L'arme des visas contre les pays du Maghreb, une méthode «biaisée» selon des experts

Le ministère des Affaires étrangères, à Paris (Photo, AFP).
Le ministère des Affaires étrangères, à Paris (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 04 octobre 2021

L'arme des visas contre les pays du Maghreb, une méthode «biaisée» selon des experts

  • La France a récemment annoncé la réduction du nombre de visas accordés aux Algériens, Marocains et Tunisiens pour mettre la pression sur leurs gouvernements
  • D'après le ministère de l'Intérieur français, des pressions similaires, qui n'avaient pas été rendues publiques, ont été mises en oeuvre dès 2018

PARIS: La France a récemment annoncé la réduction du nombre de visas accordés aux Algériens, Marocains et Tunisiens pour mettre la pression sur leurs gouvernements, jugés peu coopératifs sur la réadmission des Maghrébins expulsés de France. Si la méthode "fonctionne" selon Paris, plusieurs experts la qualifient de "biaisée".

"Il y a eu un dialogue, ensuite il y a eu des menaces. Aujourd'hui on met cette menace à exécution", tonnait la semaine dernière le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal dans une émission de radio matinale.

Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur communiqués à l'AFP, l'Algérie a délivré 31 laissez-passer consulaires entre janvier et juillet 2021 pour 7.731 obligations de quitter la France (OQTF) prononcées, et 22 expulsions réalisées, soit un taux d'exécution de 0,2%. Ce taux est de 2,4% pour les OQTF concernant les ressortissants marocains, et de 4% pour les Tunisiens.

Relier la quantité de visas délivrés par la France au nombre de laissez-passer consulaires émis par les pays du Maghreb - nécessaires à la réadmission de leurs ressortissants - est "une mesure tout à fait classique, qui se fait depuis des décennies", décrypte une source diplomatique proche du dossier. "Nous répondons à une non-réponse", après "des mois de discussions" stériles.

"C'est très mal accueilli" de l'autre côté de la Méditerranée, reconnaît la source diplomatique, "mais ça crée un rapport de force". "On sait que ça fonctionne, sinon on ne le ferait pas."

«Progression significative»

D'après le ministère de l'Intérieur français, des pressions similaires, qui n'avaient pas été rendues publiques, ont été mises en oeuvre dès 2018. Elles s'étaient traduites par "une nette augmentation du nombre de laissez-passer consulaires délivrés".

Les expulsions avaient alors connu une "progression significative": +65% à destination de l'Algérie en 2019 par rapport à 2017, +57% vers le Maroc et +61% vers la Tunisie sur la même période, observe-t-on au ministère.

L'arme des visas a donc été "efficace avant la pandémie", et elle montre déjà des résultats avec la Tunisie, avec qui "la coopération s'améliore" dernièrement, selon cette source.

Paris a ainsi confirmé une baisse à venir de 50% du nombre de visas délivrés pour les Marocains et Algériens et de 33% seulement pour les Tunisiens, leur gouvernement ayant "manifesté plus de gestes de bonne volonté", estime la source sécuritaire.

Alger, dont les relations avec Paris sont tumultueuses, a déploré une décision intervenue "sans consultation préalable", qui "comporte l'anomalie rédhibitoire d'avoir fait l'objet d'un tapage médiatique", avant de convoquer l'ambassadeur de France en Algérie.

Le ministre des Affaires étrangères marocain Nasser Bourita a, lui, qualifié la décision de Paris d'"injustifiée", le Maroc gérant la question migratoire" avec "une logique de responsabilité et d’équilibre entre la facilitation des déplacements des personnes (...) et la lutte contre la migration clandestine".

L'approche de la France est "biaisée" du fait de la pandémie du nouveau coronavirus, estime Matthieu Tardis, chercheur à l'Institut français des relations internationales.

"On a continué à délivrer des OQTF alors qu'on savait qu'elles ne seraient pas exécutées à cause du Covid-19", observe-t-il, "l'Algérie ayant rouvert ses frontières très récemment", cet été.

«Sans-papiers»

"On punit une partie de la population qui n'est pas concernée par les migrations", regrette aussi Matthieu Tardis, souvent, les étudiants, commerçants ou touristes, dans des proportions démesurées par rapport au nombre d'expulsés.

Entre janvier et juillet 2021, la France a accédé à 8.726 des 11.815 dépôts de visas venant d'Algérie (18.579 sur 24.191 pour le Maroc, 9.140 sur 12.921 pour la Tunisie), un chiffre très en-deçà des requêtes pré-Covid. En 2019, Paris recensait plus d'un million de demandes de visas depuis ces trois pays.

Cette même année, Algérie, Tunisie et Maroc avaient instruit moins de 4.300 demandes de laissez-passer consulaires, pour 32.000 mesures d'éloignement prononcées par la France.

Les personnes concernées sont des "islamistes radicaux", "des délinquants" ou des personnes qui "doivent partir tout simplement du territoire national", a affirmé mercredi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin.

"Ce sont plutôt des sans-papiers", nuance Catherine Wihtol de Wenden, chercheuse au CNRS, pour qui la solution à ce problème est "d'avoir moins d'OQTF".

Car les reconductions "coûtent très cher" (entre "3 et 5.000 euros" par individu, qui doit être accompagné de deux policiers), énumère-t-elle. Elles aboutissent à des "bavures", car les expulsés "résistent", ce qui fait qu'on les "attache", parfois qu'on les "scotche" dans les avions, poursuit-elle.

"Il faudrait qu'on prononce moins d'OQTF, mais qu'on les applique vraiment pour ceux représentant un danger public", note cette spécialiste du phénomène migratoire. "Vouloir expulser des personnes qui travaillent, qui ont créé des familles, n'a aucun sens".

La limitation du nombre de visas a été annoncée durant la pré-campagne électorale française, qui a déjà vu l'immigration devenir un thème phare. "La reconduction, c'est la théâtralisation de la politique", tranche-t-elle.


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
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  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.


Pour Aoun, le Liban «n'a pas d'autre choix que de négocier avec Israël»

Israël a bombardé le Liban à plusieurs reprises malgré le cessez-le-feu de novembre 2024 qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, multipliant les attaques ces derniers jours. (Reuters)
Israël a bombardé le Liban à plusieurs reprises malgré le cessez-le-feu de novembre 2024 qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, multipliant les attaques ces derniers jours. (Reuters)
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  • Joseph Aoun réaffirme l'engagement de Beyrouth en faveur d'un dialogue sans guerre, tout en admettant qu'Israël reste un "ennemi"
  • Les frappes aériennes israéliennes tuent deux personnes, dont un commandant du Hezbollah précédemment blessé dans l'explosion d'un téléavertisseur

BEYROUTH : Le président libanais Joseph Aoun a réaffirmé lundi son engagement à négocier avec Israël, affirmant que son pays n'avait "aucune option" en la matière.

Toutefois, il a ajouté : "La négociation n'est pas menée avec Israël : "La négociation ne se fait pas avec un ami ou un allié, mais avec un ennemi.

"Le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre, dont nous avons vu ce qu'elle nous a fait subir.

Selon le bureau des médias du palais présidentiel, M. Aoun a réaffirmé son attachement au "langage diplomatique adopté par nous tous, du président du Parlement Nabih Berri au Premier ministre Nawaf Salam".

Le Liban reste attaché au cadre de négociation "à travers le Comité du mécanisme", qui est limité aux représentants militaires, avec la possibilité d'inclure des civils conformément à une proposition américaine présentée la semaine dernière par Morgan Ortagus aux responsables libanais.

Les remarques de M. Aoun font suite à l'intensification des attaques israéliennes sur le Sud-Liban visant à accroître la pression sur le Hezbollah pour qu'il désarme.

Une frappe aérienne israélienne a visé une moto à Aita Al-Shaab, tuant son conducteur. Il s'agit de la deuxième frappe en l'espace de quelques heures.

Des médias proches du Hezbollah ont rapporté que l'homme tué était Youssef Naameh, le frère de deux autres personnes tuées précédemment dans des frappes israéliennes.

Lors d'une frappe précédente, les forces de défense israéliennes ont visé la ville de Doueir dans le district de Nabatieh, tuant une personne et en blessant sept autres, selon un communiqué du ministère libanais de la santé.

Plusieurs médias libanais ont rapporté que l'homme tué était le commandant du Hezbollah Mohammed Ali Hadid, qui avait déjà été blessé lors de l'explosion d'un téléavertisseur par le Mossad en septembre 2024 - une opération dont Israël n'a jamais officiellement revendiqué la responsabilité.

Selon certaines informations, M. Hadid avait survécu à une première frappe israélienne dimanche dans la ville de Zefta, dans le sud du pays, au cours de laquelle des drones israéliens avaient lancé au moins trois missiles sur une cible. Ces frappes n'ont toutefois pas atteint l'objectif visé.

Des images diffusées en ligne montrent la voiture visée en proie à de violentes flammes, tandis que les équipes de pompiers luttent contre les effets de la frappe, qui a également provoqué l'incendie de plusieurs voitures en stationnement.

Un complexe commercial contenant des magasins et des restaurants a également été endommagé.

La chaîne israélienne Channel 12 a rapporté que les récentes attaques israéliennes faisaient suite aux commentaires d'une "source de sécurité israélienne" dimanche.

Cette source a déclaré que "l'État libanais ne pénètre pas dans certaines zones où le Hezbollah opère et, si l'on nous demande d'agir, nous savons comment augmenter le rythme des attaques au Liban si nécessaire".

L'escalade des frappes israéliennes a porté à 16 le nombre de morts en moins d'une semaine, la plupart étant des membres du Hezbollah.

Samedi, une frappe aérienne meurtrière sur la ville de Kfar Roummane à Nabatieh a tué quatre membres du Hezbollah et blessé trois passants.

Une source de sécurité s'attend à une escalade des attaques israéliennes au cours des derniers mois de l'année, qui est la date limite fixée par l'armée libanaise pour achever le plan de désarmement au sud de la ligne Litani.

Le ministre israélien de la défense, Israël Katz, a accusé dimanche le Hezbollah de "jouer avec le feu". Il a déclaré qu'il tenait le gouvernement et le président libanais "responsables des atermoiements dans le respect de leurs engagements concernant le désarmement du parti et son retrait du sud".

Il a également affirmé qu'"Israël continuera à appliquer une politique de riposte maximale dans ses opérations militaires et n'autorisera aucune menace visant les résidents du nord", appelant les autorités libanaises à "assumer pleinement leurs responsabilités pour assurer la stabilité et empêcher l'escalade".


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
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  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.