11 septembre : Une date qui restera marquée par l'infamie

Sur cette photo d'archives, de la fumée s'échappe des tours jumelles du World Trade Center dans le sud de Manhattan, à New York, le 11 septembre 2001. (Archive/AFP)
Sur cette photo d'archives, de la fumée s'échappe des tours jumelles du World Trade Center dans le sud de Manhattan, à New York, le 11 septembre 2001. (Archive/AFP)
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Publié le Jeudi 09 septembre 2021

11 septembre : Une date qui restera marquée par l'infamie

Sur cette photo d'archives, de la fumée s'échappe des tours jumelles du World Trade Center dans le sud de Manhattan, à New York, le 11 septembre 2001. (Archive/AFP)
  • Ce jour-là, Suzanne Plunkett se réveille tôt. Cette photojournaliste qui habite New York s’apprête à couvrir une séance photo de la Fashion Week
  • «Ma peau me picotait, comme si elle était recouverte de verre. C'était toute cette poussière, cette douleur et cette fatigue», raconte-t-elle

NEW YORK: Ce jour-là, Suzanne Plunkett se réveille tôt. Cette photojournaliste qui habite New York s’apprête à couvrir une séance photo de la Fashion Week organisée dans le Lower Manhattan pour le compte de l'Associated Press (AP). Cet événement est l’un des moments forts des activités sociales et commerciales de la ville.

Quelques heures plus tôt, Mohammed et dix-huit autres hommes prennent place dans quatre avions commerciaux. Leur destination: la Californie. Malheureusement, aucun d’entre eux n’y mettra les pieds.

Avant de sortir, Suzanne allume la télévision pour regarder les prévisions météorologiques. Ce matin du mardi 11 septembre ressemble aux matinées claires de l'automne, mais le climat sur la côte est peut se révéler capricieux et changer sans crier gare.

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Sur cette photo d'archive, une tour du World Trade Center s'effondre dans le sud de Manhattan, à New York, le 11 septembre 2001. (Archive/AFP)

Devant ses yeux défilent les images qui montrent une immense trouée sur le côté de la tour nord du World Trade Center, d'où s'échappe de la fumée. C'est à cet endroit que le vol 11 de la compagnie American Airlines a heurté, quelques instants auparavant, ce géant d'acier et de verre.

En voyant le kérosène enflammé qui embrase tout ce qui se trouve entre le 93e et le 99e étage, Suzanne Plunkett se demande comment les pompiers vont pouvoir faire face à ce qui semble alors n'être qu'un accident tragique.

Elle sent la vibration de son bipeur. Elle saisit son appareil photo et s'empresse de sortir de son appartement, situé dans l'East Village, pour prendre le métro. Quelques minutes plus tard, le vol 175 de la compagnie United Airlines frappe la tour sud. Il est impossible que ce soit un accident banal.

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Sur cette photo d'archives, la fumée continue de s'élever du World Trade Center détruit dans le sud de Manhattan, à New York, le 15 septembre 2001. (Archive/AFP)

À la sortie du métro, au croisement de Fulton Street et de Broadway, Suzanne Plunkett découvre un chaos total: voitures de secours, passants effrayés, et tous les regards braqués vers le ciel.

Pendant ce temps, dans les tours enflammées, les gens se précipitent pour emprunter les escaliers de secours. Plus de 50 000 personnes travaillent dans ce complexe construit il y a vingt-cinq ans et qui passait pendant un temps pour le plus haut bâtiment du monde.

Ceux qui sont coincés au-dessus des étages en feu n'ont qu'un seul choix: attendre et prier pour être sauvés. Au bout du compte, plus de 200 personnes ont préféré trouver la mort en sautant plutôt que de succomber aux flammes et à la fumée.

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Sur cette photo d'archives, la fumée continue de s'élever du World Trade Center détruit dans le sud de Manhattan, à New York, le 15 septembre 2001. (Archives/AFP)

Au rez-de-chaussée, des premières personnes s'efforcent d'évacuer le bâtiment à tout prix. Alors que la foule affolée se précipite vers Suzanne, celle-ci plaque son appareil photo sur son visage. Elle capture tout ce qui se passe autour d'elle. Un peu partout, elle voit des visages blêmes et tordus de terreur.

«Puis quelqu'un a hurlé: “La tour va s'effondrer”», raconte-t-elle à Arab News en évoquant les souvenirs de cette journée terrible qu’elle a vécue il y a vingt ans.

En effet, une heure après l'impact du second avion, la tour sud s'est effondrée, entraînant dans sa chute ses 110 étages. Les 614 personnes qui s'y trouvaient encore ont péri.

11 sept

Les gens courent à la recherche d'un abri, alors qu'un immense nuage de poussière et de débris déferle sur les rues avoisinantes. Sur l'une des photos prises par Suzanne Plunkett, on voit un homme en chemise et cravate en train de courir. Son visage exprime l’épouvante.

«Quand l’homme en cravate est passé, je me suis dit: “Ça suffit”», raconte Mme Plunkett. «Je me suis retournée et j'ai couru».

Avec 15 autres personnes, elle se réfugie dans un petit magasin de bipeurs. Elle s’assoit derrière la caisse, connecte son ordinateur portable avec son vieux Nokia et envoie ses photos au bureau de l'AP.

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Quelques minutes plus tard, sa célèbre photo, qui montre des piétons pétrifiés, parmi lesquels l'homme à la chemise et à la cravate, fait le tour du monde.

Une heure et quarante minutes après que le premier avion a frappé la tour nord, cette dernière s’effondre. Les 1 402 personnes bloquées à l'intérieur sont toutes décédées.

Vingt ans plus tard, Suzanne Plunkett dit avoir du mal à évoquer les événements traumatisants de cette journée. «Ce sentiment ne s'est pas dissipé. Les séquelles sont là, encore et toujours. J'ai suivi une thérapie, mais je tremble encore chaque fois que j'en parle», confie-t-elle.

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Un avion commercial détourné s'écrase sur le World Trade Center le 11 septembre 2001 à New York. (Archive/AFP)

Dans son appartement à Londres où elle vit aujourd'hui, Plunkett regarde de vieilles photos. Elle laisse les clichés parler pour elle: des images de personnes abasourdies et stupéfaites qui errent dans la rue, recouvertes de terre. Certaines sont en pleurs, d'autres curieusement calmes, comme sidérées.

À ce moment-là, le maire de New York, Rudy Giuliani, donne l'ordre d'évacuer le sud de la ville de Manhattan. Suzanne se couvre la tête avec son cardigan afin de protéger ses yeux et ses poumons de cette poussière jaune et suffocante. Elle rejoint l'exode vers le Nord, prenant la direction l'hôtel de ville. Un peu plus tard, elle arrive dans le stade de sport de Chelsea Piers, où un centre de triage a été mis en place.

«C'était un espace immense, complètement vide», se souvient-elle. «Il y avait là un grand nombre de médecins, mais personne à soigner. Les ambulances étaient là, mais il n'y avait pas de blessés à secourir. Tous étaient morts.»

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Les pilotes de ligne prient lors d'une cérémonie de dépôt de gerbes pour les victimes de l'attaque contre le Pentagone le 11 septembre. (Archive/AFP)

À 3 heures du matin, elle regagne à pied son appartement d’East Village. La matinée qu’elle a passée à préparer la séance photo de la Fashion Week lui semble désormais bien lointaine.

«J'ai pris une douche et je me suis allongée dans mon lit. Ma peau me picotait, comme si elle était recouverte de verre. C'était toute cette poussière, cette douleur et cette fatigue.»

M. Giuliani exhorte les New-Yorkais à ne pas quitter leur ville et à l'aider à faire en sorte qu’elle renaisse de ses cendres, mais Suzanne comprend vite que sa vie dans le quartier de l'East Village ne serait plus jamais la même.

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Al Kim visite le National 9/11 Memorial & Museum le 12 juillet 2021 à New York, en l'honneur de ceux qui ont été tués lors des attentats de 2001 et 1993. (Archive/AFP)

«J'étais heureuse de vivre à New York. Je ne savais pas grand-chose du monde et de la politique internationale. Mon rêve était de travailler dans cette ville pour une agence de presse et je l’avais réalisé. J'avais une trentaine d'années et, à mes yeux, New York était le paradis sur terre», raconte-t-elle.

«Le 11-Septembre m’a brusquement réveillée de mon rêve. Il m'a conduite à remettre en question mon pays natal et la raison pour laquelle le monde n'aimait pas les Américains.» Les attentats du 11-Septembre ont également fait voler en éclats les idées que les Américains se faisaient de la guerre. Elle ne se passait plus «là-bas». Elle se déroulait désormais sur leur sol.

«Il y avait ce sentiment propre aux Américains: “On doit se venger, ils nous ont fait du mal et on va se venger d'eux.” Mais la vengeance, ce n'est pas mon truc. Ce que je voulais avant tout, c'était de partir de New York», explique-t-elle.

Les premiers rapports ont fait état de 10 000 victimes (morts et blessés) à New York et en Virginie, où le vol 77 de la compagnie American Airlines a frappé le Pentagone, et 2 996 en Pennsylvanie; ce dernier chiffre inclut les 19 pirates présents à bord du vol 93 de la compagnie United Airlines, qui s'est écrasé dans un champ.

Tandis que les équipes de sauvetage débarquent sur le lieu du drame, les télévisions diffusent en direct des reportages sur les opérations qui se consacrent à la recherche de survivants ensevelis sous 1,8 million de tonnes de débris.

Une vue aérienne montre Ground Zero au milieu des toits de Manhattan. (Dossier/AFP)
Une vue aérienne montre Ground Zero au milieu des toits de Manhattan. (Archive/AFP)

«J'en avais assez de couvrir tout ce qui avait trait au 11-Septembre», confie Suzanne Plunkett. «À chaque mission, je me disais: “Non, on ne fait que remuer le couteau dans la plaie.”»

«Dans la plupart des situations de guerre, votre famille est là pour prendre soin de vous. Les jours qui ont suivi le 11-Septembre, tout le monde à New York était bouleversé. Les gens pleuraient en marchant dans la rue sans que personne ne puisse les soulager.»

Laissant New York derrière elle, Suzanne a rejoint les légions de journalistes qui se dirigeaient vers la nouvelle ligne de front de la guerre contre le terrorisme: l'Afghanistan. Ce pays abritait, croyait-on, le chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, l'architecte du 11 septembre 2001. Il a fallu attendre dix ans pour que les États-Unis le capturent, dans le pays voisin qu'est le Pakistan.

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Kristina Hollywood et sa fille Allyson assistent à une veillée aux chandelles pour les victimes du 11 septembre sur un site commémoratif après la mort d'Oussama ben Laden le 2 mai 2011. (Archive/AFP)

«On ne peut pas parler du 11-Septembre sans évoquer l'Afghanistan», explique Mme Plunkett. «Le temps passé [à Kaboul] était, dans une large mesure, porteur d'espoir. Il semblait impossible que les choses reviennent en arrière. On avait le sentiment que les talibans étaient finis. Les femmes pouvaient sortir. Elles apprenaient à conduire», se souvient-elle.

«J'ai réalisé toutes sortes de clichés, comme tous les autres photographes d’ailleurs. Nous sommes entrées dans un salon de beauté et, soudain, des femmes m'ont attrapée, maquillée, coiffée. Il régnait une certaine complicité. Nous éprouvions une belle sensation: nos ennuis étaient désormais derrière nous. C’était une sorte de soulagement.»

Aujourd'hui, Suzanne Plunkett se dit consternée de voir les talibans, qui ont repris le pouvoir, réduire à néant les progrès réalisés au cours des vingt dernières années. «Je suis fâchée par ce qui se passe en Afghanistan. Les motivations politiques ne me regardent pas, mais je suis convaincue que l'Afghanistan a été abandonné à son sort.»

Dns le sillage des événements du 11-Septembre, Plunkett est retournée une seule fois à New York. En 2018, elle s’est rendue dans son immeuble de l'East Village pour découvrir qu'il avait été urbanisé. Le charme grunge authentique dont elle se souvenait s'est considérablement estompé.

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Patrick Delaney tient une photo de son ancien ami, le pompier Robert Wallace, à l'extérieur de Ground Zero à l'occasion du huitième anniversaire des attentats extrémistes du 11 septembre 2001. (Archive/AFP)

Tout comme son ancien quartier, elle aussi a changé. Témoigner des événements du 11-Septembre, couvrir la longue mésaventure américaine en Afghanistan et faire la connaissance des Afghans ont bouleversé ses idées sur l'humanité et le monde. Cela l’a poussée au-delà de l'univers protégé du Midwest, où elle a grandi.

«Cette épreuve m'a rendue plus tolérante. Je n'acceptais pas facilement les personnes de cultures différentes. J'ai grandi dans une petite banlieue de Minneapolis. Je n'ai connu que cela», raconte-t-elle.

«Le monde est tellement complexe. Il faut se tenir informé et ne pas vivre dans une bulle. Nous ignorons ce qui passe dans le monde. Si seulement j’avais su tout cela le 10 septembre. Nous devons nous débarrasser de nos œillères, c’est important», souligne-t-elle.

«Le 11-Septembre m'a propulsée dans cette direction. Nous n'aurions pas dû attendre qu'un événement à ce point considérable se produise pour aller à la rencontre de gens qui ne sont pas comme nous et découvrir ce qui les motive. Au fond, ils sont comme nous.»

 

Twitter: @EphremKossaify 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews


Plus de 200 personnalités demandent la libération du dirigeant palestinien Marwan Barghouti

Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
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  • Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille
  • La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza

PARIS: Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002.

Marwan Barghouti, 66 ans et ancien cadre du Fatah, défend une résolution politique au conflit israélo-palestinien. Parfois surnommé par ses partisans le "Mandela palestinien", il est connu pour sa lutte contre la corruption et est cité comme un possible successeur du président palestinien Mahmoud Abbas.

La lettre ouverte, consultée par l'AFP, réunit des stars du cinéma comme Josh O'Connor, Benedict Cumberbatch et Javier Bardem, ainsi que des musiciens tels que Fontaines D.C. et Sting. Les autrices à succès Sally Rooney, Annie Ernaux ou Margaret Atwood ont également apporté leur soutien, tout comme les anciens footballeurs Éric Cantona et Gary Lineker.

"Nous exprimons notre vive inquiétude face à la détention continue de Marwan Barghouti, à ses mauvais traitements et au déni de ses droits légaux en prison", écrivent-ils, appelant "les Nations Unies et les gouvernements du monde à œuvrer activement" pour sa libération.

Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille. La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza.

Marwan Barghouti a été condamné à cinq peines de prison à vie par un tribunal israélien, qui l'a reconnu coupable d'implication dans des attaques meurtrières durant la seconde intifada (2000-2005).

Israël a refusé de le libérer dans le cadre des échanges de prisonniers, effectués depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Son fils a déclaré en octobre qu'il avait été violemment battu par des gardiens israéliens lors d'un transfert de prison. En août, le ministre israélien d'extrême droite Itamar Ben Gvir a diffusé une vidéo où il prend à partie et sermonne Marwan Barghouti, apparaissant affaibli dans sa cellule.


Ukraine: «aucun compromis» sur les territoires occupés après une rencontre Poutine-Witkoff à Moscou

"Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine. (AFP)
"Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine. (AFP)
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  • M. Witkoff, accompagné du gendre du président américain, Jared Kushner, s'est entretenu pendant près de cinq heures au Kremlin avec le dirigeant russe à propos de ce plan présenté par Washington
  • "Nous avons pu nous mettre d'accord sur certains points (...), d'autres ont suscité des critiques, mais l'essentiel est qu'une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts"

MOSCOU: "Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine.

M. Witkoff, accompagné du gendre du président américain, Jared Kushner, s'est entretenu pendant près de cinq heures au Kremlin avec le dirigeant russe à propos de ce plan présenté par Washington il y a deux semaines et depuis retravaillé lors de consultations avec les Ukrainiens.

"Nous avons pu nous mettre d'accord sur certains points (...), d'autres ont suscité des critiques, mais l'essentiel est qu'une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts", a indiqué le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov.

Sur la question des territoires occupés par la Russie en Ukraine, qui représentent environ 19% du pays, "aucune solution de compromis n'a encore été choisie", même si "certaines propositions américaines peuvent être discutées", a précisé M. Ouchakov.

Il a qualifié la discussion d'"utile", mais prévenu qu'il "reste encore beaucoup de travail" pour parvenir à un accord, alors que les troupes russes ont accéléré leur avancée sur le front.

"Ce que nous avons essayé de faire, et je pense que nous avons fait quelques progrès, est de déterminer ce qui pourrait convenir aux Ukrainiens et leur donner des garanties de sécurité pour l'avenir", a déclaré pour sa part le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio sur la chaîne Fox News, sans qu'il soit précisé s'il s'exprimait après la fin des pourparlers.

Après cet entretien avec les Russes à Moscou, Steve Witkoff et Jared Kushner pourraient rencontrer mercredi en Europe une délégation de Kiev, selon une source ukrainienne à l'AFP.

"Nous sommes prêts" 

Quelques heures avant sa rencontre avec les Américains, Vladimir Poutine avait menacé les Européens, les accusant de chercher à "empêcher" les efforts de Washington pour mettre fin au conflit.

"Nous n'avons pas l'intention de faire la guerre à l'Europe, mais si l'Europe le souhaite et commence, nous sommes prêts dès maintenant", a-t-il lancé aux journalistes, en marge d'un forum économique.

Des propos qui tranchent avec ceux du chef de l'Otan, Mark Rutte, qui s'est dit peu avant convaincu que les efforts américains en Ukraine "finiront par rétablir la paix en Europe".

Le président américain Donald Trump a répété mardi que le règlement du conflit en Ukraine était une question complexe. "Ce n'est pas une situation facile, croyez-moi. Quel gâchis", a-t-il dit.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, sous forte pression politique et diplomatique, a accusé la Russie d'utiliser les pourparlers actuels pour tenter "d'affaiblir les sanctions" visant Moscou.

Il a appelé à la fin de la guerre et pas "seulement à une pause" dans les combats.

Les Etats-Unis ont annoncé fin octobre des sanctions contre deux géants du secteur des hydrocarbures russes, Rosneft et Lukoil, les premières sanctions d'importance prises par Donald Trump contre la Russie depuis son retour au pouvoir.

Les Européens espèrent que l'administration Trump, soupçonnée de complaisance vis-à-vis de Vladimir Poutine, ne sacrifiera pas l'Ukraine, considérée comme un rempart face à la Russie.

Accélération russe 

Ces discussions se sont déroulées alors que les forces russes ont réalisé en novembre leur plus grosse progression sur le front en Ukraine depuis un an, selon l'analyse par l'AFP des données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), qui travaille avec le Critical Threats Project (CTP, émanation de l'American Enterprise Institute), deux centres de réflexion américains spécialisés dans l'étude des conflits.

En un mois, la Russie a pris 701 km2 aux Ukrainiens, la deuxième avancée la plus importante après celle de novembre 2024 (725 km2), en dehors des premiers mois de guerre au printemps 2022.

La Russie a revendiqué lundi la prise de la ville de Pokrovsk dans l'est de l'Ukraine, un nœud logistique clé pour Kiev, ainsi que celle de Vovtchansk, dans le nord-est. Mais l'Ukraine a affirmé mardi que les combats à Pokrovsk se poursuivaient.

En novembre, la Russie a tiré plus de missiles et de drones lors de ses attaques nocturnes sur l'Ukraine que durant le mois précédent, soit un total de 5.660 missiles et drones longue portée (+2%).

En interne, le président ukrainien est affaibli par un vaste scandale de corruption impliquant ses proches et qui a contraint son puissant chef de cabinet, Andriï Iermak, à la démission vendredi.

 


Bissau: formation d'un gouvernement, le président renversé est à Brazzaville

Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques. (AFP)
Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques. (AFP)
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  • La junte a depuis nommé le général Horta N'Tam président d'une transition censée durer un an et un Premier ministre
  • Le nouveau gouvernement compte également cinq officiers, dont le général de brigade Mamasaliu Embalo, nommé au poste de ministre de l'Intérieur, et le général Stive Lassana Manssaly qui occupe le portefeuille de la Défense nationale

BISSAU: La junte au pouvoir en Guinée-Bissau a formé samedi un nouveau gouvernement composé de 28 membres, en majorité des civils, quatre jours après avoir renversé le président Umaro Sissoco Embalo, qui est arrivé à Brazzaville.

Mercredi, des militaires ont annoncé avoir renversé le président Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés cette semaine dans ce petit pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de coups de force et de troubles politiques.

La junte a depuis nommé le général Horta N'Tam président d'une transition censée durer un an et un Premier ministre.

Le nouveau gouvernement compte également cinq officiers, dont le général de brigade Mamasaliu Embalo, nommé au poste de ministre de l'Intérieur, et le général Stive Lassana Manssaly qui occupe le portefeuille de la Défense nationale. Quatre femmes intègrent aussi le gouvernement.

M. N'Tam a exhorté le nouveau gouvernement à "lutter contre la corruption et le trafic de drogue", dans ce pays très pauvre et considéré comme une plaque tournante de ce trafic entre l'Amérique latine et l'Europe.

Brièvement arrêté par les militaires mercredi, puis parti au Sénégal jeudi dans un vol affrété par le gouvernement sénégalais, M. Embalo "est arrivé à Brazzaville pour y rester", a affirmé samedi à l'AFP une source proche de la présidence congolaise, sous couvert de l'anonymat.

Echauffourées 

M. Embalo, 53 ans, est réputé proche du président congolais Denis Sassou Nguesso, et s'est rendu à plusieurs reprises en visite au Congo.

"Le président Embalo est arrivé en fin de matinée à Brazzaville à bord d'un jet privé affrété par les autorités", a indiqué à l'AFP une source proche du pouvoir congolais, jointe depuis Bissau.

Dans la capitale bissau-guinéenne, le Parti Africain pour l'Indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), puissante et historique formation d'opposition, a dénoncé l'"envahissement" de son siège samedi matin dans la capitale et des "dégradations" par des "miliciens armés".

Selon le PAIGC, ces derniers ont "procédé à l'expulsion de toutes les personnes qui s'y trouvaient, à l’effraction des portes de bureaux et à la grave violation de l’intégrité des installations".

Le principal opposant Domingos Simoes Pereira - dirigeant du PAIGC, parti ayant mené la Guinée-Bissau à l'indépendance en 1974 - avait été écarté de la présidentielle du 23 novembre. Le parti avait ensuite soutenu le candidat d'opposition Fernando Dias, devenu le principal adversaire de M. Embalo lors du scrutin.

M. Pereira a été arrêté mercredi en Guinée-Bissau, selon des proches et un collaborateur.

Dans une déclaration jeudi à l'AFP, M. Dias affirme avoir largement remporté la présidentielle au premier tour et accuse M. Embalo d'avoir "organisé" le coup d'Etat pour empêcher son accession au pouvoir.

M. Dias affirme être "en sécurité" et se cacher dans le pays.

Par ailleurs, des échauffourées mineures ont eu lieu samedi dans la matinée dans un quartier périphérique de Bissau, non loin du siège de campagne de M. Dias, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Mercredi, les auteurs du putsch avaient expliqué vouloir garantir la "sécurité au niveau national et rétablir l'ordre", évoquant la découverte par les "renseignements généraux" d'un "plan visant à déstabiliser le pays avec l'implication des barons nationaux de la drogue".

Des opposants et des experts soupçonnent néanmoins M. Embalo, au pouvoir depuis 2020, d'avoir orchestré lui-même son renversement afin d'arrêter le processus électoral.

Coup "factice" 

La prise de pouvoir par les militaires a été largement critiquée, notamment par le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres qui a dénoncé une "violation des principes démocratiques".

La Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cedeao) a suspendu la Guinée-Bissau de "tous ses organes décisionnels". L'Union africaine (UA) a également suspendu le pays de ses instances.

Samedi, le président du Conseil des Sages et ancien chef d'Etat du Nigeria, Goodluck Jonathan, qui faisait partie des observateurs des scrutins du 23 novembre, a à nouveau affirmé que le coup d'état était selon lui "factice".

Il répondait à un journaliste de la télévision nationale après avoir briefé le président nigérian Bola Tinubu sur la situation en Guinée-Bissau.

"C'est une cérémonie mise en scène par le chef de l'Etat (Embalo, NDLR) lui même", a-t-il accusé. "Nous sommes fatigués de tout cela en Afrique....", a-t-il fustigé.

La Guinée-Bissau, située entre le Sénégal et la Guinée (Conakry), a déjà connu quatre coups d'Etat et une kyrielle de tentatives de putsch depuis son indépendance du Portugal en 1974. La proclamation des résultats électoraux y a souvent donné lieu à des contestations.