Les sanctions pousseront le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à renoncer à ses politiques irresponsables

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Publié le Lundi 07 septembre 2020

Les sanctions pousseront le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à renoncer à ses politiques irresponsables

Les sanctions pousseront le président turc, Recep Tayyip Erdogan, à renoncer à ses politiques irresponsables
  • Lors du sommet européen qui se tiendra les 24 et 25 septembre, les dirigeants européens décideront du sort des sanctions contre la Turquie
  • L’une des mesures européennes contre la Turquie pourrait être la mise en œuvre de ce qui a été convenu en novembre 2019.

Lors du sommet européen qui se tiendra les 24 et 25 septembre, les dirigeants européens décideront du sort des sanctions contre la Turquie. La plupart d'entre eux jugent odieuses les politiques du président turc, Recep Tayyip Erdogan, en Syrie et en Libye, avec le Hamas et les Frères musulmans, et surtout en Méditerranée orientale, qui pourraient mener à une guerre avec la Grèce.

L'impression générale est que la Turquie, à travers sa politique étrangère tellement agressive et provocatrice, poursuit des ambitions territoriales expansionnistes. D’après de nombreux politiciens, il n'est pas nécessaire d’illustrer davantage l'intention interventionniste de la Turquie. Si la plupart des Européens sont d'accord au sujet de la Turquie, ils ne s'accordent pas sur la façon d'exprimer leur position.

L’année dernière, l'Office of Foreign Assets Control, aux États-Unis, a imposé des sanctions à la Turquie, la punissant pour ses actions militaires en Syrie. Cependant, ces sanctions ont été levées quatre jours plus tard, lorsqu'un cessez-le-feu a été signé. Par la suite, la Chambre des représentants américaine a adopté le « Protect Against Conflict by Turkey Act » (PACT Act). S’il est voté, ce projet de loi pourrait permettre d’imposer de nouvelles sanctions à la Turquie.

Dans un premier temps, il était fort probable que l'Europe et les États-Unis imposent des sanctions au gouvernement d'Erdogan. Mais les questions les plus importantes sont les suivantes : quelles sont les exigences que l'Europe et l'Amérique vont imposer à la Turquie et comment l'Occident perçoit-il son appui aux mondes arabe et islamique ?

Pour répondre à la première question, il faudrait connaître les motifs fondamentaux qui engagent l'Occident: empêcher un affrontement entre la Turquie et la Grèce en Méditerranée orientale, stabiliser la situation en Syrie, offrir des protections aux Kurdes qui vivent dans plus d'un pays, mettre fin à la guerre civile en Libye et contrôler le soutien de la Turquie aux islamistes.

Erdogan est confronté à une forte opposition interne due aux mêmes politiques qui alarment les Européens et les Américains.

Ismail Haniyeh, le leader du Hamas à Gaza, s'est rendu le mois dernier en Turquie et a rencontré Erdogan. Il a félicité le président turc pour la découverte d'un nouveau gisement de gaz naturel en mer Noire et pour la reconversion de Sainte-Sophie en mosquée. De leur côté, les États-Unis ainsi que les pays de l'Europe sont conscients que de nombreux pays arabes ou islamiques ne soutiennent pas la politique de la Turquie, voire qu’ils la critiquent très souvent.

L’une des mesures européennes contre la Turquie pourrait être la mise en œuvre de ce qui a été convenu en novembre 2019. L'UE avait établi le cadre juridique de sanctions telles que l'interdiction de voyager et le gel des avoirs. Cependant, elle avait reporté la désignation des responsables à une date ultérieure. Cette mesure visait à réprimander la Turquie pour ses explorations de forage dans les eaux nationales de Chypre. Le sommet européen qui se tient ce mois-ci verra peut-être ces dispositifs juridiques invoqués et un certain nombre de fonctionnaires turcs sanctionnés.

Mais cela arrêtera-t-il la Turquie ? Ankara ignorera probablement toute sanction qui lui sera imposée, en insistant sur le fait qu'elle ne devrait pas être accablée par le monde extérieur, ce qui l’empêcherait de poursuivre ses intérêts économiques, et elle annoncera qu’elle n'a aucune obligation de les respecter. La Turquie pourrait également exploiter la divergence entre les pays européens sur la manière de gérer cette affaire. De leur côté, la France, la Grèce et Chypre encouragent une confrontation forte, tandis que l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie penchent plutôt pour une réprimande légère. Quant aux États-Unis, le Congrès tend, plus que l’administration de Trump, vers une confrontation avec la Turquie.

Toutefois, une question se pose : si des sanctions américaines ou européennes sont prises à l'encontre de la Turquie, conduiront-elles à une plus grande coopération entre la Turquie et la Russie ? Il est probable que qu’elles conduisent à une coopération plus large entre les deux pays, mais pas à une amitié plus étroite. Leurs visions divergent pour la situation actuelle et future en Syrie et en Libye. Les plaintes des Russes contre la Turquie se sont multipliées depuis qu’Ankara a commencé à utiliser sa puissance militaire contre le maréchal Khalifa Haftar, l’allié libyen de Moscou.

Il ne faut pas oublier non plus qu'Erdogan est confronté à une forte opposition interne due aux mêmes politiques qui alarment les Européens et les Américains. Il est important de signaler que toute sanction contre la Turquie fera échouer ou retardera constamment sa demande d'adhésion à l'UE. Plus le processus d'adhésion sera différé, plus la tendance nationaliste religieuse sera populaire dans la politique et la société turques. Les nationalistes religieux méprisent l'arrogance européenne à leur égard et voient l'UE comme un « club chrétien ».

Enfin, les politiques imprudentes d'Erdogan ont rendu la situation encore plus compliquée, pour lui, pour sa nation et pour le monde entier. Il a infligé un lourd fardeau à son pays en raison de ses différends avec la Grèce et ses actions dans de nombreux pays, en particulier la Syrie et la Libye. Il doit comprendre que sa politique est un échec. Si les Européens peuvent faire des sanctions contre la Turquie une priorité, cela pourrait dissuader Erdogan de poursuivre ses politiques irresponsables.

Finalement, les sanctions contre la Turquie rendront les États-Unis plus dépendants des pays du Golfe. L'Amérique n'a pas encore rompu ses relations avec les puissances régionales dont la Turquie, l'Iran et l'Égypte. Cependant, elle ne mettra pas en péril sa politique étrangère en raison de son désaccord avec Téhéran, Le Caire ou Ankara sur certaines actions.

Maria Maalouf est journaliste, présentatrice, rédactrice et écrivaine libanaise. Elle est titulaire d'une maîtrise en sociologie politique de l'université de Lyon. Twitter: @bilarakib

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com