Climat et droits des femmes, priorités du nouveau chef de l'Assemblée générale de l'ONU

Dans sa première interview en tant que président de la 76e session de l'Assemblée, Abdallah Shahid raconte à Arab News sa vision pour son mandat de douze mois. Capture d'écran
Dans sa première interview en tant que président de la 76e session de l'Assemblée, Abdallah Shahid raconte à Arab News sa vision pour son mandat de douze mois. Capture d'écran
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Publié le Samedi 18 septembre 2021

Climat et droits des femmes, priorités du nouveau chef de l'Assemblée générale de l'ONU

  • Dans sa première interview en tant que président de la 76e session de l'Assemblée, Abdallah Shahid raconte à Arab News sa vision pour son mandat de douze mois
  • Il salue également les efforts saoudiens «exceptionnels» pour lutter contre le changement climatique et exhorte les autres pays à suivre l'exemple du Royaume

NEW YORK: Le diplomate maldivien Abdallah Shahid a prêté serment cette semaine en tant que président de la 76e session de l'Assemblée générale des nations unies. Pour sa première interview depuis son entrée en fonction, il s'est entretenu exclusivement avec Arab News et a partagé sa vision de ce qu'il entend être une «présidence de l'espoir».

Arab News a été le premier média à visiter son nouveau bureau, récemment libéré par le précédent occupant, Volkan Bozkir, à la fin de son mandat d'un an.

Nous avons été chaleureusement accueillis non seulement par M. Shahid, mais aussi par de nombreux membres de l'équipe de la mission des Nations unies aux Maldives. Son élection a été saluée comme une grande réussite pour sa petite nation insulaire et une autre étape vers une véritable représentation à l'Organisation des nations unies (ONU).

Abdallah Shahid, ministre des Affaires étrangères de son pays, assume son nouveau rôle à l'ONU à un moment où le monde est embourbé dans les désastres. La pandémie de Covid-19 continue de faire rage dans le monde entier alors que les pays riches accumulent des vaccins. La planète envoie quotidiennement des signaux d'alerte indiquant que nous ne pouvons plus nous permettre d'ignorer les effets dangereux du changement climatique. Les conflits prolongés continuent de chasser des millions de personnes de leurs foyers vers les camps de réfugiés.

À l'heure actuelle, on ne peut s'empêcher de se demander où réside exactement l'espoir et comment le retrouver?

Les Maldives, nation insulaire au cœur de l'océan Indien, sont le pays le plus bas du monde, avec une altitude moyenne de 1,5 mètre. Le point culminant naturel de son territoire n'est que de 5,1 mètres.

«Venant des Maldives, la question du changement climatique est une menace existentielle pour nous», déclare M. Shahid. «Nous vivons chaque jour, jour après jour, avec le risque de nous noyer. Le niveau de la mer monte. Les scientifiques prédisent que nous avons franchi la ligne rouge; 2040 est une date au-delà du point de basculement. Mais aux Maldives, nous survivons avec l'espoir, car nous devons croire au bien commun de l'humanité.»

Le bien commun n'a peut-être jamais été autant pris en compte et discuté que pendant la pandémie, qui a plongé les économies dans la dépression et fait des ravages dans la vie des gens avec la disparition d'êtres chers, la perte d'emplois et les confinements qui créent des difficultés mentales pour beaucoup.

«Mais il y avait une lueur d'espoir dans tout cela: le service désintéressé du personnel de santé, leur sacrifice malgré les dangers évidents pour eux-mêmes», souligne Abdallah Shahid.

«Nous ne devons donc pas perdre espoir en l'humanité. La bonté de l'humanité est là – nous devons nous assurer qu'elle prospère, nous devons la célébrer. Si nous perdons espoir, qu'y a-t-il pour nous? Il n'y a rien. La seule chose sur laquelle nous bâtissons, c'est l'espoir que la bonté de l'humanité survivra.»

Toutes les questions que M. Shahid considère comme prioritaires sont évidentes depuis un certain temps. Les scientifiques et les agences des Nations unies savent, par exemple, ce qui doit être fait pour atténuer le changement climatique, ralentir la propagation de la Covid-19 et inclure les personnes les plus vulnérables dans les efforts de reconstruction mondiale.

La seule chose qui manque, entend-on sans cesse dans les couloirs de l'ONU, c'est la volonté politique d'agir.

Depuis qu'il a été élu président de l'Assemblée générale en juin avec une large majorité, Abdallah Shahid a rencontré des représentants de chacun des 193 États membres de l'ONU. En conséquence, il a une perspective légèrement différente sur la question de la volonté.

«Je pense qu'il y a une grande volonté politique – elle doit être exploitée», précise-t-il. «Nous sommes 193 pays. La Charte des nations unies commence par ces trois mots: “Nous, les peuples.” Ainsi, les 193 pays ne sont pas 193 pays à eux seuls. Ils sont également “les peuples”».

À titre d'exemple, il déclare: «J'ai eu le privilège d'interagir avec le groupe de jeunes conseillers sur le changement climatique du secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres. Ils sortent des sentiers battus. Ils sont déçus. Ils parlent d'action. Et ils représentent 1,8 milliard de jeunes dans le monde. Et ces 1,8 milliard de jeunes représentent 193 pays.

«Donc je vois la volonté. Je peux les entendre fort, clairement. Tout ce que nous devons faire, c'est commencer à écouter.»

De la même façon que pour les Maldives, le changement climatique est également une menace existentielle pour de nombreuses personnes dans les États du Golfe producteurs de pétrole. La région est depuis des années prise dans un cercle vicieux de hausse des températures qui conduit à une utilisation accrue des climatiseurs, ce qui nécessite plus de combustibles fossiles pour les alimenter, entraînant une augmentation des températures supplémentaire.

M. Shahid estime que les plans du Royaume pour une initiative verte saoudienne et une initiative verte au Moyen-Orient, annoncés cette année et officiellement lancés en octobre, pourraient complètement inverser cette tendance et mettre la région sur la voie de la transformation.

«Je salue le leadership saoudien pour leurs initiatives, telles que l'Initiative verte saoudienne et l'Initiative verte du Moyen-Orient», indique-t-il. «La plantation de milliards d'arbres va totalement transformer le paysage du Moyen-Orient. Les dirigeants saoudiens mènent la lutte internationale dans le domaine du changement climatique, comme tant d'autres pays du Golfe notamment les Émirats arabes unis (EAU) et le Qatar.

«Étant des pays producteurs de pétrole, l'objectif qu'ils ont fixé est exceptionnel. Le leadership dont ils font preuve est remarquable. Et je souhaite que de nombreux autres pays dans de nombreuses autres régions du monde suivent le leadership saoudien sur cet aspect du changement climatique.»

Abdallah Shahid n'avait que 26 ans lorsqu'en tant que jeune diplomate, il assiste à sa première session de l'Assemblée générale. Cela le convainc immédiatement que la voie à suivre pour trouver des solutions aux problèmes du monde réside dans le système multilatéral.

«Les choses sont très interconnectées», souligne-t-il. «Ce qui se passe dans un pays a un effet d’entraînement sur beaucoup d'autres. Aucun pays ne peut survivre seul.»

La plus grande menace pour cette approche multilatérale est l’ultranationalisme qu’il qualifie de «complètement dépassé».

«L'unité est la seule solution», affirme M. Shahid. «Prenez la pandémie de Covid-19. La seule chose qu’elle nous a apprise est que personne n'est en sécurité tant que tout le monde n'est pas en sécurité. C'est le travail des dirigeants ici à l'ONU, des pays respectés, de continuer à faire passer le message que l'unité fait la force.»

Cependant, comme le sait quiconque suit les travaux de l'Assemblée générale et du Conseil de sécurité, l'unité est une denrée rare. Les tensions sont légion dans le travail des organes de l'ONU.

Abdallah Shahid déclare que le rôle de l'Assemblée générale a évolué au cours des soixante-quinze années écoulées depuis la création de l'ONU, mais un examen plus approfondi de cette évolution soulève des questions quant à savoir si tout va dans la bonne direction. Par exemple, cette évolution oscille entre le fait de défendre fermement la Déclaration universelle des droits de l'homme, promulguée pour la première fois dans la salle des Assemblées, et d'être figé sur la question.

Par ailleurs, une source de tension entre les États membres concerne les relations entre les pays en développement, plus petits, qui veulent davantage avoir leur mot à dire dans les délibérations de l'ONU, et les nations riches qui sont les principaux donateurs de l'organisation.

Il n'en a pas toujours été ainsi. La résolution Uniting for Peace en 1950, initiée par les États-Unis, stipule que si le Conseil de sécurité «ne s'acquitte pas de sa responsabilité principale de maintenir la paix et la sécurité, l'Assemblée générale doit se saisir elle-même de la question et exhorter à une action collective».

Cette résolution a été mise en œuvre lors de la crise de Suez en 1956, lorsque l'intervention de l'ONU a conduit à un cessez-le-feu, au retrait des troupes et à la mise en place de la première force de maintien de la paix.

Près d'un demi-siècle plus tard, cependant, lorsque l'invasion américaine de l'Irak en 2003 a provoqué des appels de nombreuses organisations pour que l'Assemblée générale se saisisse de la question et sorte de l'impasse du Conseil de sécurité, elle a refusé de le faire.

Plus récemment, les efforts visant à revitaliser les travaux de l'Assemblée générale se sont concentrés sur l'augmentation de son pouvoir par rapport au Conseil de sécurité, la promotion d'une plus grande transparence et l'amélioration de la qualité des débats. Certains disent qu'il s'agit d'une institution importante qui n'a jamais tout à fait défini son rôle en tant qu'organe véritablement délibératif et fonctionnel.

L'Assemblée générale a le pouvoir de censurer les États qui violent les principes de la Charte des nations unies. Dans les années 1960, par exemple, elle a suspendu la délégation sud-africaine de l'ONU en raison de la pratique continue de l'apartheid, en violation des résolutions du Conseil de sécurité et du droit international. Le pays n'a été réadmis qu'en 1994 à la suite de sa transition démocratique.

En août 2012, l'Assemblée générale a voté par 133 voix contre 12 pour dénoncer le gouvernement syrien pour les atrocités commises lors du soulèvement. Et en décembre 2019, elle a adopté une résolution non contraignante condamnant les violations des droits humains contre les Rohingyas musulmans au Myanmar.

Selon M. Shahid, «le consensus de l'Assemblée générale reflète la conscience du monde. C'est le pouvoir de l'Assemblée générale.»

Une façon de renforcer ce pouvoir et de rendre les débats plus délibératifs, affirme-t-il, consiste à inviter «d'autres voix» à prendre la parole, notamment des représentants de la société civile, des universitaires, des scientifiques, des experts en matière de genre et des jeunes.

Avec la participation de telles voix, «l'Assemblée générale prospérera», ajoute Abdallah Shahid.

Le Conseil de sécurité, quant à lui, devrait «refléter les réalités actuelles du monde», souligne-t-il, et les réformes du Conseil devraient être accélérées car sa crédibilité même est en jeu.

Un élément au cœur du programme de M. Shahid, et vital pour que toute réforme puisse même commencer, est l'inclusion des femmes.

«Les femmes ont été exploitées, piétinées, supprimées pendant trop longtemps; nous ne devrions pas l'accepter», déclare-t-il en appelant tous ceux qui ne sont pas encore devenus des «défenseurs du genre» à rejoindre le combat.

Dans ce qui est peut-être l'une de ses positions les plus radicales, il s'est engagé dans son nouveau rôle à ne participer à aucun panel qui ne respecte pas la parité.

«Mes collaborateurs m'ont dit que ce serait difficile à imposer, mais je leur ai dit que c'était leur travail de s'assurer que les panels soient équilibrés», ajoute-t-il.

«Pour moi en tant que président, c'est très simple, je dirai: “Non, s'il n'y a pas de parité, je ne participerai pas”. Cette déclaration elle-même, venant du président de l'Assemblée générale, est un message fort qui sera respecté. Et j'espère que s'ils veulent que je participe à ces panels, ils veilleront à ce qu'il y ait un équilibre entre les sexes.»

«La prochaine fois que de telles organisations ou associations organiseront des panels, elles se souviendront que le président Shahid a insisté sur le fait que les panels doivent respecter la parité.»

Pour ceux qui continuent de douter de la nécessité ou de l'aptitude des femmes à occuper des postes de direction et des rôles décisionnels, le message de M. Shahid est on ne peut plus simple.

«Si la personne qui doute du rôle des femmes est un homme, je lui demanderais de s'asseoir et de réfléchir à son origine. Qui a porté cette personne pendant neuf mois? La mère», déclare-t-il. «C'est très simple: respecte ta mère. Donne à ta mère le respect qu'elle mérite.»

«Et quand vous avez une fille, regardez-la, voyez si vous voudriez que votre fille souffre. Respectez votre fille, c'est très personnel.»

Ne pas reconnaître l'importance et la valeur des femmes signifie que le monde gaspille l'une de ses grandes ressources humaines, souligne Abdallah Shahid.

«Le monde est composé d'hommes et de femmes. Si nous voulons enfermer la moitié de la population mondiale et ne pas en tirer profit, nous utilisons seulement 50 % de la population», précise-t-il. «Est-ce que cela a du sens au niveau économique? Au niveau humanitaire? Au niveau social?»

«Il ne faut pas être un génie pour dire simplement que la seule façon pour l'humanité de progresser est de respecter les femmes.»

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Kajsa Ollongren : Cessez d’armer le Soudan, la CPI doit agir à Gaza

Kajsa Ollongren, représentante spéciale de l'UE pour les droits de l'homme. (Fourni)
Kajsa Ollongren, représentante spéciale de l'UE pour les droits de l'homme. (Fourni)
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  • La représentante spéciale de l’UE pour les droits de l'homme avertit que des gouvernements bafouent les règles multilatérales conçues pour protéger les civils en temps de conflit
  • Kajsa Ollongren déclare que l’UE doit travailler avec des États engagés dans le multilatéralisme et le droit humanitaire pour préserver un ordre mondial fondé sur des règles

​​​​​​NEW YORK CITY : Kajsa Ollongren, la représentante spéciale de l’UE pour les droits de l'homme, a averti que le Soudan endure des « atrocités inimaginables », appelant tous les pays fournissant des armes aux factions belligérantes à cesser immédiatement leurs transferts.

S’exprimant à Arab News après des missions au Liban et en Égypte et un dialogue sur les droits humains avec l’Arabie saoudite, Ollongren a déclaré que les armes étrangères alimentent l’un des conflits les plus dévastateurs et les moins médiatisés au monde, sans issue politique en vue.

Ses propos interviennent peu après que Volker Turk, haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, ait lancé l’un de ses avertissements les plus sévères, estimant que le Soudan pourrait connaître « une nouvelle vague d’atrocités », avec des civils confrontés à l’épuration ethnique et aux déplacements massifs.

Turk a à plusieurs reprises prévenu que la violence pourrait atteindre des « niveaux catastrophiques » si le flux d’armes se poursuivait. Ollongren a déclaré que ces avertissements correspondaient à ce qu’elle avait entendu de la part du personnel régional des droits humains.

« Les atrocités dépassent vraiment l’imagination », a-t-elle confié à Arab News. « Pendant longtemps, le monde n’a pas prêté suffisamment attention à ce qui se passait au Soudan. Nous y prêtons attention maintenant, au moins, mais l’attention seule ne suffira pas à les arrêter. »

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Des familles soudanaises déplacées depuis El-Fasher tendent la main alors que des travailleurs humanitaires distribuent des vivres dans le camp nouvellement créé d’El-Afadh à Al Dabbah, dans l’État du Nord du Soudan, le 16 novembre 2025. (Photo AP/Archives)

Elle a affirmé que les gouvernements facilitant le conflit devaient être confrontés. « Il doit également y avoir une véritable interaction avec ces pays qui fournissent des armes. Sans ces armes, nous verrions la fin des atrocités plus rapidement … C’est inacceptable. »

Elle a ajouté que la pression coordonnée de l’Europe, du Golfe et de la communauté internationale au sens large est essentielle. « Il est très important, au niveau du Golfe, en Europe et globalement, d’appeler à l’arrêt des exportations d’armes », a-t-elle souligné.

Le conflit au Soudan a débuté en avril 2023 lorsqu’une lutte de pouvoir entre le chef des forces armées Abdel Fattah Al-Burhan et son ancien adjoint Mohammed Hamdan Dagalo, chef des Forces de soutien rapide (RSF), a dégénéré en conflit ouvert.

Selon les chiffres de l’ONU, environ 12 millions de personnes ont été déplacées, créant ce que beaucoup considèrent comme la pire catastrophe humanitaire au monde. Les estimations du nombre de morts varient largement, l’ancien envoyé américain pour le Soudan évoquant jusqu’à 400 000 victimes.

Bien que les forces armées soudanaises aient repris la capitale, Khartoum, aux RSF, le pays est effectivement divisé en deux, le gouvernement dirigé par les SAF contrôlant l’est et les RSF et milices alliées dominant l’ouest, y compris la région troublée du Darfour.

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En octobre, l’un des épisodes les plus brutaux du conflit a eu lieu lorsque les combattants des RSF ont capturé El-Fasher, capitale du Nord-Darfour, et ont commencé à massacrer des civils, déclenchant des déplacements massifs.

Le Soudan est revenu sur le devant de la scène diplomatique après la récente visite du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Washington, où il a discuté des développements avec le président américain Donald Trump et a appelé à un rôle plus actif pour mettre fin au conflit et prévenir les répercussions régionales.

Peu après, Trump a annoncé que les États-Unis « allaient immédiatement lancer un nouvel effort » pour mettre fin au conflit au Soudan, qu’il a qualifié de « lieu le plus violent sur Terre et de plus grande crise humanitaire », une décision largement interprétée comme une réponse à l’appel du prince héritier.

« Le fait que le président américain s’exprime ainsi sur les atrocités est important et sera entendu au Soudan », a déclaré Ollongren.

Mais elle a averti que les déclarations seules sont vaines sans suivi sérieux. « Il ne suffit pas de déclarer la fin d’une guerre ou d’un conflit », a-t-elle précisé. « Il doit y avoir un plan — qui inclut la reconstruction, la responsabilité et la reconstruction des sociétés tout en donnant du pouvoir aux victimes. »

Concernant le Liban, Ollongren a indiqué avoir ressenti un « élan » lors de ses récentes rencontres à Beyrouth, où l’engagement diplomatique s’est intensifié depuis le cessez-le-feu dans la guerre Israël-Hezbollah il y a un an.

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Kajsa Ollongren rencontre le président libanais Joseph Aoun. (Fournie)

Cela intervient malgré le refus d’Israël de se retirer du sud du Liban et ses frappes continues contre des positions supposées du Hezbollah, y compris l’attaque du mois dernier dans un quartier de Beyrouth qui a tué un commandant de milice.

Les dirigeants du Hezbollah insistent pour ne pas se désarmer tant qu’Israël n’aura pas retiré ses troupes.

« Il y a un élan pour davantage de paix et de stabilité et pour un avenir stable pour de nombreux pays de la région », a déclaré Ollongren. « Je vois le rôle que l’Arabie saoudite joue dans tout cela, ainsi que les efforts de l’Égypte pour négocier entre les parties. »

Elle a toutefois souligné la fragilité de la situation. « Il reste une incertitude quant au respect du cessez-le-feu et il n’existe pas encore de plan clair pour le désarmement du Hezbollah », a-t-elle dit.

« La responsabilité est cruciale. Au Liban, nous avons beaucoup parlé des assassinats politiques et de l’explosion au port de Beyrouth. Tout cela doit être traité avec justice, car sans cela l’impunité persiste, ce qui peut entraîner d’autres problèmes à l’avenir. »

Concernant la Syrie, qu’elle prévoit de visiter début 2026, Ollongren a déclaré que la situation reste instable.

« Nous avons constaté des violences et des victimes dans plusieurs régions du pays. La situation n’est pas sous contrôle », a-t-elle indiqué, en faisant référence aux attaques contre les minorités ethniques et religieuses au cours de l’année écoulée depuis que le régime d’Assad a été évincé.

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Des habitants agitent des drapeaux syriens dans le centre de Hama le 5 décembre 2025, lors des célébrations marquant un an depuis une offensive éclair menée par des islamistes ayant renversé le dirigeant de longue date du pays. (AFP)

Bien qu’elle se soit félicitée du retour récent de réfugiés syriens depuis le Liban comme d’un « bon signe », elle a averti que la stabilisation plus large reste lointaine alors que le gouvernement de transition du président Ahmad Al-Sharaa poursuit la réintégration nationale et l’allégement des sanctions.

Ollongren a également souligné l’influence diplomatique croissante de l’Arabie saoudite comme l’un des changements les plus significatifs dans la région. « L’Arabie saoudite suit une voie différente », a-t-elle dit, évoquant les réformes Vision 2030 et l’engagement mondial accru du Royaume.

« L’Arabie saoudite s’engage également avec l’Europe et l’UE, établissant des liens qui pourraient être très importants pour un Moyen-Orient plus stable. »

« Bien sûr, cela reconfigure aussi l’influence d’autres puissances. L’Égypte joue un rôle de longue date mais lutte avec son économie et la pression démographique. L’engagement saoudien pourrait être très impactant. »

À Gaza, Ollongren a décrit une « destruction complète » et un accès extrêmement limité comme des obstacles pour les médias et les efforts humanitaires. « Nous n’avons pas eu de journalistes indépendants pouvant rendre compte des victimes ou des destructions », a-t-elle dit.

« Petit à petit, les informations émergent, et nous voyons une destruction complète dans de nombreuses parties de Gaza. Les habitants n’ont plus de maisons où retourner et ont perdu un très grand nombre de civils, y compris des enfants. Il doit y avoir des comptes à rendre. »

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Des Palestiniens recherchent des décombres dans des bâtiments lourdement détruits par les bombardements israéliens à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, alors qu’un cessez-le-feu tient le 12 octobre 2025. (AFP/Archives)

Israël a lancé ses opérations militaires à Gaza après l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas dans le sud d’Israël, qui a fait 1 200 morts et 250 otages. Depuis lors, environ 70 000 Palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé de Gaza.

Un cessez-le-feu fragile est entré en vigueur le 10 octobre, avec un recul des opérations israéliennes en échange de la libération des otages restants par le Hamas. Un petit flux d’aide humanitaire a été autorisé dans le territoire, mais les besoins médicaux, alimentaires et en abris restent immenses.

Ollongren a insisté sur le fait que la responsabilité pour les crimes de guerre allégués par les deux parties doit être assurée par la Cour pénale internationale.

« La CPI doit jouer un rôle dans ce dossier », a-t-elle déclaré. « Ils ont examiné à la fois le Hamas et Israël. C’est le bon lieu pour chercher justice et responsabilité. »

Interrogée sur le soutien des États européens aux mandats d’arrêt de la CPI visant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, Ollongren a répondu : « Nous sommes signataires du Statut de Rome, donc nous sommes liés par le traité.

« La cour décide des arrestations, des affaires et des poursuites de manière indépendante. Notre rôle est de garantir son indépendance et son bon fonctionnement. Donc oui. »

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Des manifestants défilent devant le siège des Nations unies à New York alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'exprime le 26 septembre 2025. (AFP/Archives)

Un nombre croissant de juristes, y compris une commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU, ont conclu qu’un génocide a eu lieu à Gaza au cours des deux dernières années.

Francesca Albanese, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens, a récemment déclaré à Arab News que les réponses de l’UE et de l’Occident au génocide à Gaza ont été « pathétiques, hypocrites et marquées par des doubles standards ».

Elle a ajouté que les mêmes gouvernements invoquant le droit international pour condamner les actions de la Russie en Ukraine sont restés largement silencieux sur Gaza, permettant à des « violations flagrantes » de se dérouler.

Ollongren a répondu à cette critique. « Nous devrions, et nous devons, appliquer le droit international de manière cohérente dans tous les cas », a-t-elle affirmé.

« Nous ressentons l’accusation de doubles standards. Après les attaques du 7 octobre par le Hamas, l’Europe a soutenu Israël, reconnaissant son droit à se défendre. Mais au fur et à mesure que la guerre à Gaza se déroulait et que les victimes civiles augmentaient, nous sommes devenus plus critiques.

« L’UE a de plus en plus appelé Israël à respecter le droit humanitaire international et a travaillé pour garantir que l’aide humanitaire parvienne aux personnes dans le besoin.

« En même temps, nous soutenons l’Autorité palestinienne dans son rôle de gouvernance. Je pense que nous sommes désormais un partenaire beaucoup plus critique et équitable pour les deux parties. »

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Des Palestiniens font la queue pour un repas chaud dans une cuisine caritative gérée par le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) au camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza, le 26 avril 2025. (AFP/Archives)

Interrogée sur l’échec du système international, elle a indiqué que le problème ne vient pas des institutions mais des gouvernements.

« L’architecture que nous avons doit être protégée », a-t-elle déclaré. « Nous n’avons pas besoin d’un nouveau système. Le problème est qu’il n’est pas respecté. C’est pourquoi il est important que l’UE s’engage avec les pays qui soutiennent le système multilatéral, l’état de droit et le droit humanitaire international.

« Ces cadres ont été conçus pour protéger les plus vulnérables dans les conflits, pas pour empêcher les guerres. »

Elle a conclu par un message aux civils de Gaza et du Soudan.

« Je comprends que vous ayez perdu confiance dans le système international car il n’était pas là pour vous protéger lorsque vous avez été attaqués et que vous avez perdu vos proches », a-t-elle déclaré.

« C’est encore le meilleur système dont nous disposons. De mon côté, je me concentrerai sur la responsabilité et la justice, car du point de vue des droits de l'homme, c’est ce que je dois faire pour vous. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Plus de 200 personnalités demandent la libération du dirigeant palestinien Marwan Barghouti

Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
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  • Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille
  • La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza

PARIS: Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002.

Marwan Barghouti, 66 ans et ancien cadre du Fatah, défend une résolution politique au conflit israélo-palestinien. Parfois surnommé par ses partisans le "Mandela palestinien", il est connu pour sa lutte contre la corruption et est cité comme un possible successeur du président palestinien Mahmoud Abbas.

La lettre ouverte, consultée par l'AFP, réunit des stars du cinéma comme Josh O'Connor, Benedict Cumberbatch et Javier Bardem, ainsi que des musiciens tels que Fontaines D.C. et Sting. Les autrices à succès Sally Rooney, Annie Ernaux ou Margaret Atwood ont également apporté leur soutien, tout comme les anciens footballeurs Éric Cantona et Gary Lineker.

"Nous exprimons notre vive inquiétude face à la détention continue de Marwan Barghouti, à ses mauvais traitements et au déni de ses droits légaux en prison", écrivent-ils, appelant "les Nations Unies et les gouvernements du monde à œuvrer activement" pour sa libération.

Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille. La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza.

Marwan Barghouti a été condamné à cinq peines de prison à vie par un tribunal israélien, qui l'a reconnu coupable d'implication dans des attaques meurtrières durant la seconde intifada (2000-2005).

Israël a refusé de le libérer dans le cadre des échanges de prisonniers, effectués depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Son fils a déclaré en octobre qu'il avait été violemment battu par des gardiens israéliens lors d'un transfert de prison. En août, le ministre israélien d'extrême droite Itamar Ben Gvir a diffusé une vidéo où il prend à partie et sermonne Marwan Barghouti, apparaissant affaibli dans sa cellule.


Ukraine: «aucun compromis» sur les territoires occupés après une rencontre Poutine-Witkoff à Moscou

"Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine. (AFP)
"Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine. (AFP)
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  • M. Witkoff, accompagné du gendre du président américain, Jared Kushner, s'est entretenu pendant près de cinq heures au Kremlin avec le dirigeant russe à propos de ce plan présenté par Washington
  • "Nous avons pu nous mettre d'accord sur certains points (...), d'autres ont suscité des critiques, mais l'essentiel est qu'une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts"

MOSCOU: "Aucun compromis" n'a été trouvé mardi sur l'épineuse question des territoires occupés par la Russie en Ukraine après une rencontre à Moscou entre le président Vladimir Poutine et l'émissaire américain Steve Witkoff, qui lui présentait le plan de Washington pour mettre fin à près de quatre ans de guerre en Ukraine.

M. Witkoff, accompagné du gendre du président américain, Jared Kushner, s'est entretenu pendant près de cinq heures au Kremlin avec le dirigeant russe à propos de ce plan présenté par Washington il y a deux semaines et depuis retravaillé lors de consultations avec les Ukrainiens.

"Nous avons pu nous mettre d'accord sur certains points (...), d'autres ont suscité des critiques, mais l'essentiel est qu'une discussion constructive ait eu lieu et que les parties aient déclaré leur volonté de poursuivre leurs efforts", a indiqué le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov.

Sur la question des territoires occupés par la Russie en Ukraine, qui représentent environ 19% du pays, "aucune solution de compromis n'a encore été choisie", même si "certaines propositions américaines peuvent être discutées", a précisé M. Ouchakov.

Il a qualifié la discussion d'"utile", mais prévenu qu'il "reste encore beaucoup de travail" pour parvenir à un accord, alors que les troupes russes ont accéléré leur avancée sur le front.

"Ce que nous avons essayé de faire, et je pense que nous avons fait quelques progrès, est de déterminer ce qui pourrait convenir aux Ukrainiens et leur donner des garanties de sécurité pour l'avenir", a déclaré pour sa part le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio sur la chaîne Fox News, sans qu'il soit précisé s'il s'exprimait après la fin des pourparlers.

Après cet entretien avec les Russes à Moscou, Steve Witkoff et Jared Kushner pourraient rencontrer mercredi en Europe une délégation de Kiev, selon une source ukrainienne à l'AFP.

"Nous sommes prêts" 

Quelques heures avant sa rencontre avec les Américains, Vladimir Poutine avait menacé les Européens, les accusant de chercher à "empêcher" les efforts de Washington pour mettre fin au conflit.

"Nous n'avons pas l'intention de faire la guerre à l'Europe, mais si l'Europe le souhaite et commence, nous sommes prêts dès maintenant", a-t-il lancé aux journalistes, en marge d'un forum économique.

Des propos qui tranchent avec ceux du chef de l'Otan, Mark Rutte, qui s'est dit peu avant convaincu que les efforts américains en Ukraine "finiront par rétablir la paix en Europe".

Le président américain Donald Trump a répété mardi que le règlement du conflit en Ukraine était une question complexe. "Ce n'est pas une situation facile, croyez-moi. Quel gâchis", a-t-il dit.

De son côté, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, sous forte pression politique et diplomatique, a accusé la Russie d'utiliser les pourparlers actuels pour tenter "d'affaiblir les sanctions" visant Moscou.

Il a appelé à la fin de la guerre et pas "seulement à une pause" dans les combats.

Les Etats-Unis ont annoncé fin octobre des sanctions contre deux géants du secteur des hydrocarbures russes, Rosneft et Lukoil, les premières sanctions d'importance prises par Donald Trump contre la Russie depuis son retour au pouvoir.

Les Européens espèrent que l'administration Trump, soupçonnée de complaisance vis-à-vis de Vladimir Poutine, ne sacrifiera pas l'Ukraine, considérée comme un rempart face à la Russie.

Accélération russe 

Ces discussions se sont déroulées alors que les forces russes ont réalisé en novembre leur plus grosse progression sur le front en Ukraine depuis un an, selon l'analyse par l'AFP des données fournies par l'Institut américain pour l'étude de la guerre (ISW), qui travaille avec le Critical Threats Project (CTP, émanation de l'American Enterprise Institute), deux centres de réflexion américains spécialisés dans l'étude des conflits.

En un mois, la Russie a pris 701 km2 aux Ukrainiens, la deuxième avancée la plus importante après celle de novembre 2024 (725 km2), en dehors des premiers mois de guerre au printemps 2022.

La Russie a revendiqué lundi la prise de la ville de Pokrovsk dans l'est de l'Ukraine, un nœud logistique clé pour Kiev, ainsi que celle de Vovtchansk, dans le nord-est. Mais l'Ukraine a affirmé mardi que les combats à Pokrovsk se poursuivaient.

En novembre, la Russie a tiré plus de missiles et de drones lors de ses attaques nocturnes sur l'Ukraine que durant le mois précédent, soit un total de 5.660 missiles et drones longue portée (+2%).

En interne, le président ukrainien est affaibli par un vaste scandale de corruption impliquant ses proches et qui a contraint son puissant chef de cabinet, Andriï Iermak, à la démission vendredi.