La leçon tunisienne : l'islam politique n'est pas la solution

Un policier monte la garde devant le Parlement à Tunis, en Tunisie, le 29 juillet 2021. (Photo, Reuters)
Un policier monte la garde devant le Parlement à Tunis, en Tunisie, le 29 juillet 2021. (Photo, Reuters)
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Publié le Lundi 02 août 2021

La leçon tunisienne : l'islam politique n'est pas la solution

La leçon tunisienne : l'islam politique n'est pas la solution
  • Au changement d’acte, les masques tombent et les vraies couleurs politiques se manifestent, et emportent le plus souvent dans leur sillage tous les piliers de la démocratie
  • Dans la première moitié de 2021, la Tunisie a connu 6 798 manifestations et enterré 15 000 victimes de la Covid-19

Les événements en Tunisie confirment les nombreuses mises en garde contre la participation des Frères musulmans dans l’administration de ce pays. Aujourd’hui, les Tunisiens, comme bien des citoyens de pays arabes auparavant, voient clair dans le jeu de la confrérie et son slogan; leur devise, «L'islam est la solution», n'est en réalité que le fruit amer d’une imagination aigrie, élaborée pour monopoliser les émotions sans jamais amener à la table la moindre solution concrète.

Le parti islamiste Ennahdha tient les rênes du pouvoir depuis deux ans et, si son incapacité à gérer la pandémie du coronavirus et l'effondrement de l'économie nationale prouvent quelque chose, ce serait que les États modernes doivent être guidés par des technocrates avisés, non pas des théocrates barbus. De plus, cette spirale déconstruit le mythe du parti «islamique démocratique» projeté par Ennahdha. Quand allons-nous apprendre que de tels partis ne prennent un discours civil et démocratique que quand cela leur convient ? Au changement d’acte, les masques tombent et les vraies couleurs politiques se manifestent, et emportent le plus souvent dans leur sillage tous les piliers de la démocratie.

Il ne faut pas oublier les actions du Hezbollah à Beyrouth entre 2006 et 2008, lorsque le Premier ministre Saad Hariri a tenté d’aborder les sujets de la restriction du port d’armes à l’armée libanaise et de la mainmise sur l'aéroport. Le parti avait alors envahi Beyrouth par la force, alors même que ses députés siégeaient au Parlement. Même son de cloche avec le Hamas à Gaza, où il suffit de constater la soif de pouvoir qui diverge considérablement des priorités de l'unité palestinienne et de la cause palestinienne.

En ce sens, les menaces proférées par Rached Ghannouchi en réponse aux derniers événements ne sont guère surprenantes. Aux quotidiens britannique et italien Times of London et Corriere della Sera, l'idéologue d'Ennahdha va même jusqu’à affirmer que des vagues de réfugiés inonderaient l’Europe si la démocratie n’est pas rétablie en Tunisie. Conscient de la sensibilité des Européens à cet égard, il croit pouvoir réussir à exercer ce chantage sur la communauté internationale. Le point qui lui échappe toutefois, c’est qu’en raison de sa gouvernance insuffisante, les Tunisiens affluent en Europe depuis deux ans, un flux qui commence au moment où lui et son parti accèdent au pouvoir. En effet, la triste réalité est que ses concitoyens constituent 14,5% des migrants qui débarquent illégalement en Italie.

Et quoi que Ghannouchi dise aujourd’hui, la seconde réalité est que son parti fait l'objet d'une enquête par rapport aux fonds étrangers et dons anonymes qu’il aurait acceptés avant les élections de 2019.

Les chiffres, frappants, parlent d’eux-mêmes. Au premier semestre de 2021, la Tunisie a connu 6 798 manifestations et enterré 15 000 victimes de la Covid-19. Les infections ont bondi de 200%, et une contraction économique de 21% d'avril 2020 aux trois premiers mois de 2021 a entraîné un taux de chômage de 17,8%. 

Mais, encore plus tragique, pas moins de 78 cas de suicide enregistrés au premier semestre de cette année sont imputés aux conditions de vie déplorables.

La responsabilité de cette situation incombe entièrement à Ennahdha, et le peuple tunisien n'a pas tardé à s'en rendre compte et à descendre dans la rue pour protester. Le président Kaïs Saïed s’est donc trouvé dans l’obligation d’intervenir pour sauver le pays.

 

Stratagème habituel des partis islamistes, les menaces d'Ennahdha de terreur en Europe et de violence en Tunisie, ne sont ni nouvelles ni imprévisibles

Faisal J. Abbas

 Stratagème habituel des partis islamistes, les menaces d'Ennahda de terreur en Europe et de violence en Tunisie, ne sont ni nouvelles ni imprévisibles. Elle n’ont pour but que de détourner l'attention d'un problème en en créant un autre.

Les islamistes n'avaient pas prévu que le président Saïed allait faire preuve d’autant de courage et écarter toute allusion à un coup d'État. Ce dernier va d’ailleurs citer l'homme d'État français Charles de Gaulle: «Pourquoi voulez-vous qu'à 67 ans je commence une carrière de dictateur?» 

La correspondante du New York Times Vivian Yee décrit parfaitement la situation dans son enquête sur la Tunisie : «Une décennie de chômage tenace, de pauvreté grandissante, de corruption métastatique et d'impasse politique, et maintenant la pandémie, ont anéanti la foi dans le gouvernement.» La journaliste explique que presque tous les Tunisiens à qui elle a parlé semblaient satisfaits, et pour bien d’entre eux très enthousiastes, face aux mesures prises par Saïed. C’est dire le ras-le-bol universel dont Ghannouchi et son parti islamiste font l’objet.

Le bon peuple tunisien mérite de meilleurs jours. Ceux qui s'inquiètent des actions de Saïed devraient étudier l'histoire de la Tunisie et réaliser qu’il a pris la bonne décision, et qu’il applique les mêmes principes que le très vénéré président Habib Bourguiba, le leader nationaliste qui a placé la Tunisie sur la trajectoire du progrès.

 

Faisal J.Abbas est le rédacteur en chef d'Arab News

Twitter: @FaisalJAbbas

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com