Le rejet est une mauvaise stratégie pour les Palestiniens

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Publié le Lundi 14 septembre 2020

Le rejet est une mauvaise stratégie pour les Palestiniens

Le rejet est une mauvaise stratégie pour les Palestiniens
  • La conférence « De la paix à la prospérité », qui s’est tenue l’an dernier au Bahreïn, a offert aux Palestiniens une aide économique de 50 milliards de dollars s’ils revenaient à la table des négociations avec Israël
  • Les Palestiniens ont boycotté, dénoncé le plan, insulté la proposition économique de Kushner et rejeté toutes les propositions de Trump avant même qu’elles ne soient publiées

La conférence « De la paix à la prospérité », qui s’est tenue l’an dernier au Bahreïn, a offert aux Palestiniens une aide économique de 50 milliards de dollars s’ils revenaient à la table des négociations avec Israël

Les Palestiniens ont boycotté, dénoncé le plan, insulté la proposition économique de Kushner et rejeté toutes les propositions de Trump avant même qu’elles ne soient publiées

Le gendre et conseiller spécial du président américain Donald Trump, Jared Kushner, a organisé l'an dernier la conférence intitulée « De la paix à la prospérité » à Bahreïn. Elle a offert aux Palestiniens une aide économique de 50 milliards de dollars pour reconstruire un État palestinien si ses dirigeants revenaient à la table des négociations avec Israël.

Au lieu d’assister à la conférence, les Palestiniens l’ont boycottée, dénoncé le plan, insulté la proposition économique de Kushner et rejeté toutes les propositions de Trump avant même qu’elles ne soient publiées.

Ce fut une autre occasion ratée intentionnellement. Les Palestiniens auraient pu réquisitionner l’événement simplement en étant là, sans même accepter le plan de Kushner. Ils auraient pu dominer le message, redéfinir les négociations internationales pour favoriser leurs arguments et continuer à soutenir que les efforts de Trump étaient unilatéraux, insatisfaisants et injustes.

Ce qui a fini par se produire, c'est que, bien que les Palestiniens aient lancé des attaques verbales cinglantes et personnelles contre Trump, Kushner et Israël, Kushner a pu utiliser l'événement en leur absence pour renforcer ses relations diplomatiques et politiques avec plusieurs dirigeants du monde arabe, dont les Émirats Arabes Unis et le Bahreïn.

J’ai assisté à cette conférence et il était clair que les dés avaient été pipés par Kushner. Il était entouré de journalistes israéliens bien accueillis à la conférence et avaient accès non seulement à Kushner, mais aussi à des dirigeants arabes.

Lorsque j’ai essayé de poser une question après qu’il a répondu à six journalistes israéliens, il s’est détourné. Mais j’ai fait ce que les Palestiniens n’ont pas réussi à faire. J’ai mis Kushner sur la sellette et crié fort : « M. Kushner, vous vous êtes plaint du refus des Palestiniens d’assister et pourtant, je suis un journaliste palestinien américain qui essaie de poser une question et vous ne répondez pas ». Il s'est arrêté, s'est tourné vers moi et m'a permis de poser mes questions. Je l'ai forcé à me reconnaître comme Palestinien et il ne pouvait pas dire non.

Le problème, c’est que si les Palestiniens permettent à Kushner et à l'équipe de Trump de bafouer leurs droits, ils feraient exactement cela. Pourquoi Trump et Kushner ne devraient-ils pas nous mettre à l’écart si nous refusons de nous engager avec eux, en jouant la seule carte diplomatique qui s'est avérée à maintes reprises inefficace et non productive — le rejet ?

« Le problème, c’est que si les Palestiniens permettent à Kushner et à l'équipe de Trump de bafouer leurs droits, ils feraient exactement cela. »

Ray Hanania

Des dirigeants israéliens et juifs ont en effet assisté à cette conférence et je suis certain qu’ils ont passé des heures à rencontrer les représentants des nombreux dirigeants gouvernementaux du monde arabe et les hommes d’affaires arabes qui y étaient. Ils ont expliqué l’importance de leur plan économique pour le processus de paix et comment celui-ci pourrait changer l’avenir des Palestiniens. Je suis certain qu’ils ont également profité de  l'absence des Palestiniens pour faire valoir qu'ils ne veulent pas vraiment la paix et continuent de pencher vers l'extrémisme — au cours de la conférence, les dirigeants palestiniens ont essayé à nouveau de surmonter leurs divergences avec les dirigeants du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza –.

Lorsque Trump a dévoilé son plan de paix, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a exagéré son importance et l'a fait paraître plus important qu'il ne l'était vraiment. Mais encore une fois, les Palestiniens n’étaient pas à la Maison Blanche pour détailler les lacunes du plan et ont plutôt poursuivi une position « rejettiste » autodestructrice.

En s’absentant une nouvelle fois, les Palestiniens ont cédé la scène politique à Israël. Cela a permis à Israël et à Netanyahu de prétendre de nouveau à tort qu'ils désirent la paix, mais ce sont les Palestiniens qui refusent même de s'engager dans des discussions pacifiques.

Personne n’a dit que les Palestiniens devaient approuver le plan de Trump, mais ils auraient pu utiliser le dévoilement de la Maison Blanche pour prouver leurs points essentiels sur son injustice et souligner que c’est Netanyahu qui a été le véritable obstacle à une paix juste.

Ils auraient pu faire passer Netanyahu comme l'extrémiste anti-paix, mais au lieu de cela, ils lui ont permis de dominer la scène formidable et élaborée que Trump et Kushner ont conçue, le faisant passer pour le pacificateur et les Palestiniens comme les extrémistes « rejettistes ».

Quelqu’un est-il surpris que les Émirats Arabes Unis tentent d'intervenir et de bloquer les plans d'annexion de Netanyahu en proposant la normalisation avec Israël ? Quelqu'un est-il surpris qu’après avoir été dénoncé par les Palestiniens, le Bahreïn suive les Émirats et reconnaisse aussi Israël ?

Le combat pour la paix et la justice ne concerne pas seulement la vérité, les faits ou même l’histoire. Il s’agit de gérer les perceptions du public, de définir la diplomatie pour mettre en valeur vos intérêts personnels et d’obtenir le soutien du public. La paix consiste autant à renforcer les relations entre les gouvernements qu’à élaborer des accords de paix.

Les Israéliens sont les maîtres de la gestion des perceptions, non seulement en investissant des millions de dollars dans la manipulation des médias et des relations publiques, mais en se présentant comme les défenseurs de la paix et en permettant aux Palestiniens de se présenter comme des rejettistes anti-paix déraisonnables.

Quiconque maîtrise la perception maîtrise le récit que le monde voit et influence en même temps le comportement des acteurs principaux dan scette scène politique.

Les Palestiniens mènent une guerre perdue depuis plus de 70 ans, une guerre qui s’étend sur plusieurs générations et qui a occulté les faits historiques lors de délibérations publiques contestées.

Le refus des Palestiniens de reconnaître leurs échecs, ou de suivre un plan stratégique alternatif autre que le rejet, a scellé leur sort dans une avalanche croissante de marginalisation.

Les Palestiniens ont rendu facile pour Israël de faire bonne figure. Ils ont rendu facile pour le monde arabe de faire la paix avec Israël. Ils ont rendu facile de perdre encore plus qu'ils n’avaient déjà perdu.

Il n’est pas trop tard pour se débarrasser des dirigeants à Ramallah et à Gaza et élire de nouveaux dirigeants qui sont prêts à reconnaître qu’à travers le compromis et l’engagement, ils peuvent négocier bien plus qu’ils n’en sont capables aujourd’hui.

Malheureusement, le processus électoral a été entravé par le dysfonctionnement du gouvernement et par les dirigeants inaptes qui ont trouvé un moyen de survivre dans le désespoir.

Les dirigeants palestiniens peuvent reprocher, autant qu’ils le veulent, aux Émirats, au Bahreïn, à l’Égypte et la Jordanie d’avoir fait la paix avec Israël, et affirmer  qu’ils ont été trahis. Mais ceci est une excuse qui mérite plus que tout d’être rejetée.  

Ray Hanania est un ancien journaliste politique et chroniqueur à l'hôtel de ville de Chicago. Il est joignable sur son site web à l'adresse www.hanania.com. Twitter : @RayHanania

NDLR : Les opinions exprimées par les auteurs dans cette section sont les leurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d'Arab News.