples drones, des objets non identifiés largués, des communications brouillées et des explosions entendues depuis plusieurs bateaux", a écrit la Global Sumud Flotilla dans un communiqué

ATHENES: Les militants pro-palestiniens de la flottille en route pour la bande de Gaza ont affirmé avoir été visés dans la nuit de mardi à mercredi par de "multiples drones", explosions à la clé, au large de la Grèce.

Les navires de la flottille veulent rejoindre Gaza pour y acheminer de l'aide humanitaire et "briser le blocus israélien", après deux tentatives bloquées par Israël en juin et juillet. Elle a déjà dit avoir été visée par des drones au large de Tunis le 9 septembre.

Une nouvelle attaque s'est produite dans la nuit de mardi à mercredi alors que la flottille naviguait au sud-ouest de la Crête, ont annoncé ses responsables.

"De multiples drones, des objets non identifiés largués, des communications brouillées et des explosions entendues depuis plusieurs bateaux", a écrit la Global Sumud Flotilla dans un communiqué.

"Nous sommes actuellement témoins directs de ces opérations psychologiques, mais nous ne nous laisserons pas intimider", a-t-elle ajouté.

Selon la militante allemande des droits humains Yasemin Acar, cinq bateaux ont été attaqués et "15 à 16 drones" ont été dénombrés.

Une vidéo postée sur la page officielle de la flottille montre une explosion dont il est dit qu'elle a été filmée depuis un des bateaux de la flottille, "Spectre", à 01H43 mercredi (22H43 GMT mardi).

"Nous n'avons pas d'armes. Nous ne représentons une menace pour personne", a déclaré Yasemin Acar dans une vidéo postée sur Instagram, soulignant que la flottille ne transporte "que de l'aide humanitaire".

La flottille n'a pas fait état de victimes ou de dégâts.

51 bateaux 

Partie en début de mois de Barcelone, sur la côte nord-est de l'Espagne, elle avait déjà dit avoir fait l'objet de deux attaques de drones alors qu'elle était à l'ancre devant Tunis.

Composée de 51 bateaux, la flottille revendique la participation de militants pro-palestiniens de 45 pays, dont l'écologiste suédoise Greta Thunberg.

Israël a affirmé lundi qu'il ne lui permettrait pas d'atteindre Gaza en proie à la guerre, lui proposant d'accoster à Ashkelon, plus au nord de ce territoire.

Israël avait déjà bloqué deux flottilles qui avaient tenté d'atteindre Gaza par la mer, en juin et juillet.

L'ONU a déclaré en août l'état de famine dans le territoire palestinien ravagé par la guerre et soumis à un strict blocus par Israël depuis près de deux ans, en riposte à l'attaque menée par le mouvement islamiste palestinien Hamas le 7 octobre 2023.

La semaine dernière, les Etats-Unis ont une nouvelle fois bloqué l'adoption par le Conseil de sécurité de l'ONU d'un texte réclamant l'accès humanitaire à Gaza ainsi qu'un cessez-le-feu.

Le 16 septembre, une commission d'enquête internationale mandatée par l'ONU a accusé Israël de commettre un "génocide" à Gaza.

Selon le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas à Gaza, la guerre y a coûté la vie à au moins 65.344 Palestiniens, en majorité des civils, en près de deux ans.

L'attaque du 7 octobre 2023 contre Israël par le Hamas a entraîné la mort de 1.219 personnes du côté israélien, en majorité des civils, selon des données officielles.

Sur les 251 personnes enlevées le 7-Octobre, 47 sont toujours retenues dans la bande de Gaza, dont 25 considérées comme mortes par l'armée israélienne.