Les discours de haine en ligne « peu contrôlés dans le monde arabe »

Très peu de mesures ont été adoptées dans le monde arabe pour rendre Facebook et d'autres réseaux sociaux responsables de la diffusion d'idées extrémistes, d'opinions sectaires et de discours de haine. (AFP/File Photo)
Très peu de mesures ont été adoptées dans le monde arabe pour rendre Facebook et d'autres réseaux sociaux responsables de la diffusion d'idées extrémistes, d'opinions sectaires et de discours de haine. (AFP/File Photo)
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Publié le Samedi 09 octobre 2021

Les discours de haine en ligne « peu contrôlés dans le monde arabe »

  • Le témoignage de la lanceuse d'alerte, Frances Haugen, atteste d'une approche peu rigoureuse en matière de lutte contre l'extrémisme en ligne
  • Facebook soutient que sa technologie repère de manière proactive les discours de haine dans plus de 40 langues, dont l'arabe

LONDRES : Pour une plateforme qui compte plus de 2,91 milliards d’ « amis », Facebook s'est fait de nombreux ennemis ces derniers temps. Cette animosité s'est faufilée même parmi ses employés.

En effet, Frances Haugen, ancienne employée de Facebook et lanceuse d'alerte, vient de témoigner cette semaine devant les membres du Sénat. Elle a dressé un tableau cinglant de la manière dont le plus grand réseau social du monde fait primer les gains sur la sécurité publique.

La plate-forme a pourtant mené des recherches internes approfondies, qui ont été divulguées aux médias américains. Ils font apparaître les préjudices que Facebook et ses produits infligent aux communautés, aux institutions démocratiques et aux enfants dont l'image est fragile.

En revanche, peu de mesures ont été prises dans le monde arabe, par exemple, pour amener Facebook et d'autres plates-formes de réseaux sociaux à assumer la responsabilité des idées extrémistes, des opinions sectaires et des discours haineux qui continuent de se frayer un chemin jusqu'aux millions d'utilisateurs dans la région, même si ces plates-formes sont censées surveiller leur contenu.

« Une petite recherche en arabe a suffi pour que j'identifie 38 groupes ou pages existant actuellement sur Facebook avec plus de 100 adeptes ou « likes » qui font incontestablement référence dans leur titre aux Protocoles des Sages de Sion. Il s'agit de l'exemple le plus infâme de désinformation et de discours de haine anti-juifs de l'histoire », explique à Arab News David Weinberg, directeur du bureau de Washington pour les affaires internationales de l'Anti-Defamation League ("Ligue anti-diffamation").

« On peut dire que Facebook aurait pu aisément partir de telles pages s'il était intéressé, même de façon superficielle, par la détection proactive des discours de haine horrifiants qui violent de façon flagrante ses conditions d'utilisation et peuvent engendrer des violences létales ».

Certes, Facebook a supprimé des millions de publications comportant des discours de haine sur ses plateformes en 2020. Cependant, un long chemin reste à parcourir, notamment pour les langues autres que l'anglais.

« Facebook n'a pas répondu au vrai problème. Il s'est plutôt livré à des manœuvres promotionnelles. Les propos de Mme Haugen ont démasqué tous les méfaits de Facebook », confie à Arab News Mohammad Najem, directeur exécutif de SMEX, une organisation de Beyrouth spécialisée dans la défense des droits numériques qui se concentre sur la liberté d'expression, la confidentialité et la sécurité en ligne.

« Malheureusement, ces menaces sont de plus en plus nombreuses et les entreprises de technologie leur consacrent très peu d'efforts».

Frances Haugen, ancienne employée de Facebook et lanceuse d'alerte, lors de son témoignage devant la Commission du commerce, des sciences et des transports du Sénat dans une séance intitulée « Protéger les enfants sur le web : Témoignage d'une lanceuse d'alerte de Facebook » au Capitole, le 05 octobre 2021 à Washington, DC. (AFP)
Frances Haugen, ancienne employée de Facebook et lanceuse d'alerte, lors de son témoignage devant la Commission du commerce, des sciences et des transports du Sénat dans une séance intitulée « Protéger les enfants sur le web : Témoignage d'une lanceuse d'alerte de Facebook » au Capitole, le 05 octobre 2021 à Washington, DC. (AFP)

Réagissant à ces allégations, un porte-parole de Facebook a déclaré vendredi à Arab News que « les discours de haine ne sont pas tolérés sur nos plateformes, ce qui nous amène à continuer à investir massivement dans les personnes, les systèmes et la technologie pour repérer et supprimer ce contenu dans les plus brefs délais ».

« Facebook emploie désormais 40 000 personnes chargées de la sûreté et de la sécurité et a investi 13 milliards de dollars à cet effet depuis 2016. La technologie que nous employons permet d'identifier de manière anticipée les discours de haine et ce, dans plus de 40 langues dans le monde, dont l'arabe ».

« Nous sommes conscients qu'il nous reste du travail à faire, mais nous continuons à améliorer considérablement notre système de lutte contre les contenus néfastes ».

« Notre dernier rapport sur le respect des normes communautaires (Community Standards Enforcement Report) montre que Facebook repère et supprime dorénavant les discours haineux sur ses plateformes comme il ne l'a jamais fait auparavant : la prévalence des discours haineux –  soit la quantité de ce type de contenu que les gens observent réellement –  sur Facebook représente désormais 0,05 % du contenu visionné et a baissé de près de 50 % durant les trois derniers trimestres ».

Facebook a certes été soumis à une surveillance particulière ces derniers temps, mais il n'est pas le seul coupable. La modération jugée insuffisante sur la plate-forme de microblogging qu'est Twitter suscite, elle aussi, de vives inquiétudes.

La politique de Twitter en matière de discours haineux a été récemment mise à jour et stipule que les utilisateurs ne doivent pas « promouvoir la violence à l'encontre d'autres personnes, les attaquer ou les menacer directement en raison de leur race, de leur origine ethnique ou nationale ». Pourtant les comptes qui se livrent à ces pratiques restent actifs sur la plate-forme.

Les grandes plate-formes de médias sociaux, parmi lesquelles Facebook, Instagram et WhatsApp, ont subi une panne importante le 4 octobre 2021, comme l'ont montré les sites de suivi, ce qui a eu un impact sur plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs potentiels.  (AFP)
Les grandes plate-formes de médias sociaux, parmi lesquelles Facebook, Instagram et WhatsApp, ont subi une panne importante le 4 octobre 2021, comme l'ont montré les sites de suivi, ce qui a eu un impact sur plusieurs dizaines de millions d'utilisateurs potentiels.  (AFP)

« Prenons l'exemple du chef suprême de l'Iran : il est autorisé à se servir de Twitter en recourant aux nombreux comptes qu’il possède sur cette plate-forme y compris des comptes réservés à la propagande –ceux-ci sont rédigés en persan, en arabe et en anglais, mais aussi en ourdou, en espagnol, en français, en allemand, en italien, en russe et en hindi –», explique M. Weinberg.

«Twitter compte également parmi ses utilisateurs de grands médias appartenant à des groupes extrémistes violents soutenus par l'Iran, tels que le Hamas, le Hezbollah et le Jihad islamique palestinien. Même Facebook n'a pas fait preuve d'une telle indulgence ».

Ainsi, le religieux égyptien exilé Youssouf Al-Qaradawi et Qaïs Al-Khazali, désigné comme terroriste, restent actifs et bien en vue (le premier compte 3,2 millions d'adeptes) ; tous deux ont fait l'objet de la série Deep Dive d'Arab News.

Dans l'un de ses messages de haine, Al-Qaradawi a écrit : « À travers l'histoire, Dieu les a assujettis (les Juifs) à des gens qui les ont punis pour leur corruption. La dernière punition leur a été infligée par Hitler. C'était une punition de Dieu. La prochaine fois, si Dieu le veut, ce sont les fidèles croyants qui les puniront».

En outre, les autres réseaux sociaux semblent tous être confrontés au même problème : ne pas pouvoir détecter de manière cohérente les discours haineux dans des langues autres que l'anglais.

Comme l'a souligné Mme Haugen dans son témoignage devant le Sénat, Facebook possède « des documents qui illustrent l'importance de l'investissement dans les opérations lancées dans différentes langues, et ces documents montrent qu'il y a toujours eu un sous-investissement dans les langues autres que l'anglais ».

Mme Haugen a quitté Facebook en mai et a transmis à des journalistes et à d'autres personnes des documents internes, alléguant que Facebook privilégie systématiquement les gains au détriment de la sécurité. (Getty via AFP)
Mme Haugen a quitté Facebook en mai et a transmis à des journalistes et à d'autres personnes des documents internes, alléguant que Facebook privilégie systématiquement les gains au détriment de la sécurité. (Getty via AFP)

De ce fait, les groupes extrémistes ont pu exploiter librement cette approche peu rigoureuse à l'égard du niveau de modération dans d'autres langues.

Les spécialistes s'accordent à dire que les plates-formes de réseaux sociaux, dans leur quête de gains, pourraient avoir exacerbé la division sociale, suscité des attaques racistes et compromis la confiance et ce, à l'échelle mondiale. Tout cela a débouché sur une confusion inédite entre réalité et fiction. « J'ai assisté à plusieurs reprises à des conflits opposant les profits de Facebook à notre sécurité », a expliqué Mme Haugen aux sénateurs lors du témoignage qu'elle a livré mardi.

« À chaque fois, Facebook favorisait ses profits dans la façon dont il réglait ces conflits. Cela a entraîné davantage de divisions, davantage de dommages, davantage de mensonges, davantage de menaces et davantage de conflits. Dans certains cas, ces discussions en ligne, menaçantes, ont provoqué une violence réelle qui a blessé, voire, tué des gens.

« Tant que Facebook opère dans l'ombre et soustrait ses recherches à l'examen du public, il n'a pas de comptes à rendre. Tant que les incitations ne changeront pas, Facebook ne changera pas. Si on le laisse faire, Facebook continuera à faire des choix qui nuisent au bien collectif. Notre bien à tous ».

Il ne faut pas sous-estimer l'influence des réseaux sociaux sur l'attitude et la confiance du public. Ainsi, en 2020, 79 % des jeunes arabes - chiffre impressionnant - obtenaient leurs informations des médias sociaux, contre 25 % en 2015, selon l'enquête Arab Youth Survey.

Des partisans du président américain Donald Trump, dont Jake Angeli, un partisan de QAnon connu pour son visage peint et son chapeau à cornes, manifestent au Capitole le 6 janvier 2021. (AFP/File Photo)
Des partisans du président américain Donald Trump, dont Jake Angeli, un partisan de QAnon connu pour son visage peint et son chapeau à cornes, manifestent au Capitole le 6 janvier 2021. (AFP/File Photo)

Facebook, ainsi que le reste de ses produits populaires, tels qu'Instagram et WhatsApp, qui ont été confrontés lundi à une panne qui a duré près de six heures à travers le monde, ont souvent été impliqués dans des épisodes de violence : de l'incitation à la haine ethnique contre les musulmans rohingyas en Birmanie à la prise d'assaut du Capitole à Washington par des partisans du président sortant Donald Trump en janvier dernier.

« Les recherches effectuées par Facebook montrent que la colère est plus facile à inspirer aux gens que toute autre émotion », a expliqué Mme Haugen dans une interview qu'elle a récemment accordée à l'émission « 60 Minutes » de CBS News.

Elle a également affirmé que « Facebook s’est rendu compte que, s’il modifie l'algorithme pour accroître sa sécurité, les utilisateurs passeront moins de temps à naviguer sur le site, ils cliqueront sur moins de publicités et généreront moins d'argent ».

Nombreux sont celles et ceux qui ont applaudi le courage de Mme Haugen qui s'est exprimée et a divulgué des milliers de documents internes qui mettent à nu les rouages de l'entreprise - des allégations jugées « tout bonnement infondées » par Mark Zuckerberg, le PDG de Facebook.

Au cours des derniers mois, ce réseau social a mené des batailles juridiques sur plusieurs fronts.  En Australie, le gouvernement a intenté une action en justice contre Facebook pour trancher sur son statut d'éditeur, ce qui le ferait porter la responsabilité du contenu posté par des tiers en cas de diffamation.

De son côté, la Russie tente de soumettre le géant des médias sociaux à une amende draconienne représentant 5 à 10 % de son chiffre d'affaires annuel, en raison d'un grand nombre de violations de la loi.

Certes, Facebook a supprimé des millions de publications comportant des discours de haine sur ses plateformes en 2020. Cependant, un long chemin reste à parcourir. (AFP/File Photo)
Certes, Facebook a supprimé des millions de publications comportant des discours de haine sur ses plateformes en 2020. Cependant, un long chemin reste à parcourir. (AFP/File Photo)

Au début de cette année, les pays du Groupe des Sept (G7), qui regroupe le Canada, la France, l'Allemagne, l'Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, se sont accordés sur un taux d'imposition mondial d'au moins 15 % auquel Facebook et d'autres géants du secteur des technologies, dont Amazon, doivent se soumettre.

À la décharge de Facebook, il faut reconnaître que ses modérateurs doivent accomplir une tâche exténuante : naviguer entre les règles et réglementations des différents gouvernements et la sophistication de plus en plus poussée des extrémistes qui sévissent sur la Toile.

Pour Jacob Berntsson, responsable de la politique et de la recherche au sein de Tech Against Terrorism (Technologie contre le terrorisme) -  une initiative visant à contrer l'extrémisme en ligne tout en préservant la liberté d'expression - les organisations terroristes sont désormais plus à même d'utiliser les plateformes de réseaux sociaux sans se laisser piéger par les modérateurs.

« Je pense que Facebook est sans aucun doute capable d'améliorer sa réponse à ce niveau, mais la tâche devient particulièrement difficile lorsque le statut juridique du groupe est peu clair, par exemple », confie M. Berntsson à Arab News.

« Tout cela montre, à mon avis, que la modération du contenu à cette échelle est pratiquement impossible.  Les erreurs sont inévitables et les lacunes aussi ».

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Twitter: @Tarek_AliAhmad


Le Premier ministre du Qatar juge le cessez-le-feu à Gaza incomplet sans "un retrait total" d'Israël

Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
Le Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du Qatar, Cheikh Mohammed bin Abdulrahman bin Jassim Al-Thani, s'exprime lors de la première journée de la 23e édition du Forum annuel de Doha, à Doha, au Qatar, le 6 décembre 2025. (Reuters)
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  • Le Qatar affirme qu’un cessez-le-feu réel à Gaza ne peut être atteint sans un retrait total des forces israéliennes et le rétablissement de la stabilité dans l’enclave
  • Les médiateurs — Qatar, Turquie, Égypte et États-Unis — travaillent à une seconde phase incluant retrait complet, désarmement du Hamas et déploiement d’une Force internationale de stabilisation (FIS)

DOHA: Le cessez-le-feu dans la bande de Gaza reste incomplet sans un "retrait total" des forces israéliennes du territoire palestinien, a affirmé samedi le premier ministre du Qatar, pays médiateur dans le conflit.

"Nous sommes à un moment critique (...) Nous ne pouvons pas encore considérer qu'il y a un cessez-le-feu, un cessez-le-feu ne peut être complet qu'avec le retrait total des forces israéliennes, (et) un retour de la stabilité à Gaza", a affirmé Cheikh Mohammed ben Abdelrahmane al-Thani, lors d'une conférence à Doha.

Après deux ans de guerre dévastatrice entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, les pays médiateurs - Qatar, Etats-Unis et Egypte - ont arraché un accord de cessez-le-feu, entré en vigueur le 10 octobre.

La première phase prévoyait la restitution de tous les otages du 7-Octobre - les vivants comme les morts dont un dernier doit encore être remis à Israël - , en échange de la libération de centaines de prisonniers palestiniens, ainsi qu'un retrait partiel des forces israéliennes de Gaza.

La deuxième étape du plan, qui n'a pas encore été approuvée, prévoit le retrait total de l'armée israélienne, le désarmement du Hamas, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale de stabilisation (FIS).

"En ce moment, nous (...) le Qatar, la Turquie, l'Égypte, avec les États-Unis, nous nous réunissons pour faire avancer la prochaine phase", a relevé le premier qatari. "Et cette prochaine phase est également temporaire de notre point de vue" dans l'attente d'une "solution durable", a-t-il ajouté.

Des discussions sur la structure de la FIS et les pays qui pourraient y participer sont en cours, a affirmé de son côté le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan.

Mais le premier objectif de cette force doit être "de séparer les Palestiniens des Israéliens", a-t-il souligné. "Cela doit être notre objectif principal. Ensuite, nous pourrons aborder les autres questions en suspens".

Ankara a indiqué qu'elle souhaitait participer à la FIS, mais Israël l'accuse d'être trop proche du Hamas, dont l'attaque sans précédent sur Israël le 7 octobre 2023 a déclenché la guerre à Gaza.

"La seule manière viable de terminer cette guerre est de s'engager sincèrement et fermement dans des pourparlers de paix", a également affirmé M.Fidan.

Egalement présent à Doha, le ministre des Affaires étrangères égyptien, Badr Abdelatty, a rencontré son homologue qatari, en marge de la conférence.

Les deux hommes ont appelé à "la formation rapide de la FIS pour lui permettre de remplir son mandat", a indiqué le ministère égyptien.

Ils ont également "souligné l'importance de poursuivre les efforts visant à mettre en oeuvre l'accord de paix (...) dans toutes ses étapes, à consolider le cessez-le-feu".


Le Liban assure ne pas vouloir de guerre avec Israël, après de premières discussions directes

Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
Le Premier ministre Nawaf Salam a souligné la nécessité d'une force internationale pour soutenir l'armée lorsque la FINUL mettra fin à son mandat dans le sud du Liban. (Fourni)
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  • Le Liban, par la voix du président Joseph Aoun, réaffirme qu’il ne veut pas d’une nouvelle guerre avec Israël et mise sur la diplomatie pour faire cesser les frappes israéliennes dans le sud du pays
  • Le Hezbollah soutient l’approche diplomatique de Beyrouth mais critique l’inclusion d’un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu

BEYROUTH: Le Liban ne veut pas d'une nouvelle guerre avec Israël, a assuré vendredi son président, Joseph Aoun, deux jours après de premières discussions directes, depuis plusieurs décennies, entre des représentants des deux pays.

Le Hezbollah pro-iranien a de son côté assuré soutenir l'approche diplomatique de Beyrouth "pour faire cesser l'agression" israélienne. Mais il a  qualifié d'"erreur" l'inclusion, pour la première fois, d'un civil libanais dans le comité de surveillance du cessez-le-feu qui a mis fin en novembre 2024 à sa dernière guerre avec Israël.

Alors qu'Israël a multiplié ces dernières semaines ses frappes aériennes au Liban, disant viser le Hezbollah, des responsables civils libanais et israélien ont participé mercredi à une réunion de cet organisme, une rencontre inédite depuis plusieurs décennies entre les deux pays, toujours en état de guerre.

Israël justifie ses frappes en accusant le Hezbollah de se réarmer en violation du cessez-le-feu, ce que le mouvement chiite dément.

Beyrouth pour sa part accuse régulièrement Israël de violer la trêve en poursuivant ses raids et en maintenant une présence militaire dans cinq positions dans le sud du Liban.

Les Libanais "ne veulent pas d'une nouvelle guerre, ils ont assez souffert et il n'y aura pas de retour en arrière", a déclaré M. Aoun à une délégation du Conseil de sécurité de l'ONU en visite dans son pays, selon un communiqué de la présidence.

- "Sous les bombes" -

Auprès de ses interlocuteurs, il "a insisté sur la nécessité de faire pression sur la partie israélienne pour mettre en oeuvre le cessez-le-feu et son retrait" du sud du Liban.

Mettant en avant "l'engagement de la partie libanaise à appliquer les résolutions internationales", il a aussi appelé la communauté internationale à "soutenir l'armée libanaise dans sa mission" de désarmement du Hezbollah.

Beyrouth a choisi "la diplomatie pour faire cesser l'agression israélienne" et "nous soutenons cette approche", a de son côté déclaré le chef du Hezbollah, Naïm Qassem dans une allocution télévisée.

Le groupe invoque notamment le maintien par Israël de cinq postes dans le sud du Liban pour s'opposer à son désarmement, pour la mise en oeuvre duquel les Etats-Unis et Israël exercent une forte pression sur Beyrouth.

Arrivée de Damas, la délégation des 15 diplomates onusiens doit rencontrer plusieurs responsables libanais vendredi. Elle se rendra samedi dans la région frontalière du sud, accompagnée de l'émissaire américaine pour le Proche-Orient Morgan Ortagus.

Le Liban a qualifié de "positives" les discussions directes avec Israël, mais le pays voisin a de nouveau bombardé le lendemain, jeudi, le sud du Liban, disant viser des infrastructures militaires du Hezbollah.

"Il est inacceptable de négocier sous les bombes", a souligné le président du Parlement Nabih Berri, proche allié du Hezbollah, après avoir rencontré la délégation onusienne.

L'issue de ces pourparlers "dépend principalement de la position d'Israël, qui déterminera si les négociations aboutiront à des résultats concrets ou échoueront", a prévenu M. Aoun.

La commission chargée de superviser le cessez-le-feu tiendra de nouvelles sessions avec la participation de délégués civils libanais et israélien à partir du 19 décembre.


L’Arabie saoudite et ses partenaires régionaux rejettent tout déplacement forcé des Palestiniens de Gaza

Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
Les ministres des Affaires étrangères d'Arabie saoudite, d'Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d'Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi leur profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l'ouverture du passage de Rafah dans un seul sens. (AFP)
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  • Les ministres ont exprimé une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes sur l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens

RIYAD : Les ministres des Affaires étrangères d’Arabie saoudite, d’Égypte, de Jordanie, des Émirats arabes unis, d’Indonésie, du Pakistan, de Turquie et du Qatar ont exprimé vendredi une profonde inquiétude face aux déclarations israéliennes concernant l’ouverture du passage de Rafah dans un seul sens, rapporte l’Agence de presse saoudienne.

Dans une déclaration conjointe, les ministres ont estimé que cette mesure pourrait faciliter le déplacement des Palestiniens de la bande de Gaza vers l’Égypte.

Ils ont fermement rejeté toute tentative de forcer les Palestiniens à quitter leurs terres, soulignant la nécessité d’une pleine application du plan proposé par le président américain Donald Trump, qui prévoyait l’ouverture du passage de Rafah dans les deux sens et garantissait la liberté de circulation sans coercition.

Les ministres ont insisté sur la création de conditions permettant aux Palestiniens de rester sur leurs terres et de participer à la reconstruction de leur pays, dans le cadre d’un plan global visant à restaurer la stabilité et à répondre à la crise humanitaire à Gaza.

Ils ont réitéré leur appréciation pour l’engagement de Trump en faveur de la paix régionale et ont souligné l’importance de la mise en œuvre complète de son plan, sans entrave.

La déclaration a également mis en avant l’urgence d’un cessez-le-feu durable, de la fin des souffrances des civils, de l’accès humanitaire sans restriction à Gaza, ainsi que du lancement d’efforts de relèvement et de reconstruction précoces.

Les ministres ont en outre demandé la mise en place de conditions permettant à l’Autorité palestinienne de reprendre ses responsabilités dans l’enclave.

Les huit pays ont réaffirmé leur volonté de continuer à coordonner leurs actions avec les États-Unis et les partenaires internationaux pour assurer la pleine mise en œuvre de la résolution 2803 du Conseil de sécurité de l’ONU et des autres résolutions pertinentes, en vue d’une paix juste et durable fondée sur le droit international et la solution à deux États, incluant la création d’un État palestinien indépendant selon les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com