Tunisie: l’implication grandissante des militaires dans la politique déplaît

Le 26 juillet 2021, l'armée tunisienne barricade le Parlement à Tunis pour empêcher le chef du gouvernement d'y accéder, sur ordre du président de la République, Kais Saied. (AFP).
Le 26 juillet 2021, l'armée tunisienne barricade le Parlement à Tunis pour empêcher le chef du gouvernement d'y accéder, sur ordre du président de la République, Kais Saied. (AFP).
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Publié le Jeudi 30 septembre 2021

Tunisie: l’implication grandissante des militaires dans la politique déplaît

  • L’armée rechigne à prendre les commandes du pays, mais n’hésite plus à s’impliquer politiquement. Ce qu’a elle a fait pour la première fois le 25 juillet 2021, en soutenant les directives de Kaïs Saïed
  • L’émergence de militaires retraités comme acteur politique n’est pas du goût des politiciens civils, ni de la centrale ouvrière UGTT

TUNIS: Après les militaires à la retraite, c’est l’armée en activité qui se retrouve impliquée dans le coup de force de Kaïs Saïed du 25 juillet, lors duquel le président tunisien a destitué son Premier ministre et gelé l’activité du Parlement. Et cela ne plaît guère à l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), ou à d’autres.

«Nous avons juré de défendre la Constitution et de protéger la nation». C’est le bref échange qui a eu lieu lundi 26 juillet 2021, devant l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), entre un officier de l’armée – l’institution ayant  été chargée d’en interdire l’accès aux députés –, et Samira Chaouchi, première vice-présidente de l’institution.

Pour la troisième fois en dix ans – après 2011 et 2013 –, la grande muette a été confrontée à une grave crise politique dans le pays. Nul n’en disconvient, l’armée du plus petit pays du Maghreb est républicaine, et aurait pu avoir de nombreuses occasions d’intervenir, sans qu’elle ne le fasse pour autant. Des voix s’étaient ainsi élevées au sein de la classe politique pour appeler l’armée à «sauver le pays», autrement dit à prendre le pouvoir. En avril 2018, Ali Bennour, député d’Afek Tounes, avait ainsi appelé à un coup d’État militaire et formulé le vœu d’entendre «le communiqué n°1», faisant allusion à une vieille pratique des putschistes militaires dans le monde arabe qui annonçaient leur prise de pouvoir par une série de communiqués à la radio nationale.

Si elle rechigne à prendre elle-même les commandes du pays, l’armée n’hésite plus à s’impliquer politiquement. C’est ce qu’a elle a fait pour la première fois le 25 juillet 2021, en acceptant les directives du président Saïed. Exclus du pouvoir, le mouvement Ennahdha et ses alliés ont crié au coup d’État. Une accusation que le président tunisien rejette régulièrement. L’armée, elle, n’a pas bronché, mais s’est exprimée par la voix de l’un des siens, le colonel Mokhtar ben Nasr – ex-porte-parole du ministère de la Défense (2012-2018) –, qui a récusé l’accusation de putsch.

Dans une interview à l’hebdomadaire de langue arabe Avant-première, il a expliqué que le gel du Parlement n’était «pas une mesure militaire, mais un ordre du président de la République décidé (…) avec courage et audace pour remettre sur le droit chemin le processus politique enclenché il y a plus de dix ans».

Dédiée principalement à la défense du pays – son cœur de métier – et, accessoirement à des missions de développement économique et social du pays, l’armée tunisienne a toujours agi en dehors de la sphère politique. Mais après le 14 janvier 2011, la donne a radicalement changé.

Un plus grand rôle dans la gestion des affaires du pays

Tout a commencé timidement, deux mois après la chute du régime Ben Ali. Alors qu’avant 2011, les seules associations auxquelles les militaires avaient droit étaient une mutuelle du ministère de la Défense et un mess des officiers, une association des anciens officiers de l’armée nationale (AAOAN) a vu le jour en mars 2011. Elle a depuis été suivie par une bonne demi-douzaine d’autres.

Six mois plus tard, l’armée a réclamé un plus grand rôle dans la gestion du pays. Elle l’a fait officieusement, par l’intermédiaire d’un groupe de quelques dizaines d’officiers supérieurs issus de différents corps d’armées, qui ont fortement appuyé les propositions d’un de leurs aînés, le colonel Boubaker ben Kraïem. Ce dernier est intervenu lors d’un séminaire intitulé «Évolution des armées après les révolutions arabes: vers une gestion et un contrôle démocratique», organisé le 1er octobre 2011 par le Centre des études méditerranéennes internationales (Cemi).

Le colonel à la retraite avait alors proposé la création de cabinets militaires au sein des hautes instances de l’État (présidence de la République, gouvernement, Parlement, Conseil constitutionnel…), et l’intégration au Conseil d’État des anciens chefs d’état-major «pour les éclairer en cas de dossiers ayant trait aux questions militaires, ainsi qu’aux menaces et aux catastrophes naturelles».

Irruption sur la scène politique

En même temps que le monde associatif, les militaires à la retraite ont aussi fait irruption dans les médias. Certains s’y sont imposés rapidement comme experts militaires (Mohammed Meddeb, Béchir Majdoub, Boubaker ben Kraïem, Ali Sellami, Mokhtar ben Nasr et Souheil Chemingui). D’autres ont publié des ouvrages, comme le colonel à la retraite Boubaker ben Kraïem (Récit d’un parcours atypique et glorieux) et le général à la retraite Mohammed Nafti, auteur du livre Conjecture du terrorisme en Tunisie.

Puis les militaires sont sortis du bois sur la scène politique, en particulier les militaires à la retraite, qui ont profité de la perte de crédibilité des politiciens auprès d’une majorité de Tunisiens. Ils se sont d’abord présentés comme des observateurs, analystes et commentateurs, puis comme des acteurs. En effet, à la veille des élections de 2019, Moustapha Saheb Ettabaa, déjà créateur d’un éphémère Parti de la concorde à l’occasion des élections de l’Assemblée nationale constituante (ANC), a récidivé, en lançant une nouvelle formation, baptisée «Agissons pour la Tunisie».

Depuis, l’engagement politique des militaires retraités n’a fait que se confirmer et croître. Deux mois avant le coup de force du 25 juillet, six d’entre eux ont adressé au président Kaïs Saïed une lettre ouverte, dans laquelle ils lui ont proposé une série de mesures destinées à éviter l’affrontement avec le mouvement Ennahdha.

Mais l’émergence des militaires retraités comme acteur politique n’est pas du goût des politiciens civils. Pour Nasr ben Soltana, ancien candidat à la présidence de la République, «l’armée nationale, qu’il s’agisse de militaires actifs ou à la retraite, est responsable de la sécurité de cette nation. Son honneur militaire ne doit pas être souillé par la politique (…)». L’UGTT, la centrale ouvrière historique du pays, a pour sa part exprimé le souhait que la lettre des militaires «ne soit pas un prélude à l’implication de l’armée, ou une manière de préparer le positionnement d’officiers sur le terrain politique».


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.


Frappes israéliennes sur le sud du Liban: deux morts 

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah. (AFP)
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  • Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé
  • Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani

BEYROUTH: Des frappes israéliennes sur le sud du Liban ont tué lundi deux personnes et blessé sept autres, a indiqué le ministère libanais de la Santé, au lendemain de la menace d'Israël d'intensifier ses attaques contre le Hezbollah pro-iranien.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024, Israël continue de mener des attaques régulières contre les bastions du Hezbollah. Et le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a accusé dimanche le Hezbollah de tenter de se "réarmer".

Selon un bilan provisoire, "une frappe ennemie d'Israël" dans la région de Nabatiyé a fait lundi "un mort et sept blessés, a indiqué le ministère de la Santé.

Un drone a visé une voiture à Doueir, a rapporté l'agence nationale d'information Ani.

Sur place, un photographe de l'AFP a vu des pompiers tenter d'éteindre l'incendie de la voiture visée qui s'est propagé à d'autres véhicules à proximité. Des ouvriers ramassaient les bris de verre des devantures de commerces endommagées, a-t-il également constaté.

Une autre frappe sur un village de la région de Bint Jbeil a fait un mort, selon le ministère de la Santé.

Samedi, l'armée israélienne a tué quatre personnes, visées de plein fouet dans leur voiture dans le sud, qu'elle a présentées comme des membres de la force d'élite du Hezbollah.

Des centaines de personnes ont participé à leurs funérailles dimanche dans la ville de Nabatiyé, scandant "Mort à Israël".

Le Hezbollah a été fortement affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth, mais il demeure financièrement résilient et armé.

Les États-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe, ce que le Hezbollah refuse.

"Nous attendons du gouvernement libanais qu'il fasse ce qu'il s'est engagé à faire, c'est-à-dire désarmer le Hezbollah, mais il est clair que nous exercerons notre droit à l'autodéfense comme convenu dans les termes du cessez-le-feu", avait averti le Premier ministre israélien dimanche.


La Turquie mobilise ses partenaires musulmans autour de Gaza

La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien. (AFP)
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  • Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël
  • "Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens

ISTANBUL: La Turquie réunit lundi à Istanbul les ministres des Affaires étrangères de sept pays musulmans pour tenter de peser sur l'avenir de Gaza en les mobilisant sur la reconstruction du territoire palestinien.

Les ministres de ces sept pays (Turquie, Arabie saoudite, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie, Pakistan et Indonésie), tous membres de l'organisation de la coopération islamique (OCI), avaient été reçus par Donald Trump fin septembre à New York en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, avant la présentation du plan de paix américain six jours plus tard.

Devant le Comité permanent pour la coopération économique de l'OCI, réuni lundi à Istanbul, le président turc Recep Tayyip Erdogan a critiqué l'attitude "très médiocre" d'Israël depuis l'entrée en vigueur du cessez-le-feu le 10 octobre, alors que "le Hamas semble déterminé" à respecter l'accord, estime-t-il.

"Nous devons apporter davantage d'aide humanitaire aux habitants de Gaza, puis commencer les efforts de reconstruction" a poursuivi le chef de l'Etat en appelant la Ligue arabe et l'OCI à jouer "un rôle moteur" en ce sens.

En amont de cette réunion, le chef de la diplomatie turque Hakan Fidan a reçu samedi une délégation du bureau politique du Hamas emmenée par Khalil al-Hayya, le négociateur en chef du mouvement islamiste palestinien.

Selon des responsables du ministère des Affaires étrangères, M. Fidan doit appeler à la mise en place de mécanismes permettant aux Palestiniens d'assurer la sécurité et la gouvernance de Gaza.

"Agir avec prudence" 

"Nous devons mettre fin au massacre à Gaza. Un cessez-le-feu à lui seul ne suffit pas", a insisté M. Fidan lors d'un forum à Istanbul.

"Nous devons reconnaître que Gaza doit être gouvernée par les Palestiniens et agir avec prudence", a encore souligné le ministre turc, plaidant de nouveau pour une solution à deux Etats.

Le chef de la diplomatie turque accuse Israël de chercher des prétextes pour rompre le cessez-le-feu.

Mais les efforts d'Ankara, qui multiplie les contacts diplomatiques avec les pays de la région et cherche à infléchir la position pro-israélienne des Etats-Unis, sont vus d'un mauvais œil par Israël qui juge Ankara trop proche du Hamas.

Les dirigeants israéliens ont exprimé à plusieurs reprises leur refus de voir la Turquie participer à la force internationale de stabilisation à Gaza.

En vertu du plan de Donald Trump, sur lequel est basé l'accord de cessez-le-feu, cette force de stabilisation, formée principalement de troupes de pays arabes et musulmans, doit se déployer à Gaza à mesure que l'armée israélienne s'en retirera.

Seuls des pays jugés "impartiaux" pourront rejoindre cette force, a cependant prévenu le ministre israélien des Affaires étrangères, Gideon Saar.

Autre signe de la méfiance du gouvernement israélien : une équipe de secouristes turcs dépêchée pour participer à la recherche de corps, y compris israéliens, dans les ruines de Gaza, attendait toujours en fin de semaine dernière le feu vert israélien pour entrer dans le territoire palestinien, selon Ankara.