Les États-Unis envoient le mauvais message à l'Iran

L'administration Biden a supprimé les Houthis de sa liste d’organisations terroristes, malgré leur slogan officiel – «Mort à l'Amérique» – et leur attaque contre la marine américaine sous la présidence d'Obama. (AFP)
L'administration Biden a supprimé les Houthis de sa liste d’organisations terroristes, malgré leur slogan officiel – «Mort à l'Amérique» – et leur attaque contre la marine américaine sous la présidence d'Obama. (AFP)
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Publié le Mercredi 15 septembre 2021

Les États-Unis envoient le mauvais message à l'Iran

Les États-Unis envoient le mauvais message à l'Iran
  • Les conseillers en politique étrangère des États-Unis savent-ils vraiment qui sont leurs amis dans cette partie du monde?
  • Les attaques houthies se sont intensifiées cette année, en particulier depuis que les miliciens ne figurent plus sur la liste américaine des organisations terroristes

Depuis l'entrée en fonction de l'administration Biden, une série de décisions en matière de politique étrangère – tantôt peu judicieuses, tantôt malvenues, parfois les deux à la fois – soulèvent une question que je pensais ne jamais avoir à poser: les conseillers en politique étrangère des États-Unis savent-ils vraiment qui sont leurs amis dans cette partie du monde?

Alliés et partenaires des États-Unis sont perplexes. Ce qui est plus inquiétant encore, c'est que les ennemis de l'Amérique qui menacent la stabilité dans la région se sentent renforcés, voire enhardis.

Prenons l'exemple de la récente décision des États-Unis, qui a consisté à retirer de l'Arabie saoudite leur système de défense antimissile sophistiqué et leurs batteries Patriot. Le Royaume est pourtant un partenaire stratégique des États-Unis. Je me demande si, à Washington, quelqu'un a envisagé la situation sous cet angle: étant donné que les terroristes houthis du Yémen visent de manière régulière et délibérée les régions civiles du Royaume, cette décision est comparable à un refus des États-Unis de voir Israël se doter de la technologie Dôme de fer (système de défense aérienne mobile israélien, NDLR) en dépit des attaques du Hamas qui le ciblent.

Cette comparaison est loin de traduire pleinement l'ambiguïté de la position des Américains. En effet, les Houthis se sont réjouis de voir l'administration Biden ne plus les considérer comme des terroristes malgré leur slogan officiel – qui demeure «Mort à l'Amérique» – et leur attaque contre la marine américaine sous la présidence d'Obama. (Ce retrait des batteries serait soi-disant de nature à faciliter le passage de l'aide humanitaire vers le Yémen. Or, étrangement, le fait pour le Hamas d'être sur la liste des groupes terroristes n'est pas un obstacle à l'acheminent des aides vers Gaza).

Bien entendu, l'Arabie saoudite est tout à fait capable de se défendre, et c'est d'ailleurs son droit. Le Royaume est remarquablement parvenu à protéger les innocents de la plupart des missiles et des drones que la milice houthie avait lancés et qui sont tous fabriqués ou fournis par l'Iran. À l'aide de ces armes, les Houthis n'hésitent pas à attaquer, en Arabie saoudite, des sites pétroliers, des aéroports civils et des villes.
 

La récente décision des États-Unis, qui a consisté à retirer de l'Arabie saoudite leur système de défense antimissile sophistiqué et leurs batteries Patriot est comparable à un refus des États-Unis de voir Israël se doter de la technologie Dôme de fer en dépit des attaques du Hamas qui le ciblent.

Faisal J. Abbas

 
En effet, la milice houthie a mené des centaines d'attaques de missiles et de drones à l'encontre de l'Arabie saoudite. Ces attaques se sont intensifiées cette année, en particulier depuis que les miliciens ne figurent plus sur la liste américaine des organisations terroristes. Aux États-Unis, diplomates et hauts fonctionnaires ont condamné toutes ces attaques et ont publiquement admis que la résolution politique du conflit au Yémen ne semblait pas intéresser les Houthis.

Au moment où l’un de ses partenaires stratégiques se trouve sous le feu des attaques, la décision prise par les États-Unis de retirer les batteries Patriot n'est guère compréhensible. Cependant, c'est le message que cette initiative envoie aux Houthis et à leur mandataire, en l’occurrence l'Iran, qui suscite la plus vive inquiétude. L'Arabie saoudite comme les États-Unis souhaitent les amener à la table des négociations pacifiques, bien que le problème de fond réside dans le fait que l'administration Biden désespère de signer un nouvel accord sur le nucléaire avec Téhéran.

L’ensemble de ces événements surviennent au lendemain de la débâcle du retrait des États-Unis d'Afghanistan et de l’atmosphère négative qui l'a accompagnée, d'autant que Washington a été accusé de tourner le dos à ses anciens alliés au sein du gouvernement afghan.

Tout cela n’est pas de nature à donner une image favorable de l'Amérique ou de la cohérence de sa politique étrangère.

Par ailleurs, certains observateurs se trompent en établissant un lien entre les dernières décisions américaines et la divulgation de l'enquête du FBI sur les attentats du 11-Septembre, perpétrés vingt ans auparavant, car ces deux événements ne sont certainement pas liés: en réalité, la décision des États-Unis de retirer et de redéployer leurs actifs militaires a été prise plus tôt cette année. En ce qui concerne le rapport de l’enquête sur les attentats du 11-Septembre, l'Arabie saoudite a salué son contenu, dans la mesure où il corrobore ce que le Royaume a longtemps soutenu: ces actions terroristes ont été commises par des individus et ne relèvent en rien de la politique du gouvernement saoudien.

Il ne s’agit pas d’un vain discours de la part du Royaume. Il appartient aux détracteurs de se rappeler que la politique officielle de l'Arabie saoudite a toujours été axée – et elle continue de l’être – sur la lutte contre le terrorisme et contre toutes les personnes qui y adhèrent. Le Royaume ne s'est pas contenté de retirer la citoyenneté saoudienne à Oussama ben Laden: il a aussi mis en garde contre l'existence d'Al-Qaïda et ses intentions malveillantes dès le début, bien avant la tragédie du 11-Septembre.

Al-Qaïda et ses attaques barbares ont porté préjudice au Royaume lui-même. Ce dernier a incriminé et poursuivi en justice ses partisans et il a tout fait pour stopper l'afflux de fonds destinés à ces terroristes.

Dans ce contexte, il est bien difficile de concevoir que les États-Unis tendent un rameau d'olivier au régime iranien, qui prône une doctrine tout à fait contraire de la leur. La politique de l'Iran se résume en effet au soutien et à la propagation du terrorisme. Les administrations américaines, qu'il s’agisse du département d'État ou du Trésor, possèdent suffisamment de preuves pour reconnaître que l'Iran abrite et finance des extrémistes chiites, mais aussi des terroristes sunnites qui appartiennent à Al-Qaïda.

Quelle est aujourd'hui l’opinion de Téhéran vis-à-vis des États-Unis? À la place des officiels iraniens, je me dirais sans doute: avec des ennemis comme ceux-là, qui a besoin d'amis?

Faisal J. Abbas est rédacteur en Chef d'Arab News.

Twitter: @FaisalJAbbas

NDLR: les opinions exprimées par les rédacteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.