En Irak, les militaire déjà aux urnes, mais sans illusions

Des membres des forces de sécurité irakiennes participent au vote anticipé pour les élections législatives à Bagdad, le 8 octobre 2021. Un total de 329 sièges sont à gagner lors des élections, qui ont été avancées en guise de concession aux manifestations pro-démocratie dirigées par des jeunes qui ont éclaté fin 2019. (Sabah Arar/AFP)
Des membres des forces de sécurité irakiennes participent au vote anticipé pour les élections législatives à Bagdad, le 8 octobre 2021. Un total de 329 sièges sont à gagner lors des élections, qui ont été avancées en guise de concession aux manifestations pro-démocratie dirigées par des jeunes qui ont éclaté fin 2019. (Sabah Arar/AFP)
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Publié le Vendredi 08 octobre 2021

En Irak, les militaire déjà aux urnes, mais sans illusions

  • Dans un contexte morose, des experts pronostiquent une abstention record parmi les 25 millions d'électeurs au scrutin de dimanche
  • A l'issue du vote, ce sont les mêmes partis qui vont conserver leur emprise, estiment des analystes

BAGDAD, Irak : Les Irakiens sont appelés aux urnes dimanche pour des législatives anticipées deux ans après des manifestations de masse contre le pouvoir. Mais dans un pays en proie à des crises multiples, les changements promis ne devront pas être encore une fois au rendez-vous.

Dans un contexte morose, après des décennies de guerre, une pauvreté qui touche un tiers de la population malgré la manne pétrolière, une résurgence jihadiste et la prolifération des factions armées, des experts pronostiquent une abstention record parmi les 25 millions d'électeurs.

Pourtant, ces législatives initialement prévues en 2022 sont présentées par les autorités comme une concession du pouvoir aux manifestations antirégime de fin 2019, déclenchées contre une corruption endémique, une économie en panne et des services publics défaillants, et qui se sont essoufflées après avoir été réprimées dans le sang.

L'élection des 329 députés se fera selon une nouvelle loi électorale, qui instaure un scrutin uninominal et augmente le nombre de circonscriptions, pour encourager indépendants et candidats de proximité.

Le vote est "peu susceptible d'être un facteur de changement", estime Ramzy Mardini, du Pearson Institute de l'université de Chicago.

"Le scrutin est censé être un symbole du changement, mais ironiquement ceux qui appellent aux réformes ont décidé de boycotter le scrutin pour protester contre une situation qui ne change pas", souligne-t-il.

Les militants se réclamant du soulèvement boycottent le scrutin: des dizaines d'entre eux ont été victimes d'enlèvements, d'assassinats ou de tentatives d'assassinat, imputés à des groupes armés pro-Iran.

- "Préserver les acquis" -

A l'issue du vote, ce sont les mêmes partis qui vont conserver leur emprise, estiment des analystes.

Les principaux blocs étant liés à des groupes armés, la crainte de débordements sécuritaires est dans tous les esprits, surtout si les résultats des élections ne sont pas à la hauteur des attentes.

La scène politique reste profondément polarisée sur les mêmes dossiers sensibles -- la présence des troupes américaines ou l'influence du voisin iranien.

Mais avec un Parlement fragmenté, où les alliances se font et se défont, les différentes formations devront surmonter leurs divergences et faire du marchandage pour nommer un nouveau Premier ministre, poste habituellement réservé à un musulman chiite.

"Tout dépendra du niveau de représentation des différents blocs, surtout au sein du camp chiite", souligne le politologue Ali Al-Baidar.

Il pointe du doigt les ambitions du courant Sadriste, donné grand favori. Son leader, le sulfureux Moqtada al-Sadr, ancien chef de milice à la rhétorique anti-américaine et anti-Iran, se voit déjà choisir le Premier ministre sans obstacles.

Mais c'est sans compter les grands rivaux pro-Iran du Hachd al-Chaabi. Ils veulent préserver leurs acquis, après avoir fait leur entrée au Parlement pour la première fois en 2018, surfant sur la victoire contre les jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

Et chez les sunnites, l'influent et jeune président du Parlement, Mohamed al-Halboussi, cherche à consolider son assise populaire après une ascension fulgurante qui en fait un interlocuteur incontournable.

- "Milices au gouvernement" -

Les différentes formations devront s'accorder sur un candidat de compromis, avec la bénédiction tacite de Téhéran mais aussi de Washington, les deux grands alliés qui tiennent l'Irak en étau.

"Il y aura probablement un désaccord initial entre les partis chiites. Mais c'est une tactique de négociation, avant un pacte conclu in fine au sein de l'élite", souligne M. Mardini.

"La formation du gouvernement restera aux mains des partis biens établis et leurs patrons. Les indépendants ne peuvent être qu'un accessoire superficiel", ajoute-t-il.

L'actuel chef de gouvernement, Moustafa al-Kazimi, peut-il conserver son poste?

"Il n'est pas le préféré des factions pro-Iran, mais elles l'accepteront si l'alternative est un candidat suivant une ligne plus dure envers Téhéran", estime M. Baidar.

Indifférent aux querelles politiciennes, Jawad n'ira pas voter. Il a perdu son fils il y a deux ans dans la répression des manifestations et attend une justice qui ne vient pas.

"Mon fils a été tué par ces mêmes milices qui forment les gouvernements corrompus", fustige le vieil homme, qui manifestait comme des centaines d'autres à Bagdad à l'occasion du 2e anniversaire de la contestation, début octobre.

La place Tahrir, épicentre du soulèvement dans la capitale, est désormais gardée par la police. A quelques pas seulement des graffitis pro-révolte, les fanions aux couleurs du courant Sadriste ont été accrochés tout autour du rond-point.

Des membres des forces de sécurité kurdes peshmergas ont voté pour les élections législatives à Arbil, la capitale de la région autonome kurde du nord de l'Irak, le 8 octobre 2021, deux jours avant le reste du pays. (Safin Hamed / AFP)
Des membres des forces de sécurité kurdes peshmergas ont voté pour les élections législatives à Arbil, la capitale de la région autonome kurde du nord de l'Irak, le 8 octobre 2021, deux jours avant le reste du pays. (Safin Hamed / AFP)

Vote des forces de sécurité et des déplacés avant les législatives dimanche

Un "vote spécial" était organisé vendredi pour les forces de sécurité, les déplacés et les prisonniers à l'occasion des législatives anticipées, dont le scrutin général a lieu dimanche et pour lesquelles des observateurs pronostiquent déjà une faible participation.

Dans la capitale Bagdad, où un important dispositif de sécurité a été déployé avec des avions militaires entendus dans le ciel, un vidéaste de l'AFP a vu des dizaines de cadets de l'armée faire la queue pour voter dans une école transformée en bureau de vote, masque anti-Covid sur le visage et mains gantées.

Les bureaux de vote ont ouvert à 07H00 du matin (04H00 GMT). Un peu plus d'un million de militaires et de policiers, tous services de sécurité confondus, sont appelés aux urnes. Et 120.126 déplacés, vivant pour certains dans 27 camps de déplacés, sont inscrits pour voter.

Le pays compte encore plus d'un million de déplacés au total, selon l'ONU.

La télévision étatique al-Ikhbariya a diffusé des images de plusieurs bureaux de vote, montrant des dizaines de militaires et de policiers en uniforme qui font la queue.

Les influents ex-paramilitaires du Hachd al-Chaabi, désormais intégrés aux troupes régulières, ne bénéficient pas des mêmes aménagements que les forces de sécurité et ne votent pas vendredi. La mesure a été dénoncée par les responsables du Hachd, mais ils pourront prendre part au scrutin général dimanche, pour lequel plus de 25 millions d'électeurs irakiens sont attendus.

Plus de 3.240 candidats sont en lice. L'élection des 329 députés se fera selon une nouvelle loi électorale, qui instaure un scrutin uninominal et augmente le nombre de circonscriptions, pour encourager en théorie indépendants et candidats de proximité.

 


Le pape appelle à «de nouvelles approches» au Moyen-Orient pour rejeter la violence

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  • Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage"
  • "Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix"

BEYROUTH: Le pape Léon XIV a appelé mardi, devant 150.000 personnes réunies pour une messe en plein air à Beyrouth, à "de nouvelles approches au Moyen-Orient" meurtri par les conflits, pour y faire prévaloir la paix.

Le chef de l'Eglise catholique, qui achève une visite de trois jours au Liban, a également appelé les chrétiens d'Orient, dont la présence diminue du fait des guerres et de l'émigration, à faire preuve de "courage".

"Le Moyen-Orient a besoin de nouvelles approches afin de rejeter la mentalité de vengeance et de violence, de surmonter les divisions politiques, sociales et religieuses, et d'ouvrir de nouveaux chapitres au nom de la réconciliation et de la paix", a déclaré le souverain pontife.

Affirmant "prier spécialement pour le Liban bien-aimé", il a demandé "à la communauté internationale de ne ménager aucun effort pour promouvoir des processus de dialogue et de réconciliation" dans cette région meurtrie par les conflits.

La visite du chef de l'église catholique a donné un souffle d'espoir au Liban, qui a connu une guerre meurtrière avec Israël il y a un an et craint une nouvelle escalade malgré le cessez-le-feu.

Léon XIV a également appelé les dirigeants "dans tous les pays marqués par la guerre et la violence" à "écouter le cri" des "peuples qui appellent à la paix".

S'adressant aux "chrétiens du Levant, citoyens à part entière de ces terres", le pape leur a dit: "ayez du courage. Toute l'Église vous regarde avec affection et admiration".


Une plainte en France pour «entrave» au travail des reporters à Gaza

Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza. (AFP)
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  • "Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination"
  • "Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse"

PARIS: Le Syndicat national des journalistes (SNJ) et la Fédération internationale des journalistes (FIJ) ont annoncé mardi porter plainte à Paris pour "entrave à la liberté d'exercer le journalisme", visant les autorités israéliennes pour avoir empêché les reporters français de couvrir la guerre à Gaza.

Ces faits pourraient selon ces organisations constituer des "crimes de guerre", pour lesquels le parquet national antiterroriste à Paris peut enquêter, dès lors qu'ils sont commis contre des Français.

"Cette plainte est la première déposée à ce jour sur le fondement du délit d'entrave à la liberté d'exercer le journalisme, et la première à inviter le ministère public à se prononcer sur l'application de cette incrimination dans un contexte international où les atteintes à la liberté de la presse sont devenues structurelles", soulignent les plaignants dans la centaine de pages de leur requête, rendue publique par franceinfo.

"Cette plainte (...) dénonce une entrave concertée, parfois violente, empêchant les journalistes français de travailler dans les Territoires palestiniens et portant atteinte à la liberté de la presse", a commenté Me Louise El Yafi, l'une des avocates à l'origine de la plainte.

Elle "souligne aussi l'insécurité croissante visant les journalistes français en Cisjordanie (...). Ces atteintes, en violation du droit international humanitaire, relèvent également de crimes de guerre", ajoute sa consoeur Me Inès Davau.

Un journaliste français travaillant pour plusieurs rédactions francophones, qui a tenu à garder l'anonymat, porte lui aussi plainte: il dénonce son "agression" par des colons lors d'un reportage dans les territoires occupés.

Reporters sans frontières (RSF) a décompté plus de 210 journalistes tués depuis le début des opérations militaires israéliennes à Gaza, en représailles à l'attaque du 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Depuis le début de la guerre, les autorités israéliennes ont empêché les journalistes de médias étrangers d'entrer de manière indépendante à Gaza, autorisant seulement au cas par cas une poignée de reporters à accompagner leurs troupes.

En France, plusieurs plaintes ont été déposées en lien avec le conflit. Elles visent notamment des soldats franco-israéliens d'une unité d'élite de l'armée israélienne, l'entreprise française d'armement Eurolinks ou encore des Franco-Israéliens qui se rendraient complices du crime de colonisation.

Suite à une plainte, le parquet national antiterroriste a aussi demandé à un juge d'instruction parisien d'enquêter pour "crimes de guerre" dans le dossier de la mort de deux enfants français dans un bombardement israélien à Gaza en octobre 2023.


Trump avertit Israël de ne pas «interférer» avec la Syrie

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste. (AFP)
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  • Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump
  • "Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère"

WASHINGTON: Donald Trump a mis en garde Israël lundi contre toute ingérence en Syrie qui risquerait de compromettre la transition du pays arabe en "Etat prospère", après une incursion vendredi de forces israéliennes dans le sud de la Syrie.

Le président américain a échangé au téléphone avec Benjamin Netanyahu et l'a de nouveau invité à la Maison Blanche, ont affirmé les services du Premier ministre israélien peu après l'avertissement lancé par Donald Trump.

"Il est très important qu'Israël maintienne un dialogue fort et véritable avec la Syrie, que rien ne vienne interférer avec l'évolution de la Syrie en un Etat prospère", a déclaré le président américain sur sa plateforme Truth Social, affirmant que les Etats-Unis étaient "très satisfaits des résultats affichés" par Damas.

Une incursion vendredi des forces israéliennes dans un village du sud de la Syrie avait fait 13 morts, selon Damas, tandis que l'armée israélienne a affirmé avoir visé un groupe islamiste.

Depuis la chute il y a près d'un an du président Bachar al-Assad, renversé par une coalition islamiste, Israël a mené des centaines de frappes et conduit des incursions en Syrie. L'opération de vendredi est la plus meurtrière de celles-ci et le ministère syrien des Affaires étrangères a dénoncé un "crime de guerre".

Donald Trump avait reçu début novembre à la Maison Blanche le nouveau chef d'Etat syrien, Ahmad al-Chareh, pour une visite cordiale, au cours de laquelle l'ancien jihadiste avait annoncé que son pays rejoindrait la coalition internationale contre le groupe Etat islamique (EI). Le président américain, qui a levé les sanctions contre Damas, pousse également pour qu'un accord de sécurité soit conclu entre Israël et la Syrie.

"Le nouveau président de la Syrie, Ahmad al-Chareh, travaille de manière assidue pour s'assurer que des bonnes choses arrivent et que la Syrie et Israël aient à l'avenir une relation longue et prospère ensemble", a déclaré lundi Donald Trump dans son post sur Truth Social.

"C'est une opportunité historique, et elle s'ajoute au SUCCÈS, déjà atteint, pour la PAIX AU MOYEN-ORIENT", a-t-il affirmé.

Invitation 

Lors de leur échange par téléphone lundi, Benjamin Netanyahu et Donald Trump ont évoqué un "élargissement" des accords de paix régionaux, selon un communiqué des services du Premier ministre israélien publié dans la foulée du post de Donald Trump.

"Trump a invité le Premier ministre Netanyahu à une rencontre à la Maison Blanche dans un avenir proche", ont-ils ajouté.

Benjamin Netanyahu a déjà effectué davantage de visites auprès de Donald Trump que n'importe quel autre dirigeant étranger depuis le retour du républicain au pouvoir.

"Les deux dirigeants ont souligné l'importance et le devoir de désarmer le Hamas et de démilitariser la bande de Gaza", précise le communiqué.

Depuis la chute de Bachar al-Assad, Israël a déployé des troupes dans la zone démilitarisée sur le plateau du Golan, au-delà de la ligne de démarcation entre la partie de ce territoire syrien annexée unilatéralement par Israël en 1981 et le reste de la Syrie.

Israël attache une "importance immense" à sa présence militaire dans la zone tampon en Syrie, avait déclaré le 19 novembre son Premier ministre, Benjamin Netanyahu, lors d'une visite à des soldats israéliens déployés dans cette zone censée être sous le contrôle de l'ONU.

Cette visite avait été dénoncée par Damas et par l'ONU.

Pendant l'été, des contacts de haut niveau entre responsables israéliens et syriens ont eu lieu, avec l'aide de Paris et Washington, les deux parties indiquant vouloir parvenir à un accord de sécurité.

Mais Benjamin Netanyahu exige pour cela une démilitarisation de toute la partie du territoire syrien courant du sud de Damas jusqu'à la ligne de démarcation de 1974, instituée après la guerre israélo-arabe de 1973.