En Afghanistan comme en Irak, l'Occident n'avait pas de choix faciles, après le 11 septembre

Deux soldats américains inspectent les dégâts après qu'une petite charge explosive ait été utilisée pour faire sauter la porte d'un magasin dans le quartier industriel de Samarra, le 17 décembre 2003. (Photo, AFP/Archives)
Deux soldats américains inspectent les dégâts après qu'une petite charge explosive ait été utilisée pour faire sauter la porte d'un magasin dans le quartier industriel de Samarra, le 17 décembre 2003. (Photo, AFP/Archives)
Short Url
Publié le Dimanche 12 septembre 2021

En Afghanistan comme en Irak, l'Occident n'avait pas de choix faciles, après le 11 septembre

  • Après des échecs dans les deux pays, bannir des objectifs politiques aussi grandioses que «l'édification de la nation» pourrait s'avérer sage
  • Installer des gouvernements, organiser des élections et soutenir les économies ont créé des démocraties inefficaces

MISSOURI, États-Unis : La guerre mondiale contre le terrorisme lancée par l'administration du président américain George W. Bush a commencé en Afghanistan en 2001, peu après le 11 septembre, et s'est étendue à l'Irak deux ans plus tard.

Les régimes respectifs des talibans et de Saddam Hussein ont été renversés, l'autonomie de la région kurde d'Irak a été légalement reconnue et, pendant un bref moment, Afghans et Irakiens ont bénéficié de libertés inédites. Mais aucun des deux pays ne finira par être sauvé. 

Alors que les Américains se sont finalement retirés d'Afghanistan le mois dernier, le monde a vu les talibans reprendre le pays beaucoup plus rapidement que la plupart des gens n'auraient pu l'imaginer. Pendant ce temps-là, l'Irak ressemble de plus en plus à une terre oubliée et brisée, un terrain de jeu pour les milices soutenues par l'Iran.

On pourrait conclure que les guerres en Afghanistan et en Irak n'étaient rien de plus qu'un gaspillage colossal de sang et d’argent. Certains commentateurs à Washington suggèrent maintenant que des expressions telles que «l’édification de la nation» et «nous installerons un nouveau gouvernement» devraient être supprimées du lexique des décideurs américains.

Bannir de tels objectifs politiques grandioses de l'imagination américaine pourrait s'avérer sage, effectivement. Les divisions ethniques et sectaires en Afghanistan et en Irak n'ont jamais été quelque chose que les États-Unis ou d'autres puissances occidentales pourraient «réparer».

L'installation de nouveaux gouvernements, la tenue d'élections et l'injection d'énormes sommes d'argent d'aide en peu de temps ont créé des gouvernements corrompus dans les deux pays, plutôt que des démocraties pleinement opérationnelles.

img
Un Irakien passe devant une fresque défigurée du président déchu Saddam Hossein intitulée «Saddam, la gloire des Arabes» à l'entrée de l'ancien camp d'entraînement militaire de Samawa, à 270 km au sud de Bagdad, le 24 février 2004. (Photo, AFP/Archives)

Ces nouvelles démocraties manquaient d'une véritable identité nationale partagée qui remplaçait les loyautés locales, tribales, ethniques et sectaires. Et avec le renversement des régimes précédents, ils ont également perdu toutes les institutions qu'ils auraient pu avoir à gérer eux-mêmes. Débordant d'argent de l'extérieur, ou «argent de l'aide», ils sont rapidement devenus des systèmes patron-client élaborés et très corrompus.

Des groupes traditionnellement dominants qui se sont retrouvés déclassés et même exclus du nouveau système néo-patrimonial corrompu, les Pachtounes en Afghanistan et les Arabes sunnites en Irak, ont mené des insurrections contre les nouveaux États.

Ces insurrections ont rendu l'utilisation productive de l'argent de l'aide, pour construire des écoles, des réseaux électriques et des ponts, par exemple, ou pour soutenir l'agriculture, d'autant plus difficile et incertaine. Les leaders élus ont plutôt utilisé leur temps en fonction pour s'enrichir et enrichir les membres de leurs clans ou leurs sectes.

img 2
Deux soldats américains de la 1re brigade de la 4e division d'infanterie montrent le trou où le dictateur renversé Saddam Hossein a été capturé à Ad Dawr, près de sa ville natale Tikrit, à 180 km au nord de Bagdad, le 15 décembre 2003. (Photo, AFP/Archives)

Alors que les talibans ont finalement pu utiliser la frustration populaire qui en a résulté, ainsi que le terrain très accidenté de l'Afghanistan et la proximité des bailleurs de fonds au Pakistan, pour reprendre le pouvoir 20 ans après leur renversement, les Arabes sunnites en Irak ne dirigeront probablement jamais le pays comme ils l'ont fait auparavant. Étant donné que les chiites et les Kurdes représentent environ 80 % de la population irakienne, c'est apparemment une bonne chose.

À présent, le résultat le plus problématique du changement de régime en Irak est l'influence iranienne accablante dans le pays. Si Daech a représenté la dernière tentative arabe sunnite pour reprendre le pouvoir en Irak, elle a également donné à l'Iran et aux chiites irakiens l'élan nécessaire pour former des milices chiites irresponsables, qui sévit désormais dans les régions arabes du pays.

img 3
Deux soldats américains du 1er bataillon du 22e régiment de la 4e division d'infanterie sécurisent les paramètres lors d'une patrouille à pied dans une rue de la ville natale de l'ancien président irakien Saddam Hossein, Tikrit, à Bagdad, le 27 décembre 2003. (Photo, AFP/Archives)

Tout comme au Liban et au Yémen, d'autres pays désormais, en grande partie, dirigés par les milices chiites qui agissent au nom de l'Iran, l'État irakien ressemble désormais à une coquille creuse, incapable de fournir des services à sa population et dirigé par les partisans d'Ali, équipés d'AK-47 qui dominent les points de contrôle dans tout le pays.

Les Forces de mobilisation populaire à prédominance chiite semblent impossibles à déloger, d'autant plus qu'elles ont obtenu une reconnaissance légale et un salaire de l'État, même si le gouvernement élu d'Irak ne les contrôle pas.

Dans le nord kurde de l'Irak, les deux principales familles dirigeantes ont mieux réussi à mettre en place une administration décente et fonctionnelle. Pourtant, eux aussi s'accrochent à leurs propres forces armées familiales, les Peshmergas, et qui sont responsables d'une bonne partie de la corruption.

Les choses auraient-elles pu être différentes ? Et si les Américains n'étaient pas restés pour occuper l'Afghanistan et l'Irak après avoir renversé les talibans et Saddam ?

Les deux guerres se sont d'abord très bien déroulées pour les forces américaines. En quelques  semaines, et sans pratiquement aucune victime, les Américains ont chassé du pouvoir les talibans ainsi que les Baathistes de Saddam.

Et si, immédiatement après ces victoires rapides, les Américains avaient amené les dirigeants de toutes les communautés concernées à la table des négociations et leur avaient dit : «Nous partons dans deux semaines, arrangez-vous bien entre vous ou nous reviendrons ?».

En Afghanistan, le résultat ne serait probablement pas si différent. Les talibans auraient repris le pouvoir en peu de temps, mais peut-être pas dans le nord où l'Alliance du Nord d'Abdul Rashid Dostum aurait pu faire quelques gains.

Paradoxalement, les talibans contrôlent désormais plus de territoires de l'Afghanistan qu'il y a 20 ans, au moment des attentats du 11 septembre. Au moins dans un scénario de « départ rapide » après les premiers succès de 2001, les États-Unis et leurs alliés n'auraient pas gaspillé autant de vies et autant d'argent dans un effort futile d’«édification de la nation».

En Irak, un départ rapide de la coalition après le renversement de Saddam en 2003 aurait probablement conduit à un résultat tout aussi mauvais. En réaction aux gains kurdes, les Kurdes étaient le groupe irakien le plus organisé et le mieux armé immédiatement après la chute du régime de Saddam, la Turquie aurait probablement envahi l'Irak, tout comme elle l'a fait la Syrie en 2019 et 2020. 

Les menaces contre les chiites irakiens par des extrémistes arabes sunnites et d'anciens baathistes auraient conduit à une intervention iranienne, encore une fois, un peu comme en Syrie, et l'effusion de sang aurait peut-être été pire qu'en 2006 ou 2014. Des décennies de répression baathiste en Irak avaient créé trop de frictions entre les communautés, qu'aucune implication américaine n'aurait pu corriger. 

img 4
Deux soldats américains du 1er bataillon du 22e régiment de la 4e division d'infanterie sécurisent les paramètres lors d'une patrouille à pied dans une rue de la ville natale de l'ancien président irakien Saddam Hossein, Tikrit, à Bagdad, le 27 décembre 2003. (Photo, AFP/Archives)

Sinon, et si après le 11 septembre, les États-Unis n'avaient pas du tout envahi l'Afghanistan ou l'Irak ? Au moins, plus de 7 000 jeunes soldats américains seraient encore en vie aujourd'hui, un grand nombre d'autres n'auraient pas été blessés et le Trésor américain serait en bien meilleur état qu'il ne l'est maintenant.

Certains bombardements intensifs sur les camps d'Al-Qaïda en Afghanistan auraient pu assouvir la soif de justice ou de vengeance des Américains après le 11 septembre, même si cela n'aurait probablement pas suffi à en satisfaire plus d'un. Al-Qaïda aurait pu rester une force beaucoup plus puissante qu'elle ne l'est aujourd'hui.

L'Irak a été un problème plus complexe, car le pays était sur le point de vaincre avec succès les sanctions qui lui ont été imposées dans les années 1990, ainsi que d'autres tentatives occidentales pour vaincre Saddam.

img 5
Des soldats américains contrôlent des hommes irakiens dans la ville de Nassiriyah, dans le sud de l'Irak, le 17 décembre 2003, avant que ces irakiens ne pénètrent dans la base de Talil, afin de déposer une plainte contre l'armée américaine pour les dommages matériels causés par les forces de la coalition lors de leur intervention. (Photo, AFP/Archives)

On pourrait facilement imaginer que Saddam exploite une telle victoire politique de la même manière que Gamal Abdel Nasser a utilisé sa défaite militaire lors de la crise de Suez en 1956. Bien que Abdel Nasser ait perdu la guerre, la victoire politique qu'il a remportée en forçant les Britanniques, les Français et les Israéliens à se retirer a fait de lui un héros dans le monde arabe et au-delà.

Un Saddam revigoré de la même manière aurait pu redémarrer son programme nucléaire et causer des problèmes indicibles à ses voisins du Golfe, à son propre peuple, en massacrant un grand nombre comme il l'a fait auparavant, et encore à la région dans son ensemble.

En fin de compte, même 20 ans de recul ne peuvent offrir une vision parfaite alors que nous regardons les événements qui ont suivi le 11 septembre. Parfois, il n'y a pas de bons choix, seulement des mauvais et des moins mauvais.

Vingt ans d’«édification de la nation» en Afghanistan étaient probablement un mauvais choix. Renverser Saddam et essayer de refaire l'Irak, d'un autre côté, aurait pu être le moins mauvais choix, mais c'est quand même une assez mauvaise option.

 

*David Romano est professeur à l’institut Thomas G. Strong de politique du Moyen-Orient à l'Université d'État du Missouri

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com

 


Israël frappe à nouveau le sud du Liban, un an après le cessez-le-feu

L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
L'armée israélienne a déclaré avoir mené jeudi une série de frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, la dernière en date malgré le cessez-le-feu conclu il y a un an avec le groupe militant. (X/@fadwa_aliahmad)
Short Url
  • L’armée israélienne a mené de nouvelles frappes dans le sud du Liban, ciblant des infrastructures et des sites d’armes du Hezbollah, malgré un cessez-le-feu en vigueur depuis un an
  • Le gouvernement libanais est accusé par Israël et les États-Unis de tarder à démanteler la présence militaire du Hezbollah dans la zone frontalière, tandis que Beyrouth dément toute faute et rejette les accusations israéliennes

JERUSALEM: L'armée israélienne a annoncé jeudi avoir mené de nouvelles frappes contre le Hezbollah dans le sud du Liban, au moment où elle intensifie ses attaques sur le territoire libanais malgré un cessez-le-feu avec le mouvement pro-iranien qu'elle accuse de chercher à se réarmer.

"Il y a peu, l'armée israélienne a frappé et démantelé des infrastructures terroristes du Hezbollah dans plusieurs zones dans le sud du Liban", écrit l'armée dans un communiqué.

"Dans le cadre de ces frappes, l'armée a visé plusieurs sites de lancement où des armes du Hezbollah étaient stockées", ajoute le communiqué, qui précise que les frappes ont également touché des "postes militaires utilisés par des membres du Hezbollah pour mener des attaques terroristes".

L'agence de presse d'Etat libanaise ANI a annoncé une série de "raids aériens israéliens sur Al-Mahmoudiya et Al-Jarmak dans la région de Jezzine."

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, signé il y a un an jour pour jour, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Mercredi, le ministre israélien de la Défense Israël Katz avait averti qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré M. Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

La Présidence libanaise a publié mercredi une déclaration du président Joseph Aoun qui "a rejeté les allégations israéliennes qui portent atteinte au rôle de l'armée et remettent en question son travail sur le terrain, notant que ces allégations ne reposent sur aucune preuve tangible."


Un an après le cessez-le-feu au Liban, la paix reste fragile alors que les violations israéliennes se multiplient

Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
Cette frappe est la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième à avoir lieu sans avertissement préalable. (Photo d'archive: AFP)
Short Url
  • Le cessez-le-feu demeure extrêmement fragile : plus de 5 000 violations israéliennes, une frappe majeure à Beyrouth et un risque réel d’escalade malgré les appels internationaux à la retenue
  • Le Sud-Liban vit une crise humanitaire profonde, avec des villages détruits, jusqu’à 70 000 déplacés et une population abandonnée entre l’État libanais et le Hezbollah

BEYROUTH : Alors que le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah s'apprête à entrer dans sa deuxième année vendredi, les signaux d'alarme retentissent plus fort que jamais quant au risque d’une reprise du conflit au Liban.

L’assassinat dimanche dernier de Haytham Ali Tabatabai, chef militaire du Hezbollah et deuxième figure la plus puissante du mouvement après le secrétaire général Naim Qassem, lors d’une attaque audacieuse dans la banlieue sud de Beyrouth, a brisé les espoirs d’une stabilité durable.

La réponse du Hezbollah — qu’elle prenne la forme d’une action militaire ou d’un simple blâme diplomatique, comme certains cadres l’ont laissé entendre — pourrait déterminer si le cessez-le-feu survivra.

Cette frappe représente la cinquième opération israélienne visant la banlieue sud depuis le 27 novembre 2024, et la deuxième menée sans avertissement préalable.

Les registres officiels font état de 5 350 violations israéliennes du cessez-le-feu en douze mois. Ces violations ont coûté la vie à plus de 340 personnes — principalement des combattants et commandants du Hezbollah, mais aussi des civils, dont des enfants et des femmes — et ont blessé plus de 650 autres.

Dans une escalade notable, les forces israéliennes ont frappé pour la première fois Aïn Al-Héloué, un camp de réfugiés palestiniens.

Les violations répertoriées comprennent 2 198 incursions terrestres, 2 983 opérations aériennes et 169 violations maritimes.

Les forces de maintien de la paix de l’ONU dressent un tableau encore plus sombre, rapportant plus de 7 500 violations aériennes et environ 2 500 violations terrestres au nord de la Ligne bleue depuis l’accord de l’an dernier, ainsi que la découverte et la saisie de plus de 360 caches d’armes abandonnées, remises à l’armée libanaise.

La stratégie d’Israël s’apparente à une campagne d’usure progressive contre le Hezbollah, visant à réduire systématiquement ses capacités tandis que l’armée libanaise s’emploie à désarmer le groupe au sud du fleuve Litani.

L’armée affirme avoir rempli plus de 80 % de ce mandat, avec une échéance fixée à la fin de l’année avant que les opérations ne s’étendent vers le nord — une zone dans laquelle le Hezbollah refuse catégoriquement de rendre ses armes, estimant que la décision revient aux dirigeants politiques libanais.

Le conflit lui-même a porté de lourds coups au Hezbollah, décimant ses rangs et infligeant des pertes catastrophiques à ses stocks d’armement. Mais le plus inquiétant est peut-être l’empiètement physique d’Israël sur le territoire libanais.

Les observateurs de l’ONU ont documenté la construction par l’armée israélienne de murs en T en béton près de la Ligne bleue. Des relevés confirment que ces barrières s’enfoncent dans le territoire libanais au sud-ouest de Yaroun, isolant plus de 4 000 m² de terres libanaises. Des constructions similaires sont apparues au sud-est de la même ville ces dernières semaines.

Plus largement, les forces israéliennes contrôlent cinq positions réparties sur 135 km de territoire libanais — des Fermes de Chebaa à Ras Al-Naqoura — situées 500 à 1 000 mètres au-delà de la Ligne bleue.

L’ONU a exigé des enquêtes rapides et impartiales sur les opérations militaires israéliennes, en particulier la frappe contre le camp de réfugiés palestiniens, évoquant des violations potentielles du droit international humanitaire et appelant à la reddition de comptes.

Vingt ressortissants libanais croupissent dans les prisons israéliennes, principalement à Ofer, parmi lesquels dix membres du Hezbollah capturés lors de combats près d’Aïta Al-Chaab, un officier de marine enlevé lors d’un raid commando, et neuf civils. Leurs familles n’ont reçu aucune information officielle du Comité international de la Croix-Rouge sur leurs conditions ou leur état de santé.

Une source officielle libanaise a estimé que « la libération des détenus fait partie des termes de l’accord de cessez-le-feu, tout comme le retrait des territoires occupés, et le Liban ne détient aucun prisonnier israélien en échange. »

La politique de la terre brûlée menée par Israël dans les villages frontaliers s’est poursuivie, les attaques visant toute tentative de reconstruction. La Banque mondiale estime le coût des travaux à environ 11 milliards de dollars.

« Entre 10 et 15 villages ont été complètement rayés de la carte », affirme Tarek Mazraani, ingénieur à Houla et coordinateur du « Rassemblement des villages frontaliers du Sud ».

Mazraani estime que 65 000 à 70 000 personnes restent déplacées de leurs maisons et de leurs villages détruits.

« Ceux qui sont revenus sont ceux qui ne peuvent littéralement aller nulle part ailleurs, principalement des personnes âgées vivant au milieu des décombres, exposées quotidiennement à l’horreur des bombardements et aux couvre-feux, sans aucun hôpital pour les soigner », a-t-il déclaré à Arab News.

Toute personne souhaitant enterrer un proche doit obtenir l’autorisation de la FINUL, qui informe ensuite Israël pour permettre l’inhumation.

« Malgré cela, l’armée israélienne bombarde à chaque fois les abords du cortège funéraire », ajoute Mazraani.

Il précise que les déplacés ont loué des logements à Nabatiyé, Tyr, Saïda, Iqlim Al-Kharroub, dans la banlieue sud de Beyrouth et au Mont-Liban. La plupart sont agriculteurs, mais on compte aussi des enseignants, des ingénieurs, des travailleurs indépendants et des membres des forces de sécurité.

« Depuis la fin de la guerre, ces gens sont laissés sans aucun soutien officiel ou partisan. L’un des habitants les plus riches de la région, qui a tout perdu, travaille désormais comme livreur », dit-il.

Les personnes déplacées sont prises entre l'État parallèle du Hezbollah et l'État libanais : « Tout le monde exploite leur tragédie, même au sein de notre propre communauté du sud. Les loyers sont extrêmement élevés et nous ne nous sentons jamais chez nous. »

L’un d’eux, qui souhaite rester anonyme, explique : « Ceux qui ne sont affiliés à aucun parti sont loin de la politique. Notre seule préoccupation est d’assurer notre subsistance et une couverture financière en cas d’hospitalisation. Nous nous sentons orphelins et abandonnés, surtout quand une institution du Hezbollah nous dit qu’elle n’a plus d’argent. »

Il ajoute : « Les habitants des zones détruites paient le prix fort. Certains en veulent au Hezbollah pour la guerre et les milliers de morts qu’elle a entraînés, tandis que d’autres craignent que l’autre camp se réjouisse de notre malheur sans jamais nous rassurer. »

Les attentes libanaises face aux menaces israéliennes de relancer la guerre — sapant l’accord de cessez-le-feu négocié par la France et les États-Unis et dont les termes ressemblent fortement aux points principaux de la résolution 1701 — restent contradictoires.

Certains observateurs politiques jugent ces menaces « exagérées », tandis que d’autres estiment qu’« une frappe est inévitable mais n’aboutira pas à une guerre totale ; elle vise à pousser le Liban à négocier ».

Plus tôt ce mois-ci, le président libanais Joseph Aoun a déclaré : « Le Liban n’a pas d’autre choix que de négocier, et le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre. »

Le Premier ministre Nawaf Salam l’a confirmé, exprimant son espoir d’un « soutien américain à une solution diplomatique ».

Pour l’heure, cependant, des négociations directes entre le Liban et Israël restent totalement exclues.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël: le ministre de la Défense avertit qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays

Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Un an après le cessez-le-feu entre Israël et le Hezbollah, l'armée israélienne maintient toujours cinq positions dans le sud du Liban, avec des fortifications et des voies d'accès élargies, selon des images satellites analysées par l'AFP. (AFP)
Short Url
  • Israël avertit qu’aucun calme ne reviendra au Liban tant que sa propre sécurité ne sera pas garantie, intensifiant ses frappes malgré la trêve et affirmant vouloir désarmer le Hezbollah
  • L’Égypte tente de désamorcer les tensions, tandis que l’application du cessez-le-feu reste bloquée : l’armée libanaise dit vouloir démanteler les positions du Hezbollah, mais Israël et les États-Unis accusent Beyrouth de traîner

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien a averti mercredi qu'il n'y aura "pas de calme" au Liban sans sécurité pour son pays, alors qu'Israël a intensifié ses opérations militaires au Liban ces dernières semaines, en dépit d'un accord de cessez-le-feu.

"Nous ne permettrons aucune menace contre les habitants du nord, et une pression maximale continuera à être exercée et même s'intensifiera", a déclaré Israël Katz lors d'une intervention devant le parlement israélien, avançant pour preuve "l'élimination" dimanche à Beyrouth du chef militaire du Hezbollah.

"Il n'y aura pas de calme à Beyrouth ni d'ordre et de stabilité au Liban tant que la sécurité de l'Etat d'Israël ne sera pas garantie", a ajouté M. Katz en affirmant que son pays allait désarmer le Hezbollah.

Le ministre égyptien des Affaires étrangères a déclaré mercredi que son pays oeuvrait à la désescalade des tensions entre Israël et le mouvement armé libanais soutenu par l'Iran.

"Nous craignons toute escalade et nous sommes inquiets pour la sécurité et la stabilité du Liban", a déclaré ce ministre, Badr Abdel Ati, après sa rencontre avec le président libanais Joseph Aoun à Beyrouth mercredi.

"Nous engageons des efforts considérables pour épargner au Liban tout risque, ou toute atteinte, concernant sa sécurité", a-t-il ajouté.

Israël a frappé le Liban à plusieurs reprises malgré la trêve, affirmant régulièrement cibler les membres et les infrastructures du Hezbollah pour empêcher le groupe de se réarmer, ce qu'il nie être en train de faire.

En vertu de l'accord de cessez-le-feu, l'armée libanaise doit démanteler la présence militaire du Hezbollah sur une bande d'une trentaine de kilomètres entre la frontière avec Israël et le fleuve Litani, plus au nord.

L'armée a soumis un plan au gouvernement, dans lequel elle s'engage à accomplir cette tâche titanesque, avant de procéder par étapes sur le reste du territoire libanais. Mais les Etats-Unis et Israël accusent les autorités libanaises de tarder, face à la ferme opposition du Hezbollah.

Ce dernier invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban, dont l'accord de cessez-le-feu stipule pourtant que l'armée israélienne doit se retirer.